Chapitre 5 : Et le brouillard disparut… (Partie 1)

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-Et merde... murmura de manière grincheuse, Nathanaël, alors que le petit chariot rempli de livres dont il se servait, se renversait.

Le libraire n'était pas encore lui-même, aujourd'hui. Il n'arrivait pas à retirer de ses pensées, le rêve érotique qu'il avait fait cette nuit avec ce bel homme aux cheveux bruns. Et puis, même s'il se sentait physiquement bien, il avait un peu mal partout et surtout à une certaine partie de son corps... Quel rêve pouvait paraître si réel que le corps pouvait se sentir touché ?! Il ne comprenait pas et ça le perturbait. Ce matin, il s'était réveillé dans son lit et dans son pyjama comme si rien ne s'était passé, donc ce n'était forcément qu'un rêve ! Cependant, quelque chose lui disait qu'il s'agissait de bien plus que cela...

-Mon petit Noël, tu n'es pas encore dans ton assiette, aujourd'hui ! s'exclama Marcus.

Nathanaël ne se retourna même pas, continuant de ramasser les livres renversés sur le sol. Il désirait protéger ses yeux de l'attaque des couleurs vives du pull de son collègue ! Oui car aujourd'hui, Marcus portait un pull orange fluo avec pour motif, un énorme renne en train de fumer une cigarette et portant un bonnet de Père-Noël rouge qui se terminait par un pompon en relief...

-Nathanaël, est-ce que tout va bien ?

Le ton était cette fois-ci, sérieux et fit réagir le libraire qui se tourna vers son ami en soupirant avant de lui répondre.

-Oui, ça va... C'est juste que je fais des rêves très étranges en ce moment et ça me perturbe réellement. Et pis, je ne sais pas ce que j'ai foutu cette nuit mais j'ai mal partout...

A ces mots, les yeux de Marcus pétillèrent et il reprit son air habituellement enjoué.

-Ne me dis pas que t'as fait un rêve érotique ?!

Ne pouvant l'empêcher, les joues du libraire se colorèrent.

-Ho, j'y crois pas ! Mon petit Noël ressent de la frustration et rêve sûrement d'un bel homme qui lui fait plein de cochonneries !

Marcus partit dans un énorme rire et Nathanaël, les joues plus rouges qu'une tomate bien mûre, regretta de le lui avoir dit.

-C'est bon, casse-toi ! Arrête de m'agresser les yeux avec ton pull plus ridicule que les autres et là, faut dire que tu as réussi un exploit ! Je n'ai pas besoin de ça, en ce moment ! grommela-t-il.

-Mon petit Noël...

Pris dans son fou-rire, il ne put continuer mais finit tout de même par reprendre son sérieux, des larmes coulant sur ses joues.

-Ca fait du bien de rigoler, tu devrais essayer ! commença-t-il. Ecoute, même si tu me fais beaucoup rire, je m'inquiète quand même pour toi. Tu es mon ami et j'ai remarqué que tu n'étais pas dans ton assiette, ces temps-ci. Est-ce qu'il y aurait une autre raison que ces rêves bizarres que tu fais ?

Nathanaël ramassa le dernier livre et regarda son ami.

-Non, je ne crois pas. Tout allait bien jusqu'à ce que je commence à rêver d'un homme... C'est toujours de lui dont je rêve et de moi aussi. Et le plus étrange, c'est qu'il est venu dans cette librairie après que j'ai commencé à rêver de lui, pas avant...

Marcus se pencha et posa une main sur son épaule pour lui apporter un peu de chaleur, il sentait la peur de son ami et son inquiétude.

-Je pense que tu ne t'en souviens pas mais que cet homme était déjà passé à la librairie sans forcément acheter quelque chose, en coup de vent, et que tu l'auras aperçu. Il t'a sans doute plu et tu t'es mis à rêver de lui. Tu vois ? Il y a une explication logique à toute cette histoire ! Ca ne peut être que ça, Nathanaël.

Celui-ci redressa la tête et vit l'expression de nouveau sérieuse, -ce qui était rare, il fallait bien le souligner-, de son ami et ce dit que cette vision des choses était plausible. Oui, Marcus devait avoir raison. Un peu soulagé, le libraire hocha la tête et fit un sourire à son collègue qui le lui rendit.

-Ca va mieux, on dirait ! Ca me fait plaisir de te revoir sourire ! Je me rends compte que ça faisait un petit moment. Allez, il n'y a personne et ton père n'est pas là ! Si on allait se boire un petit chocolat chaud ? Hum ? fit-il en faisant bouger ses sourcils de manière comique.

Nathanaël jeta un coup d'œil autour de lui et effectivement, vit que son ami avait raison, il n'y avait personne à cette heure, il était encore bien tôt.

-Bon, ok mais juste pour cette fois car je n'oublie pas que mon père avait raison ! Il faut toujours qu'il y ait quelqu'un prêt à recevoir un client, Marcus !

-Oui, oui ! Mais faisons une exception parce que tu n'es pas dans ton assiette ! C'est une bonne raison, ça, pour enfreindre les règles, non ?

Tout sourire, Nathanaël hocha la tête et le suivit jusqu'à leur petite salle de repos.

Bien évidemment, ils le regrettèrent tous les deux puisque le père du libraire, monsieur Noël, qui devait avoir un sixième sens, fit son apparition alors que les deux jeunes hommes finissaient de boire leurs chocolats chauds, tranquillement. Après un sermon qui fit trembler les murs de la librairie et fit de nouveau retomber dans l'enfance, les deux amis, il fut décidé qu'une certaine somme d'argent allait être retirée de leur salaire. Et pour la période des fêtes, c'était rude comme punition ! Mais après tout, se dit Nathanaël, ils l'avaient un peu cherché ! Son père les avait prévenus !

Et puis, il ne le regrettait pas car cela lui avait fait du bien de se confier à Marcus. Quand ils avaient pris leur pause ensemble, il lui avait raconté certains détails comme les époques différentes qu'il avait vues, ce qui se passait dedans sans raconter les moments érotiques, c'était bien trop gênant ! Il se sentait mieux à présent et même les chansons de Noël qui passaient en boucles dans la librairie ne l'agaçaient plus. Marcus devait avoir raison. Ses rêves ne voulaient rien dire d'autre qu'une seule chose : ce bel homme aux cheveux bruns lui avait tapé dans l'œil, voilà tout. Oui, rien d'autre... se convainquit-il en reprenant le travail avec bien plus d'entrain que le matin.

**

Septembre 1939

-S'il te plaît, ne pleure pas, mon amour. Tout ira bien.

-Non, c'est faux ! s'écria Mathieu en jetant rageusement les papiers réclamant leur mobilisation sur le sol.

Il prit son visage entre ses mains, tentant de se calmer.

-Je ne pleure pas parce que j'ai peur de mourir. Je pleure parce que j'ai peur de te perdre ! Je refuse d'être séparé de toi ! C'est tellement injuste ! Tout ce que je désire, ce que je veux le plus au monde, c'est vivre ma vie auprès de toi ! Pourquoi ce n'est jamais possible ? Dans les deux vies précédentes, nous ne pouvions pas vivre ensemble chaque jour pour ne pas attirer l'attention et maintenant que nous avons trouvé un moyen en vivant dans cette maison dans une campagne un peu reculée et en nous faisant passer pour des frères travaillant ensemble, c'est l'Etat qui nous sépare !

Phillipe s'approcha doucement de son amant et l'enlaça, lui caressant doucement les cheveux, tentant de l'apaiser avant de prendre la parole :

-La première fois, j'ai échappé à la guerre parce que je ne vivais pas en France et toi, tu étais trop jeune mais maintenant, nous devons faire notre devoir, nous n'avons pas le choix, mon amour.

Mathieu poussa un gros soupir empli de tristesse.

-Je le sais...

-La pierre nous protègera et nous nous retrouverons forcément.

-Mais quand ? Et dans quel état ?... dit tristement Mathieu.

Philippe prit son visage entre ses mains et le redressa afin de plonger son beau regard sombre dans les yeux si clairs de son amant.

-Tout ce qui compte est que nous nous retrouverons. C'est à ça que je me raccrocherai lorsque je serai au front loin de tes bras. Nous avons vécu onze merveilleuses années dans cette vie et ce n'est pas fini, mon amour.

Mathieu hocha la tête, les yeux plein de larmes.

-Je sais que tu as raison mais... La Première Guerre devait être une guerre éclair et elle a duré quatre longues années, massacrant des millions de personnes, détruisant le pays, traumatisant les survivants... Dans quel état seront nous, après ? Combien de temps va-t-elle durer ? Aussi longtemps ? Plus ? Dans quelle folie allons-nous sombrer ? Est-ce que notre amour sera toujours ce qui importe le plus après tout ça ?

Blessé, Phillipe le lâcha et se recula de quelques pas.

-Comment peux-tu dire cela ?

Il se détourna de lui, semblant ne plus supporter de le regarder.

-Phillipe...

-Comment peux-tu penser une seule seconde qu'après cette foutue guerre, les sentiments que j'éprouve pour toi ne seront plus ce qui m'importe le plus ? Ou est-ce qu'il s'agit des tiens dont tu n'es plus sûr ? demanda-t-il en se tournant vers lui, d'une voix dure que Mathieu ne reconnaissait pas chez son amant d'ordinaire si doux.

Le jeune homme aux yeux verts comprit l'énorme bêtise qu'il venait de dire. Ils s'aimaient tous les deux plus que tout au monde, au point d'avoir choisi de vivre éternellement l'un aux côtés de l'autre, autant que cette pierre sur laquelle ils avaient tous deux prêtaient serment en mêlant leur sang le leur permettrait. Philippe avait raison, la pierre les protégerait puisqu'ils étaient destinés à vivre des vies entières ensemble, une fois qu'ils avaient atteint l'âge de leur première rencontre. Il avait seulement peur d'être séparé de l'homme qu'il aimait, de partir au front en ne sachant pas pour combien de temps et en ayant une idée des horreurs qu'ils allaient vivre tous les deux. Si au moins, ils étaient ensemble... Mais il y avait peu de chances qu'ils soient longtemps l'un avec l'autre car étant de rangs sociaux différents comme dans chacune de leurs vies, les postes auxquels ils seront assignés allaient sans doute être différents.

Se reprenant, Mathieu fit quelques pas vers Philippe mais en voyant qu'il reculait, il s'arrêta, l'air plus triste que jamais.

-Je suis désolé... C'est seulement la peur qui parle... La peur de te perdre, d'être séparé de toi, de ne pas finir notre vie ensemble de la manière dont nous aurions dû. Jamais je ne douterai de mes sentiments pour toi. Jamais, tu m'entends ? dit-il d'une voix plus affirmée. Je mourrais pour toi, sans aucune hésitation ! Je t'aime, c'est tout, alors ne doute pas de mes sentiments pour toi.

-Alors ne doute pas des miens, non plus, dit Phillipe en s'approchant doucement de son amant.

Le plus jeune hocha la tête et les deux hommes s'enlacèrent tendrement. La tension qui régnait, s'apaisa.

-Et si nous finissions de nous réconcilier dans notre lit ? demanda le bel homme aux cheveux bruns, un petit sourire plein de promesses sur les lèvres.

Mathieu rit de joie à cette proposition. Ils venaient d'avoir leur toute première dispute et il s'en sentait un peu ébranlé. Il avait bien besoin d'éprouver du plaisir dans les bras que celui qu'il aimait.

-Fais-moi tout oublier, demanda-t-il, le regard redevenu sérieux.

Phillipe ne se fit pas prier et le souleva dans ses bras. Il le porta ainsi jusqu'à leur chambre dans laquelle des gémissements se firent entendre pendant plusieurs heures... Rien d'autre n'existait, rien d'autre ne comptait que leurs cœurs battant à l'unisson, que leurs corps connectés.

Les deux amants ignoraient que cette fois-ci, ce qu'on appellera plus tard « la drôle de guerre » durerait moins d'un an, les soldats passant des mois à attendre une attaque de leurs ennemis, et que tous les deux se retrouveraient rapidement comme promis par Philippe mais dans un pays envahi...


Cette nuit-là, Nathanaël rêva d'autres souvenirs, les plus marquants de ses vies précédentes. Il ne savait pas qu'à son réveil, tout lui serait remis en mémoire. Comme Luke le lui avait dit, il se rappellera qui il était, il saura...

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