Chapitre 4 - Partie 1

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Anedora encaisse ce nouveau choc. Quatre vingt dix jours. Il lui reste seulement Quatre vingt dix jours pour empêcher la fin du monde alors qu’elle ne sait pas de quoi il retourne réellement. Comment peut-elle éviter que la Prophétie se réalise en si peu de temps ? Refoulant son désarroi grandissant, elle regarde Davia qui semble elle aussi abasourdie par l’annonce de Gabriel. La mort d’Anedora a déclenché la Prophétie, la réunification de leurs âmes lancera le compte à rebours et il ne leur restera que quatre vingt dix jours à peine pour trouver la solution. Gabriel est conscient qu’il demande beaucoup au jeune Ange, mais il n’a pas le choix, le temps leur est désormais compté et il ne sait pas comment l’aider. Malheureusement, même s’il connaît la Prophétie, il ne sait rien sur le moyen de la contrecarrer.

— Mais quelqu’un doit bien le savoir ! s’énerve Anedora avant de s’apaiser.

Elle se rend compte que ce nouveau don n’est pas aussi agréable qu’elle l’avait pensé, car parfois, elle aimerait être capable de crier et d’extérioriser sa colère, mais chaque fois, elle est stoppée par le pouvoir d’apaisement.

— Je ne pense pas, déplore-t-il.

— Peut-être, je connais quelqu’un qui pourrait nous renseigner, coupe Davia.

Anedora se retourne vers la jeune sorcière.

— La Grande Prêtresse. C’est une sorcière très puissante. Elle pourra nous aider, j’en suis sûre.

— Elle n’interviendra pas, répond Gabriel.

— Pourquoi dites-vous ça ? Vous la connaissez ? s’étonne la jeune sorcière.

— Oui. Nous l’avons consultée à plusieurs reprises, elle ne nous a jamais rien dit.

— C’est la Grande Prêtresse, je suis certaine qu’elle saura quelque chose qui nous aidera.

— Alors nous devons aller la voir, conclut Anedora.

Gabriel pousse un soupir, les deux adolescentes ont déjà fait leur choix et il ne pourra, de toute façon, rien faire contre leur détermination.

— Anedora, reprend Gabriel, retrouve Adelan, apaise-le, vous aurez besoin de lui.

— Bien sûr.

— Et comment on redescend, du coup ? s’inquiète Davia.

— Comme ça.

Gabriel claque des doigts et avant même qu’elles ne s’aperçoivent de ce qu’il se passe, elles se retrouvent dans la chambre de Davia. Cette dernière chancelle.

— Tiens, assieds-toi, l’encourage Anedora.

— Je ne sais pas pourquoi ça me fait ça à chaque fois.

La jeune fille lui sourit. Elles se dévisagent un instant, sachant qu’elles se lancent dans une histoire qui les mènera peut-être à la mort. Anedora décide d’aller à la recherche d’Adelan pour l’informer qu’ils vont devoir rencontrer la Grande Prêtresse des sorcières.

— Je vais prendre contact avec Bakène, dit Davia en se dirigeant vers son bureau.

Elle sort du premier tiroir un tout petit cahier sombre, pas plus grand qu’un agenda de poche. Elle le feuillette, les pages sont noircies de noms et de numéros. Elle finit par trouver ce qu’elle cherche. Anedora s’approche, dubitative.

— Ce n’est pas un numéro de téléphone ça ?

Davia lui sourit. Caché au milieu des numéros, il y a un court poème :

— Une incantation, précise la jeune sorcière. Elle permet de joindre la Grande Prêtresse en cas de besoin.

Davia lève les yeux vers Anedora. Si l’appréhension peut se lire sur son visage, c’est sa détermination qui remporte la bataille. Anedora presse affectueusement la main de la jeune sorcière.

— Je suis heureuse que tu sois à mes côtés.

— Je suis heureuse d’avoir été choisie pour t’aider.

C’est en souriant qu'elle quitte la chambre de Davia.

***

Une fois dehors, Anedora ferme les yeux en se concentrant dans la chaleur du soir pour tenter d’entrer en contact avec Adelan. Elle a découvert son don de télépathie le matin même, sans vraiment y prêter attention. Elle déambulait au Paradis et avait croisé un autre ange, mais ce dernier n’entendait rien et ne parlait pas. Elle s’était d’abord demandé comment elle allait pouvoir communiquer avec lui, puis elle avait distinctement entendu sa voix résonner dans sa tête.

Bonjour, avait lancé l’ange.

Ébahie, elle s’était exprimée en parlant puis ce dernier lui avait expliqué que pour qu’elle l’entende, elle aussi devait posséder ce don. Peu d’anges détenaient ce pouvoir au Paradis.

Alors, après plusieurs tentatives pour entrer en contact avec lui mentalement, elle finit par réussir.

Il lui faut donc peu de temps pour rassembler son énergie et contacter Adelan. Elle a d’abord du mal à faire abstraction des dernières révélations de Gabriel, mais sachant que le temps est compté, elle redouble d’efforts.

Adelan ? Adelan, réponds-moi.

Aucune réponse. Elle renouvelle son appel mental, mais rien ne se passe. Elle tente alors de le localiser en se concentrant sur lui. Elle perçoit alors sa présence tout près. Elle entreprend de suivre son instinct qui la mène devant une grande maison dans un quartier résidentiel de la ville. Il est assis à la cime d’un arbre, les yeux tournés vers l’intérieur. Elle ne comprend pas comment, mais elle se retrouve assise près de lui. Ses pouvoirs se manifestent de plus en plus souvent et sans qu’elle s’en rende compte, comme cela vient d’arriver. C’est parfois déroutant.

— Il faut que je m’habitue à ces pouvoirs…

Il l’ignore, reste immobile, Anedora pose sa main sur le bras du Protecteur. Elle ressent alors toute la souffrance qui émane de lui. Elle la canalise et lui fait parvenir des émotions saines et réconfortantes. Adelan finit par sourire. Mais ses yeux sont encore pleins de tristesse.

— C’est ma protégée, la seule. Je n’ai qu’elle. Elle est ma raison d’exister. C’est… c’est une enfant… comment peut-elle affronter cette épreuve… je… et si je ne peux pas la protéger ? Jusqu’à présent, j’étais là pour elle, mais il n’y avait pas de danger réel. Désormais, la Prophétie va s’accomplir et je ne sais pas si je serai assez fort pour l’aider, la protéger, la soutenir. Lui révéler sa destinée… tragique…

Une larme coule sur sa joue.

— N’oublie pas que tu n’es pas seul Adelan, je suis là. Et Davia aussi. Tous les trois, nous réussirons et nous vaincrons la Prophétie.

Il secoue la tête.

— Par où commencer ?.... Comment lui dire, lui dévoiler notre existence et la Prophétie…

Anedora réfléchit une seconde.

— Peut-être pourrions-nous demander à Davia ? Finalement, toute sorcière qu’elle est, elle n’en reste pas moins une adolescente, elle pourra plus facilement l’approcher que toi ou même moi.

— 90 jours, c’est un peu court pour accorder sa confiance à quelqu’un.

— Nous n’avons pas le choix. Et si elle est l’autre moitié de moi comme l’a dit Gabriel, alors elle nous fera confiance.

— Je ne sais pas.

— Avant toute chose, nous devons savoir où nous allons et ce qui nous attend. La vision n’est pas claire en ce sens. Hormis les conséquences de la Prophétie, je n’ai pas vu le déclenchement. Quelqu’un doit forcément savoir. Davia veut nous faire rencontrer sa Grande Prêtresse, Bakène, elle pense qu’elle pourra nous aider.

— De toute façon, il faut bien commencer quelque part, lance-t-il.

Il dirige son regard triste vers la maison. Anedora se rend compte qu’elle n’a pas encore levé les yeux sur le bâtiment. Son regard se pose sur une jeune fille qui discute avec une autre femme autour d’une tasse de café. Elles rient, elles ont l’air tellement heureuses, ne sachant pas que derrière la porte, le monde est sur le point de sombrer. Beaucoup d’amour se dégage de cette scène familiale pourtant banale et quand Julia sourit, Anedora sourit aussi. Elle s’aperçoit alors qu’elle peut ressentir ce que ressent Julia au moment où cela arrive. C’est très étrange, l’inverse était-il vrai ? Gabriel avait-t-il raison au sujet de leurs âmes ? Elle continue d’observer la jeune fille se nourrissant de ses émotions. Le bien-être l’envahit peu à peu, parcourant chaque parcelle de son corps pour la submerger complètement, violemment.

Adelan sent la branche de l’arbre bouger, il se tourne vers l’Ange et voit son sourire béat. Pourtant, elle tremble. Elle se plie soudain en deux et pousse un cri qui le fait frémir. Perdu, ne sachant comment réagir, il attrape Anedora par les épaules pour la redresser.

— Anedora ? Ça va ? Que t’arrive-t-il ?

— J’ai…. mon… dos… j’ai… m… mal… hoquette cette dernière, ses grands yeux verts baignés de larmes blanchâtres.

Un courant d’air frais fait frémir les feuilles de l’arbre. Adelan se penche sur la jeune fille et voit quelque chose de magnifiquement horrible. Sur ses omoplates, la peau s’écarte doucement laissant apparaître de petites pointes blanches qui percent son dos diaphane. Un filet de sang coule le long de sa colonne vertébrale. Il comprend que les ailes d’Anedora sont en train de pousser. La jeune fille émet un nouveau cri alors que les ailes continuent de lacérer son dos inexorablement. À chaque cri de l’Ange, les ailes poussent un peu plus, grandissant et se dépliant. Elles sont splendides, recouvertes de fabuleuses plumes blanches immaculées et irréelles. Douces et soyeuses, elles se déploient totalement dans un hurlement atroce qui projette Anedora et Adelan au sol. Sonné, Adelan se relève et cherche du regard le jeune Ange. Il ne la voit pas.

— Anedora ? Où es-tu ? Anedora ?

La panique commence à l’envahir, il n’a jamais assisté à quelque chose d’aussi terrifiant et merveilleux à la fois.

— Ici, clame une petite voix au-dessus de lui.

Il lève les yeux et voit Anedora flotter au-dessus de sa tête, ses ailes immaculées frétillantes. Plus aucune douleur ne se lit sur son visage, elle est de nouveau sereine.

— Est-ce que ça va ? s’enquiert-il.

— Rappelle-moi de mettre les points sur les « i » à George Clooney, il s’est bien gardé de me parler de l’enfer que je vivrais quand mes ailes pousseraient, lance-t-elle en se posant silencieusement près de lui.

Ses pieds frôlant à peine le sol, les ailes se replient d’elles-mêmes pour disparaître complètement. « Impressionnant » est la seule chose qu’Adelan trouve à lui dire. Elle est parfaite.

— Qui es-tu ?

Les deux amis se retournent vivement et font face à Julia qui les regarde, inquisitrice, les mains sur les hanches.

— Qui es-tu ? Et à qui parles-tu ? réitère la jeune fille, clairement à l’attention d’Anedora.

— Je m’appelle Anedora. Tu dois être Julia ?

— Que fais-tu devant chez moi ? Je t’ai vu tomber de l’arbre ? Tu nous espionnais ? Qu’est-ce que tu veux ?

— Tu m’as vue ? demande Anedora alors qu’elle sent la panique monter chez Adelan.

Elle pose sa main sur son bras pour le calmer.

— Tu fais quoi là ?

— Je m’occupe de mon ami.

— Ton ami ? Mais quel ami ? T’es une échappée de l’asile ou quoi ?

— Elle ne me voit pas, lui souffle Adelan.

— En effet, répond Anedora. Mais elle ne devrait pas me voir non plus.

— À qui parles-tu bon sang ? Bon, tu devrais vraiment t’en aller maintenant, je ne sais pas ce que tu fais là et je ne veux pas le savoir, laisse nous tranquilles.

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