Le massacre.

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Le 1er juin 1886,

Je me demande parfois si je dois continuer à écrire mon journal tant les événements présents sont terrifiants.

Hier, quand je suis sortie du donjon en compagnie de Violetta pour me diriger vers la haute cour, un spectacle apocalyptique s'est offert à nos yeux. La grande porte qui ouvre sur le pont levis était en feu. Des flèches flamboyantes piquetaient le bois torturé par les flammes. Des soldats à cheval, dissimulés sous un heaume et un haubert, pourfendaient de leur épée, ici, un ventre qui éclatait de ses blessures, là, tranchant à la volée, bras et ,jambes. Les cris, les hurlements, les râles se faisaient plus implorants à mesure que le combat s'intensifiait. Les boucliers à blasons et les lances se heurtaient dans un cliquetis sec.

A l'extérieur de l'enceinte, on entendait les bombardes cracher des boulets de pierre qui venaient heurter dans un bruit d'enfer la forteresse. Elle était ébranlée par les assauts répétés, comme elle l'est parfois les jours de grande tempête.

A quelques centimètres de Violetta, une hache est venue se planter dans le fût d'un chêne séculaire. J'en ai senti le souffle froid, immonde. J'ai compris que l'ennemi n'était pas venu pour prendre du butin mais pour massacrer cette famille protestante.

Nous nous sommes réfugiées dans un renfoncement de la muraille car il nous était impossible pour le moment d'accéder aux souterrains. Violetta s'est blottie entre mes bras tremblants et a pleuré :

- Ma maman ! Où est ma maman ?

J'ai pensé à Amaury, mon cher amour. Mon regard a fouillé cette foule compacte, mouvante comme un serpent.

C'est alors qu'un soldat brandissant une dague s'est jeté sur moi. J'ai reconnu en lui un proche de la famille de Mancy :

- Pendons cette femme ! C'est elle qui nous a trahis ! C'est une catholique !

- Il faut la jeter au bûcher, a crié une ombre, plus loin ! C'est une diablesse !

Les deux hommes m'ont plaquée au sol et m'ont traînée par les cheveux jusqu'à un brasier. Je ne pouvais plus penser. Mon corps était écorché par les cailloux coupants et ma tête me faisait mal.

Soudain, les deux tueurs ont lâché prise et se sont affaissés dans une mare de sang.

Amaury, sorti de nulle part, d'un coup d'épée, venait de transpercer les corps de ses cousins.

Je me suis relevée tant bien que mal, la bouche remplie de terre et de cendre. Mon sauveur m'a hissée sur son destrier et m'a emmenée vers le souterrain en me déposant à l'entrée. J'y ai retrouvé, Dieu merci, la petite fille qui avait pu s'enfuir de cet enfer.

Puis Amaury s'est éloigné en me criant :

- Emma, prends soin de la petite. Et quoiqu'il arrive, tu es mienne.

Je l'ai supplié de se cacher avec nous mais son cheval s'est éloigné au galop, absorbé par la poussière, la cendre et la fumée.

Je sais qu'un chevalier ne se rend pas ! Il est brave et méprise la souffrance et la mort quand la cause est juste.

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