24 - La dernière aube

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« Il est une chose étrange. Le vocabulaire dont nous usons, pour évoquer ce que nous sommes censés avoir oublié lors de l’Hiver Noir et dont nous n’avions aucune raison de supposer l’existence, ne nous a jamais troublé. Après tout, lorsque l’on se réveille sans le moindre souvenir dans l’obscurité, rien n’est moins incongru que d’évoquer la lumière du jour. Est-ce d’ailleurs moins étrange de se rendre compte immédiatement que cette obscurité n’est pas naturelle et qu’il manque quelque chose à notre existence ? Est-ce moins bizarre que de savoir pertinemment que les arbres et l’herbe, les ruisseaux et les rivières ne devraient pas être recouverts de glace et de neige ? Assurément, personne ne peut croire que l’Hiver Noir ait été « normal », ce qui nous incite à nous demander comment il est survenu… Et pourquoi ? »

Réflexion d’un érudit aux premières lueurs de la première aube.

__________

Le monde s’est replié sur lui même puis déplié à nouveau. Avec l’impression que son propre corps vient de subir le même sort, Adana a le cœur soulevé. Elle perd l’équilibre et s’affale sur un sol meuble recouvert d’herbe. Les sons ne reviennent pas tout de suite. Elle entend tousser et gémir comme à travers du coton. La vue ne revient pas du tout mais c’est à cause de l’obscurité. Ses yeux s’y habituent petit à petit et finissent par capter un vague halo sur sa droite dans lequel se découpe une immense structure.

– Où sommes-nous ? s’enquiert-elle un peu hésitante car elle n’entend pas distinctement ce qu’elle dit.

La sensation d’autres présences à ses côtés lui confirme qu’elle n’est pas seule.

– Adana ! appelle une voix sur sa gauche.

Elle croit reconnaître celle d’Érik. Elle se concentre sans succès pour illuminer son Empreinte Solaire. Elle se rappelle alors avoir perdu ce pouvoir. À tâtons, à la recherche du premier objet ou de la première personne qu’elle trouvera, elle s’efforce de dresser une carte mentale des lieux. C’est un corps remuant qu’elle touche en premier. D’autres bruits attirent son attention : le souffle court et le hennissement nerveux de plusieurs chevaux.

– Adana, répète la voix clairement identifiée de son frère.

– Oui, je suis là. Où sommes-nous ?

Ils sont tout proches et se touchent l’un l’autre.

– Attends…

Érik se lève. Elle, en est incapable, tout tourne autour d’elle.

– Raten ! hèle Érik.

Un animal s’ébroue en réponse et ses sabots produisent des sons étouffés. Érik quitte le périmètre immédiat d’Adana et va à la rencontre du cheval. Ce dernier semble plus calme que ses congénères. Elle ne sait ce que son frère fait mais elle le devine. Une minute plus tard le bruit caractéristique d’un briquet s’accompagne de quelques étincelles mettant le feu à une tige de bois recouverte de poix. Le jeune homme l’introduit dans une lanterne pour en allumer la mèche. La lumière s’intensifie et la situation devient plus claire. Non loin d’eux sont étendus Ssoran et Olidia, apparemment inconscients. Ils se trouvent à l’orée d’un bois de sapins et la structure immense et lointaine qu’Adana a aperçue plus tôt est celle de Dis. Sans savoir précisément où ils sont elle comprend qu’ils se trouvent à l’extérieur de la cité.

– Enfer ! s’exclame Érik.

Sa sœur concentre aussitôt son attention sur Olidia au-dessus de laquelle le jeune homme s’est penché. Elle se rapproche à quatre pattes pour constater par elle-même ce qui a provoqué son juron. La hampe d’un carreau d’arbalète saille du ventre de la jeune fille. Elle est inerte. Adana pose deux doigts sur la jugulaire de la magicienne. Son cœur bat faiblement.

– Elle agonise, conclut-elle.

Érik lâche un chapelet d’injures.

– Tais-toi ! Aide-moi, plutôt ! ordonne sa sœur.

Adana essaye de se mettre debout mais retombe maladroitement à terre. Elle avance tant bien que mal vers Ssoran.

– Aide-moi à rapprocher Ssoran !

Érik parvient à se mettre debout. Il a du mal à laisser la jeune fille mourante mais comprend ce que sa sœur veut faire. À eux deux ils déplacent l’Atark aussi doucement que possible. Il a été torturé et son corps est couvert de multiples plaies, mais rien de mortel. Il semble à moitié conscient.

– Ssoran ! l’appelle Adana. Il faut que tu soignes Olidia ! Tu m’entends ?

– Je…

Il s’interrompt alors que l’on finit de le traîner à côté de la jeune fille.

– Ssoran, tu m’as entendu ?

– Oui… Mes mains… Une sur elle…

Érik tourne l’Atark sur le côté et étend l’un de ses bras de telle sorte que sa main touche l’épaule d’Olidia. Ssoran fait un effort pour placer lui-même l’autre sur son propre cœur.

– Ôter… Carreau… balbutie-t-il.

Il s’auréole de lumière.

– Maintenant ! ajoute-t-il.

Érik n’hésite pas, bien qu’il sache que cela risque de la tuer. Olidia reprend conscience le temps de pousser un cri de douleur. Adana s’efforce de le contenir en plaquant sa main sur la bouche de la jeune adulte qui la lui mord sauvagement. Serrant les dents pour ne pas crier elle-même, Adana la maintient en place comme elle peut. La lumière de Ssoran glisse vers la jeune fille et s’estompe. Elle reperd connaissance et l’Atark également. L’ex-Théologiste s’assure que les deux sont en vie. Ssoran est épuisé mais vivant et le pouls d’Olidia a reprit des forces. Érik approche la lanterne pour regarder la blessure de la jeune fille. Il constate qu’elle a disparu et soupire de soulagement. Adana geint en tenant sa main meurtrie.

– Peut-on nous voir des remparts ? demande-t-elle.

– C’est possible, oui.

– Aveugle la lanterne !

Érik s’exécute. Cela les plonge dans la pénombre mais ils y voient encore assez pour se déplacer sans se cogner. Adana tente de se mettre debout à nouveau. Après quelques secondes passées à chercher son équilibre elle parvient à faire quelques pas sans tomber.

– Aide-moi, on les emmène dans le bois.

Ils doivent déployer de nombreux efforts pour déplacer les deux blessés inconscients d’une cinquantaine de mètres, à l’abri du sous-bois. Ils reviennent s’occuper des chevaux. Adana en dénombre quatre, dont Raten.

– As-tu à manger ? s’enquiert la jeune femme.

– Dans les fontes, répond Érik.

Elle fouille et découvre une pomme qu’elle s’empresse de dévorer. Le trognon coincé dans la bouche, elle sort quelques victuailles et une gourde d’eau dont elle s’abreuve. À l’abri du bois, le capuchon de la lanterne a été relevé. Après avoir déposé son festin sur un carré de tissu Adana récupère dans les fontes des linges propres dont elle fait des bandages. Elle s’occupe ensuite des blessures de Ssoran.

– Il faut partir avant l’aube, explique Érik. Même s’ils ne savent pas comment nous sommes sortis de la cité, ils vont commencer à fouiller dedans et autour.

– C’est elle qui nous a transportés ? demande Adana en désignant Olidia du menton.

– Oui.

– Quelle incroyable capacité, commente la jeune femme.

– Elle est incroyable oui… et imprudente aussi. Ça aurait pu la tuer.

– Elle savait ce qu’elle faisait, sinon elle ne t’aurait pas convaincu de venir nous tirer de là Ssoran et moi.

– Non, dit Érik. C’est de ma faute. C’est moi qui l’ai entraînée.

Adana lui envoie un regard lourd de reproche.

– Eh ! s’exclame-t-il. J’ai bien fait, non ? Tu peux m’expliquer comment tu te serais tirée de là sinon ?

Elle détourne les yeux et répond tout bas :

– Oui, tu as bien fait. Je t’en suis reconnaissante. J’ai été lamentable. J’ai manqué l’occasion de tuer Duval et je me suis laissée prendre au piège. J’ai cru que Ssoran pouvait m’aider et qu’à nous deux nous aurions pu nous en sortir.

– Ce n’est pas de son aide que tu avais besoin, manifestement.

Elle poursuit son ouvrage et l’Atark gémit un peu.

– Tu l’aimes ? lui demande Érik.

– Plus que je n’aurais jamais pensé aimer quelqu’un et infiniment plus que je n’aurais jamais imaginé aimer un Atark.

– Et lui ?

– Je… l’aime… répond la voix faible de Ssoran.

– Reste tranquille, la gronde l’humaine. Tiens, puisque tu es réveillé, tu vas boire et manger quelque chose.

– Malgré… son… despotisme, ajoute Ssoran.

Elle ne peut s’empêcher de sourire et son frère ricane. Adana passe la demi-heure suivante à nourrir l’Atark et Érik prétexte une ronde pour s’éloigner du campement et réfléchir. Lorsqu’il revient, sa sœur est allongée collée entre Ssoran et Olidia, tous trois recouverts d’une couverture.

– Je peux éteindre ? demande-t-il.

– Oui, vas-y et couvre-toi, fait Adana.

Érik rapproche la lanterne de la couche improvisée. Il dépose son arme, sortie du fourreau, à proximité et se glisse sous la couverture à côté d’Olidia. Puis il réduit la mèche de la lampe qui s’éteint.

– Que vas-tu faire ? demande-t-il à sa sœur.

– Ssoran vient de me dire que nous devions aller à l’est.

– À l’est ? Vers les Canyons Étroits ? Il n’y a rien là bas, ce n’est que de la rocaille, de la désolation, des crevasses plus profondes que l’Enfer.

– Je sais. Il n’a pas voulu m’en dire davantage. Il est tellement mystérieux !

– Mais en dehors de cette direction ?

– Je veux lutter. Je ne peux pas laisser Duval détruire notre monde.

– Quels droits avons-nous de le faire ?

– C’est toi qui me demande ça alors que tu t’es lancé avant moi dans cette carrière ?

– Je ne sais plus très bien où j’en suis. Il est tellement puissant ! Il a le Dieu Solaire de son côté.

– Tu as peur ?

– Pour la seconde fois de ma vie, oui. Je me sens aussi impuissant face à la Théologie que je l’étais face aux Ovarks la nuit où ma mère est morte.

– Alors ne viens pas avec moi. Je ne renoncerai pas.

– Je sais…

Il y a un long silence.

– Je vais m’occuper d’Olidia, reprend-il. Ce n’est qu’une enfant perdue.

– Elle t’aime, lance Adana.

– Oh ? s’étonne-t-il un peu surpris. Elle te l’a dit ?

– Non. Ça se voit. Je suis une femme, j’ai vu l’amour dans les regards qu’elle te lance et l’attention qu’elle te porte.

– On ne se connaît même pas.

– Mesure l’étendue de ses craintes et demande-toi pourquoi elle est toujours à tes côtés.

Érik ne dit rien. En y repensant, ces derniers jours passés avec la jeune fille abondent dans ce sens. Elle n’a pas posé la moindre question et a mis son talent et son existence même en jeu pour lui et Adana. Cette dernière brise le silence.

– Comment ça s’est passé au juste ? Avec Geosef ? demande-t-elle la voix altérée par le chagrin.

– Ce gamin était incroyable. On est tombé sur lui dans l’Éclat Solaire alors qu’on fuyait les soldats. Enfin, je dirai plutôt que c’est lui qui nous est tombé dessus. Il nous a aidés. Il connaissait des tas de planques dans la ville. On a fait connaissance. Il nous disait qu’il aidait les gens comme nous à se cacher de la Théologie. Quand il a su qui j’étais il a radicalement changé d’attitude. Il a dit qu’il voulait te faire évader mais il ne savait pas comment s’y prendre. Ce petit avait des talents de mage. Avec ceux d’Olidia on n’a pas eu trop de mal à sortir Raten de la ville, monter ce camp de base et organiser ton évasion. Sauf que…

– Il n’était pas prévu qu’il y reste, complète Adana la voix mourante.

– Je ne sais pas trop quelle relation vous avez eue, mais lui, il ne voulait pas te laisser tomber.

– Tu voulais, toi ?

– Non, mais le prix que nous avons payé pour tout ça pèse sur mon cœur.

– Et moi donc… j’ai été aveugle. Tu avais raison depuis le début. Je me suis trompée d’ennemi. Il n’était pas à nos portes, il était dans nos murs. Tu l’as toujours su.

– Disons que je m’en méfiais, mais je l’ai sous-estimé.

À nouveau un silence.

– Tu étais au procès ? demande Adana.

– Moi non, mais Geosef, oui. Il m’a raconté. C’est moche ce qu’Ivrac a fait.

– Moche ?! s’exclame-t-elle. C’est tout ce que tu trouves à dire ?

– Je ne le blâmerai pas avant de connaître ses raisons.

– Je ne veux plus jamais le revoir ! crache la jeune femme.

Érik soupire. Après un bref moment il ajoute :

– Demain je descendrais la Crête vers le sud. Je connais plein d’endroits à Langueur où l’on ne me trouvera pas.

– Très bien. Nous nous dirons adieu, alors.

– Je préférai que ça soit un au revoir.

– Je ne peux le prédire… Dormons !

Adana ne tarde pas à sombrer. Elle est épuisée. Érik, quant à lui, moins sollicité par les derniers événements, préfère veiller. Plusieurs heures s’écoulent. Il est habitué à dormir à l’extérieur pour l’avoir fait de très nombreuses fois et il sait anticiper l’aube. Il réveille donc tout le monde au moment opportun. Ni Olidia, ni Ssoran ne daignent se lever, mais de toute façon ils en sont incapables. Au moins sont-ils conscients, ce qui facilite les choses. Adana les aide à se nourrir avant d’avaler elle-même quelque chose, tandis qu’Érik se charge de préparer les chevaux. Il engloutit ensuite le petit-déjeuner que lui a gardé sa sœur.

– Alors, c’est ici que nous nous séparons ? dit-il.

– De quoi parles-tu ? demande faiblement Olidia.

– Nous avons une autre voie à suivre, répond l’Atark.

Adana se contente de hocher la tête. Les plus valides finissent de rassembler les affaires et de ranger le campement en essayant de ne laisser aucun indice de leur passage. Puis vient le moment des adieux. Adana étreint la jeune fille et lui susurre un conseil à l’oreille :

– Prends soin de lui, ne le laisse pas faire de bêtises. Encore merci pour tout.

Elle l’aide à monter sur l’un des chevaux puis va embrasser son frère.

– Au revoir, ma sœur, dit-il.

– Au revoir, Érik. Prends bien soins de toi… et d’elle.

– Compte sur moi.

Olidia et le jeune homme se contentent d’adresser un signe de main à Ssoran tandis qu’Adana l’aide à se hisser sur son cheval.

– Ne lui fais pas commettre de folie, l’ami, lui lance Érik.

– Ni moi, ni le chemin que nous suivons ne sommes fous, se défend le jeune Atark en souriant.

Érik attrape la longe de Raten. Il demande à Olidia de se coucher sur son cheval tandis que, aux premières lueurs de l’aube, il guide les deux montures à travers le bois, disparaissant rapidement de la vue d’Adana et de Ssoran. La jeune femme requiert la même chose de son amour et emmène les deux montures. Juste après avoir fait une pause et s’être restaurés, ils émergent du bois lorsque la lumière du Dieu Solaire approche de l’Apogée. Ils ont mis suffisamment de distance entre Dis et eux pour se permettre de chevaucher à découvert. Compte-tenu de l’état de Ssoran ils se déplacent au pas, l’un à côté de l’autre, se frayant un chemin dans les nombreuses ravines de la Crête de Dis.

– Vas-tu enfin me dire pourquoi nous sommes partis vers cette région désolée ? s’enquiert Adana. L’hiver est à nos portes, nous n’y trouverons pas de quoi manger.

– C’est là que l’Ode Solaire nous conduit, réplique Ssoran un air malicieux dans le regard.

– J’ai parfois l’impression que tu sais très exactement tout ce qui va se passer.

– Je ne connais que la musique. Comme toi je découvre les paroles.

– Alors, est-ce le chant de la victoire qui claironne dans ta tête ?

– De la victoire, je ne saurai dire, mais il est vrai que nous allons devoir nous battre.

– Je suis prête à me battre.

– Je le sais. Hier encore, tu ne l’étais pas, mais maintenant c’est bien le cas.

– Alors, tu ne m’expliqueras rien ?

– Je préfère que tu découvres les choses par toi-même. Je peux néanmoins t’affirmer quelque chose dont je suis maintenant totalement sûr.

– Quoi donc ? s’étonne la jeune femme avec intérêt.

– Je suis convaincu que tu es Adana Issta Dorissin.

– Qu’est-ce que ça signifie ?

– Tu sais déjà ce que signifie ton prénom, mon amour.

– Oui, c’est l’Ode Solaire. Mais le reste ?

– C’est ce que je traduirai par le Dernier Prophète. Tu es l’annonciatrice de la prochaine Ode.

Cette révélation la laisse sans voix. Tandis qu’ils avancent tous deux vers la région désolée des Canyons Étroits, là où, selon Ssoran, les attend leur destin, Adana repense à tout ce qu’elle a vécu depuis le début de la guerre atarke et à tout ce qui l’a conduit à la situation présente. Est-il possible qu’une puissance supérieure se soit penchée sur elle pour infléchir la courbe de son existence ? Elle l’envisage de plus en plus. Elle n’a pas dans le cœur une once de la foi indéfectible de Ssoran, mais elle croit en lui, donc, forcément, elle croit en tout ce qu’il lui a apporté, y compris cet amour qui a inondé son âme. Peu importe les difficultés, peu importe l’adversité, elle se jure de tout faire pour que le monde devienne meilleur et que l’on puisse y vivre librement, ne serait-ce que pour elle, mais aussi pour les milliers d’Humains et d’Atarks qui souffrent sous le joug de la Théologie. Elle luttera pour ça jusqu’à son dernier souffle. Elle contemple ce jour-là l’aube de cette Théologie triomphante. Dès lors elle consacrera sa vie à ce qu’aucune aube nouvelle n’éclaire le monde sans que celle-ci ne rappelle au Grand Théologiste Duval At’Fratel qu’elle pourrait être la dernière.

Alors qu’elle adresse un dernier regard à la majestueuse cité surmontée de la puissante lumière divine, sur un balcon du Temple Solaire, sous cette même lumière, Duval rumine. Lome Gagarik arrive à ses côtés, essuyant son visage en sueur. Pour égrener ses sombres pensées le Grand Théologiste a choisi de contempler l’avenue du Précipice et le lointain est.

– Duval, nous avons la quasi-certitude qu’aucun d’eux ne se trouve plus à Dis, annonce le Recteur Gagarik.

– Oui… en tout cas, Elle n’y est plus, c’est sûr.

Lome vient poser ses mains sur la balustrade aux côtés de son ami.

– Tu sais ce que j’ai envie de te dire ? demande-t-il au maître de la Théologie.

– Oui, je m’en doute. J’ai trop attendu pour m’occuper de son cas. J’ai contribué à la forger telle qu’elle est aujourd’hui. Tu me l’avais dit. Es-tu satisfait ?

– Non. Parce que je ne voulais pas avoir à t’entendre dire ça un jour. Il est possible que tout nous échappe.

– Elle est seule, bon sang ! Seule ! Elle ne pourra pas renverser la Théologie toute seule !

– Elle a bien réussi, seule, à te défier et à te mettre en fuite. Elle a bien réussi, seule, à nous échapper. Elle a été aidée, certes, mais elle est déterminée et elle n’a plus peur de rien. Il ne faut pas te leurrer. Tu ne l’as pas détruite, tu l’as renforcée. Son nom est encore chuchoté dans les rues. Elle a des partisans, elle peut les réunir.

– C’est pour cela que nous materons la population. C’est pour cela que le contrôle sur la nation doit devenir absolu. Tu vas doubler l’effectif des Accusateurs et renforcer nos positions.

– Tu fais son jeu.

– Elle n’a pas de jeu ! Elle n’est rien ! Lome ! Je t’ai donné des ordres !

– Et je vais m’y atteler.

Il garde le silence un instant, jetant un œil sur la Grand Place où les Atarks, qui viennent de rendre leur dévotion à l’Apogée du Dieu Solaire, commencent à se disperser pour vaquer à leurs occupations de l’après-midi. Les voir là, mener leur vie comme si de rien n’était, lui fait froid dans le dos. Comme si rien de tout ceci ne pouvait les toucher.

– Raresh est le meilleur. Il est à ses trousses, rapporte Lome.

– Peu importe. Qu’on la tue à vue et tout ira pour le mieux.

Lome Gagarik effectue une ébauche de salut militaire et se retire, laissant le Primat ruminer seul son humeur. En son for intérieur il sait que le pire reste à venir et prie pour que le Monde Éclairé ne soit pas ruines et cendres avant que Duval s’en rende compte.

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À suivre dans L'Étau des Ténèbres, tome 2 : L'insurrection des ombres.

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