Chapitre 4 : L'Armagie (4)

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Ollesty et Vyrian suivirent Caya qui tirait son charriot derrière elle. Le biologiste s'interrogea quelques instants sur l’équipement qu'elle ne lui avait pas présentée, avant de franchir le seuil de la bâtisse.

Comme à l'extérieur, il découvrit de nombreuses gravures sur les murs, mais le plus impressionnant restait les mannequins encadrant le comptoir. Il s'agissait de deux colosses en pierre patinée qui devaient porter à eux seuls l'intégralité des inventions conçues par les Forgiciens, tant ils étaient équipés. Vyrian pouvait aussi bien distinguer des armes de jet telles que des dagues et des javelots, que des armes de tir avec une carabine pour l'un et un pistolet pour l'autre. En plus de cela, pendaient entre leurs mains des épées aux dimensions impressionnantes. Le chercheur pouvait y voir son reflet sur le tranchant des lames. Et ce n'était d'un mince échantillon de leur armement. Vyrian était bien en peine d'identifier le reste.

Là, entre les deux statues, le biologiste découvrit le propriétaire de l’établissement et l’interlocuteur de Caya occupé à aiguiser une lame. Lorsqu'ils s'approchèrent l'homme resta concentré sur sa tâche et la Forgicienne attendit qu'il ait fini avant de lui exposer la situation, bien qu'il y ait une chance qu'il ait entendu leur conversation.

— Ce monsieur présente une perception à la magie optimale, mais sa modélisation est faible. Je lui ai conseillé des armes à distance telles que le Pistél et les Bomorfs.

Vyrian, intrigué par l'origine des noms, interrogea Caya.

— "Pistél" pour "pistolet" et "éléments" ? Et "Bomorf" pour "bombe" et ... ?

Le visage de la jeune femme s’illumina et elle lui répondit le sourire aux lèvres.

— Oui c'est ça ! Bomorf, c'est la contraction de bombe et morphologique ! Car la zone d’impact prend la forme de la bombe.

Elle se tourna vers le gérant et poursuivit sa tirade de sa voix toujours enjouée.

— T’as vu, je te l’avais bien dit, les noms sont suffisamment explicites !

L'homme déposa sa lame sur le plan de travail et posa son regard sur Vyrian.

— Vous auriez dû vous abstenir, c’est elle qui a eut l’idée des noms de ces armes. Elle ne va plus s’arrêter de fanfaronner.

Vyrian lui fit un sourire désolé, mais la joie de la jeune femme n’était pas pour lui déplaire, sa bonne humeur était contagieuse. Son mentor n’y était pas indifférent, mais les affaires ne pouvaient pas attendre.

— Caya ! Rappelle-moi, quel est son pourcentage d’affinité de perception ?

— 100 %.

— C’est bien ce qu’il m’avait semblé entendre.

Son regard se fit vague avant de se poser une fois de plus sur Vyrian.

— Il est triste de laisser de telles compétences de perception inexploitées, voyons ce que nous pouvons faire pour vous.

L'homme se leva, contourna son comptoir et fit signe au biologiste de le suivre. Alors qu'il marchait d'un bon pas, il s'adressa à Caya.

— Peux-tu conduire son accompagnateur à la boutique pendant que je m'occupe de monsieur ?

— Bien sûr !

La jeune femme se tut avant de reprendre un ton plus professionnel et de s'adresser à Ollesty.

— C'est par ici, si vous voulez bien me suivre.

Vyrian se retourna et vit le Numéricien s'engouffrer à la suite de la jeune femme dans un étroit corridor. Le biologiste les regarda sortir de son champ de vision et sursauta lorsqu'il entendit la voix de son guide.

— Attention à la marche.

Le chercheur eut beau se remettre rapidement dans le bon sens, il ne la vit que trop tard et peina à garder son équilibre devant le regard critique du Forgicien.

— Venez par ici.

Vyrian le rejoignit et marcha sur une vitre posée à même le sol. En-dessous, il pouvait observer des flots de magie s'écouler paisiblement. Lorsqu'il releva la tête, il prit conscience des striures qui lui parcouraient le corps. Le Forgicien s'amusa des gesticulations qu'il faisait chaque fois qu'il en découvrait une nouvelle. Lorsque leurs regards se croisèrent, il se décida à expliquer le phénomène au biologiste.

— Une légende raconte que nous sommes tous liés. Ces circuits magiques qui nous parcourent en sont la preuve. D'ordinaire, on ne les voit pas, mais cette vitre les reflète et les condense si bien qu'on peut les observer à l'oeil nu. Je vais m'en servir pour vous confectionner le meilleur équipement possible. Pour ça, je vais tout d'abord prendre vos mensurations.

Vyrian le regarda prendre des mesures de ses membres et s'attarder plus particulièrement sur ses mains. Il lui fit serrer une sphère qui garda la forme de sa poigne. Il lui demanda d'exercer différentes pressions et à chaque fois le matériau se souvenait de la forme empruntée. Vyrian le vit faire en sorte que la pâte épouse le contour de la crosse d'un pistolet posé sur un présentoir, une fois bien mise, il lui tendit l'arme.

— Alors comment est-ce : trop lourd, bien équilibré ? La prise en main, est-elle bonne ?

Vyrian se mit en position de tir et patienta quelques instants, il voulait voir comment son corps réagirait sous la fatigue. Mais contre toute attente, l'arme était bien équilibrée et il ne la sentait presque pas.

— C'est bon.

— Parfait ! Pouvez-vous me dire à quoi va vous servir cette arme, que je puisse améliorer son utilisation. Comptez-vous rejoindre le convoi en partance pour Alteryx ?

— Un convoi ?

— Oui, vous avez dû passer tout prêt pour venir ici.

Vyrian se souvint de la foule qu'ils avaient dû traverser pour arriver jusqu'à la forge.

— Ah ! C'était ça ? Que vont-ils faire là-bas ?

— Tenter d'arrêter Faric.

Vyrian baissa la tête. Il était peiné de la tournure que prenaient les événements. Il y avait fort à parier que le convoi ne survive pas à l'excursion.

— Comptez-vous, vous y joindre ?

— Non.

Vyrian vit à l'expression de l'homme qu'il n'était pas convaincu par sa réponse.

— Bien, au cas où, je vais renfoncer le Pistél contre la corruption.

Le scientifique le regarda plonger des bandelettes dans une fontaine et en enrouler l'arme. L'énergie qui s'en dégageait était puissante, il ne faisait aucun doute que la magie y était pure.
Vyrian préféra changer de sujet pour ne pas trahir ses intentions.

— Comment recharge-t-on une arme ?

— J'y viens, un instant.

Lorsque l'arme fut complétement enveloppée, le gérant la posa sur un support, sécha ses mains sur son tablier, prit une barre métallique et s'en servit de levier pour soulever l'un des carreaux de la vitre qu'il plaça de côté. Il tendit ensuite l'une des sacoches qu'il portait à la taille à Vyrian.

— Ouvrez la pochette de droite, saisissez-vous de la pipette et plongez-la dans le flux d'énergie.

Vyrian s'accroupit et suivi les conseils de l'homme.

— Bien maintenant, ouvrez la pochette du milieu, prenez les moules et versez-y le contenu de la pipette.

Vyrian fit ce qui lui était demandé et en l'espace de quelques secondes, il vit le liquide se solidifier et les moules s'ouvrir d'eux-mêmes.

— Maintenant ouvrez la troisième pochette et déposez-y les munitions.

Une fois de plus Vyrian obtempéra.

— Il s'agissait de la situation la plus facile, le flux magique était accessible, à présent voyons comment vous débrouillez lorsque vous n'y avait pas accès.

L'homme poussa le carreau de son pied et il se réinséra dans son encadrement.

— A vous, montrez-moi comment vous vous y prendriez.

Instinctivement, Vyrian ferma les yeux pour percevoir les flux d'énergie l'entourant, il y parvint facilement et appuya sur sa pipette pour les faire venir à lui, mais rien ne se passa.

— Vous pouvez arrêter. Il faut faire infuser la magie, autrement dit la pipette vous ai donné n'est d'aucune utilité. Prenez le catalyseur dans la pochette de gauche, c'est le seul objet restant. Maintenant recommencez.

Vyrian referma les yeux et il vit à sa droite l'objet qu'il tenait entre les mains se gorger d'énergie, lorsqu'elle fut si concentrée qu'il peinait à le garder en main, il rouvrit les yeux et vit le regard satisfait du Forgicien.

— Effectivement une perception remarquable, vous battez tous les records, dommage que vous soyez si chétif. La suite du processus est le même. Pour les bombes, vous devez vous saisir du second moule, les parois sont recouvertes d'une texture qui permet de garder la malléabilité du produit.

— Il est donc impossible de créer des munitions lorsque la magie d'un lieu est épuisée.

— A vous de gérer votre stock. D'autres questions ?

Vyrian fit signe que non et le Forgicien changea de sujet.

— Bien maintenant passons à votre tenue. Suivez-moi. Toute à l'heure, j'ai transmi vos mensurations aux Picriins, elle ne doit pas tarder à être fini.

Vyrian se souvint de ces créatures. Il s'agissait des cousines des Textys, l'espèce dont était issue Pitchi. Ces créatures étaient utilisées pour leur laine. Effectivement, le Forgicien avait vu juste, la tenue était prête à l'exception de quelques lucioles duveteuses qui finissaient de tisser les derniers détails.

Vyrian les regarda à l'ouvrage, lorsque les dernières petites touches furent apportées, les créatures s'éloignèrent semblant l'inviter à s'en saisir. Hésitant, le scientifique la récupéra avant de l'enfiler. Pendant ce temps-là, le Forgicien était parti récupérer le Pistél et les Bomorfs et il les donna au biologiste qui s'en équipa.

La tenue était parfaite, aucune retouche n'était nécessaire. Satisfait, le gérant hocha la tête d'un signe approbateur et se redirigea vers l'entrée. Vyrian resta quelque temps à regarder son reflet dans un miroir posé contre l'un des murs. Il était à présent vêtu d'une veste renforcée, d'une chemise thermoadaptative, le chercheur ne doutait pas de la chaleur pourtant, depuis qu'il avait revêtu cette tenue, il n'en sentait pas les effets. Son pantalon sans être ample était confortable et permettait une grande variété de mouvements et ses bottes lui paraissaient bien plus résistantes que son ancienne paire. En plus de cela, la tenue comportait des protections, avec notamment des renforcements au niveau des articulations et des mains.

Satisfait, Vyrian retourna vers l'entrée. Il y retrouva Caya, son mentor et Ollesty en train de discuter. A son approche ils se turent et tournèrent la tête dans sa direction. Le biologiste les rejoignit et il quitta la forge en compagnit de l'Ombre après avoir réglé et salué les Forgiciens.

De retour en haut des escaliers, le soleil commençait sa descente nimbant le paysage d'un halo orangée.

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