Chapitre 9 : Retour au pays (4)

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Kela conduisit Vyrian au rez-de-chaussée et une fois de plus le scientifique fut étonné par la taille de la demeure d’Oriana. Devant l'aisance de la jeune femme à s'y repérer, il l'interrogea.

— Oriana, est-elle une personne importante au sein d’Hydrios ?

La jeune femme émit un rire moqueur.

— Beaucoup d’habitants ne seraient plus de ce monde, si elle n’avait pas été là. Officiellement c’est une citoyenne comme une autre, officieusement c’est la personne la plus influente de la ville.

— Elle s’est payée une telle maison avec l’argent de ses patients ?

— Payer ? Bien sûr que non, on lui a offert cette propriété et les terres autour. Les parcelles agricoles qu’on a vues lui appartiennent. On les lui a données pour la récompenser, mais aussi pour qu’elle puisse accueillir et traiter les nécessiteux le plus efficacement possible.

— C’est donc un hospice ?

— En quelque sorte.

— Pourtant, je n’ai vu aucun patient. Et l’eau d’Hydrios n’est-elle pas réputée pour ses propriétés curatives ?

— Les derniers en date sont retournés chez eux. La nouvelle qu’Oriana est de retour en ville ne doit pas encore être parvenu, mais lorsque ce sera le cas, cet endroit sera prit d’assaut. Quant à l’eau, elle a effectivement des propriétés curatives, mais en boire n’est pas suffisant, seuls les guérisseurs savent comment en tirer tous les bénéfices. De plus par temps de crise, l’eau peut être rationnée et il devient alors difficile de s’en procurer.

Kela profita du trajet pour lui présenter rapidement le domaine. Elle lui montra le potager, le jardin médicinal, l'étable, les cuisines, la salle à manger, le salon, puis vint le tour des bains. Comme à la guilde des sciences mystiques, Vyrian fit face à plusieurs bassins d’un blanc nacré. La voix des survivants se manifesta à lui.

Pourquoi faire une telle chose ?

Parce que je veux qu’elle sache. Mais ce n’est pas tout, j’ai envie de tester son pouvoir, et de revoir les autres. J’espère qu’on parviendra à trouver un terrain d’entente.

Nous n’avons toujours pas réussi à les contacter depuis la dernière fois, c’est comme s’ils étaient absents.

C’est l’occasion de tout réglé.

Alors que Vyrian s’approchait du bain le plus proche, Kela lui attrapa le poignet.

— Tu ne peux pas te baigner dans cette tenue. Tu l’as porté dans les Ruiams, tu risques de contaminer l’eau des bassins avec.

Le biologiste entreprit de se dévêtir, passant la tête par l’encolure de son haut. Lorsqu’il se retrouva torse-nu, la mysticienne le regarda bouche bée.

— La nudité ne te dérange pas ?

— Non.

Puis devant l’expression étonnée de la jeune femme, il réalisa sa maladresse.

— Oh, pardon ! Je suis désolé, tu viens de me montrer ton passé et je …

— Ce n’est rien, j’ai un problème avec ma propre nudité pas avec celle des autres. Et je maintiens ce que j’ai dis, tu n’es pas désagréable à regarder habillé ou à demi-nu.

Kela eut à peine finit de prononcer sa phrase que Vyrian sentit sa main lui effleurer le torse. Surpris, le scientifique sursauta et la jeune femme rit de sa réaction, avant de l’interroger.

— Qu’est-ce que tu t’es fais ?

Le chercheur la regarda sans comprendre jusqu’à ce qu’elle tapote la cicatrice de son opération dans le Monde Numérique, où on avait eu d’autre choix que de remplacer certains de ses organes par des organes bioniques.

— Une opération.

— Quel genre ? Tu as vu ce dont Oriana est capable, si tu as cessé d’être chétif, c’est en grande partie grâce à elle. Je n’ai jamais vu aucune cicatrise lui résister.

— On a dû changer plusieurs de mes organes suite à un crash dans le Monde Numérique.

— C’est de là d’où tu viens avec Ollesty ?

— Oui.

— Comment c’est là-bas ?

— Des ruines, des cendres et des vaisseaux. On est bien mieux ici.

— Des vaisseaux ?

— Des engins volant dans le ciel.

— Et chez toi, c’est comment ?

Vyrian s’écarta légèrement et finit de se dévétir sous le regard de Kela qui glissa le long de son entrejambe avant de remonter. La jeune femme se retourna et défit sa robe qui glissa le long de son corps avant de tomber au sol, elle l’envoya d’un coup de pied dans une des panières présentes le long du mur. Lorsqu’elle se retourna, elle portait un bandeau de poitrine et un linge protégeait son intimité, Le chercheur se fit la réflexion que ce n’était pas si éloigné de leurs sous-vêtements ou maillot de bain deux pièces.

Avant qu'il ne s'en rende compte, il admirait les jambes galbées de la Visionnaire, ses abdos légèrement apparents, ses bras fuselés, ses mains fines et traîtresses. Malgré leur apparence, Vyrian savait que la jeune femme avait une sacrée poigne, il se souvenait encore de ses bleus suite à leur entraînement.

Un raclement de gorge, lui fit relever la tête. Kela l'observait fixement.

— Je vois la manière dont tu me regardes. Je t'ai montré l'univers dans lequel j'ai grandi, ce n'est pas à moi que tu cacheras tes envies. Pourtant même comme ça en suivant ton regard, j'ai du mal à savoir à quoi tu penses. Tu sembles avoir érigé une barrière autour de toi. Même dans les ruines, tu luttais contre le pouvoir d'Oriana censé nous aider à nous rapprocher et former une équipe soudée. Que caches-tu ?

Vyrian déglutit péniblement et se vit lui tendre la main.

— Viens, je te montre.

Elle l’a saisit et ils pénétrèrent dans l’eau. Ils s'immergèrent à moitié avant de se laisser flotter sur le dos et de fermer les yeux. Les mêmes ruisseaux d'énergie apparurent au scientifique et il guida Kela jusqu'à la jonction des énergies des trois mondes menant au sien.

Ils se retrouvèrent face à l'ISTA. Vyrian voulait lui présenter l'état de son monde avant de lui faire rencontrer les survivants afin qu'elle comprenne comment ils en étaient arrivés à une telle extrémité. Il lui désigna, le banc en ruine, le sol craquelé et la végétation morte et lui expliqua ce qu'il s'était produit.

— Au début des années 2000, des spécialistes nous ont mis en garde contre la sixième grande crise d'extinction. Seulement ce signal d'alarme n'a eut que peu ou pas d'effets et notre monde est devenu tel que tu le vois.

— Des années 2000 ? Vous avez des traces d'une civilisation humaine que depuis 2000 ans et vous avez réussi à détruire une planète en si peu de temps ?

Vyrian ne put empêcher un rire de secouer sa projection mentale, ce qui troubla d'autant plus Kela. Le scientifique se força à retrouver son sérieux et lui répondit.

— Non, nous en avons bien avant, juste que notre calendrier se base sur une religion. C'est une manière de voir le monde, et pour les personnes qui décident d'adhérer à cette vision des choses, ils vénèrent une... une idole. Le calendrier est basé sur sa date de naissance. Il y a des dates avant sa naissance et après. Là, je te parle de 2000 ans après sa naissance. Retiens juste qu'on nous a prévenu il n'y a pas si longtemps que ça.  

— Hum, je vois et cette crise, c'est quoi ?

— Pour simplifier, les conditions climatiques ont changé au cours du temps, certaines périodes ont été plus rudes que d'autres et beaucoup d'espèces sont mortes, c'est ce qu'on appelle une grande crise d'extinction, il y en a eu cinq au total. Elles sont de cause naturelle. Nous nous en avons causé une sixième, bien plus dévastatrice que les précédentes.

— Vous avez donc réussi à influencer le climat ?

— Oui et non, c'est compliqué à expliquer.

— Essaie toujours.

— On a identifié plusieurs phénomènes responsables de la sixième grande crise d'extinction. Le principal est la destruction des écosystèmes. Nos... nos outils polluaient beaucoup... on a souillé l'énergie de notre monde à un niveau irréversible. Et ce n'est qu'un exemple. Mais cette souillure que nous avons produit a peu à peu déréglé le climat, menaçant des habitats. En plus de dégrader notre environnement, on en a chassé la faune pour manger, puis petit à petit, l'espèce humaine s'est étendue et on a dû chasser de plus en plus, dans des quantités toujours plus grandes et un jour, il n'y a plus eu de ressources. Des extinctions en cascades en ont résultés.

— Je ne comprends pas ...

Vyrian eut peur que ses explications ne soient pas claires en raison de leur grande simplification et approximation, mais ce n'était pas ce qui dérangeait Kela.

— Si vous avez été prévenu, pourquoi ne pas avoir cherché à l'empêcher ?

— C'est une question compliquée. Je n'ai pas le temps de développer ma réponse. Mais le mode de vie dans lequel nous vivions et le confort que nous avions rendaient tout retour en arrière difficile. Toute l'économie reposait sur nos avancées technologiques et par conséquent notre pollution, nos souillures. Bien sûr, certains s'en moquaient, d'autres prenaient ça très à coeur, mais sans vouloir émettre de jugement, on se rend compte toujours trop tard de ce qu'on a perdu.

— Pourquoi te refuses-tu à juger ton peuple ?

— Parce qu'il n'y a pas de bonne réponse. Certains accusent les grandes industries de notre déclin, mais si les grandes industries produisaient autant, c'est parce qu'il y avait de la demande. C'est un cercle vicieux. De plus dans l'état des choses juger n'améliorerait pas la situation et je ne ferai que passer pour un hypocrite. J'étais un engrenage de cette civilisation, en un sens même si j'ai tenté de limiter les dégâts, j'ai participé au déclin de mon peuple et de notre planète, la Terre, votre Monde Fondateur. 

Vyrian l'emmena ensuite sur une plage, où l'eau rendu acide par la pollution rongeait la roche, des blocs sombraient dans les flots. Kela le regarda intriguée.

— Pourquoi nous avoir amené ici ?

— Tu m'as demandé pourquoi j'étais si enfermé sur moi-même, c'est ici que ça a commencé. Tu vois la falaise là-haut, imagine-moi heureux pique-niquant avec la personne que j'aimais, jusqu'à ce que je reçoive un message d'urgence et que je vois ma fiancée chuter ne pouvant rien faire pour la retenir. J'ai passé des jours à la chercher avec l'espoir de plus en plus mince que je parvienne à la retrouver. Puis un jour, on m'averti qu'un corps avait été aperçu sur une plage j'ai couru à sa rencontre et j'ai retrouvé ma fiancé blême, sa peau visqueuse se décollant à mon contact. C'est ici que j'ai perdu de vu qui j'étais après la mort de Clana.

— Je suis désolée, toutes mes condoléances.

— Sais-tu quel était son souhait à peine un mois avant son décès ?

— Non.

— Que je reprenne goût à la vie.

— Et qu'as-tu décidé de faire ?

— Je vais exaucer son souhait. J'ai mis le temps, mais je me suis rendu compte que je ne me battais non pas pour les miens ou pour un monde en particulier, mais pour la vie. Je vous aiderai à vaincre Faric, tout comme j'aiderai les habitants du Monde Numérique a affronté le Capitaine.

— Et comment veux-tu t'y prendre ?

— Je vous expliquerai ça au conseil de demain. Il s'agit bien d'une réunion pour contrer Faric ?

— Oui, les hauts dirigeants de la guilde des sciences mystiques et des Visionnaires y seront.

— Parfait. Allez, il est temps que je te présente aux autres.

Il lui prit la main et se téléportèrent dans les soutterrains de l'ISTA. Il lui montra Mère et lui expliqua qu'elle avait veillé sur eux pendant six ans assurant leur survie dans ce monde inhospitalier. Ils remontèrent les câbles partant de l'intelligence artificielle et arrivèrent aux lits des survivants. Vyrian entra en contact avec eux, mais avant qu'il n'ait pu leur parler, Kela s'éloigna de lui et l'interpella.

— C'est normal qu'il y ait beaucoup de lits vides ?

— Vides ?

— Oui, vient voir.

Vyrian se précipita auprès d'elle et observa les rangées de lits vides qui n'étaient pas visibles de là où il se trouvait quelques instants plus tôt. Le chercheur voulait avoir une vue d'ensemble de la situation et il les conduisit dans la salle surplombant les installations. De là, il se rendit compte que les lits vacants étaient uniquement ceux dont il ne sentait plus les esprits. Il savait que les survivants ne s'étaient pas réveillés, mais dans ce cas, où étaient-ils passés ? Une nouvelle fois, la voix de Kela le tira de ses pensées.

— Tu devrais voir ça.

Vyrian se retourna et vit sur le tableau présent sur le mur opposé un message : "Toi qui a renié les nôtres, attends-toi à ce qu'ils se vengent. X. Capitaine".

Kela se tourna vers lui, il pouvait percevoir la peur dans sa voix. Même après ce qu'ils avaient vécu, c'était la première fois qu'il la voyait dans cet état.

— Qu'est-ce que ça signifie ?

— Des problèmes, de gros problèmes. Nous devons partir !

Vyrian se précipita hors du bain et enfila ses habits. Il se tourna vers la mysticienne restée dans le bassin.

— Me vois-tu ? A présent que tu as vu mon monde, que tu en as découvert l'énergie, es-tu capable d'en voir les habitants ?

Kela fut surprise par sa question, puis rapidement ses yeux se pailletèrent de couleurs et elle hocha lentement la tête.

— Je perçois quelque chose, on dirait une déformation de l'environnement.

— Montre-moi !

Effectivement c'était flou, mais il n'en fallait pas plus à Vyrian pour être satisfait, il se précipita au dehors et failli percuter Oriana. Il s'excusa et reprit sa course. La vieille femme hurla afin qu'elle puisse se faire entendre de l'autre bout du couloir.

— La réunion avec le conseil des Visionnaires aura lieu demain matin.

Le scientifique accéléra, le temps lui était compté. Il sentit les esprits des survivants à la fois intrigués et inquiets par sa précipitation s'agiter. 

— Qu'est-ce qu'il se passe ? Les autres sont-ils vraiment partis ?

Vyrian les ignora et parti retrouver Ollesty et Rayec.

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