Chapitre 1 - Le Wasteland (I)

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  • On ne doit plus être loin.

Il mentait. Il le savait car cela faisait une bonne demi-journée qu’il était incapable de définir la route à suivre ; un moment d’égarement l’avait dévié du droit chemin. Le pire dans tout ce cinéma n’était pas le froid, le givre qui brûlait les orteils de l’homme au fusil malgré les bottes fourré qu’il portait ou bien même l’horizon qui ne faisait que reculer plus il avançait mais plutôt qu’il continuait de parler à sa fille alors qu’il la lui avait enlevée. La folie me consume. Un coup de vent violent fit soulevé un nuage de givre contre son visage à moitié découvert. Ou serait-ce l’espoir ? L’espoir de la revoir le faisait poursuivre ; son doux visage éclairé par la lueur jaune et rougeâtre du feu de cheminée, la veille de Noël, c’est cette image qu’il gardait d’elle, même s’il avait certainement bien changé. Cela devait faire un peu plus de trois années qu’il marchait dans ce désert. Il aurait bien compté les jours mais aucun repère précis ne permettait à l’homme au fusil de différencier le jour de la nuit. Ici, le ciel demeurait blanc. N’importe où où votre regard se posait, le blanc opaque vous grillait la rétine. Y avait-il un soleil au dessus de ce ciel ? Il n’en n’avait aucune idée, pas la moindre. Et quant à la direction à prendre, là aussi il doutait fortement de lui. La seule boussole en sa possession vrillait à l’Ouest, puis à l’Est et enfin au Nord pour finalement se tortiller vers le Sud. Tout autour, dans le champ visuel restreint de ses yeux entourée de lunettes d’aviateur, celles de son ancien ami d’enfance Wil, de vagues montagnes se dessinaient au loin, ç des distances trop effarantes pour ne serait-ce qu’espérer les rejoindre un jour, puis après quelques instants s’évaporaient dans un brouillard vague et aussi blanc que le ciel. Quand à une éventuelle végétation, l’homme au fusil n’en n’avait pas croisé depuis son départ, environ un an auparavant. Un homme ? il ne savait plus à quoi ça ressemblait. Une femme ? Encore pire, si ce n’était le visage de sa fille qui tourbillonait dans son esprit matin, midi et soir (S’il existait un matin, un midi et un soir !) Du blanc à perte de vue, voilà ce qu’était sa vie. Tout ce qu’il connaissait à présent c’était ça, le Wasteland.

  • On y est presque Ri.

Menteur. Il ne pouvait s’en empêcher. S’il ne parlait pas, même si ce qui sortait de sa gueule décharnée demeuraient des mensonges, il entendait les voix, dans son esprit. Les revoilà, combattant entre elles dans l’arrière de mon crâne. Il faisait tout pour les faire taire ; elle constituaient la preuve formelle de sa folie. Et de sa vie. La preuve irréfutable que le Waste l’avait eut lui aussi. Le monde est mort. Où étais-tu ? Hein ? Tout le monde a brûlé. Que faisais-tu ? Hein ? Tout le monde avait tort. Qu’étais-tu ? Hein ? Tout le monde a dévoré. OU ETAIS-TU ! L’homme au fusil vacilla en avant ; la déshydratation le prenait. Encore. Depuis combien de temps ? Il tenta de se reprendre en s’accroupissant au sol. Il détacha son ancien sac militaire délavé et en sorti une bouteille plastique rempli d’eau. Au centre, un glaçon avait prit la forme de la bouteille. Dans le sac se trouvait un tas de vêtement chaud, fourrure et autre écharpes. Il y trouva aussi des munitions visant à alimenter le fusil et le pistolet de service qu’il portait à sa ceinture, sous le manteau épais de tissu. Il se tint un moment là, au sol, fixant l’horizon, comme si ce simple regard pouvait l’amener plus rapidement vers la ligne blanche et lointaine. Il se releva alors, lorsque ses jambes furent trop engourdies pour supporter cette position, et se remit en route. Peu à peu, il se laissa porter par ses pensées le plus profondes. Il se demanda alors qu’est-ce que le Wasteland avait bien être avant tout ça. Quelle ville avait été bâtie ici, quel restaurant s’était trouvé là, quelle type de rue pouvait bien abrité cette fameuse ville ? Mais tout ceci, l’homme au fusil ne s’en souvenait pas. Ses souvenirs devenaient de plus en plus restreint, comme ils l’avaient toujours été d’ailleurs. L’amnésie n’était pas nouvelle, et à chaque chose qu’il voyait demeurait cette impression de déjà-vu, une image du même objet, de la même scène qu’il aurait déjà vécu auparavant, dans un passé lointain. Il avait toujours eut la sensation d’avoir la réponse sur le bout de la langue sans jamais pouvoir la prononcer. C’était cela qui avait mis fin à ses années de service. En fait, le monde était déjà mort pour lui, bien avant la mort du monde. Il se rappelait en revanche de quelques petites choses de ce passé parfois. Très rarement mais cela lui arrivait bel et bien. Avec les années, l’homme au fusil avait su différencier la folie pure et réelle de ces bribes qui lui revenaient tels des flash de polaroïde. Il avait ce goût âcre parfois dans la bouche, teinté de sucre ; une boisson à laquelle on n’aurait justement mis une dose insuffisante de sucre. Puis un mot lui parvenait immédiatement : café. Ou bien ka-fé. Impossible d’en savoir plus. Son esprit le maintenant dans l’ombre. Et le Wasteland n’arrangeait rien. Qu’il y eut ici un jour un bâtiment de grande entreprise ou là une école primaire, en tout cas il n’en restait plus rien. Seul le froid et la neige régnait en maître. Lui n’était qu’une fourmis au milieu d’un monde qu’il ne connaissait pas. Et pourtant, il se sentait toujours plus proche de sa fille. Et cela signifiait aussi plus proche de lui ; Celui Qui L’Appelait Son Frère. Rien que de penser à son visage démentiel, illuminé de ce sourire malin, provoqua en lui une colère.

Puis, un flash. Le même qui provoquait chez lui ce retour en arrière. Le même retour dont il était pourtant incapable de deviner la provenance. Provenance incertaine flottant à l’arrière de son crâne, une vie lointaine et à la fois toute proche. Un souvenir impossible à situer qu'il se refusait toujours à visiter. Mais cette fois, la tentation était forte. Trop forte pour pouvoir prendre la peine de se secouer la tête et aller de l’avant. C'est ce qu'il aurait fait avec la folie en moins. La folie du Wasteland. Alors, il dit ce qu'il n’avait fait depuis un millier d’années au moins : il se laissa aller au gré du souvenir.

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