Prologue - Partie 1

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« Je ne sens plus mes jambes ni mes bras, je suis incapable de bouger, pourtant je n’ai pas mal, je ne souffre pas… j’entends quelque chose au loin, un bruit sourd que je ne reconnais pas. Où suis-je ? Je n’ose pas ouvrir les yeux. Mais… puis-je vraiment les ouvrir ? »

Une large table de marbre blanc retenue par d’invisibles filins flotte. Allongée, le corps immobile, entourée d’un océan de nuages cotonneux, la jeune fille semble paisible, comme si le repos éternel s’en était emparé. Elle est d’une grande beauté, ses longs cheveux aux reflets roux s’étalent autour d’elle tel un cercle de feu protecteur. Son teint nacré adoucit ses traits délicats et dégage une grâce incomparable. Vêtue d’une longue robe blanche vaporeuse, les yeux clos, sa poitrine se soulève calmement, seulement par mimétisme, vestige de sa vie humaine.

Il lui est impossible de bouger pour le moment, son esprit est resté intact même si tout est flou et semble irréel, elle n’a aucun souvenir de ce qui lui est arrivé.

— Elle est magnifique, je vous l’avais dit…

— Tu as raison, Adelan.

Les deux hommes qui l’entourent tentent de lui insuffler un peu de chaleur pour qu’elle accomplisse l’ultime étape de sa mutation.

— Pourquoi ne se réveille-t-elle pas ?

— Tu sais que ce n’est pas facile, rappelle-toi ton second souffle, Adelan.

— J’étais terrifié… comment pouvons-nous l’aider ?

— Prends-lui la main, elle sentira le contact de ta peau contre la sienne.

Il s’exécute avec délicatesse. Elle est fraîche. Il attend quelques minutes, mais rien ne se passe.

« Que m’arrive-t-il ? Mais que m’arrive-t-il ? Il faut que je parvienne à ouvrir les yeux… Que je me concentre sur mon corps… je… quel est ce bruit sourd ? Il me semble que ce sont des paroles… oui ! Je crois que quelqu’un parle. Je sens quelque chose sur… sur ma main, je crois… »

— Sa main se réchauffe ! se réjouit Adelan

— Bien. Le processus de réveil touche donc à sa fin. Bientôt Adelan, nous aurons un nouvel ange au Paradis. Et pas n’importe lequel…

Il s’éloigne et Adelan reste seul avec la jeune fille. Il lui caresse la main tendrement et lui chuchote des paroles d’encouragement. Il est subjugué par sa beauté et aussi très fier d’avoir été choisi pour accompagner ce novice sur le long chemin qui l’attend.

— Ouvre les yeux bel ange… ouvre les yeux….

« Ouvre les yeux… on me demande d’ouvrir les yeux, mais je n’y arrive pas… quelle frustration ! Je sens pourtant un peu de chaleur sur ma main, mon corps n’est donc pas paralysé. Allez ! Il faut que j’y arrive, allez ouvre les yeux ! Ouvre les yeux ! »

Adelan retient sa respiration, il voit le petit corps qui commence à s’agiter, elle essaie d’ouvrir les yeux, mais elle n’y parvient pas encore.

— Venez ! crie Adelan. Venez, elle se réveille !

La grande cape blanche de l’homme virevolte alors que ses ailes majestueuses se rétractent quand ses pieds touchent le sol cotonneux, sans bruit. Il tient dans ses bras une jeune fille aux cheveux violets. Elle paraît aussi ébahie qu’apeurée par le spectacle dont elle est témoin. L’homme à la stature imposante la dépose près d’Adelan et l’invite à s’approcher. Une étrange sensation l’envahit, à chacun de ses pas, elle sent les nuages se disperser doucement, c’est inédit pour elle. Elle réalise à cet instant la chance qu’elle a, elle aussi, d’avoir été choisie, même si se retrouver au Paradis s’avère être légèrement déroutant.

Elle avance donc vers le corps étendu de la jeune fille et elle la trouve splendide, elle a croisé peu d’anges dans sa courte vie. Près d’elle se tient un homme, elle n’arrive pas à lui donner d’âge. Il lui sourit chaleureusement. Un peu rassurée, elle se penche alors au-dessus du corps. Elle voit une belle jeune fille, très jeune, peut-être seize ans tout au plus, elle éprouve une vive tristesse. Pourquoi lui avoir ôté la vie? C’est injuste!

— Ne sois pas peinée Davia, dit soudain l’homme qui l’a déposée, comme s’il avait lu dans ses pensées, c’est sa Destinée.

Elle acquiesce, chassant une larme sur sa joue rosée et salue finalement Adelan:

— Bonjour, lance-t-elle doucement.

— Bonjour. Je m’appelle Adelan. Je suis un Protecteur.

— Enchantée. Moi c’est Davia.

« J’entends d’autres voix… bon allez secoue-toi ! Ouvre les yeux ! »

Ses paupières commencent à s’ouvrir difficilement.

« Comme c’est dur ! Ça y est, je crois, mais…. Je ne vois rien, c’est tellement flou. Tout a l’air blanc et éblouissant, se pourrait-il que je sois à l’hôpital ?... Tout est flou, mais j’aperçois des formes autour de moi… deux, peut-être trois… qui êtes-vous ? Je parle, mais aucun son ne veut sortir de ma bouche, c’est tellement dur. »

— Anedora ? Mon enfant regarde-moi, écoute-moi.

« Cette voix, elle est si chaude et douce, qui me parle ? Il me demande de le regarder, mais je ne le vois pas… il s’approche de moi j’ai l’impression, ma vision s’éclaircit un peu… »

Il est maintenant penché au-dessus de la jeune fille lui murmurant des paroles rassurantes. Sa vue commence à s’éclaircir, bientôt elle le verra et pourra lui parler.

« Mon Dieu, mais… »

Anedora pousse un cri de surprise qui est très douloureux. D’un coup, tous ses sens se réveillent, elle sent de nouveau ses jambes, ses bras, son visage, toutes les parties de son corps. Elle se redresse brusquement. Perplexe, elle regarde les trois individus qui lui font face. Il y a d’abord cette fille qui semble tout aussi effrayée qu’elle. Elle porte une courte robe noire sur un corps filiforme. Sa longue chevelure violine encadre un visage aux traits fins. Elle a de jolis yeux marron en amande qui sont malheureusement cachés par de larges lunettes tenant sur son nez on ne sait comment, car elles n’ont pas de branche. Il y a aussi un homme, plutôt grand, les cheveux d’un gris indescriptible. Il paraît jeune pourtant. Il porte un jean brut et un T-shirt blanc immaculé sous un long manteau marron. Son allure est vigoureuse, mais donne néanmoins une impression de candeur. Son visage rond et jovial encourage Anedora à se fier à lui sans qu’elle sache vraiment pourquoi. Alors quand il lui sourit béatement, elle comprend instinctivement qu’il sera toujours là pour elle. Mais ce qui l’étonne le plus, c’est la troisième personne et non des moindres ; c’est George Clooney.

— Qui êtes-vous enfin ? Où suis-je ? Que me voulez-vous ?

— Calme-toi, dit George d’une voix douce, nous ne te ferons aucun mal.

Elle les regarde tour à tour et finalement ne les trouvant pas dangereux, elle finit par se détendre. À l’instant même où elle baisse sa garde, une sensation étrange l’envahit. Elle se sent paisible et sereine. Elle n’a plus peur et éprouve des émotions jusqu’alors inconnues. Elle secoue légèrement ses jambes qui pendent dans le vide, elles ont l’air de fonctionner. Elle saute alors au sol, il est doux et frais sous ses pieds nus. Elle remue ses orteils et les nuages s’évaporent délicatement pour se reformer presque aussitôt, c’est déstabilisant, mais agréable.

— Approche, déclare-t-il à l’attention de la jeune fille.

Il la regarde s’avancer, émerveillé par la beauté du jeune ange.

— Bonjour Anedora. Je m’appelle Gabriel.

Elle l’observe en faisant la moue. Ce prénom étrange qu’il lui a donné ne la gêne pas. En revanche pourquoi dit-il s’appeler Gabriel, c’est George Clooney ?

— Bonjour, hasarde-t-elle.

— Je te présente Adelan, le Protecteur et Davia est une sorcière. Nous sommes là pour t’accueillir et te guider dans ta nouvelle vie.

— Nouvelle vie ?.... chuchote-t-elle. Ce qui veut donc dire…

— Oui mon enfant.

La jeune fille est totalement déboussolée. Un protecteur ? Une sorcière ? Elle doit être en train de rêver, tout ceci ne peut pas réellement exister. C’est impossible. Quand celui qui s’est présenté comme Gabriel lui explique qu’elle a eu un accident de voiture mortel, sa première réaction est de nier. Il lui ment. Elle se lève et s’éloigne. Seulement, autour d’elle, elle ne voit rien, uniquement une immense et infinie étendue blanche. Au dessus de sa tête, le soleil est absent. Le ciel quant à lui est d’un bleu splendide comme une belle journée d’été, même si des flocons tombent sans qu’aucun ne semble atteindre le sol de nuages. Elle cherche en vain une échappatoire, mais il n’y a rien, aucun arbre, aucune fleur, pas de maison, pas de voiture ni de route, rien. Mais où est-elle ? Quel est cet endroit stérile, sans vie ? Il faut se rendre à l’évidence, elle n’est plus sur Terre, elle est dans un lieu totalement inconnu et vide. Alors elle se tourne de nouveau vers les seules personnes présentes dans ce lieu. Elle veut savoir ce qui s’est réellement passé, comment a-t-elle pu mourir à seize ans ? Elle les bombarde de questions : quand ? Comment ? Que lui est-il arrivé et surtout pourquoi. Pourquoi est-elle morte ?

— C’est ta Destinée, mon enfant.

Abasourdie, elle sent la colère lui picoter le haut de la colonne vertébrale.

— Ma Destinée ? De mourir jeune ? Mes parents, ma famille, mes amis, mon Dieu ils ont dû être tellement tristes, c’est injuste !

— Ils te pleurent encore tous les jours… mais leur peine bientôt s’apaisera.

— Vous croyez ? hurle-t-elle. Je ne voulais pas mourir ! Je ne devais pas mourir ! J’aimais ma vie, j’étais heureuse ! Pourquoi moi ? Pourquoi m’avoir fait ça ? répète-t-elle sans réussir à se calmer.

Elle veut laisser exploser son chagrin, crier et se défouler sur ce George Clooney qui ne cesse de lui parler de Destinée. Mais une nouvelle sensation l’assaille, une chaleur lui parcourt le corps de haut en bas et alors elle s’apaise et accepte. Un long silence s’ensuit.

— Comment faites-vous ça ? demande-t-elle véhémente.

— Je n’ai rien fait.

Gabriel lui sourit.

— Oh si ! Comment faites-vous pour agir sur mon esprit comme cela ? Je ne ressens plus aucune colère, plus d’injustice alors qu’il y a quelques secondes j’étais folle de rage contre vous. Comment faites-vous ?

— Je ne fais rien, je te l’ai dit. Tu t’apaises toute seule, mon enfant. C’est un des nombreux pouvoirs des anges

Elle ne relève pas. Tout ceci est au-delà du compréhensible pour elle. Si ses souvenirs sont encore flous, elle s’est toujours dit que la vie après la mort n’existe pas, que lorsque l’heure est venue, il n’y a rien d’autre que le néant qui attend les humains. Pourtant, elle se retrouve ici, certainement au Paradis, en compagnie de trois étrangers et elle est un ange. Elle les observe quelques secondes sans un mot, cherchant un indice dans leur regard, mais ils ont tous l’air de croire à cette histoire.

— Je suis un ange, admet-elle.

Oui, elle est un ange. Elle reste pantoise. Puis un nouveau doute l’assaille, un ange n’a-t-il pas d’ailes ? Alors où sont les siennes ? Encore une nouvelle preuve de l’absurdité de la situation. Gabriel lui explique qu’elles pousseront lorsqu’elle sera prête et qu’elle découvrira de nombreux pouvoirs au fil du temps. Les anges sont des êtres puissants et le chemin est long et fastidieux pour appréhender leurs capacités exceptionnelles. Elle secoue la tête visiblement désorientée. Et elle n’en finit pas d’être perdue lorsque Gabriel lui dit :

— Je dois te parler de ta mission.

— Ma mission ?

— Tu es l’Élue.

Elle hausse les sourcils, perplexe.

— Vous me prenez pour Harry Potter !

Adelan et Davia gloussent, mais Gabriel ne cille pas.

— Oulala vous n’avez pas d’humour….

— Tu vas accomplir de grandes choses. C’est ta Destinée.

Elle l’observe puis son regard se pose tour à tour sur Adelan puis sur Davia.

— Si je résume, je suis morte et je suis un ange qui n’a pas d’ailes, soit dit en passant. Je suis l’Élue de je ne sais quoi et ce sont un « protecteur », une sorcière aux cheveux violets et George Clooney qui me disent ça.

Ils se dévisagent.

— George Clooney ? demande Adelan

— Oui ! Lui !

Elle tend le bras vers Gabriel.

— Oh ? C’est ainsi que tu me vois, rétorque celui-ci.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Et bien, je suis l’ange Gabriel, tu as dû entendre parler de moi. Chaque être me voit à sa manière. Personne ne sait réellement à quoi je ressemble. C’est ainsi que toi, tu vois George Clooney. Adelan voit Victor Hugo et notre jeune sorcière, Elvis Presley.

Elle se tourne vers Adelan et Davia qui acquiescent.

— Je… je ne sais pas, je sais plus…

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