Chapitre 3

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Adelan tourne en rond autour de Davia et Anedora en répétant sans arrêt la même chose.

— Impossible. C’est impossible.

— Adelan ?

— Impossible. Vous m’entendez ? Impossible. IMPOSSIBLE ! hurle-t-il, le doigt pointé vers le ciel.

— Adelan ! Calme-toi, Anedora réussit enfin à poser la main sur le bras du Protecteur pour l’apaiser.

En quelques secondes, Adelan se radoucit et se retourne vers les jeunes filles.

— C’est impossible… murmure-t-il une dernière fois, la voix remplie de sanglots.

— Tu connais cette jeune fille, Adelan ? demande alors Anedora en le dirigeant près du lit pour qu’il s’asseye afin de reprendre ses esprits.

— C’est… c’est ma protégée.

Les yeux emplis de larmes, Adelan regarde les deux adolescentes. Toute sa bonhommie, sa bienveillance et son éternelle joie ont disparu de son visage, il paraît perdu, démuni.

De son vivant, Adelan était médecin. Un grand médecin. Dévoué à son métier, c’était une véritable vocation pour lui. Aider son prochain, sauver des vies, il se donnait corps et âme dans tout ce qu’il entreprenait et avait à cœur de ne jamais renoncer ou baisser les bras. C’étaient ses qualités hors norme qui avaient fait de lui un protecteur après sa mort. Sa vie sentimentale en avait pourtant souffert, ni femme ni enfant pour le pleurer lorsqu’il avait été foudroyé par une crise cardiaque à trente cinq ans seulement. Adelan a vécu « sa renaissance » quelques heures à peine avant la naissance de Julia. Comme tout protecteur, il avait été attiré par Julia à la seconde même où elle était née. Le lien qui unit ces deux êtres est très fort et intense de telle sorte qu’il peut ressentir chacune de ses émotions. De son premier cri à l’annonce terrible que vient de faire Anedora, son destin est à jamais lié à celui de Julia.

Davia et Anedora se regardent avant de se tourner de nouveau vers lui.

— Ta protégée ? C’est sans doute pour cela que Gabriel t’a demandé de m’aider dans ma quête.

— Certainement. Mais elle ne peut pas être la Clé, c’est impossible.

Anedora sent déjà qu’Adelan recommence à s’inquiéter, la colère monte une nouvelle fois en lui, alors elle pose sa main sur son bras. Il est impératif pour eux de trouver la Clé et de la protéger, Gabriel a été clair, sa protection et sa survie sont primordiales.

— Sa survie ? demande Adelan, la voix tremblante. Que risque-t-elle dans cette histoire ?

Il les regarde tour à tour, Davia hausse les épaules alors qu’Anedora tente de lui répondre avec le peu d’informations qu’elle possède.

— Je ne sais pas quel est son rôle exactement ni ce qu’il risque de lui arriver, Adelan, déplore Anedora.

— Alors je sais qui pourra nous aider.

Adelan se lève d’un bond, saisit la main de Davia puis intime à Anedora de prendre à son tour celle de la jeune sorcière. Il effectue un cercle avec son bras au-dessus sa tête et ils se retrouvent tous les trois face à Gabriel. Davia a un vertige alors qu’Anedora tente de retenir Adelan qui fonce droit sur Gabriel.

— Pourquoi ? Dites-moi pourquoi ? crie ce dernier à l’attention de Gabriel.

Gabriel lève la main devant lui et Adelan stoppe net sa course.

— Que veux-tu savoir ?

— Je veux savoir pourquoi. Pourquoi ma protégée ? Pourquoi elle ?

— Elle est la Clé.

— Que va-t-il advenir d’elle ?

— Je n’en sais rien.

— Vous mentez ! hurle Adelan.

Le Protecteur est hors de lui. Gabriel ne l’a jamais vu aussi agité. Il savait que ce serait dur pour lui, mais il l’avait aussi choisi pour ça. Qui d’autre que son Protecteur pourrait aider la Clé à accomplir son destin ? Il tente de lui expliquer que son rôle est primordial, mais que ni lui ni le Créateur ne sont maîtres de son avenir.

— C’est absurde. Vous êtes maître de tous les destins.

— Pas du sien.

— Alors pourquoi ? Pourquoi a-t-elle eu un protecteur ?

— Pour la préserver jusqu’à ce que l’Élue arrive.

— Et après ?

— L’Élue devra trouver la Clé pour nous sauver tous.

— Elle va mourir ? demande Adelan les larmes noyant ses yeux.

— C’est une éventualité.

Adelan disparaît d’un seul coup, laissant les deux jeunes filles face à Gabriel. Anedora se sent impuissante et aussi peinée pour son ami. Elle aimerait pouvoir l’aider, mais la Prophétie est claire, Julia Klarence est la Clé, il n’y a aucune issue. Adelan lui a, à plusieurs reprises, confié son désarroi face à cette Antique Prophétie dévastatrice. Il se demande maintenant pourquoi il a été choisi et s’il est vraiment digne de ce rôle. Aujourd’hui, tout prend sens. Sa protégée est la Clé, il est donc normal qu’il soit auprès d’elle dans cette aventure. Mais pour le moment, l’angoisse et la colère sont plus fortes que la raison. Va-t-elle mourir ?

— Je ne le sais pas, répond Gabriel, je n’ai pas le pouvoir de voir l’avenir.

— C’est faux, coupe Anedora.

Il lui sourit tendrement avant de reprendre.

— Ce que tu as vu le jour de ton réveil, c’est une vision du monde tel qu’il sera si tu échoues. Ce n’est pas l’avenir, tout du moins j’espère que ce ne sera pas notre avenir.

— Qui vous a envoyé cette vision ?

Gabriel et Anedora se retournent vers Davia. Elle n’avait jusqu’alors prononcé aucune parole, sans doute encore un peu étourdie par la téléportation ou alors parce que sa timidité l’en empêche. Mais une chose est certaine, ni Gabriel ni aucun ange n’a le pouvoir de voir l’avenir. Embarrassée, elle ajoute :

— Vous dites que vous ne pouvez pas voir l’avenir alors… Qui vous l’a montré ?

Gabriel pousse un long soupir.

— C’est une Prophétie. Une Prophétie Antique que nous ici, au Paradis, connaissons depuis toujours. Quelques humains importants sont au courant et…

Il fait une pause, ces deux-là ne le laisseront pas tranquille tant qu’il n’aura pas dit tout ce qu’il sait.

— En bas aussi.

— En Enfer, devine Anedora qui passe ses mains dans ses cheveux avant d’ajouter : c’est évident, ils sont au courant et feront tout pour que la Prophétie se réalise.

Gabriel acquiesce.

— La lutte entre le Bien et le Mal est à l’origine du monde. Et croyez-moi, le Mal a failli triompher à plusieurs reprises, mais chaque fois nous avons réussi à l’arrêter. Aujourd’hui, nous arrivons au tournant de cette nouvelle guerre, car l’Élue est née.

Anedora ne prend pas encore toute la dimension de toute cette histoire, le Bien, le Mal, la fin du monde, l’Élue, la Clé, mais ce dont elle est sûre, c’est qu’elle ne laissera pas une nouvelle jeune fille de son âge périr, ni elle ni les milliards de gens qui peuplent la Terre. Elle n’a pas pu aller contre son propre destin, mais à cet instant précis, elle comprend qu’elle fera tout pour sauver Julia, quoi qu’il lui en coûte. Toutefois, elle se demande quel lien peut l’unir au destin de la jeune fille.

— Tu es l’Élue. Elle est la Clé. Vous êtes la moitié l’une de l’autre. Votre âme a été partagée en deux à votre naissance.

— C’est absurde, coupe Davia. L’âme ne peut être séparée en deux, c’est ridicule.

— Le fait que tu n’y croies pas ne veut pas dire que ce soit impossible, déclare Gabriel avec un sourire chaleureux.

Anedora désire savoir comment une âme peut être coupée en deux, cela lui paraît si incongru.

— Je ne suis pas en mesure de vous apporter une réponse aussi claire que vous l’espérez. Je ne crée pas les êtres humains.

Voyant l’air dubitatif d’Anedora, il lui demande :

— N’as-tu jamais fait de rêves étranges ? N’as-tu jamais eu la sensation d’être observée ? N’as-tu jamais ressenti un manque, à l’intérieur, comme si une partie de toi t’avait été enlevée ?

Elle réfléchit, cherchant dans les tréfonds de sa mémoire.

— J’ai toujours eu l’impression que je vivais une vie qui n’était pas vraiment la mienne, admet-elle à contrecœur.

Si beaucoup de choses de son passage sur Terre restaient floues, les bribes de sa vie passée et de ses émotions, elles, étaient bel et bien encore présentes. Elle se rappelle que souvent, lorsqu’elle se sentait perdue, elle avait l’étrange sensation que sa vie ne lui appartenait pas, que quelqu’un l’avait placée là alors qu’elle n’aurait pas dû y être, que sa place était ailleurs, dans une autre ville, dans un autre pays, une autre maison, un autre corps.

— Toi et Julia êtes un tout. Rien ne doit lui arriver et rien ne doit t’arriver. Si l’une de vous venait à mourir, ce serait la fin du monde tel que nous le connaissons.

— Comme dans la vision.

Gabriel leur explique que la mort d’Anedora a déclenché la Prophétie et que la naissance de l’Élue est à l’origine de la guerre qu’ils devront tous mener contre le Mal. Et pour assombrir un peu plus cette terrible annonce, il ajoute :

— Lorsque votre âme sera réunifiée, le compte à rebours sera lancé.

Davia reste sans voix alors que déjà Anedora a mille questions à lui poser. Elle va donc à l’essentiel.

— Vous le saviez ?

— Nous attendions.

— Vous le saviez ? insiste Anedora.

— À vos naissances, nous avons compris.

— Nos naissances ?

— Le 4 octobre 1999 à 00h01.

— Julia est née le même jour que moi ?

— Même jour, même année, même heure… même tache de naissance en demi-cœur sur l’épaule droite…

Anedora effleure son épaule alors que Davia se hisse sur la pointe des pieds pour vérifier les dires de Gabriel.

— Nous surveillons depuis longtemps les naissances comme les vôtres, plusieurs fois nous avons cru que le moment était venu, mais rien n’est arrivé. Tous les signes étaient réunis ce jour-là, il nous suffisait d’être patients.

Tandis qu’Anedora encaisse cette étrange histoire, elle est prise d’un doute cruel qui s’insinue malgré elle.

— Vous avez provoqué ma mort ? dit-elle soudain furieuse.

— Non.

Dubitative, elle veut en savoir davantage. Pourquoi a-t-il fallu que ce soit elle qui meure plutôt que Julia ? Elle interroge donc Gabriel qui, comme à son habitude, a une réponse énigmatique.

— Sais-tu comment un protecteur trouve sa protégée ?

— Non.

— Quand il naît, commence Gabriel, le Protecteur ressent un besoin indéfectible de trouver sa protégée. Alors il descend sur terre et il la cherche, guidé par toutes sortes de sensations et par l’appel silencieux de son âme. Ce jour-là, Adelan s’est dirigé vers Julia et non vers toi. Nous avons donc su que tu serais l’Élue et Julia la Clé.

— Et vous avez attendu la mort d’Anedora, conclut Davia.

— Ce qui a déclenché la Prophétie, ajoute l’Ange.

Il acquiesce lentement.

— Notre sort est entre vos mains.

— Combien de temps ?

Il prend une grande inspiration et lâche dans un souffle.

— 90 jours.

***

L'histoire se met en place tranquillement et vous ferez bientôt la connaissance d'un personnage que vous allez adorer détester!

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