Chapitre 1

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— Bon Dieu ce qu’elle est belle !

Ces mots jaillirent spontanément de la bouche de Florian. Il ne put en prononcer d’autres ensuite tant il était soufflé suite à la vision de la demoiselle.

Blanche se tenait au bras d’une femme plus mûre, mais à laquelle elle ressemblait sensiblement. Sa mère à ne pas en douter. Celle-ci était parée d’une robe fourreau d’un rouge flamboyant, la poitrine rehaussée apparaissant telle deux ballons gonflés à l’hélium dans son décolleté, souriait de ses dents de nacre. La seconde, plus discrète, esquissait un rictus plus timide. Elle avait opté pour une robe plus évasée à partir de la taille, de couleur noire et les épaules nues, gardant ses trésors couverts.

Elle clignait des yeux à l’instar de sa génitrice, devant les myriades de flashs des appareils photo tandis que le journaliste d’une chaîne spécialisée dans la mode et les people se tourna, micro en main, face à son assistant-caméraman.

— C’est une magnifique soirée qui s’annonce. Et comme vous le voyez derrière moi, la présence de Madame Grimhilde et de sa fille risque d’éclipser les plus beaux tops modèles présents. Elles sont toutes deux vêtues de robes de la maison Ursula, grand couturier italien de talent et hors de prix bien entendu, ajouta-t-il afin de donner une petite note d’humour à son speech.

— Hé ! Redescend sur terre roméo, l’interpella Tony. Redresse ton nœud pap et retourne bosser. La soirée vient de commencer et tu es déjà en train de flemmarder. T’es même pas censé être là !

Le roméo jeta sa cigarette d’une pichenette et s’avança pour l’écraser de la pointe de son soulier tout neuf. Il avait d’ailleurs terriblement mal au pied et jura intérieurement sachant que, justement, la soirée en était qu’à ses débuts.

Il faut bien souffrir pour se faire un peu de blé, songea-t-il avant de lancer un dernier coup d’œil à la déesse en robe de velours noir. Celle-ci montait les quelques marches couvertes d’un tapis vermeil et disparut à l’intérieur. L’entrée des invités lui était interdite. S’approcher de ces mêmes invités pour une autre raison que de leur proposer un verre de champagne, interdit. Fantasmer sur l’une d’elles, formellement interdit ! Il ouvrit la porte de service et s’y engouffra.

Le couloir menait aux cuisines. Il y régnait une ambiance proche de celle d’une fourmilière. Du moins si ces petits insectes étaient capables de rouspéter et porter des plats en même temps.

Des étages de petits fours étaient prêts à être emportés vers la salle tandis que des plateaux de coupes de champagne partaient régulièrement vers la même destination. Le tout était orchestré à la minute près. Florian ajusta son nœud papillon, tira sur sa veste et attrapa l’un des plateaux avant de suivre son prédécesseur.

La salle était immense, décorée de lustres en cristal, de colonnades de marbre et de tables aux nappes immaculées. Une scène à l’une des extrémités était occupée par un petit orchestre accompagné d’une chanteuse à la voix très soul. Mais si ce qu’elle interprétait avec passion aurait pu être une invitation à une danse lascive, elle ne servait que de bruit de fond.

Florian slaloma entre les invités en smoking et leur dame en robe haute couture. Il ne fut pas très attentif aux regards désireux de goûter de l’excellente boisson qu’il transportait. Non, lui en était à chercher la déesse brune. Il la repéra non loin du buffet de fruits de mer et s’en approcha.

Blanche examinait sans rien oser toucher quelques douceurs salées, sa main fut violemment frappée lorsqu’elle tenta de s’en saisir.

— Tu es folle ? fit sa mère. Imagine combien de calories contient cette horreur !

Elle n’exprima aucun mécontentement d’être ainsi remise à l’ordre en public, et ce, malgré son âge et ne fit que baisser les yeux.

Florian fut le témoin sceptique de cette scène, en quelques pas, il était sur elles, proposant son plateau. Le dos bien, droit, à peine penché, une main dans le dos.

— Une coupe de délicieux champagne chère madame ? Laissez-moi vous dire que je vous trouve très en beauté.

Bien qu’elle ne sympathisait ô grand jamais avec le petit personnel, ce compliment aux accents sincères la fit glousser et retomber ses humeurs. Pourtant il ne lui était pas uniquement adressé. La direction que prit son regard vers sa fille ne faisant aucun doute.

Madame Grimhilde se mit alors à gigoter dans sa robe étroite, faisant des signes de la main.

— Mais c’est madame le ministre ! Il faut absolument que je lui parle. Ne touche surtout à rien Blanche, je reviens, fit-elle tout en se hâtant à traverser la salle, trottinant sur ses louboutin.

Florian en profita pour se rapprocher, sortant sa panoplie de séducteur du dimanche. Regard lascif, voix à la tonalité basse, sourire en coin.

— Une petite coupe de champagne mademoiselle ?

— Je suis désolée, je pense que je ne devrais pas.

— Une seule ne vous fera pas de mal, au contraire, cela pourrait vous détendre.

Elle lança un regard de biche apeurée vers sa mère avant de se reporter vers lui.

— Vous êtes très gentil, mais non.

— Un petit four alors ? Allez, je vous ai vu, vous en mourrez d’envie.

De nouveau elle déclina.

— Si vous voulez, je vous cache, fit-il tout en se plaçant devant elle.

Sa carrure aux allures sportives aurait pu la masquer sans peine et sa mère était suffisamment loin pour ne rien remarquer. En quelques secondes à peine, elle craqua.

— Merci, si vous saviez comme je meurs de faim. Mais je ne devrais pas vous faire ce genre de confidence, je suis désolée.

— Tout ça pour garder la ligne ? C’est idiot ! C’est mignon les filles avec un peu de rondeurs.

— Ce n’est pas que cela.

Elle semblait perdue dans un océan de mélancolie, rougissant subitement. Florian se sentit coupable et comprit qu’il était temps de changer de sujet.

— Souriez pour voir.

— Pardon ?

— Souriez. À pleines dents.

Elle s’exécuta, esquissant une grimace figée.

— Tout va bien, pas de persil de coincé, vous êtes irréprochable.

Elle finit par sourire de façon sincère. Il était non seulement gentil, mais drôle également.

— Et très jolie, sachez-le. C’est tout de même dommage qu’une fille comme vous et un gars comme moi ne puissent…

Il ne poursuivit pas sa phrase, mais elle devina où il voulait en venir.

— Ce n’est pas juste une question de statut social, cette décision ne m’appartient pas. Veuillez m’excuser.

Elle se glissa avec grâce parmi les convives, le fuyant avant qu’il ne commence à poser de questions trop indiscrètes. Le jeune serveur soupira, baissant les épaules lorsque l’une d’elles fut légèrement molestée. Il se retourna et fit face à son employeur.

— Je ne t’ai pas autorisé à venir pour draguer les invités ! Même s’ils sont agréables à regarder. Au boulot !

Et du boulot, il en eut jusqu’à deux heures du matin. La donzelle n’avait alors plus quitté sa mère de la soirée et telle Cendrillon au bras de sa marâtre, s’en était allée à minuit. Il n’osa se lancer dans une seconde tentative, regrettant d’avoir failli lors de la seule et unique.

— Tu comptes encore m’imposer ta présence lors de mon prochain contrat ? demanda le traiteur lorsque les cuisines furent pratiquement désertées.

Florian ôta son nœud papillon, le fourra dans sa poche et haussa les épaules.

— Tant que je n’aurai pas trouvé ce que je cherche, oui.

— C’est bien ma veine d’avoir un cousin comme toi.

— Je te fais une pub monstrueuse en échange, ne l’oublie pas.

— Mouais, tu t’occupes de ma page Facebook, rien d’extraordinaire non plus.

— Et de tous tes réseaux sociaux, mais sinon tu peux t’en occuper toi-même si tu préfères, le provoqua-t-il avec son air espiègle.

— Non ça va aller, on continue comme ça. J’y connais rien.

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