Prologue - Partie 2

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Il ne cesse de lui parler de Destinée, que veut-il à la fin ? Être un ange est déjà assez perturbant et difficile à encaisser. Elle ne sait que penser. Elle n’aurait jamais imaginé que sa vie humaine, car elle devait l’appeler ainsi désormais, s’arrêterait si tôt et si brusquement. Elle tente de se remémorer sa vie d’avant, sa première vie, mais peu de souvenirs lui reviennent, elle le déplore. Sentant le mal-être du jeune ange, Gabriel demande à Adelan d’éloigner la jeune sorcière pour rester un instant seul à seule avec Anedora. Gabriel a la capacité de percevoir les sentiments, il la laisse donc essayer de se rappeler ses parents. « Ils doivent être si tristes. Ils n’avaient que moi » songe alors Anedora. Pour répondre à ses questions, il trace un cercle au sol avec sa main et les nuages s’éparpillent lentement. Anedora prend d’abord conscience du vide noir puis apparaît le ciel bleu.

— Pense très fort à ceux que tu aimerais voir maintenant.

Elle ferme les yeux et pense donc à ses parents, elle se rappelle leurs visages, la tendresse de son père sur le canapé devant la télé, l’apprentissage de la cuisine avec sa mère. Alors sa maison se matérialise devant elle. Elle reconnaît instantanément la balançoire rouge à la peinture écaillée où elle a passé des heures à se balancer en chantant à tue-tête, les massifs de fleurs multicolores entretenus avec soin par sa mère et même, sur le porche, la petite balancelle avec ses coussins aux motifs fleuris où elle aimait tant lire des heures durant. Ce n’est pas un palace, mais c’est sa maison, son refuge, l’endroit sur terre où elle se sentait le mieux. Anedora a un léger pincement au cœur, une larme coule le long de sa joue. Elle la chasse. Elle prend une grande inspiration. Ferme les yeux une seconde puis les rouvre. L’image devient alors plus précise. Elle est maintenant dans son salon aux tons orangés où ses parents sont assis sur le canapé, près de la cheminée dont le feu meurt sans qu’aucun d’eux ne s’en préoccupe. Un souvenir la submerge violemment. Celui de son père, coupant du bois dans le jardin par une chaude journée d’été, elle a six ans.

— Mais papa, on est en été, pourquoi coupes-tu du bois ?

— Ma chérie, je le coupe maintenant pour que tout soit prêt quand l’hiver arrivera. Je ne veux pas que ma jolie princesse ait froid à ses petits pieds.

Puis il l'avait prise dans ses bras, la serrant fort contre lui, murmurant un « je t’aime » qui fit exploser de bonheur son petit cœur d’enfant. Cette fois les larmes affluent sans qu’elle ne puisse rien y faire. La tristesse pèse sur son corps autant que sur son âme. Puis le chagrin fait place à la douleur, la douleur de savoir qu’elle ne les reverra plus jamais et plus encore, la douleur d’être à l’origine de leur peine. Elle ne les a jamais vus comme ça. Ils regardent la télé, mais leurs visages sont las, abattus, vidés. Elle en est la cause et c’est un sentiment abominable.

— Ils ont l’air si malheureux, hoquette-t-elle en essuyant ses larmes du revers de la main.

— C’est difficile de survivre à son enfant.

— Je pourrais leur parler?

— Tu sais que c’est impossible.

— Pourquoi ? Si je suis un ange, il me suffit de descendre sur Terre et d’aller les voir.

— Anedora, tu es morte. Comment crois-tu qu’ils réagiraient dis-moi ?

Elle ne répond pas. Il a raison. À quoi bon les faire souffrir plus qu’ils ne souffrent déjà. Elle se détourne un instant. Comment peut-elle accepter de les voir ainsi ? Elle peut sûrement apparaître dans un de leurs rêves pour les réconforter, leur expliquer qu’elle va bien, qu’elle est en paix et sereine même si pour le moment ce n’est pas vraiment le cas. Elle interroge Gabriel du regard. Son sourire bienveillant comble légèrement le vide qui inonde son cœur, puis, comme si dans ce simple sourire elle avait trouvé une réponse, elle comprend qu’il est inutile de chercher à les aider, elle ne peut plus rien désormais, ils doivent continuer à vivre sans elle, continuer d’avancer et reprendre le cours de leur vie sans leur unique fille à leur côté. Elle passe ses mains dans sa chevelure vénitienne et se penche de nouveau au-dessus d’eux.

— C’est horrible de les voir si malheureux. Ils s’en remettront ?

— Oui.

— Vous me le promettez, Gabriel ?

— Ils ne t’oublieront jamais, mais leur peine s’estompera et la vie continuera.

— Sans moi, déplore-t-elle, tristement.

Gabriel lui assure que son chagrin à elle aussi s’apaisera à mesure que ses pouvoirs grandiront. Elle commence à prendre la mesure de ce qui lui arrive et veut en savoir un peu plus sur ce qui l’entoure. Gabriel lui explique que lorsque les humains meurent, tous ne renaissent pas. Certains connaissent le repos éternel, d’autres deviennent des anges, des Protecteurs ou des Cupidons. D’autres encore peuvent se réincarner. Elle comprend mieux sans pour autant être totalement convaincue. C’est beaucoup d’informations à assimiler et à accepter. Pour le moment, la quiétude n’est pas au rendez-vous, c’est plutôt de l’incompréhension et de l’injustice qu’elle ressent.

— Et pourquoi n’ai-je pas droit au repos éternel ?

— Je te l’ai dit, c’est ta Destinée.

— Ma Destinée, ma Destinée, vous n’arrêtez pas avec ça, qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

— Tu nous sauveras tous.

— Rien que ça ! dit-elle d’un ton sarcastique.

— Tu es l’Élue.

Elle commence à être lasse, c’est peut-être le fait d’avoir revu ses parents qui la met dans cet état ou alors celui d’être un ange, d’être l’Élue, d’avoir une mission divine parce que c’est sa Destinée, bref, elle est totalement désarçonnée, désemparée et perdue. Tout ce qu’elle veut c’est un peu de calme et de temps pour digérer tout cela et surtout des réponses, des réponses claires à ses questions.

— Anedora. Tu as été choisie parmi les humains, car tu possèdes en toi la clé qui nous sauvera. Et quand je dis « nous », ce n’est pas seulement le Paradis, mais le monde aussi.

— Le monde ? Vous m’en direz tant.

— Je ne plaisante pas, déclare-t-il gravement.

— Mais enfin ! Je suis une gamine à peine morte et qui vient de devenir un ange c’est déjà assez difficile à accepter alors si en plus il faut que je sauve le monde !... J’aurais préféré le repos éternel !

— Ce n’était pas ta...

— Destinée, j’ai compris.

Sentant le désarroi de la jeune fille, Gabriel décide d’être totalement honnête avec elle, conscient du risque de lui dire si tôt, mais il n’a que cette solution pour la convaincre et le temps est désormais compté.

— Regarde.

Il passe sa main devant le visage d’Anedora et commencent à défiler à toute allure, dans son esprit, des dizaines d'images.

— Qu’est-ce que…

— L’avenir.

Mais cet avenir-là est résolument bien différent de ce qu’elle avait imaginé.

****

J'espère que ce petit prologue vous donne envie de lire la suite, pour ma part, je l'ai changé tellement de fois que je ne sais plus vraiment quoi en penser... votre avis me serait très utile ^^

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