Chapitre 1 - Partie 1

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Julia devant son miroir essaie un énième T-shirt.

— Que penses-tu de celui-ci ?

Elle se retourne vers son amie allongée sur son lit.

— Nan. Trop court.

Julia enlève donc le T-shirt et l’envoie rejoindre le petit tas que forme le reste des recalés au pied de sa psyché. Elle s’assoit près de son amie.

Aujourd’hui, c’est le jour de la rentrée, mais pour Julia seulement. Si elle a une vingtaine de jours de retard par rapport aux autres élèves de son lycée c’est qu’elle revient tout juste d’un stage qu’elle a effectué à Paris, où réside son père. Ses parents sont séparés depuis plusieurs années maintenant, Julia vit à WoodFall dans le New Jersey avec sa mère Victoria. Elle est plutôt bonne élève et rêve de rejoindre son père en France pour poursuivre sa scolarité, mais sa mère souhaite qu’elle finisse ses études secondaires avant tout. Pourtant, aujourd’hui, si Julia est impatiente de retrouver le lycée, ce n’est pas pour les cours, mais pour le merveilleux et attirant jeune homme qu’elle a rencontré juste avant de partir chez son père.

— Pffff… et si j’y allais comme ça, dit-elle à son amie, seulement vêtue de son jean et de son soutien-gorge, ses longs cheveux d’ébène retombant sur ses épaules.

— Ben… là, tu ferais plus que lui taper dans l’œil. Pourquoi tiens-tu tant à lui plaire, d’abord ? C’est un idiot ce gars-là !

— Idiot peut-être, mais hyper sexy et super craquant.

— Et….

— Et c’est exactement ce qu’il faut à une fille comme moi pour cette dernière année au lycée.

— Mouais… pas convaincue.

— Aby, c’est parce que toi, t’es une rebelle !

Abigaïl Lowell, du haut de son petit mètre soixante, est une jeune fille plutôt sauvage. Son allure revêche est accentuée par ses cheveux noirs coupés au carré et les vêtements systématiquement sombres et peu féminins qu’elle porte. Elle a pourtant beaucoup de charme. Julia a tenté à plusieurs reprises de lutter contre ce côté « rebelle » qu’elle affectionne tant, mais rien n’y fait. Abigaïl n’aime pas les gens et ne veut pas être sociable. Pourtant, Julia ne connaît pas de personne plus humble et plus gentille qu’Abigaïl. C’est surtout une carapace qu’elle s’est forgée au fil du temps et Julia n’y pourra jamais rien, ce qui ne l’empêche pas d’adorer son amie.

— Ça doit être ça, répond cette dernière.

Elle rajuste son T-shirt des « Ramones » et se lève brusquement pour se diriger vers le dressing de Julia. Elle lui lance un pull noir très léger avec un décolleté dans le dos qui laisse apparaître sa peau hâlée de fin d’été sur son dos musclé de sportive.

— Parfait, entonne Julia en se regardant encore et encore dans le miroir. Elle saute au cou de son amie et dépose un baiser sur sa joue. Merci, t’es la meilleure !

— Je sais, je sais, répond Abigaïl qui n’est pas fan des effusions dans ce genre. Allez viens, Adaric doit nous attendre.

Les deux jeunes filles quittent la maison et se dirigent à pied vers l’arrêt de bus où les attend déjà Adaric Arkwright, troisième chaînon de ce trio amical.

— Bonjour les filles !

— Salut ! disent-elles en chœur.

— J’ai cru que vous n’arriveriez jamais, qu’est-ce que vous fabriquiez ?

— Demande à Miss Monde ! répond Abigaïl en montant dans le bus.

Il jette un œil interrogateur vers Julia qui lui répond en souriant et en le poussant pour entrer dans le bus. Elle s’assoit sur le siège devant Abigaïl et Adaric. Son esprit se met à vagabonder en regardant le paysage défiler sous ses yeux. Elle n’écoute plus les paroles de ses amis. Alors que le bus longe le WoodFall Park, elle aperçoit un jeune couple se tenant par la main. Elle s’imagine à leur place, marchant main dans la main avec Matthew Keller, le beau Matthew, grand, athlétique, les cheveux châtains négligemment peignés. Elle l’a rencontré au début des vacances d’été et elle est tout de suite tombée sous le charme de ce jeune footballeur. Elle a senti immédiatement que le courant était bien passé entre eux, mais il n’a jamais rien tenté et sa timidité l’a empêché de faire le premier pas. Mais elle a décidé d’y remédier en ce premier jour de lycée.

Alors que son imagination se perd dans les baisers imaginaires de Matthew, elle ressent soudain un point au cœur. Une douleur lancinante, très légère, mais pas insupportable. Elle serre son poing sur sa poitrine et respire un grand coup, mais la douleur se fait plus intense. Elle jette un coup d’œil vers l’intérieur du bus et voit tout le monde bouger au ralenti, aucun son ne sort de la bouche des passagers. Le visage d’Aby se déforme lentement, pourtant elle n’entend pas son rire. Elle se retourne alors vers la route réalisant que la circulation est aussi ralentie. Plus rien ne bouge comme d’habitude et la douleur augmente de plus en plus et à mesure qu’elle grandit, sa vue devient trouble et soudain elle le voit.

Dehors, alors que le bus est arrêté à un feu tricolore, elle distingue un homme allongé sur le sol. Il porte un costume gris et une mallette noire, plusieurs personnes s’agitent autour de lui, une femme est penchée au-dessus du corps tentant de le réanimer. C’est à ce moment-là que tout s’arrête. Son cœur cesse de la faire souffrir et tout devient éblouissant. Une lumière descend du ciel pour toucher l’homme étendu sur le sol. La jeune femme continue son massage cardiaque, un autre homme est au téléphone et personne ne fait attention à cet étrange phénomène, personne sauf Julia. Elle s’avance un peu plus de la vitre pour tenter de comprendre ce qui se passe et elle voit une forme glisser gracieusement sur le halo lumineux et se poser délicatement sur le sol près de l’homme inanimé. Elle plisse les yeux pour mieux distinguer, car la lumière est vraiment éblouissante, elle perçoit plus précisément la forme descendue du ciel. C’est un homme vêtu de blanc de la tête aux pieds, il a les cheveux couleur de blé coupés courts et son visage est éclairé par un sourire bienveillant. Cet être étrange venu du ciel est-il un ange ? La curiosité de Julia est assouvie quand de magnifiques et immenses ailes blanches immaculées se déploient dans son dos. Il se penche au-dessus du corps qui est à terre, Julia voit une onde subtile vibrer au-dessus du corps, doucement d’abord puis de plus en plus fort. Elle se transforme peu à peu en une forme plus distincte s’extirpant difficilement de son attache charnelle. Comme hypnotisée, consciente d’être témoin d’un phénomène extraordinaire, elle voit l’onde devenir de plus en plus claire, des contours se dessinant peu à peu bien qu’elle reste transparente. Elle a maintenant l’allure d’un homme, identique au corps inanimé. Elle regarde alors le sol, la femme a cessé son massage cardiaque, consciente qu’il n’y a plus rien à faire alors que déjà les secours arrivent sur place. La forme à côté de l’homme observe son enveloppe charnelle une dernière fois, la chaînette d’argent qui le retient encore sur terre se brise subitement déversant une pluie de minuscules étoiles argentées autour de son corps mort. Il observe l’ange près de lui. Ce dernier fait un geste ample vers le ciel et l’âme de l’homme glisse sur le rayon de lumière pour disparaître dans les nuages. L’ange observe la scène une seconde avant de se tourner vers le bus. Julia se rend compte qu’il la regarde. Il lui sourit. Elle sursaute et tout redevient normal. Le bus a redémarré, le bruit résonne à nouveau à l’intérieur du véhicule.

— Julia est-ce que ça va ?

C’est la voix d’Adaric. Elle se tourne vers lui, hébétée, ne sachant que lui répondre.

— Julia ? insiste ce dernier. Tu es toute blanche ? Qu’y-a-t-il ?

Il vient s’asseoir près de son amie et lui prend la main.

Julia reprend ses esprits en sentant la chaleur de la main d’Adaric dans la sienne, elle le fixe une seconde et se blottit dans les bras du jeune homme. Ses bras forts l’entourent et sans un mot ils continuent le chemin jusqu’au lycée. Adaric a le même âge que Julia, il est très grand et a pratiqué un peu le baseball avant de trouver sa voie dans le théâtre et la comédie lors d’un stage d’été en camp de vacances. Depuis lors, il n’a cessé de répéter à ses deux meilleures amies que lorsqu’il serait célèbre, il ne les oublierait pas. Adaric est très drôle, plutôt sarcastique disent ses amies, mais très attachant. Il est le ciment de ce petit trio.

Quelques minutes plus tard, le bus s’arrête et Julia est toujours prostrée dans les bras de son ami.

— Julia ? On est arrivé. Ça va mieux ?

Elle relève légèrement la tête et plonge son regard dans celui d’Adaric, le vert de ses yeux et la gentillesse de son regard inquiet la rassurent presque aussitôt. Elle s’écarte de l’étreinte du jeune garçon. Elle se contente de le remercier doucement coupant court à toutes les questions qu’il s’apprête à lui poser. Pour l’instant, elle ne se sent pas prête à raconter ce à quoi elle vient d’assister de peur qu’il ne la prenne pour une folle.

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