Chapitre 16 – Mise au point
On avait retiré ses menottes à Mattéo dans la salle d’audience. Il les avait gardés tout le long de son incarcération et leur effet s’était prolongé lors du procès. On ne lui avait pas fait subir un traitement injuste. C’était simplement la façon la plus sûre d’emprisonner un sorcier : le priver de sa magie. Ça n’était pas une sensation naturelle. Depuis dix jours, il était passé par plusieurs étapes qui s’apparentaient au manque. Accélération du pouls, fatigue, insomnie. Dès qu’il essayait d’utiliser des sortilèges basiques, de manière inconsciente ou consciente, il avait l’impression de se prendre un mur et devait s’asseoir, frissonnant. La colère ne l’avait pas quitté et l’avait empêché de manger. Il avait sauté près des trois quarts des repas qu’on lui avait apportés. Entre ça et l’immobilité à laquelle il était réduit, il avait perdu beaucoup de poids. Les cellules n’étaient pas chauffées et on retrouvait, en plus des menottes, un champ de force très désagréable qui interdisait de s’approcher des parois. Pourtant, le lit, enfin, le morceau de tôle et la couverture qui servaient de lit y étaient collés. Les prisons fédérales n’étaient pas réputées pour leur accueil chaleureux.
Assis dans la petite pièce où l’on clôturait son dossier, il se massait les poignets. Ils étaient rouges, entaillés par les liens métalliques de l’entrave. À chaque fois qu’il avait tiré dessus, à chaque fois qu’il avait essayé d’user de sa magie, il s’était brûlé, blessé. L’homme lui retourna les feuilles sur lesquelles il devait apporter sa signature. Mattéo les lut, attentivement, paraphant chaque paragraphe du sortilège dédié. C’était une description détaillée du procès. Tout y était noté. De son arrivée, à sa sortie. De la présentation de Naola aux altercations avec Elfric. Les noms des jurés. Les questions et commentaires qu’ils avaient faits. C’était Lehmann qui avait demandé à le revoir sous dix jours. L’enchanteur, impressionné par les compétences que sous-entendait le geste qui amenait le sorcier devant la cour, et par la réaction du système d’immobilisation, lui avait offert un entretien d’embauche. Il l’aurait bien vue travailler au département recherche. En y repensant, Mattéo aurait pu en sourire, s’il n’avait pas été si fatigué. Son Maître n’avait pas dû apprécier la présence de Lehmann au procès.
Le médecin lui soigna les poignets. De pareilles blessures en surface se résorbaient vite sous le concentrateur adapté. Mais ce n’est pas ce qui gêna le praticien. Son état de fatigue avancée, ses os qui ressortaient… le médecin exigea une consultation plus poussée dans les jours à venir. Il émit un ordre d’arrêt, transmis à son équipe. Il faudrait que leur athlète se rende à la Centrale pour qu’il puisse reprendre l’entrainement et les Courses. Mattéo quitta le cabinet en claquant la porte.
Dehors il rejoignit Naola, et ils repartirent ensemble. C’est elle qui activa le transfert. Il n’était pas en état de rentrer chez lui. Ils retrouvèrent Alix dans le salon, mais Mattéo esquiva l’affrontement pour aller immédiatement se doucher. Il s’y détendit petit à petit, une demi-heure durant, avant de sortir. Une serviette nouée autour de la taille, il passa dans la chambre. Ses côtes saillaient, un peu trop à son goût. Mais il était déjà plus calme. Et sans s’arrêter, il vint relever Naola du secrétaire auquel elle était installée. Il la prit dans ses bras, une main dans son dos, l’autre sur sa nuque, la bouche posée sur ses cheveux.
La jeune femme le serra contre elle, tendue. Elle s’était attendue à beaucoup de choses lors du procès, mais pas à le voir aussi aminci. L’audience s’était plus ou moins jouée à l’avance, au cours des nombreuses négociations qu’elle avait soutenues ces derniers jours… mais cela ne l’avait pas empêchée d’être sur les nerfs, toute la journée, de craindre un revirement de situation. Elle n’avait pu respirer qu’au moment où il l’avait rejointe, devant la grande porte.
« Je suis désolée, souffla-t-elle, la gorge nouée. On ne pouvait pas faire plus vite. On ne pouvait pas passer par le réseau de ton Maître. J’avais besoin de temps pour m’organiser… Pour être sûre… Dix jours… Je ne pouvais pas faire mieux.
— Ce n’est pas grave, murmura-t-il. Je suis juste heureux de te voir. »
Au bout d’un moment, il relâcha son étreinte et déposa un léger baiser sur les lèvres de la jeune femme. Puis il s’éloigna, laissa sa serviette à sa place pour s’habiller. Il portait toujours des vêtements de très bonne qualité, des classiques. Un pantalon noir et une chemise blanche, c’était très souvent suffisant pour montrer son niveau social. Surtout quand la tenue était faite sur mesure.
Quand il mit son pantalon, il serra la ceinture de deux crans de plus que d’habitude. Sa chemise, pourtant parfaitement taillée avant sa captivité, tombait sur ses épaules. Il flottait dedans. En se regardant dans le miroir, Mattéo ferma les poings. Il ne supportait pas de ne pas être présentable. D’un geste rageur il retira sa chemise et passa un simple T-shirt. Au moins, il ne paraissait pas nager dedans.
« Allons-y.
— Est-ce que… » commença Naola qui l’avait observé s’habiller sans rien dire.
Elle hésita puis s’obligea à demander :
« Est-ce qu’il aurait mieux valu que je te laisse te battre et fuir ? »
Elle n’avait pas osé poser cette question, ni à Xâvier ni à Alix, mais elle l’avait taraudée des nuits durant.
« Non, tu as bien fait. Si je m’étais enfui, mon cas aurait été plus difficile à défendre. Mais je n’aime pas que l’on m’insulte comme il l’a fait. Faire partie de l’Ordre… »
Il eut un léger rire et fit ce geste qu’il faisait souvent, la main qui passe dans les cheveux.
« C’est tellement aberrant pour moi…
— C’était une dénonciation anonyme… Je n’ai pas réussi à connaître l’auteur. Mais c’est presque sur que ça vient de l’Ordre. Ironique, hein ? » fit Naola.
L’homme ne répondit rien. Il tira sur son T-shirt pour qu’il semble mieux tomber, mais cela ne changea rien. Xâvier et Alix les attendaient dans la salle à manger. Honkey s’était surpassé pour l’occasion et les plats débordaient de victuailles. L’odeur d’un simple poulet rôti fit saliver Mattéo. Avant, son ami et lui s’installaient de part et d’autre d’Alix. Mais depuis que Naola habitait ici, ils s’étaient répartis deux par deux sur le bout de la grande table. Cela faisait partie des règles implicites du manoir, à chacun sa place.
Après avoir mangé, Mattéo proposa très rapidement à Naola de l’emmener dans son bureau. Mal à l’aise, ils entrèrent dans la pièce, sans un mot. Il râla un peu. Xâvier et Alix avaient remis de l’ordre dans ses dossiers. Ils étaient sagement empilés au milieu du large plan de travail. L’homme prit le temps de vider les classeurs, d’éparpiller les papiers, de mélanger les feuilles, en respectant un algorithme mathématique précis, mais compliqué.
« Je suis sûr qu’elle l’a fait exprès…, grommela-t-il. Désolé. J’ai tellement de mal à mettre tout ça en bordel… »
Il parlait bas. Ce n’était pas une salle où il régnait autre chose qu’un long silence. Il n’avait pas non plus l’habitude d’y être accompagné.
Il se tourna enfin vers Naola qui l’attendait, sans doute aussi mal à l’aise que lui. Et c’était compréhensible. Le mur derrière le bureau était blanc, à l’exception de quelques vingt photos. Parmi elles, elle en avait forcément reconnu certains visages. Adélaïde, Fillip, William. Entre autres. On voyait encore les marques des adhésifs qui devaient maintenir les images d’autres personnes. Il ne s’attarda ni sur ce mur ni sur celui des étagères de cadres mnémotiques. Par contre, il lui montra la bibliothèque vétuste. Il lui expliqua qu’il l’avait emmenée avec lui lors de sa fuite du Pays d’Iska?r. Ce n’était pas des livres importants, sauf peut-être pour lui. Des recueils que sa mère lui lisait. Son premier ouvrage avec une vraie couverture en cuir. Celui où il avait appris son premier sortilège de vieille magie. Puis il lui demanda de se retourner, vers l’entrée. Là, il y avait des photos de sa vie. De sa famille avant le décès de sa mère, de son frère, de Xâvier et Alix. De Naola.
Puis il se tut. Il dévisagea Naola. Il avait peur de ce qu’elle pouvait penser de lui.
*
La journée tirait sur la fin et Naola était installée sur le perron du manoir orienté plein ouest. Elle avait pris l’habitude, durant l’été, d’y regarder les derniers instants de soleil. Il faisait très beau pour le mois de novembre, très beau, mais froid. Elle avait une tasse de thé fumante à la main et une lourde cape en laine bleue autour d’elle.
Ils étaient à peine sortis du bureau de Mattéo qu’Alix lui était tombée sur le coin de la figure, furieuse. Trois repas sur quatre de sautés… C’était intolérable.
Naola les avait laissés seuls. Elle fuyait les démonstrations maîtres/élèves qui étaient courantes dans leur relation et la mettaient mal à l’aise.
Dans le bureau, elle avait à peine parlé. Il attendait plus de réactions de sa part, elle le savait, mais sur le coup elle n’avait pas su quelle attitude adopter. Elle ne savait pas quoi penser de la collection de cadres mnémotiques qu’il conservait de chacun des repérages, de chacune des missions personnelles qu’il avait accomplies. Autant de missions, pour autant de sorciers exécutés au nom de sa propre justice.
Elle le soupçonnait, bien sûr. Depuis qu’il lui avait partagé les souvenirs du meurtre barbare de son frère, quelques années plus tôt. Elle adressa un pale sourire au soleil qui mourrait sur l’horizon. C’est en parlant de ce souvenir précis, et non de celui de Westlack qu’ils avaient réussi à déjouer le piège des questions sous sérum de vérité. Même si les risques étaient maitrisés face à Elfric, ils avaient tout de même du jouer un jeu dangereux.
Elle souffla sur la vapeur que dégageait sa tasse et cala le bas de son dos contre la marche derrière elle, songeuse. Ils avaient déjà discuté de la chasse à l’homme qu’il avait entrepris contre les assassins d’Alexandre. Mais elle ne connaissait ni les modalités ni les proportions que cela avait pris. Il avait tué bien plus que les quatre mages présents ce soir-là. Il ne s’étendait pas sur le sujet.
Ne pas savoir avait laissé beaucoup d’amplitude à son imagination. Si, à l’époque, en parler avait été une étape décisive dans leur relation, être confrontée à la réalité que représentaient ce bureau, cette collection de souvenirs, ce mur de cibles à venir, en était une autre. Voulait-elle vivre avec un pareil assassin ?
Tendue, elle but un peu de thé pour se dénouer la gorge. Elle se passa les doigts gantés le long de l’arrêté de son nez.
Mattéo s’assit à côté d’elle, sans un bruit, sans un mot. Il laissa le silence s’installer entre eux alors qu’elle se rapprochait de lui. Collée contre son épaule, les yeux fixés sur le volume relié de cuir posé sur ses genoux. Il avait récupéré cet album dans son bureau.
« Ce bureau, même Xâvier et Alix n’y rentrent pas. Ils m’aident bien sûr, parfois. Ils y ont accès en cas de problème. Tu y as accès aussi, maintenant. »
Il s’était fait réprimander pour ne pas avoir mangé pendant son incarcération. Son Maître lui avait rappelé que la résistance ne consistait pas à s’affaiblir volontairement. Ce n’était pas ce qu’elle lui avait appris. Ce n’était pas comme cela qu’il devait se battre. Pas en se mettant sciemment en danger comme un adolescent frustré. Aucune de ses excuses, à propos des menottes qui annihilaient sa magie, n’avait été acceptée. Elle avait porté pareil liens plus d’un mois durant. Cela n’empêchait ni de manger ni de se défendre. En sortant de là, l’homme s’était, comme souvent, demandé quel genre d’entrainement son Maître avait bien pu subir.
Il passa les doigts sur la couverture de l’album et l’ouvrit sur la photo d’une belle femme. Elle était jeune et tenait un bébé d’à peine une semaine dans ses bras. Naola se pencha pour la détailler. Elle avait un sourire fatigué sur le visage. Un enfant était debout sur un tas de livres en équilibre, derrière elle, appuyé sur le dossier de la chaise, pour voir le nourrisson par-dessus l’épaule de sa mère.
« Sur le mur d’entrée, ce sont des photos de tous ceux qui comptent pour moi. Tu y es, comme Xâvier et Alix. Cette femme c’est ma mère. Le gamin c’est Alexandre. Et le bébé, c’est moi. »
L’enfant avait un sourire absolument adorable, de ceux que seuls les enfants sont capables de faire. Il tourna les pages, mentionnant rapidement son père sur la première photo où il apparut. Mattéo lui ressemblait beaucoup, tant physiquement que par son maintien. Fier, droit. Inébranlable. Plusieurs portraits de familles improvisés se succédèrent. Et il montra l’un d’entre eux en spécifiant que celui-ci était dans l’un des deux cadres sur son bureau. Qu’il avait été pris peu de temps avant la mort de sa mère.
« Elle travaillait sur la cohabitation entre les humains et les sorciers. Elle m’emmenait souvent avec elle quand elle allait en rendez-vous. Un jour, on sortait d’un entretien avec des humains. Leur gamin était sorcier. Et comme le gène enchanteur est récessif, c’est très compliqué de faire comprendre que ce n’est pas forcément dû à de l’adultère. En vérité, le père et la mère avaient des enchanteurs, tous les deux, parmi leurs ancêtres. Le père n’a pas aimé l’explication. Il nous a mis à la porte, on est reparti, mais il nous a rattrapés. Il a sorti une arme à feu et il a tiré. »
Il déglutit, les yeux fixés sur l’image de sa mère.
« Je tenais encore sa main. Nos concentrateurs ne peuvent pas stopper une balle tirée à bout portant. Il a visé la tempe. Elle est morte sur le coup. »
Il resta immobile plusieurs secondes, Naola avait passé ses mains autour de son bras. Elle pesait contre lui, la tête sur son épaule. Il referma l’album photo, qui disparut, en ajoutant :
« Tu connais déjà l’histoire de mon frère. »
Il posa ses coudes sur ses genoux. Bien sûr, tout cela n’était pas le cœur du sujet. Mais il ne lui avait jamais parlé de sa mère. Tout ce que Naola savait, c’était qu’elle avait été tuée par un humain quand il avait sept ans, et qu’il était présent.
« Les cadres mnémotiques… Ce ne sont pas que des souvenirs d’assassinat. Je n’ai pas tué tant de personnes. Il s’agit parfois d’informations obtenues sur mes cibles. Ou de souvenirs d’autres personnes. D’informateurs. C’est pour cela qu’il y a deux couleurs. Pour différencier ce qui vient de mon esprit et ce qui vient de ceux d’autres sorciers, d’humains, parfois. »
Il lui jeta un coup d’œil. Inquiet. Assassinat. Cibles. Deux mots qu’il associait à ses activités pour la première fois devant elle. Tendu, il ajouta :
« Tu dois déjà me juger…
— Oui. Ça serait te mentir de le nier », dit-elle doucement.
Elle s’était redressée et écartée de lui pour pouvoir lui faire face. Elle avait les bras croisés sur sa poitrine, genoux remontés. Ça n’était pas très chaleureux comme attitude, mais au moins elle ne paraissait ni dégoûtée ni horrifiée… juste très songeuse.
« Ça ne concerne pas que les assassins de ton frère, n’est-ce pas ?
— Non »
Il poussa un léger soupir et se mordit la lèvre. Puis il poursuivit :
« Non. Sur les quatre hommes présents à la mort d’Alexandre, en plus de Leuthar, j’en ai retrouvé trois. »
Il s’arrêta, net, puis corrigea :
« J’en ai tué trois. C’était chirurgical. Tout était prévu. J’avais estimé mes chances à quatre-vingt-quinze pour cent de réussite, pour chacun d’entre eux. »
Alix leur avait appris à ne jamais monter leur estimation à cent pour cent. Le risque zéro n’existait pas.
« Le quatrième homme est toujours en cavale, mais… Je connais son nom, son visage, sa vie. Je connais ses planques. Son rang dans l’Ordre. Même maintenant que Leuthar est mort. »
Il énonçait ces faits sans aucune émotion. Il aurait pu réciter une recette de cuisine en y mettant plus de sentiments. Il fit une légère pause, mais il ne laissa pas le temps à Naola de commenter la chose. Il poursuivit, toujours sur le même ton
« Mais ceux qui ont tué mon frère n’étaient pas les seuls de l’Ordre à profiter du climat de terreur qu’il régnait pour exercer leur cruauté. Je ne… chasse… pas au hasard ni sans raison. Tous ceux de l’Ordre ne sont pas mauvais. Je cherche à éliminer ceux qui agissent lâchement. En groupe le plus souvent. Pour tuer, torturer, violer des humains. Des sorciers même, parfois. Ceux qui prennent plaisir à voir souffrir leurs victimes. Parfois, ils sont simplement bêtes, méchants, cruels et sans ancrage dans la société. Mais souvent, ce sont des hommes et des femmes très respectables. On ne leur attribuerait pas les crimes qu’ils commettent tous les jours, par pur plaisir. Westlack était de ceux là. J’étais en repérage quand je l’ai surpris avec les Delac. Je ne pouvais pas rester sans rien faire, alors je suis intervenu. Mais ça n’était pas aussi bien planifié que pour les autres. C’est sans doute pour ça que ça a fuité. »
Il poussa un soupir et chercha le regard de Naola.
« Avec la mort de Leuthar… Je ne sais pas… Je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher sur la question. Mais à présent, je pense que je vais me concentrer sur mes cibles personnelles. Je n’ai pas pris ma décision. L’Ordre va s’effondrer de lui-même, alors je n’aurais peut-être plus de raison de poursuivre tous ces hommes et ces femmes. »
« Je ne veux pas que tu cherches à te venger pour moi », répondit-elle au bout d’un interminable silence.
Elle avait la voix un peu enrouée par sa gorge serrée. Ils sortaient d’une très longue période de guerre plus ou moins déclarée. Ce genre d’acte ne lui paraissait ni intolérable ni injustifiable.
« Je ne veux pas être la cause même indirecte de la mort de ces gens. Que tu te sois donné une… mission… quand l’Ordre était au pouvoir… avec l’Once comme exemple… je suppose que c’est justifiable. Mais maintenant, ça n’a plus de sens. Tu n’as plus besoin de tuer. »
Il pinça les lèvres et se redressa légèrement. Les souvenirs qu’Adélaïde lui avait imposés au gala lui passèrent en tête. En un instant, comme ce soir-là, avec la même intensité. Il lui faudrait mnémotiser ces images, pour mieux les accepter. Qu’elles cessent de lui revenir à chaque fois qu’il pensait à cette femme.
« Gamp et Adélaïde. Fillip est hors de ma portée pour l’instant. Je ne peux pas rester les bras croisés après ce qu’ils t’ont fait. Et tu n’es pas la seule concernée. Gamp… Je me suis renseigné sur lui. Il a commis des atrocités dont tu n’as pas idée. Et la façon dont il t’a… »
Il déglutit avec difficulté et ravala comme il pouvait sa fureur.
« Ce n’est qu’une petite partie de ce qu’il est capable de faire. Quant à elle… Elle t’a manipulée. C’est une spécialiste, pour ça. Elle se place toujours là où il faut être. Elle s’est insinuée dans les plus hautes sphères de la Fédération et de l’Armée. Aux côtés de Fillip quand il le faut, pour son propre compte au besoin. Elle plie les esprits à sa convenance, insufflant les sentiments dont elle a besoin pour parvenir à ses fins. Médic’… Tss… Elle n’est pas dans l’Ordre pour être gentille, mais pour guérir leurs blessés. Rendre leur vigueur aux prisonniers pour faire durer les interrogatoires. Ce n’est pas lié qu’à toi Naola. Ils sont dangereux. Tous les trois.
— Alors il faut les livrer aux P.M.F.. Redonner une chance à la Justice de la Fédération, pour qu’on ait plus besoin de la tienne ! » répondit sèchement la jeune femme.
Elle le détaillait, blanche, et elle répéta, cette fois sous la forme d’une question :
« Tu n’as plus besoin de tuer, n’est-ce pas ?
— Bien sûr que non, je n’en ai pas le besoin ! s’exclama-t-il immédiatement, avec colère. Je ne suis pas un malade qui tue pour assouvir je ne sais quel besoin de sang ou je ne sais quoi ! Par Merlin, c’est justement ce que je voulais éviter que tu penses de moi. »
Il se releva d’un bond. Mal à l’aise. Il passa la main dans ses cheveux puis croisa les bras.
« Ça n’est pas ce que je pense de toi, Mattéo… » soupira Naola en levant les yeux au ciel, avec un petit mouvement de négation.
Comme si cela valait à peine le coup de le dire tant ça lui semblait évident. Elle tapota le perron à côté d’elle et l’invita à se rasseoir, avec un sourire timide.
« C’est normal que je te pose la question. C’est normal que je ne saute pas de joie. Ça ne veut pas dire que je n’accepte pas ton passé. Mais je ne vais pas te dire : “Vas-y mon amour, continues à te salir les mains”. »
Il l’observa quelques secondes, puis soupira à son tour. Il reprit sa place à côté d’elle en hochant une fois la tête de haut en bas. Il sortait de prison et était un peu à fleur de peau sur le sujet
« Je comprends. »
Il croisa les mains et les fixa. Puis il ferma les yeux. Il était fatigué, las, et il n’était pas prêt à prendre quelque décision que ce soit.
« J’y réfléchirai. Mais pas maintenant. »
Elle hocha la tête puis vint se blottir contre lui :
« J’ai froid. Serre-moi dans tes bras. »
Il la prit dans ses bras et posa sa tête sur la sienne, sans un mot.
*
Giles déposa une théière devant Esther. La jeune femme, droite dans le beau fauteuil matelassé du salon de jeu, se pencha pour se servir. Ses mains fines tremblèrent une seconde sous le poids de l’objet en fonte noire. Elle assura sa prise puis versa le liquide ambré dans la délicate tasse en porcelaine.
Son visage émacié se détendit lorsqu’elle la porta à ses lèvres. Elle avait des cernes marquées, petites poches brunes sur ses traits tirés. Elle se laissa aller au fond de son siège, les yeux fermés, avec un long soupire.
Elle sortait de prison. Mais ça ne justifiait pas son état de fatigue avancée.
La prison pour les Cromwells, ça n’avait jamais été source de grande privation. Elle avait été assignée à résidence dans une maison de sûreté aménagée. Elle se massa les poignets, du bout des doigts. On ne lui avait imposé les liens que durant l’audience. Pour donner le change, car après tout les procès étaient publics. Elle sourit, un brin méprisante. Le juge s’était presque excusé de la mettre dans cette désagréable situation. Un ami de la famille qui la connaissait pour ainsi dire depuis toujours.
Sa fatigue, elle la devait à des semaines intenses, passées entre l’Ordre et l’hôpital de la capitale, où elle avait été nommée à un poste de médecin permanent. On l’avait arrêtée à la fin d’une garde, occupée au chevet d’un jeune patient. En comparaison avec les allers-retours incessants entre le Pays d’Iska?r, le maquis, la maison familiale et la Centrale, ces trois jours enfermés tenaient presque des vacances.
« Votre père souhaite vous parler », fit Giles, dans un murmure.
Elle sursauta. Elle avait dû s’assoupir, car elle avait glissé au fond de son fauteuil. La tasse était froide sur la table basse devant elle.
« Je descends », souffla-t-elle en se relevant.
Quelques instants plus tard, elle passait la porte du cabinet de travail paternel. Herbert Cromwell l’y attendait, installé à son imposant bureau. L’homme avait le même maintien aristocratique qu’elle, il lui adressa un sourire, sous sa moustache grisonnante.
C’était une pièce à l’image de l’ensemble de la demeure. Chargée d’un fastueux décor accumulé génération après génération. On entrait ici si on avait affaire à traiter avec la famille Cromwell. Il fallait qu’au premier coup d’œil on puisse discerner sa richesse et sa puissance. Esther fit une pause sur le pas de la porte. Lawrence était là, lui aussi, assis, un verre à la main.
« Père ?
— Esther, comment vas-tu ?
— Bien, merci Père. Vous vouliez me voir ?
— Avant que tu ne repartes, oui. Nous avons déterminé qui t’a dénoncé. Naola Dagda, une petite fonctionnaire…
— Ça ne sera pas bien compliqué de la destituer en représailles », commenta Lawrence.
Il observait sa sœur, qui avait pris place en face de lui et croisé les jambes, attentive. Il fut surpris de la voir baisser les yeux, moins d’une seconde, à l’évocation de ce nom.
« Je la connais, fit la femme avec un soupir. Laissez là tranquille. Elle a probablement fait ça pour me protéger, d’une certaine façon.
— T’envoyer en prison pour te protéger ? répéta son père, dubitatif.
— C’est une supposition. Si je suis derrière des barreaux, son copain ne pourra pas m’atteindre. C’est une fille intègre, j’ai une bonne emprise sur elle, cela doit la déranger qu’il veuille se venger pour elle.
— Mattéo Muspell, hein ? » demanda Lawrence.
Esther hocha la tête, elle avait déjà relaté le problème à sa famille.
La menace du jeune homme était à prendre au sérieux. C’est ce qu’elle avait fait en le dénonçant comme membre de l’Ordre. Le père se racla la gorge, sourcils froncés, sa fille poursuivit avant qu’il n’ait le temps d’émettre les réserves qu’il lui servait depuis des mois :
« On travaille à lui régler son compte. Je ne suis pas la seule qu’il menace. Mais il ne devrait plus nous nuire très longtemps.
— Prends garde… C’est un pari dangereux que tu nous as fait faire. On ne peut pas en être solidaire, si ça vient à mal tourner. »
La jeune femme hocha la tête, lèvres pincées. L’Ordre s’était effondré à la Capitale, mais il restait très déployé dans la zone est de la Fédération. Fillip avait le charisme du leader, et il se montrait plus humain que Leuthar. Il obtenait la dévotion de ses troupes bien plus par l’exaltation que par la menace. Si les cendres reprenaient, ce serait avec lui.
La famille Cromwell jouait le jeu dangereux de soutenir la rébellion par le biais de leur fille. Elle le leur avait imposé le jour où elle avait ramené l’Iska?rien chez eux. C’était stratégiquement hasardeux. Lawrence, lui, avait préféré se faire très discret et il avait gelé son exercice d’agent double.
De façade, les Cromwells affichaient une irréprochable loyauté à la Fédération. L’arrestation de la jeune médecin était passée pour une mauvaise farce dans les riches sphères dans lesquelles ils évoluaient.
« Est-ce tout, Père ? » demanda finalement Esther.
Ils avaient discuté un long moment des implications auprès de l’Ordre, des actions à venir… Autant d’information qui permettrait à la famille d’anticiper les opérations financières et transactions marchandes en fonction de la situation à l’Est.
« Fais attention à toi », répondit simplement le vieil homme.
Elle lui sourit et hocha la tête. Giles entra dans la pièce alors qu’elle se levait, à la fin de l’entretien.
« Mademoiselle, votre oncle souhaite vous voir pour une affaire urgente », expliqua le majordome.
L’oncle n’était qu’un nom de code pour désigner Fillip. Adélaïde soupira. Elle aurait apprécié disposer d’un peu de répit.
*
Le poing de Fillip s’écrasa sur le visage de Josko. La chaise sur laquelle il était entravé vacilla. La tentative d’esquive du prisonnier acheva de la déséquilibrer. Elle heurta l’unique table de la cellule avec force puis bascula de côté. Josko grogna lorsque son épaule percuta le sol. Il n’émit qu’une plainte étouffée quand le pied de l’Iskaarien se logea violemment au creux de son ventre. Une preuve de volonté aussi admirable que dérisoire au vue de sa situation. Cela ne l’empêcha pas de vomir de la bile au choc suivant.
En retrait, Adélaïde observait la scène en silence. Elle comptait les coups, les yeux rivés sur le traître. Il avait beau être immobilisé, les mains dans le dos et contre le dossier de la chaise, il se débattait avec l’énergie de celui qui se sait perdu. Nouveaux coups de pied. Les impacts dans sa chair résonnaient à intervalles réguliers. Un son mat contre les murs nus de la pièce.
Ils se trouvaient dans l’ancienne chambre froide de ce qui avait été une usine alimentaire, du temps où les humains peuplaient encore la région. Du bâtiment, il ne restait que la carcasse rongée par deux cents années d’abandon et cette caisse-à-froid hors d’usage. Un excellent abri. Une excellente prison.
Ils étaient seuls à des kilomètres à la ronde. En dehors d’eux, seul le Vampire de Stuttgart avait connaissance de l’opération. La créature, conforme à son contrat, leur avait livré la taupe des fédéraux, à l’aube et dans la discrétion la plus complète. Dix minutes plus tard, Fillip, dans un silence de pierres, frappait Josko avec une hargne qu’Adélaïde n’aurait pas crue possible.
Le leader de l’Ordre ne tolérait pas qu’on puisse trahir sa confiance. Des mois durant, Josko s’était infiltré dans l’organisation. Il était devenu leur camarade, tissant des liens avec les proches de Fillip jusqu’à obtenir son respect. L’Iskaarien le considérait comme un ami. Il n’admettait pas s’être fait berner par le fédéral. Sa colère, muette, vomissait des miasmes de rage autour de lui. Mais, comme convenu, il retenait ses coups. Il ne s’acharnait pas. La stratégie, établie la veille avec Adélaïde, consistait à affaiblir leur captif. L’effrayer, le désorienter, pour faciliter le travail de la mentaliste.
Dans l’intérêt de l’Ordre, cet agent double devait rester en vie et en bon état. Pourtant, Fillip aurait pu le tuer. Il l’aurait voulu.
« Fillip », murmura Adélaïde à mi-voix.
L’homme s’arrêta net, en plein mouvement. Un coup de moins dans le thorax de sa victime. Il laissa s’égrainer quelques instants de silence. La poitrine de Josko émettait un gargouillis sifflant à chaque respiration. Fillip, très doucement, desserra les poings, détendit les épaules, puis souffla. Sans un mot, sans un regard, ni pour le traître ni pour sa compagne, il tourna les talons et quitta le caisson.
Adélaïde s’étira délicatement à peine la porte fermée. D’un geste, elle remit la chaise sur ses quatre pieds et le prisonnier droit. L’homme gardait la tête basse et les yeux clos. La sorcière s’approcha de lui, glissa ses doigts sous son menton et releva son visage vers le sien. Un filet de sang coulait de son nez, la pommette gauche déchirée. Sa bouche laissait perler une bave rosâtre au coin de ses lèvres fendues. Il devait s’être mordu la langue. Josko résista quand elle chercha à lui tourner la tête. Cela la fit sourire. Ce traitre mettait tellement d’énergie à rester brave… Pourtant il n’était pas bête, il savait ce qui l’attendait.
La jeune femme écarta une mèche de cheveux rendue poisseuse par le sang. Elle examina la lésion qui barrait son front, du cuir chevelu à l’arcade sourcilière. La blessure lui tira une moue agacée. Il fallait la traiter sans tarder car elle risquait de laisser une cicatrice suspecte.
La sorcière activa son concentrateur médical. La fine dentelle métallique scintilla alors qu’un charme de guérison s’occupait déjà des coups reçus. Les chairs sanguinolentes se tarirent en un instant. La plaie se recomposa, couche après couche, jusqu’à ce que l’épiderme de son patient paraisse n’avoir jamais été meurtri. Fillip voulait se servir de lui pour transmettre de fausses informations aux fédéraux. Mieux vallait que son apparence reste intacte. La médecin fit descendre ses doigts sur le visage de l’homme. Une caresse délicate et légère qui glissa jusqu’à sa bouche et referma sa lèvre fendue.
Josko, les yeux dans les siens, avala sa salive. Remporter l’affrontement constituait son unique chance de se tirer de là vivant. Adélaïde lui sourit. Tous deux avaient pleine conscience du jeu auquel ils allaient jouer. Le vaincu abandonnerait sa volonté au vainqueur. Elle attaqua.
Une pique mentale violente, concentrée et localisée en un point d’impact précis : la peur éprouvée quelques minutes plus tôt face à Fillip. La peur de mourir, ultime levier pour vriller la volonté d’un homme. Il ne lutta pas. Elle s’engouffra dans sa mémoire, sans rencontrer la moindre résistance. Elle sursauta. Un piège. Josko lui tendait un piège. Impulsion arrière, précipitée. Elle s’extirpa de l’autre conscience alors qu’il cherchait à l’emprisonner avec lui. Hors de danger, elle relança immédiatement son esprit à l’assaut du traître, mais, cette fois, elle se heurta à un mur opaque.
Josko esquissa un sourire en coin, moqueur. Elle le fusilla du regard et le gifla, puis se détourna de lui. Elle fit apparaître une deuxième chaise, s’y installa et croisa les jambes. Droite, distante et glaciale, elle toisa l’homme quelques secondes avant de lui concéder un sourire. Un mentaliste à sa mesure. Une perle rare. Dommage qu’il lui faille la broyer.
« J’admets. Tu es bon », dit-elle, sur le ton d’une banale conversation.
Il garda le silence, les yeux au sol. Elle le harcelait d’une multitude de petites attaques. Des rafales lestées de lames tranchantes. Aussi doué fut-il, il devait se concentrer pour s’en abriter. Elle reprit la parole, tendue par l’effort :
« En même temps, il faut être bon pour me berner pendant tant de temps…
— Merci, articula Josko d’une voix rauque.
— Ça ne m’empêchera pas de te mettre en pièces.
— Ça ne t’empêche pas d’essayer », répliqua-t-il avec un rire court.
Il lutta de tout son être contre l’ample vague de fond qu’elle déchaîna contre lui. Sans un mot, il laissa sa tête partir vers l’arrière, les yeux clos. Mentalement, il se figura un large brise-vent. Une structure de granite dont la pointe fendait la tempête de songes. Rester stoïque. Ne pas paniquer. Attendre le moment propice. Attaquer.
Adélaïde sursauta, surprise. Elle laissa l’onde d’acier taillée en rasoir s’émousser sur le sable de ses pensées. Josko, non content de lui résister, trouvait encore le moyen de riposter.
Elle gardait les yeux grands ouverts, fixés sur la gorge découverte du prisonnier qui, visage vers le haut, tremblait sous la violence de leur bataille. Adélaïde entendait son cœur battre contre ses tempes. Elle identifia sans mal le goût aigre au fond de sa bouche. L’adrénaline d’un combat à sa mesure.
La joute s’allongea d’une durée qu’ils étaient tous deux incapables d’évaluer. Une éternité ou une seconde. Le temps est plus que jamais relatif lorsqu’il s’écoule en pensées. Adélaïde eut une courte exclamation de surprise.
Quelque chose était passé, là, glissé dans la rafale-reflux d’une fin d’attaque. Un réflexe physique bougea son corps pour l’éloigner du captif, mais c’était peine perdue. Si ténu fut le filin, il s’était introduit dans son esprit. Adélaïde le sentait y fouiller, la forcer, creuser. Elle isola ce brin de conscience étrangère, le tordit, le tira, le rongea et l’expulsa.
Le rire grinçant de Josko lui fit reprendre conscience de la réalité tangible. Elle s’était à moitié affalée sur la table, une main contre son front, l’autre si serrée sur son poing que ses ongles s’étaient enfoncés dans sa paume.
« Qu’est-ce que tu as vu ? » cria-t-elle.
Adélaïde n’obtint qu’un nouvel éclat de rire pour réponse. En deux enjambées, la sorcière fut à son niveau, penchée sur lui. Elle tremblait de rage, indifférente aux attaques qu’il continuait à lui assener. Elle les déviait. Elles ne l’affectaient pas. La mentaliste avait repassé l’intégralité de ses capacités mentales en défense. À chaque assaut, il se prenait un mur.
« Qu’est ce que tu as vu ? », répéta-t-elle d’une voix sourde.
Josko, peut être parce qu’il crut, un instant, la victoire à sa portée, lui offrit un dernier sourire narquois et souffla :
« Ton nom, Esther Cromwell »
La femme se figea, une seconde, puis partit dans un bel éclat de rire, léger, délicat. La pique acérée lancée par son adversaire ricocha sans dommage contre ses défenses mentales. L’homme serra les dents. Sans doute avait-il espéré la déstabiliser et en profiter pour la briser. Adélaïde, toujours hilare, s’appuya des deux mains sur les épaules du prisonnier. Elle posa son front contre le sien, quelques secondes, le temps de se calmer puis, elle se tut enfin, dans un long soupire. Elle se redressa et détailla le visage perplexe de Josko. La chaleur joyeuse de son rire s’était évanouie pour laisser place à une expression glaciale.
« Mon pauvre. Cette fois, t’es bel et bien mort », souffla-t-elle.
Adélaïde plaqua sa main contre son torse. Le concentrateur qui, plus tôt, avait servi à le soigner, s’illumina et siffla. Le cœur du sorcier manqua un battement, puis deux. Il lui sembla qu’il se comprimait jusqu’à atteindre la taille d’un œuf. Il se mit à crier, à hurler même lorsque l’organe s’arrêta. La mentaliste s’engouffra dans son esprit à l’instant même où il crut mourir. Elle explosa ses défenses, méthodiquement. Elle broya sa conscience jusqu’à ce qu’il n’en demeure plus que du sable. Mais elle le laissa en vie.
Ainsi, elle en faisait son pantin. Un pantin d’officier fédéral qui servirait l’Ordre à la perfection.
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