Chapitre 1 - Le Wasteland (III)

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À son réveil, tout se retourna contre l’homme au fusil, et au centuple. Le froid fut la première chose qui le frappa. Il était resté inerte bien trop longtemps, fourré au fin fond de son esprit à se remémorer l’événement. Mais son corps avait continué de subir les assauts de froid du désert de givre. La seconde sensation de douleur fut celle de la soif. Elle l’agrippa tel la gueule des chiens de l’enfer que Celui Qui L’Appelait Son Frère avait fait surgir dans ses souvenirs. Les autres ressentis sont vagues, mais assez présents pour ne pas les ignorer. Les bras et les épaules endoloris, les jambes presque brûlés à vif. Le plus étrange ? Ses pieds. Plus précisément ses orteils. Le Wasteland les avait eu eux. Le froid lui prenait peu à peu les extrémités. Le seul organe à agir demeurait le coeur ; il faisait vibrer son corps tout entier tel la salle des machines d’un Titanic. Le cerveau lui divaguait dans toutes les directions. A bâbord puis à tribord. Au moins, il savait à présent pourquoi il avait évité les tentations de s’abandonner au passé. Wil disait que c'était cela le début de la folie. Mais Wil y avait succombé lui.. et bien avant la Fin d’ailleurs.

Tu divagues encore. L’homme au fusil reprit ses esprits en secouant sa tête. Choisis n’importe quelle direction. A ce stade en effet plus grand chose n’avait d’importance à part le fait de bouger. Le sang n’affluait plus, et le coeur peinait à fonctionner. La vue se brouillait aussi et le simple fait de jeter un oeil devant soi aurai décourager le plus vaillant de nos lecteurs. Car en face, rien d’autre que du givre et un léger voile de blanc dansant et virevoltant au gré d’un vent très léger. Au loin, la ligne de l’horizon, grise et indifférente. Au dessus, une forteresse.

Quoi ? Qu’est-ce…? Qu…

Là, au loin, beaucoup trop loin pour pouvoir en percevoir les détails, tellement loin que la silhouette de l’édifice avait tout d’un mirage, une tour. Puis un bâtiment sous cette tour, et autour, plusieurs autres tours et bâtiments dans des bâtiments, le tout surplombé par un mur de plusieurs kilomètres de hauteur encore plus loin que l’édifice mais bien assez menaçant pour pouvoir en remarquer la présence. Impossible. Le fort semblait flotter au dessus de la ligne d’horizon, et disparaissait le temps d’un court instant sous l’épaisseur d’un nuage de givre soulevé par les vents glaciales du Wasteland.

Un mirage..

Une énième fois, l’homme au fusil se secoua le crâne. Cette fois, il pris un long moment avant de fixer la réalité. Les yeux rivés sur le sol, il réfléchissait, pensait et à l’évidence se rendait. Impensable. Pas ici. Non pas maintenant. Il releva les yeux et Oui, tout était bien là. Le château se trouvait toujours la, un mirage, un oasis au centre d’un désert froid et impitoyable. Et ce mur… ce mur qui dominait absolument tout le reste. Le château, lui, était imposant certes. Un monstre dominant le monde, noir, sombre et perçant. Impitoyable même, il vous fixait, vous toisait de toute sa hauteur et aurait fait fuir le plus courageux des lecteurs. Mais le mur… ce mur… il demeurait bien plus effrayant que tout le reste. Il émanait de sa présence un avertissement. Un danger. Et puis un mur à quoi ça sert ? A séparer deux monde, deux univers, deux … personnages ? A cet instant, l’homme au fusil, bien que persuadé à présent de sa folie pure et simple, savait aussi que Celui Qui L’Appelait Son Frère et qui avait enlevé sa fille trois ans auparavant, avait toujours souhaité le mener ici. Ici, à la croisé des chemins.

Ou bien était ce la fièvre du Wasteland qui se gaussait de lui ?

Il se devait en avoir le coeur net.

Trois années pour cela il le savait. Et à en juger par là distance qui le séparait de l’édifice et certainement le double jusqu’au mur et au delà, les années defileraient lentement. Peu importe. Au delà de la mort, l’homme au fusil retrouverait sa fille.

Il décida alors que se focaliser sur le mouvement. Sa jambe gauche d’abord, bien que difficilement, fut le premier membre inférieur à se mouvoir. Les tremblements ne cessèrent pas une seule seconde. Mais l’homme au fusil passa outre. Première jambe, OK. A présent la seconde. La droite paraissait mal en point. Des orteils au genou, impossible de se mouvoir convenablement. Mais il était trop tôt pour se soucier de cela, il fallait BOUGER. Ou ramper. Après avoir tenter de se relever et s’être écrasé au sol, c'est cette dernière option qui fut envisagé. Cent ans à ramper ne m’empêcheront pas de retrouver ma fille. Et cette pensée assimilée, il fut impossible à l’homme au fusil de penser autrement. Il rampe alors un bon kilomètre, puis deux, puis trois, puis cinq et puis dix. Ses épaules le traînait de distance en distance sur des kilomètres entier. Le terrain plat du désert de glace le dévisageant et se moquant inlassablement de sa piètre personne. Peu lui importait les pièges de l’esprit, les fourberies du Wasteland, l’homme au fusil vainquerait. Le seul objectif était de parvenir au prochain mètre, puis le prochain et encore celui d’après. Peu importait la douleur ou plutôt le manque de douleur et de sensation dû au froid sidéral du grand désert, il parviendrait au bout. Le contraste entre le bas de son corps et le haut de celui ci lui parut peu à peu plus précis. Les épaules chauffaient et brûlaient sous les tractations de ces tendons et de ses muscles soutenant la responsabilité du corps entier. Peu à peu, ce fut la guerre psychologique qui prit possession du corps. La volonté s’évaporait en une fumée de cheminée dansant au gré de la brise du désert.

Enfin, il lui fallut une année entière (ce qui lui parut comme telle) pour se rendre compte du choc : en levant les yeux, la forteresse avait disparut. Pire. Le mur s’était lui aussi entièrement volatilisé.

Seul un nuage immense de la hauteur du mur et plus encore avait remplacé l’oasis d’espoir. Un nuage joignant la ligne de l’horizon au ciel. Une tempête…. Rien, absolument rien dans le Wasteland n’était plus meurtrier qu’une tempête de neige et il le savait.

C’en était fini.

Autour, rien.

Derrière, rien.

Devant, la mort.

Que faire ? Où aller ? Qui hurler ? Qui pleurer ? Les tremblement avaient cessé, la vision de terreur de ce nuage, non, de ce mur de givre, de neige et de tonnerre se dirigeant dit sur l’homme au fusil avait pris le dessus sur le froid. L’assurance d’une mort lente peut être. Les pensées se bousculaient dans la tête, dans l’esprit, dans la prison qui refermait lentement ses murs sur elle même. Wil ne lui avait jamais parlé de solutions. Les gars du service encore moins.. rien à faire à part mourir.

Soudain, l’urgence de l’instinct vint raviver la flamme de l’action dans le coeur à demi aliéné de l’homme au fusil. Des larmes avaient sûrement coulé mais de givre elles étaient à présent faite. Les lunettes d’aviateur, il les racommoda. Le foulard entourant sa nuque, il le remonta pour couvrir la moitié de sa face. Le manteau de fourrure à moitié retiré par les kilomètres de traîne, il le rajusta. Un mur, cent ans à ramper et une tempête ne me sépareront jamais de Ri. La volonté avait pris le dessus. La terreur ? Toujours agrippée comme une tic mais il l’ecraserai s’il le fallait.

Alors, avec une force surhumaine, il parvint à se lever, s’appuyant au fusil qu'il utilisa comme la canne d’un vieillard. Il tituba. L’air glacial de la tempête approchait. Peu à peu. Lentement. Mais sûrement. La nature se dechainait à quelques kilomètres de lui à présent. Proche, tout proche. Trop proche.

Rien.

L’homme au fusil fit un pas.

Rien.

Deux pas.

Absolument rien.

Trois pas.

NE ME PRENDRA MA FILLE !

L’homme au fusil possédé par là volonté d’un père ayant tout à perdre, fut alors frappé de plein fouet par la gueule d’une tempête de glace, de givre et de tonnerre, que seul le Wasteland, riant aux éclats avait jamais eu le pouvoir de créer.

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