Une longue plainte

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Le 2 juin 1886,

Les souterrains étaient peuplés des ombres des paysans, des servantes, des palefreniers, des charpentiers, des forgerons qui étaient venus se réfugier là pour échapper à la barbarie. D'autres encore se tenaient cachés dans des geôles, depuis quelques jours déjà, pressentant le pire.

Violetta m'a conduite dans une réserve dont elle a trouvé la clef sous une pierre : une pièce immense, aux murs noircis, éclairée par une meurtrière. Au plafond, pendaient des grappes d'oignons et de la viande séchée. Par terre, des fûts de vin et de bière. Sur les étagères, des pots de miel, des sacs de noix, des bouteilles d'huile, des chandelles, des bougies. Dans un coin de la pièce , à même le sol, des paillasses et des couvertures. Tout pour tenir un siège pendant quelque temps.

Serrées l'une contre l'autre, nous avons mêlé nos peurs et nos pleurs.

Le lendemain, ayant constaté que les couloirs étaient vides de leurs occupants, nous nous sommes alors dirigées vers la sortie, avec précaution. A la porte, grande ouverte, un silence pesant, épais, ignoble. Des cadavres par dizaines jonchaient le sol, leurs faces hideuses tournées vers le ciel. Un bûcher, dont les fumerolles tournoyaient, donnait à ce lieu de désolation, un semblant de vie.

Parmi les décombres, un peu plus loin, un homme à genoux, les mains jointes, priait. Soudain, de sa gorge s'est élevée une plainte, longue, modulée comme celle du vent, de ce vent impétueux, âpre. On aurait dit un loup hurlant à la mort.

- Papa ! a crié Violetta. Elle s'est élancée au devant de lui, trébuchant à chaque pas contre un corps, une pierre, une épée. Celui-ci s'est accroupi pour recevoir dans ses bras sa fille chérie qu'il croyait morte.

- je te protège mon ange !

- Maman ! Où est maman ?

- Elle ne craint plus rien, là où elle est.

La petite fille a sangloté au creux de son épaule pendant un long moment. Puis elle m' a fait un signe, comme un adieu. Paume vers le ciel, main devant la bouche, je lui ai soufflé un baiser que la brise a porté jusqu'à elle.

Je m'en suis retournée vers le souterrain que j'ai suivi d'un pas lourd, n'espérant plus rien, seule au monde.

Alors que je m'éloignais dans l'ombre du corridor, une voix aimée m'a hélée :

- Emma, Attends moi !

- Amaury ! Dieu soit loué, tu es sain et sauf !

J'ai couru jusqu'à la sortie, éperdue d'amour et de reconnaissance à la vie qui me choyait...malgré tout.

Mais la grande porte avait disparu. A la place, un mur de pierres séculaires semblait me narguer de toute sa hauteur. Je me suis effondrée, terrassée par le chagrin, sans larme ni sanglot.

Près de moi, rôdaient des êtres malfaisants dont je sentais l'haleine brûlante contre ma bouche.

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