Chapitre 9 : Retour au pays (1)

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Corde en mains, les pieds posés contre la paroi du puits, son sac frottant contre le mur opposé, Vyrian se maudissait d’avoir refusé de le jeter, de peur qu’il n’y ait de l’eau en bas. Il avait profité de la descente des autres membres de l'équipe pour récupérer ses affaires. Kela l’avait imité. Il avait tenté d’engager la conversation, mais elle l’avait ignoré et était parti chercher les maigres possessions de Caya.

A leur retour, seule la corde les attendait et Vyrian la tendit à Kela, mais elle avait refusé d’un signe de tête et il avait entreprit sa descente en rappel. Plus il progressait, plus la luminosité se faisait rare et l’odeur d’humidité omniprésente, mais rien de comparable à l'air vicié des Ruiams.

Lorsqu'il mit pied à terre, le biologiste fut soulagé que son calvaire ne dure pas plus longtemps. Il desserra ses mains crispées et y découvrit une série de cloques. Il avait beau avoir regagné une certaine condition physique, ce n'était pas suffisant et dès qu'il fournissait un effort inhabituel, son corps en portait rapidement les stigmates. Il entreprit de se dégourdir les bras et sorti la pierre phosphorescente que lui avait remis Oriana avant de leur expliquer succinctement les premières étapes de leur voyage.

La pierre éclaira de sa lueur verte les alentours révélant des inscriptions jusque-là invisibles. Le scientifique voulut s'en approcher, mais la corde lui fouetta l'épaule et il se rappela la fonction première de la roche. Elle n'était pas là pour les éclairer, mais pour signaler que la corde était libre et la descente sans risque. Vyrian s'éloigna à regret et laissa à Kela la place de progresser.

Il s'enfonça dans une alcôve attendant que la jeune femme le rejoigne. Il pouvait la distinguer descendant de manière fluide et rapide. Sa silhouette le ramena dans le passé et il revit Clana se balançant au sommet de monuments historiques. A chaque fois qu'elle remettait pieds à terre, elle se dirigeait vers lui, ravie de lui partager les anecdotes de la journée. Il la regardait se déséquiper rangeant dégaines, baudriers, casques et vache. Le nom du dernier équipement l'avait d'ailleurs beaucoup amusé la première fois qu'elle le lui avait présenté. Il s'agissait en réalité d'une longe utilisée pour s'attacher dans les relais. Elle avait terminé ses explications en lui disant que ce nom devait son origine à l'expression "être sur le plancher des vaches".

Ce soir-là, l'anecdote devait être particulièrement croustillante et Clana ne s'était pas privée de le faire languir, éveillant un peu plus sa curiosité plus le temps passait. Satisfaite de son intérêt, elle lui avait alors expliqué qu'un grimpeur était tombé sur son assureur. Vyrian s'en était inquiété, mais elle lui avait assuré qu'il y avait eu bien plus de peur que de mal et que les deux hommes s'en étaient sortis avec quelques bleus et une belle frayeur. Clana avait alors pris une expression sérieuse et l'avait regardé droit dans les yeux.

— N'oublie jamais, aussi bon que tu sois, une erreur est vite arrivée, promets-moi d'être toujours prudent.

Ce n'est qu'à cet instant que Vyrian fit le lien entre son comportement et le souvenir. C'était lui qui l'avait conduit à s'écarter de la trajectoire de la jeune femme. Le sourire qui étirait ses lèvres disparut soufflé par une vague de mélancolie. Les survivants le perçurent et tentèrent de le raisonner.

— Tu sais, il serait temps de laisser le passé derrière toi.

— Je sais, mais je n'y parviens pas.

Kela arriva au même moment. Elle fit tomber la corde et la lova, avant de rejoindre le groupe lui passant devant sans lui accorder le moindre regard. Vyrian la suivit des yeux, ce qui n'échappa pas aux siens.

— En es-tu si sûr ?

Le chercheur ne prit pas la peine de leur répondre et emboîta le pas à la Visionnaire. Ils rejoignirent le reste du groupe qui se trouvait un peu plus loin. Comme lui, il vit Kayle et Vanea inspecter les lieux curieux de ce nouvel environnement. Yomi se tenait un peu en retrait avec Xam et observait la grotte avec la même curiosité que les Numériciens. Ce fut elle qui engagea la conversation.

— Que signifient ces écritures ? La roche en est recouverte.

Contre toute attente, ce fut Oriana qui lui répondit. Vyrian l'avait rarement vu aussi loquace.

— Ce sont des protections garantissant aux voyageurs la sécurité entre Hydrios et ses précédentes ruines. Aucune attaque de l'extérieur ne peut nous atteindre.

Intriguée par les révélations de la vieille femme, Vanea se joignit à la discussion.

— Et qu'en est-il des attaques au sein de la grotte.

— Essaie.

La Numéricienne déroula l'un de ses fouets, prête à frapper, mais rien ne se produisit. Oriana satisfaite reprit ses explications.

— Un esprit pacifique imprègne ces lieux. Il annule toute violence au profit d'un grand calme proche de l'état de méditation.

— C'est vrai. Kayle, tu devrais essayer, ça te ferai du bien !

— J'ai pas besoin de ça !

Comme à chaque fois qu'il était contrarié, le jeune homme porta la main à l'une de ses armes et ses bras retombèrent le long de son corps. Son visage renfrogné n'exprimait à présent plus que la tranquillité. Dezaël en profita de la situation pour le taquiner.

— Tu viens juste de nous prouver le contraire. Rappelle-toi les joutes verbales appartiennent aux vifs d'esprit, les attaques physiques ne sont au mieux que la concrétisation de leurs paroles, au pire un moyen de défense pour les plus abrutis. 

Rayec sourit à ses protégés et interrogea à son tour Oriana.

— Pourquoi nous rendons-nous à Hydrios ?

Ce fut Ollesty qui lui répondit non sans une certaine tension dans la voix.

— Nous avons reçu une invitation.

Surpris par cette nouvelle, Vyrian prit part à la conversation.

— De qui ?

Pour la première fois depuis le décès des Altériens, Kela lui adressa la parole.

— Tu le découvriras bien assez tôt.

Vyrian s'interrogea sur ce qui pouvait bien la déranger à ce point à Hydrios, avant de se tourner vers Ollesty.

— Je te l’ai déjà dis, ce n’est pas à moi de t’apprendre le passé de tes alliés.

Le scientifique soupira, il comprenait et approuvait cet état d'esprit, mais il ne pouvait s'empêcher d'être frustré. Il se laissa distancer et seule Oriana resta à ses côtés.

— Pas facile n’est-ce pas ?

— Pardon ?

— De joindre les deux opposés. Rayec a dévoué sa vie à Mère et Ollesty l’a renié.

L'hydriossienne profita de l'étonnement du scientifique pour poursuivre.

— Je connais Ollesty depuis de longues années. Pourtant, il n'a jamais rien voulu me révéler de son passé. Malheureusement pour lui, ses cauchemards parlaient à sa place et à en juger ton expression, j’en déduis que Mère n’est pas juste un délire de sa part.

— Il a de quoi être traumatisé.

La discussion s’arrêta là et Vyrian reprit la parole poussé par sa curiosité.

— Comment en êtes-vous venu à le connaître ?

— Je l’ai trouvé inconscient non loin d’Hydrios, un bébé dans les bras

— Qu'avait-il ?

— Il était à bout de force et des plaies mal cicatrisées s'étaient réouvertes. Je n'avais jamais vu de telles blessures.

Surpris par ces révélations, Vyrian interrogea les siens.

Rayec et Ollesty se sont affrontés ?

— Il semblerait plutôt que ce soient les blessures infligées par les Régisseurs avant qu'il ne parte pour le Monde Historique qui se soient réouvertes lorsqu'il a voulu rechanger de monde avec l'enfant.

— Il me semblait pourtant que Rayec et ses sept Ombres étaient partis pour le Monde Historique avant le début des affrontements.

— C'est bien le cas, mais Ollesty était un éclaireur. Il allait au devant du danger. Il a du cacher ses blessures pour pouvoir mener sa mission à bien.

Vyrian fut tiré de ses pensées par Oriana qui avait reprit ses explications.

— Nous l’avons recueilli avec mon mari, enfin mon ex-mari, peu avant mon accouchement. Il lui fallut plusieurs jours pour se remettre de ses blessures et pendant ce temps nous nous sommes occupés de son enfant. Mais dès son réveil, ils partirent. Ce n'est que quelques temps plus tard que nous avions découvert qu'il avait remit le garçon à la confrérie des Sages. Avec Dungal, nous ne l’avions plus revu. Lorsque mon mari est devenu aveugle, j’ai tenté de le soigner, mais les traitements ne fonctionnaient qu'un temps avant de ne plus faire effet. Il entendit parler d’une créature capable de rendre les sens perdus à Altéryx et y partit, me laissant seule avec notre fils de trois ans. Declan montra rapidement des aptitudes à la magie et je finis également par lui faire intégrer la confrérie des Sages. Peu de temps plus tard, Ollesty revint. Il était fou de rage que nous ayions abandonné notre fils, comme lui avait abandonné le sien. Puis, après lui avoir expliqué la situation, son visage se voila de tristesse et il m’avoua avoir également besoin de mes soins. Il est ainsi devenu un père de substitution pour Declan. Mais pour une raison qui m’échappe, il s’est toujours tenu éloigner de Keenan comme s’il avait peur que sa présence ne lui porte malheur.

Jamais Vyrian n’aurait imaginer pouvoir penser une telle chose, mais il en était venue à apprécier Ollesty, il avait une certaine conduite, Rayec quant à lui semblait prêt à tout pour Mère.

La vieille femme reprit la tête du groupe interrompant la discussion et s'exprima d'une voix forte.

— Nous arrivons à l'Arche !

Vyrian sourit. De loin, sa voix résonnait sur les parois et elle lui rappelait celles des guides touristiques qui leur avaient faits visiter les entrailles de la Terre à lui et Clana. Il ressera sa main sur celle de sa bien-aimée, mais il ne rencontra rien de plus que du vide.

Le scientifique secoua la tête chassant les souvenirs d'un passé révolu depuis longtemps et leva les yeux sur ce qu'Oriana avait nommé l'Arche. Il fut bien obligé d'admettre que le nom lui correspondait parfaitement. Des draperies partaient du plafond pour rejoindre les côtés et descendre le long de la roche. La lueur des inscriptions nimbaient leur surface ondulée, si bien que Vyrian avait l'impression d'observer une aurore boréale soutterraine.

Il rejoignit le reste du groupe sans s'en rendre compte, absorbé par sa contemplation. Oriana se racla la gorge s'assurant de leur attention. 

— Bienvenue à Hydrios.

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