Prisonnière !

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Journal intime.

Le 13 mai 1886.

Je renonce à écrire à mon cher Lorenzo. Le facteur ne passera pas aujourd'hui, ni les jours suivants. Il lui est impossible de franchir les obstacles constitués d'arbres déracinés qui barrent le chemin. De plus, le torrent de la Trémière est sorti de son lit et se déverse maintenant en travers de la route, charriant limons, rochers, troncs d'arbres, branches, qui s'amoncellent çà et là, créant de nouveaux barrages, à l'intérieur même de la forêt. Les rochers se détachent de leur assise, roulant, boulant, crânes monstrueux, écrasant tout sur leur passage dans un bruit d'enfer. C'est le jardinier qui nous a décrit le chaos qui se situe à peine à trois kilomètres du piton rocheux.

Me voici prisonnière ! Avant que ne survienne ce pénible événement, je passais le plus clair de mon temps à méditer dans de petites alcôves destinées à celles et ceux qui voulaient admirer le paysage en dehors de toute agitation. Les touristes, je les croisais, mais n'avais noué avec eux aucune relation particulière. Juste quelques saluts courtois venaient ponctuer agréablement mes journées faites de solitude et de recueillement. Mais aujourd'hui, je voudrais tant converser avec quelqu'un afin de lui faire part de mon inquiétude.

Ce midi, j'ai pris mon repas en compagnie du concierge. Nous avons fait plus ample connaissance car jusqu'à présent mes relations avec lui se limitaient aux contingences pratiques : aller chercher la clef de ma chambre, à la conciergerie.

"Et voilà pour vous, ma petite dame", claironnait-il. Il brandissait la clef, un oeil sur sa cliente et l'autre rivé sur sa fiche, le crayon à papier posé en parfait équilibre entre son crâne et son oreille. Monsieur Jean est un homme un peu rondouillard, se déplaçant rarement, dispensant les informations, cartes à l'appui. C'est un homme tronc qui semble ne faire qu'un avec son fauteuil épais.

Je suis inquiète. J'ai peur de dormir dans cette chambre, à plus forte raison dans une aile située à l'extrême sud de la forteresse, tellement éloignée du monde. Une pièce perchée dans les nuages, tout en haut de ce bloc de pierre taillé en une seule masse. J'espère seulement pouvoir m'endormir très vite et ne plus entendre ce terrible gémissement.


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