Chapitre 2 - Sangthétique

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Hannah venait de partir. Son odeur délicieuse flottait encore dans la morgue. Malgré le froid, Rose était en sueur, haletante. La soif était insoutenable. Elle venait de vivre deux heures de torture. Chaque seconde de chaque minute, elle n’avait songé qu’à la gouter, planter ses crocs dans sa chair tendre, gouter son sang. Elle s’était plusieurs fois retrouvée en mauvaise posture face à un humain, affamée, mais jamais l’envie n’avait été si virulente. Elle se dégoutait. Que cela lui serve de leçon ! Plus de frigo vide.

Hannah était tout à fait particulière. Il y avait quelque chose qui émanait d’elle, Rose était comme aimantée, son parfum l’enivrait. Elle ne savait pas si elle aurait pu se contenir plus longtemps. Elle ferma les yeux, elle préférait ne pas y penser.

Rose inspira profondément, elle était redevenue elle-même. Le froid de la morgue engourdissait ses sens, le silence parfait reposait son ouïe. Cette atmosphère ouatée l’apaisait.

Elle se redressa. Elle se sentait mieux et pouvait se remettre au travail. Maintenant qu’un de ses cadavres avait pris la poudre d’escampette, il ne lui restait plus que deux autopsies. Elle n’aurait pas le temps de s’occuper des deux corps, il ne restait que quelques heures avant le lever du soleil. Elle devait faire vite. Elle n’aimait pas devoir se dépêcher, devoir utiliser sa célérité vampirique. Rose aimait prendre son temps, l’éternité était longue. Vivre chaque moment, une seconde après l’autre, rien ne pressait.

5 h 40. Plus le choix.

Hannah glissa la clé dans la serrure. Un quart de tour vers la droite et elle était enfin chez elle. Il n’y avait plus de camion, ni de morgue, simplement elle, son chat et un café.

De son entrée pas plus grande que la largeur de ses épaules, elle voyait tout son studio. Sa bulle d’intimité de 26 m2. La cuisine équipée sur le mur de gauche, le coin salon au fond et à droite le lit deux places occupé, séparé du salon par une penderie IKEA — quoi d’autre. Attends, occupé ?


- BASILE ?

- H ? Mais tu as vu l’heure qu’il est… C’est pas une heure pour rentrer… grogna-t-il.

- Qu’est-ce que tu fais dans mon lit !

- Ton canapé n’est pas confortable… j’ai les jambes trop longues…

- Je rêve ! Allez debout !

Hannah tira brutalement la couette. Il gémit, tâta autour de lui et la remonta jusqu’aux oreilles.


- Viens te coucher, tu rouspèteras plus tard…

Elle fit la moue. Impossible de lui parler, il dormait encore. Elle abandonna. 6 h 9. D’ici deux heures, elle tenterait à nouveau.

Elle se fit un café et alla se lover dans son fauteuil. Intéressé, son chat vint se caler contre elle et se rendormit. La tasse dans ses mains diffusait une agréable chaleur, réchauffant son corps transi. Le froid de la morgue avait transpercé ses os.

Elle regarda au-dehors, les branches nues dansaient mollement. Le vent animait l’aire de jeux en contrebas où semblaient jouer des garnements fantômes. La nuit était encore obscure, épaisse.

6 h 10. Le travail était fait.

Rose sortit le premier corps : Geoffrey Morbeuf. 23 ans, 1,85 m, 85 kg. Accident de moto. Définir la cause précise de sa mort. Confirmer l’importante vitesse lors de l’impact. Elle avançait méticuleusement. Méthodique. Inventorier chaque plaie de surface. Taille, forme, profondeur. Les prendre en photo. Obligation médicolégale. La dissection. Scalpel à la main. Large découpe. Du sternum au pubis. Décoller les tissus de l’os. Délicatement. Une grosse pince. Couper les côtes. Ôter le gril thoracique. Noir. Tout était noir. Le sang coagulé emplissait les poumons. Hémorragie interne. La violence de la décélération avait arraché les artérioles. Il ne roulait certainement pas à 50 km/h. Le liquide avait pris la place de l’air. Asphyxie. Anoxie cérébrale. Coma. Hypovolémie cardiaque. Désamorçage de la pompe. Arrêt.

Il avait une passagère, heureusement il ne l’avait pas entrainée dans sa tombe. Rose soupira et referma le tiroir. Imbécile ! Dommage pour celui-ci. En tirant la poignée des gaz en ville, il avait choisi de mourir plus tôt.

Compte rendu dicté. Second corps. Johanna Dubois. 37 ans, 1,69 m, 59 kg. Le corps couvert de bleus. La forme bleutée des doigts se distinguait nettement sur la peau livide. Plusieurs côtes cassées. Visage tuméfié. Battue à mort. Rose serra les dents, furibonde. La femme était enceinte. L’assassin n’avait pas tué un, mais deux êtres vivants. Elle attrapa son appareil photo et recommença sa chorégraphie.

6 h 11. Rose roulait à tombeau ouvert vers le Plasma’store. Elle se rappelait maintenant. Cela faisait cinq jours qu’elle n’avait rien avalé. La boutique était fermée la dernière fois qu’elle avait voulu se ravitailler.

L’échoppe se trouvait au cœur de Rennes, à la vue de tous. Elle avait d’ailleurs un grand succès auprès des humains. Ils pouvaient y trouver des articles de déguisement, de farces et attrapes et de fête d’excellente qualité. L’ambiance lugubre, l’air sombre et patibulaire de Craig, le patron, à la fois terrifiaient et subjuguaient les acheteurs. Cette boutique qui n’ouvrait que de 20 h à 4 h du matin attirait une clientèle qui aimait se faire peur.

Rose y allait pour une tout autre raison naturellement. Les farces et attrapes n’étaient qu’une façade. Les entrailles de la boutique étaient destinées à une tout autre clientèle…


- Rose. Il est temps de faire le plein, je présume, dit Craig d’une voix trainante. Tu sembles lasse.

- Ton départ en vacances m’a prise de court.

- Il était imprévu effectivement. Auquel cas je t’aurais mis quelques poches de côté.

Craig n’aimait personne. Il avait les humains en horreur, abhorrait les Anhumains et exécrait les vampires. Espèce à laquelle il appartenait pour son plus grand malheur. Mais cette gamine était curieuse. Il ne l’aimait pas, loin de là, il la détestait moins, pourrait-on dire. Il était quand même intrigué par son refus catégorique de se nourrir d’un humain, et de son rythme de nourrissage. Deux fois par semaine ! Quel vécu poussait un vampire à se torturer de la sorte ? Il avait connu des périodes de soif lui aussi. Jamais il ne se les infligerait volontairement. Force de caractère ou culpabilité ? Des conjectures qui n’auraient jamais leurs réponses. De toute façon, il s’en foutait. Elle ne pouvait pas se procurer de sang ailleurs et il faisait en sorte que la gamine puisse toujours avoir accès à une poche en cas de besoin. C’était sa manière de la soutenir. Cette fois-ci, dans son départ précipité, il l’avait oubliée.


- Descendons, il y a du nouveau.

Elle passa derrière le comptoir et tous deux s’enfoncèrent dans le cœur givré de la boutique. Les lumières s’allumèrent automatiquement, blanches et blafardes, douloureuses pour leurs yeux perçants. Un brouillard de fraicheur serpentait au sol. Accrochés au mur, des dizaines de rayonnages desquels pendaient des poches rouges s’alignaient, chacune tamponnée du logo Plasma’store. Craig s’arrêta devant un petit appareil à l’allure d’un chauffe-plat.


- Elles sont arrivées tout à l’heure. Elles sortent des labos Hémotech. Du sangthétique chaud. Packaging isotherme pour le transport.

- Ils se sont surpassés sur ce coup-là. Tu as gouté ?

- Oui. Ça ne vaut pas du sang frais. Cependant, c’est incomparable à une poche froide.

- C’est aussi trop onéreux. Je ne veux pas mettre mon argent là-dedans.

- Je sais. Je t’en offre une pour m’excuser.

- Craig, tu n’es pas obligé.

- J’insiste. Et ça te fera peut-être changer d’avis. Avec ça, je te mets quoi ?

- Deux A+, deux B+ et une de O — .

- Comme d’habitude… trois semaines de nourrissage. Je te mets aussi le dernier livre de recettes qui est sorti.

- Merci.

Lorsque Rose attrapa le sac que Craig lui tendit, à quelques kilomètres de là, Hannah attrapa un cours, évitant soigneusement de déranger son chat. Elle tenta de le lire, mais sa concentration s’étiolait, son esprit vagabondait. Rose. Rose. Son prénom résonnait. Sa voix était un pétale, ses yeux, une épine. Avait-elle rêvé ? Le plus beau des rêves. Hannah fronça les sourcils, confuse et gênée. À quoi pensait-elle ! Elle se replongea dans sa lecture et travailla encore deux bonnes heures.

Rose rangea ses cinq poches au frigo et garda sortie celle que Craig lui avait offerte. Cette poche-ci serait gâchée si elle la cuisinait. Elle hésita à l’ouvrir, puis déchira le haut de la poche. L’odeur était parfaitement semblable au véritable sang, on aurait pu s’y tromper. Elle chauffa un verre pour le mettre à la même température que le sang, pas question d’abimer ce produit. L’aspect également était réussi, ni trop épais, ni trop liquide. Comme si elle s’apprêtait à boire du vin, elle fit faire quelques rotations au liquide. Elle observa les rebords, la boisson rouge tintait à merveille la paroi. Elle reposa le verre, la température n’était pas encore idéale.

En vérité, toutes ces manœuvres étaient un moyen pour elle de ne pas perdre le contrôle. Ne plus perdre le contrôle. Elle huma les fragrances qui s’évadaient du verre et serra les dents. Des souvenirs refirent surface, violents, bestiaux. Le sang, elle l’aimait, plus que de raison. Sa sauvagerie passée la hantait. Elle tremblait de peur, de rage aussi, contre elle-même. Elle eut un haut-le-cœur et jeta le sangthétique dans l’évier, elle ne pouvait pas. Et s’il était trop vrai ? Trop bon ? Elle n’était pas certaine de ne pas replonger. Ce sang était comme proposer un shoot à un héroïnomane en dépression sevré depuis trente ans. Elle se trouvait sur la corde raide, toujours prête à retomber dans ses vieux travers. Le risque était trop grand.

Elle rinça méticuleusement son évier. L’odeur se dissipa, elle se détendit. Les poches froides n’étaient pas fameuses, mais bien cuisinées elles remplissaient honorablement leur objectif. Rose attrapa son nouveau livre de recettes et se laissa tomber sur le canapé face à l’immense baie vitrée qui laissait voir l’étendue de la ville en contrebas. Les premières lumières des travailleurs matinaux s’allumaient aux fenêtres. Elle feuilleta la revue à la recherche de quelque chose de rapide à cuisiner, la nuit s’éclaircissait.

« Globine à l’ail et aux fines herbes »

« Gaspacho façon hémo »

« Plasma’cotta »

La première ferait amplement l’affaire, simple et efficace.

Elle sirota son breuvage de vitalité liquide en observant le réveil des hommes. Le brasier qui consumait Rose s’éteignit peu à peu. Elle flottait au cœur d’un bien être doucereux. Une fois les quelques minutes d’extase passées, une vague de puissance la submergea. Elle était entière à nouveau. Vive, alerte, dangereuse. Débordée par ses vieux instincts, elle lutta quelques minutes et revint à elle, à ce calme austère derrière lequel elle se cachait depuis des années.

Elle regarda l’heure. 7 h 27. Oleg ne devait pas encore dormir. Il avait l’habitude de veiller jusqu’aux premières lueurs du jour. Comme à tous, le soleil lui manquait terriblement.


- Bonjour petit frère.

- Par tous les dieux, tu ne vas pas relancer ce débat ?

- Quel débat ? demanda-t-elle feignant l’innocence.

- J’ai 9 ans de plus que toi !

- Ce n’est pas parce que tu as vécu tes 19 ans plus longtemps que moi mes 22 que tu es plus vieux que moi.

- Et ça y est, c’est reparti… Donc pour toi, le dragon de 17 ans qui est à la tête du département de R&D en biotechnologies de Hémotech est plus jeune que toi malgré ses quasi mille ans ?

Il marquait un point.

Viktoria Sainclaire. Cette ado millénaire n’était pas un dragon… simplement une enfant qui s’ennuyait. Ce qui la rendait sans foi ni loi ! La confrérie française elle-même la craignait.


- En un sens oui, elle ne saura jamais ce que murir veut dire. C’est bien pour cela qu’elle est si terrible. Quoi qu’il en soit, dragon ou pas, tu restes mon petit frère. End of discussion.

- Sainte Marie mère de Dieu… Et voilà. On en revient toujours au même résultat. Tu dois avoir l’ouïe défectueuse. Ce ne serait pas la seule chose ratée chez toi…

- Maintenant, tu m’insultes ? Je suis vexée, Oleg…

- C’est ça, et moi je peux marcher au soleil… railla-t-il amusé.

- Bref ! Passons. Je t’appelle pour une tout autre raison.

- Ma voix délicieuse te manquait.

- Non, du tout. J’ai fait une rencontre troublante ce soir.

- Si toi tu es troublée… Qui est-ce ?

- Hannah Kavanagh, 4e année de médecine, 22 ans.

- Des phrases, Rose, des phrases… Je ne suis pas un de tes comptes-rendus… Bon jusque-là, rien d’anormal.

- Je l’ai rencontrée sur ma table d’autopsie.

- Ah ! Si je m’attendais à ça…

- C’est à peu près ce que j’ai dit.

- Et… ? Vas-y, dis-m’en plus ! Elle est quoi, qu’est-ce qui s’est passé, n’attends pas que je te pose les questions, je fais déjà ça la moitié de mon temps !

- Je ne sais pas ce qu’elle est, je n’avais jamais vu ça Oleg. Elle a simplement été heurtée par un camion et elle s’est réveillée dans mon tiroir ! Elle était chaude, mais aucun humain ne survivrait aux 5 battements par minutes de son cœur ! J’ai rapidement examiné son sang, il est mort. Pourtant la bio était parfaitement normale.

- Ce que tu dis n’a aucun sens, tu t’en rends compte au moins ?

- Bien sûr, que ça n’a aucun un sens ! Je te décris seulement ce que j’ai observé. Les seuls êtres morts de tous les Anhumains sont les vampires. Et crois-moi, je n’avais pas sous les yeux un vampire.

- Tu en es sure ?

- Oleg, notre cœur ne bat pas.

- C’est vrai. Et puis si elle avait été une nouvelle-née, tu n’aurais pas pu discuter bien gentiment avec elle, leur soif de sang au réveil est irrépressible, il est parfaitement impossible de communiquer avec eux.

Il se tut. Il réfléchissait.


- Est-ce qu’elle pourrait être un autre Anhumain ?

- Non. Clairement, elle ne sentait pas le lycan. Et les Sans-visages n’investissent pas les hommes.

- Un sortilège de Mageresse ?

- Qui affecterait jusqu’à son fonctionnement microscopique ?

- Tu as raison, on n’a pas vu de sortilèges aussi puissants depuis les sorcières de Salem.

- Moi je ne vois qu’une seule réponse… commença Rose.

- Mi-humaine, mi-vampire… mais comment ? Deux espèces différentes ne peuvent pas avoir un enfant, on est pas des zèbres !

- Non pas de manière « naturelle » évidement, mais une expérience.

- À quoi penses-tu ? demanda-t-il effrayé de ce qu’elle pouvait répondre.

- L’injection de sang de vampire à une femme enceinte.

- J’aimerais te dire que ça ne tient pas debout…

- Je vais réaliser quelques tests, on en saura plus dans une petite semaine, je pense.

- Que fais-tu s’il s’avère qu’elle est une véritable demi-vampire ? Tu en informes la confrérie ? Le CODEN spécifie un recensement de toute nouvelle espèce.

Le Code De la Nuit. La constitution vampirique. Chaque confrérie possédait le sien et un vampire se devait de connaitre le CODEN du pays dans lequel il résidait. Le manquement au règlement de ce code était très sévèrement puni. Et ce, peu importe le pays. Son vécu lui hurlait de fuir toute organisation quelle qu’elle soit, mais désobéir au CODEN était trop risqué.


- Je n’aurais pas le choix Oleg…

- Fais attention à ce que tu leur diras.

- Je ne le sais que trop bien....

Elle jeta un rapide coup d’œil par la fenêtre


- Il se fait tôt, on ferait mieux d’aller dormir. Je te tiens au courant.

Elle ferma les volets, tira les lourds rideaux opaques et s’enfouit sous la couette. Le sommeil ne venait pas, elle était préoccupée. Et quelle idée de boire avant de dormir ! Elle n’arrivait pas à comprendre comment toute cette histoire tenait debout. Si Hannah avait été une véritable expérience, elle aurait été en contact bien avant avec le monde des Anhumains, même si ses « propriétaires » avaient décidé de l’observer in vivo chez les hommes. Ou tout simplement pourquoi ? Pourquoi créer un Demi-vampire ? Quelle en était la finalité ? L’utilité ? Et si elle partait du principe que son existence était un accident fortuit, comment avait-il bien pu se produire ?

Elle tournait et se retournait dans son lit, impossible de fermer l’œil. Elle attrapa sa tablette afin de faire quelques recherches. Hannah n’était peut-être pas un cas unique après tout. Elle ouvrit UH-Security, un intranet extrêmement sécurisé qui était entièrement dédié aux Anhumains — Unhuman. Cette plateforme leur permettait d’utiliser des applications semblables à celle des hommes avec plus de liberté. Un véritable monde parallèle. Elle fureta sur Uhgle à la recherche d’articles qui pourraient mentionner un Anhumain semblable à Hannah. Chou blanc. Vampédia ne contenait aucun article sur le sujet. Contrariée, elle ferma le moteur de recherche et alla faire un tour sur V-shop pour se changer les idées. Elle avait besoin d’une nouvelle lime à dent, la sienne ne ponçait plus grand-chose. Puisqu’elle ne mordait plus rien, ses dents poussaient en continu sans jamais s’user. Elle finit indubitablement sur l’onglet « équipements motards et motos ». Ils venaient de sortir une combinaison intégrale parfaitement opaque à la lumière. Une étincelle s’alluma dans ses yeux. Elle mit le tout dans son panier, elle était tout excitée ! Elle attendait cet équipement depuis qu’Hémotech avait lancé l’idée il y a cinq ans. Elle avait postulé pour être bêtatesteuse, mais n’avait pas été sélectionnée, à son grand dam.

Pendant que Rose sombrait dans un sommeil sans rêves, Basile émergea.


- H ! Tu es enfin rentrée ! Je me suis fait un sang d’encre !

Elle sursauta. Son chat s’enfuit, dérangé et outré.


- J’imagine ! Tu n’en dormais plus même ! dit-elle sans lever le nez.

Il ouvrit la bouche. La referma. Elle n’avait pas tort. Hannah posa ses lunettes et vint se planter devant lui, le regard inquisiteur.


- Peux-tu m’expliquer ta présence ici ?

- C’est que je m’inquiétais moi ! Tu ne m’as pas répondu de tout l’après-midi et tu ne t’es pas pointée en cours. Ce n’est vraiment pas ton genre ça. Alors je suis passé chez toi et…

- Et puisqu’il n’y avait personne, tu t’es dit que tu allais rester ! En rien, ma télé n’a eu un quelconque poids dans ta décision ? N’est-ce pas ?

- Je me suis dit que j’allais t’attendre, tu allais bien finir par rentrer ! Puis les heures passaient et je m’ennuyais alors…

- J’y crois pas ! Tu as fait l’aller-retour pour aller chercher ta console ! À ce rythme, autant la laisser ici !

Il leva les mains, affichant un air faussement contrit. Elle soupira, exaspérée et le poussa gentiment.


- Je suis tout de même heureuse que tu sois là.

Sorti d’affaire, Basile attaqua :


- Alors tu étais où cette nuit ?!

Je me suis fait taper par un camion. Je me suis réveillée à la morgue. La médecin légiste qui a failli me découper s’est avérée être une vampire. Elle m’a expliqué que nous cohabitions avec des créatures surnaturelles. Pardon, que vous cohabitiez avec des créatures surnaturelles ! Car, oui, je suis aussi une créature surnaturelle.

Non… il n’était pas prêt : difficile à entendre, impossible à croire. Mais aussi, elle souhaitait garder Rose secrète, comme si l’évoquer l’effacerait.


- Un café ? se déroba-t-elle. Il la fixa… Quoi ! J’ai perdu une tache de rousseur ?

- Tu es pâle.

- Je suis rousse.

- Non, tu es vraiment pâle… Tu sais ce qu’il te faudrait ? demanda-t-il espiègle.

Hannah haussa un sourcil sceptique. Inquiet même. Basile répondit par un large sourire et se mit à gigoter. Il dansait. Dans le mille ! Elle fit non de la tête. Il agrippa sa taille, attrapa sa main, improvisant une valse, tournoyant, tourbillonnant, à un rythme endiablé. D’abord raide, en opposition, elle s’assouplit et ils dansèrent à l’unisson. Victoire !


- J’imagine que tu veux aller au bar avant d’aller danser ?

- Évidement !

- Très bien....

Un vague geste de la main. Elle s’avouait vaincue.


- Mais on travaille jusqu’à ce soir ! Les examens sont dans une semaine et demie, le réconfort après l’effort !

- Rabat-joie !

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