42 - Rampante noircissante

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12e jour de la saison de la mort 2448

La flèche fendit l'air dans un sifflement aigu et manqua sa cible de si près et d'un angle si improbable qu'on aurait dit un acte de magie. Azéna jura, mais fut tout-de-même satisfaite car, dans un coup de chance, la pointe de l'arme de jet avait réussi à fendre la robe du chaman. L'ouverture était si longue qu'Erurawin grimaça, clairement agacé par le dommage infligé à sa précieuse robe de rituel. Ce dernier agrippa le tissu et tira, agrandissant la fissure de façon presque barbaresque.

- Sale foutaise de dragonnière ! hurla l'elfe.

Il lança la robe ruinée vers l'archère avec un sourire dément comme s'il était sur le point de perdre la raison. Maintenant torse nu, certains de ses secrets furent révélés. Azéna éprouva un mélange de dégoût et de pitié pour le chaman qui s'était clairement mutilé pour ce qui était probablement des rituels de nature sombre.

L'adolescente n'avait pas de temps à perdre; la distance entre elle et le chaman continuait de grandir. Elle banda son arc et visa son cou. Si elle pouvait atteindre sa cible, celui-ci périrait sûrement. Sur le point de lâcher prise, elle sentit une douleur poignante lui traverser le bras gauche comme de l'électricité. Distraite et son membre affaiblit, elle hoqueta et décocha sa flèche. Cette-dernière fila et atteint la jambe du dragon noir qui ne broncha pas comme si rien ne s'était passé.

- Q-qu'est-ce que... ? questionna Azéna.

Elle appliqua de la pression sur son bras et la douleur devint engourdie. C'était maintenant endurable et elle était prête à réessayer. Encore une fois, elle manqua sa cible qui était à présent trop haute dans le ciel.

- Merde ! lança-t-elle.

Alors que sa rage rugit dans le tréfonds de son ventre, elle aperçut un point noir sur sa main endoloris qui se déformait lentement et se propagea comme des branches. C'était très alarmant, mais elle n'avait pas le temps d'en prendre compte. Elle serra les dents, canalisa ses émotions ardentes et encocha une autre flèche. Une rangée d'écailles violettes apparut sur sa main dominante et elle se sentit plus forte que d'habitude. Confiante, elle banda l'arme, visa et relâcha.

- Meurt salot ! tempêta-t-elle.

Cette-fois, la flèche décrit sa trajectoire avec une rapidité qui mettait les talents de vol de Tyrath à l'épreuve. Elle se ficha directement sur l'immense cicatrice fraîche en forme de cercle qui se trouvait à côté du cœur d'Erurawin. La force de l'impact fut si brutale que l'elfe fut légèrement repoussé vers l'arrière. Une goutte de sang se faufila hors de la blessure et roula le long du torse de la victime.

Le chaman se mit à rire comme un dément. Pendant longtemps, il ignora ce qui venait de se produire.

Sourcils froncés par la confusion, Azéna examinait l'homme qu'elle avait tentée de tuer. Elle ne comprenait pas sa réaction, mais dans le fond, cela importait peu. Elle allait terminer son travail avec une dernière flèche. Lorsqu'elle banda l'arc, une nouvelle vague de douleur parcourut le long de son bras et l'empêcha de tirer.

Erurawin était toujours en train de rigoler, tellement qu'il avait des larmes aux yeux.

L'archère ne pouvait presque plus le voir à présent. Il était si loin, n'était rien qu'un point ricanant là-haut.

- Non ! beugla-t-elle en ignorant son mal.

Sachant qu'elle avait perdu sa chance de l'achever, elle n'arrivait pas à contrôler une envie de cogner. Elle avait besoin de frapper. N'importe quel objet ferait l'affaire, mais il n'y avait rien à proximité. Elle s'en foutait ; elle s'en prendrait au sol sablonneux. Lorsqu'elle leva les bras, la douleur empira drastiquement et elle remarqua enfin: la tâche noire avait grandi et faisait maintenant la grosseur de sa paume. Puis, son cœur s'estompa momentanément alors qu'elle réalisait que c'était sûrement la malédiction de Noktow. C'était donc pour cela qu'Erurawin se marrait malgré sa situation fâcheuse. Elle observa la marque étrange avec des yeux écarquillés par la frayeur. Une fine ligne, un peu comme une veine, s'échappa de sa source et s'allongeât vers le haut, soit en direction du cœur ou de la tête. Paniquée, elle figea, incapable de regarder ailleurs.

- Azéna ! appela la voix familière du capitaine Ruvior.

L'immense nuage d'ombre animé se dissipa soudainement et elle se retrouva réunie avec son escouade. Le premier qui l'atteignit fut Reaginn qui s'agenouilla près d'elle, Tyrath près derrière lui.

- Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il avec une touche d'inquiétude.

Le drake argenté était si bouleversé qu'il semblait sur le point d'éclater en sanglot ce qui était rarissime chez les dragons.

- J'étais si en colère ! grogna-t-il d'une mâchoire tremblante. S-si troublé ! Personne n'arrivait à t'atteindre. C'était de la magie corrompue à l'œuvre !

Il était exténué. Azéna pouvait aisément reconnaître les signes physiques: yeux entrouverts, faiblesse musculaire et respiration rugueuse. Il s'était donné à fond pour tenter de lui porter secours, mais il n'était pas de taille contre un tel piège.

- Ça on ne le sait pas, informa Sèvia.

Elle aussi était à peu près dans le même état que son plus petit congénère.

- C'était comme un labyrinthe sans mur, insista Tyrath. Ça ne faisait aucun sens !

- Noktow, murmura Azéna. C'était probablement l'œuvre de Noktow.

Dragons comme humanoïdes écarquillèrent les yeux.

- Ce malfrat ! siffla Tyrath en labourant le sol de ses griffes pour se défouler.

Azéna ne pouvait plus endurer la douleur qui brûlait dans son bras; elle se laissa tomber tout en maintenant la pression. Vraiment, cela ne l'aidait que moralement.

- Qu'est-ce qui se passe ? questionna la voix faible de Morcan.

Azéna concentra ses yeux et sonda les alentours pour l'élémentaliste. Maintenant qu'elle y pensait, elle ne l'avait pas encore vu.

Il était allongé au sol et Sanah pressait une main sur son ventre tandis que de l'autre, elle cherchait dans un sac en cuir qui pendait de sa ceinture, sûrement pour une herbe quelconque.

La vision d'Azéna devint floue pour un instant. Le mal se faisait insupportable et elle perdait sa cohérence. Tout-de-même, elle comprit que le grand homme était sévèrement blessé. Elle réussit à identifier du sang qui coulait en petite dose de son torse jusqu'au sol.

- Morcan, susurra-t-elle à son tour. Comment...?

- Il m'a protégé, dit-elle tout simplement sur un ton neutre.

Malgré son courage, elle laissa un petit sourire anxieux se dessiner sur ses lèvres. Elle luttait pour garder son sang-froid ce qui rendit l'archère nerveuse. Morcan était-il en danger mortel ? Une vague de douleur la distrait et elle ne put s'empêcher de hoqueter.

- Qu'est-ce qui ne va pas ? questionna l'élémentaliste à nouveau d'une voix brisée.

L'escouade au grand complet avait posé son attention sur la demie-elfe qui était trop souffrante pour répliquer. Sanah fut la première a remarqué qu'elle tenait son bras comme si sa vie en dépendait.

- Ma puce, montre-nous ton bras, dit-elle avec douceur.

Elle tourna son regard vers Reaginn et d'un ton sévère, elle continua:

- Aide-là, grand idiot. Ne vois-tu pas qu'elle pâtit ?

- Eh bien sûr, dit le capitaine, incertain de lui-même.

C'était si étrange de le voir dans cet état. Il semblait distant depuis qu'Azéna avait mentionnée le dieu, lui qui est normalement vif d'esprit. C'est lorsqu'il se tourna brusquement vers la droite qu'elle aperçut une cape qui avait été fendue à la diagonale dont la moitié était manquante. Le dommage paraissait avoir été le produit d'une lame tranchante. Il ne semblait pas y avoir de sang, mais l'armure de cuir du rôdeur avait été tranchée elle aussi.

- Ton dos, mentionna-t-elle.

- Ça va, répondit-il en se penchant vers elle. Ce n'est qu'une blessure superficielle. De toute façon...

- Oh !

Elle étendit son bras et lui présenta sa main douloureuse en grimaçant. Elle espérait de tout son être que Reaginn allait avoir un remède miraculeux et rapide pour sa condition. Elle n'arrivait à peine à se concentrer. Incapable de faire face à sa situation, elle se distrait en examinant le reste de l'escouade.

Mis à part Reaginn et Morcan, il n'y avait que Telyx qui était blesser, quoique c'était mineur. Celui-ci fixait sa patte droite avant dont une griffe avait été cassée.

- Oh l'horreur, se lamenta-t-il.

Azéna pouffa malgré sa situation. Cela brin de contentement vint avec un rappel ferme que sa blessure passait avant tout. Une vague d'agonie lui traversa le bras entier et la fit glapir. Sur le coup, elle dut s'efforcer de ne pas serrer sa main contre sa poitrine dans un effort futile d'atténuer son affliction.

- Noktow, commença Ruvior avec un ton aussi froid que d'habitude. Comment est-ce possible ?

Plus il sondait la main et le bras de l'archère, plus il fronçait les sourcils, signe que c'était sérieux.

- J'ai déjà vu cette condition auparavant, annonça-t-il avec une légère touche d'amertume. Elle s'appelle la Rampante noircissante. Seuls les fanatiques les plus déments de Noktow peuvent jeter cette malédiction. J'imagine que c'est un truc que le Dieu Sombre lui-même a dû leur apprendre en échange de leur dévotion aveugle.

- Avez-vous été affecté par la Rampante noircissante ? demanda l'adolescente.

- Non, répliqua tout simplement le capitaine avec une pointe d'impatience.

Azéna jugea qu'il ne valait mieux pas en réclamer plus. De toute façon, sa souffrance sapait son énergie et elle commençait à avoir sommeil. Ses paupière lourdes, elle se laissa tenter par la douceur d'un lit douillet imaginaire.

- La saloperie, grogna le capitaine. Elle ronge.

Il secoua l'épaule de son interlocutrice. Pas de réaction.

- Hé !

Une deuxième secousse, celle-ci bien plus agressive, éveilla l'archère qui grommela. Elle semblait avoir un peu plus d'entrain et réalisa que le rôdeur avait appliqué un liquide visqueux sur sa peau noircie.

- Beurk, laissa-t-elle échappée par accident.

- Compte toi chanceuse parce que ce fou aurait bien pu te tuer, mais il semble désirer quelque chose de toi. Il te veut vivant.

- Comment peux-tu savoir ?

- Noktow aimes jouer avec les gens. C'est juste cela pour lui: un jeux. Et puis... Cette malédiction est souvent utilisée pour forcer les victimes à quelque chose contre leur gré. Ils ne désirent pas véritablement les tuer, mais... S'ils ne se conforment pas... la Rampante noircissante est fatale sans antidote. Te reconnais-tu dans cette situation ?

- Je ne sais pas... Mais il est au courant pour Turion...

- C'est ce que je craignais. Bon, je ne peux pas te délivrer de ton supplice, seulement ralentir son effet, mais Grand Maître Terenas possède les plantes nécessaires. J'ai besoin de Sèvia, mais Tyrath est presque aussi rapide dans les airs qu'elle.

Il posa son attention sur le jeune drake argenté.

- Emporte-là à Terenas le plus rapidement possible. Ne prend aucun détour ni de pause à moins que tu n'aies pas d'autres choix. C'est bien compris ?

- Oui ! déclara Tyrath avec confiance.

- Heureusement, la Rampante noircissante a été créée dans le but de persuader et de tuer seulement si nécessaire. Azéna possède quelques jours avant qu'il ne soit trop tard.

- Il est donc possible de se rendre à destination à temps, conclut le drake.

- Précisément.

Baldur qui s'était fait invisible depuis la bataille, s'avança à petits pas timides vers Tyrath. Il lui présenta quelques gourdes d'eau et eut un sourire en coin nerveux. Le jeune dragon gloussa:

- Ça serait sûrement notre mort sans de l'eau.

Il désigna un large sac en cuir qui était attaché à sa selle. Le garçon guerrier s'executa et après avoir niché les gourdes dans le sac, il se retira en arrière-plan et comme tout bon garde du corps, il sonda les alentours continuellement tel un chasseur.

- Umah et Yuzia, mentionna Azéna.

- Nous nous en occupons, dit Reaginn. Ils sont sains et saufs à présent.

- Morcan... Va-t-il...?

- Pars ! rugit le rôdeur avec irritation.

Voyant que sa dragonnière ne réagissait pas avec assez de rapidité, Tyrath s'empressa de la soulever du sol en mordant le collet de son armure puis, il la déposa sur sa selle. Incapable de trouver la force de résister, l'archère appuya son visage contre une main. Soudainement, l'image du petit Tokhùyl se dessina dans son esprit.

- Sanah ! s'exclama-t-elle avec le peu d'énergie qu'il lui restait.

Elle devait lui partager ce qu'elle avait découvert au travers de Noktow. Étant adoptée elle-même, elle jugeait cette information importante.

- À propos de Tokhùyl..., commença-t-elle.

- Non ! beugla Tyrath en claquant les mâchoires. On doit se rendre à Terenas !

La dragonnière eut un doute. Était-il vraiment nécessaire de lui dire à propos des véritables parents de Tokhùyl ? C'était peut-être mieux ainsi. De plus, cela n'aurait aucune répercussion sur la vie de l'enfant.

- Oui Azéna ? questionna Sanah qui lui avait accordée toute son attention.

- Ce n'est rien, répliqua l'adolescente.

Au même instant, le drake prit son essor et en l'espace d'un instant, il avait déjà entraîné sa cavalière à une dizaine de lieues de l'escouade. Un vent violent et sec fouettait le visage de cette dernière, mais elle n'y prit pas attention. Elle ne désirait que dormir.

✦×✦

13e jour de la saison de la mort 2448

Volé était bien plus pratique et précipité que marcher et même, à dos d'une monture terrienne. Peu de créatures pouvait tenir tête à un dragon dans les cieux et encore moins si elles faisaient face à un membre du vol gris. Tyrath avait rebroussé le chemin à une allure hallucinante. Il ne s'était pas arrêté pendant le reste de la journée ni pendant la nuit et enfin, à l'aube, il atteint sa destination: Atgoren, demeure des dragonniers et de leurs dragons.

- Mot de passe ! s'écria l'un des deux gardes à la porte principale de la citée.

Normalement, il fallait se plier aux règlements pour la sécurité de tous, mais le drake n'en avait que faire de la décence. Son cœur menaçait d'exploser tellement il était sous la pression de l'adrénaline depuis trop longtemps. Ses poumons hurlaient à l'agonie. Il ne ralentit pas. Il ne dévia pas de son chemin tracé : la voie la plus directe à la Tour Mère de l'académie d'Archlan.

- M-mot de passe, jeunot ! insista le garde qui perdait sa confiance devant le prédateur qui chargeait sur lui.

Tyrath poussa un rugissement bestial malgré l'entêtement de ses cordes vocales asséchées par le désert.

- BOUGE !

Malgré l'avertissement, le dragonnier n'obéit pas. Au contraire, il se prépara à l'impact en abaissant la visière de son heaume et en pointant sa lance droit devant lui.

- IDIOT ! beugla son interlocuteur.

Ce dernier utilisa le peu d'énergie qui lui restait pour aspirer une grande quantité d'air. Azéna sentit le torse de son compagnon trembler sous son petit corps. À peine consciente, luttant contre la douleur et la fatigue, elle s'avança avec misère et tira sur l'un des piquants de Tyrath. Le drake dévia au dernier instant, passant à un centimètre du garde qu'Azéna reconnut comme étant Dogan lorsque son heaume s'envola dans la brise violente qu'il avait relâché.

- Mais ! Mais, vous êtes fous ! s'écria l'humain encore sous le choc.

- Azéna ! gronda le second garde dont ses longues tresses dépassaient de son casque en fer. Tyrath !

L'archère gloussa faiblement et se dit qu'elle avait de la chance que ce soit Fingäar et Dogan qui étaient postés à la porte principale. Certains dragonniers l'auraient poursuivi. Tristement, elle avait plus quelque chose de plus urgent à traiter qu'eux et elle n'avait tout simplement pas le temps de s'excuser. Entretemps, elle jeta un coup d'œil à son bras. La Rampante noircissante faisait son chemin tranquillement vers le haut. Elle débutait du bout des doigts de l'archère et touchait presque son coude. Sa croissance était tout-de-même assez rapide et elle estimait qu'il lui restait que deux jours au maximum, peut-être même juste un. Le jeu de la divinité du vent fonctionnait. La demie-elfe se questionnait sur ce qu'elle devait faire si Terenas n'arriverait pas à se débarrasser de la malédiction. Devait-elle se rendre à Noktow juste pour sauver sa propre vie ? Que désirait-il vraiment d'elle ? Après tout, il était un dieu tout-puissant et elle n'était qu'une mortelle. Bien sûr, elle était l'hôte de Turion, un grand dragon violet, mais ça semblait quand-même absurde pour un être tel que Noktow de prendre de telles mesures et de faire face à de telles complications. Il devait y avoir quelque chose de plus derrière tout cette histoire.

- Nous y sommes ! s'exclama Tyrath avec réjouissement.

Azéna leva les yeux et identifia l'enceinte déserte de l'académie d'Archlan. Ils étaient presque au but. Le drake battit des ailes férocement avec l'intention d'accélérer pour se donner l'élan nécessaire pour monter brusquement vers la Tour Mère. L'adolescente se sentit soudainement observée, mais avant qu'elle ne puisse réagir, une nausée puissante lui la paralysa. Elle ne trouva pas la force d'avertir Tyrath à propos des trois silhouettes qu'elle aperçut du coin de son regard. Son estomac se tordit et une deuxième nausée s'empara d'elle. Incapable de se tenir debout, ses muscles affaiblis, elle tomba à la renverse. Heureusement, Tyrath était encore près du sol et elle s'affala sans trop de dommage.

- Azéna !? appela le drake, affolé.

La demi-elfe sentit une brise lui ébouriffer les cheveux, lui annonçant que son compagnon avait fait volte-face radicalement. Une mer d'écailles brillantes engloutit sa vision. Tyrath s'était sûrement positionné par-dessus elle et n'y voyait que son ventre. Sa présence rassurante la calma et elle ferma ses yeux alourdis par sa fatigue acharnée à l'assommer.

- Des elfes gris, grogna Tyrath suivi d'un sifflement d'avertissement. Intrus ! Je vais vous dévorer vivant !

- Si avide et impatient, répondit une voix féminine sur un ton séduisante. Tu dois être le petit dragon Tyrath. Laisse-moi me présenter. Je m'appelle Seveth et voici mes complices. Nous sommes venus jouer avec toi.

Tyrath était offusqué et insulté. Azéna le savait car, il montrait des signes d'irritation tels que gratter le sol et balance sa queue sans arrêt. C'était évidemment une situation dangereuse, trop pour lui seul. Ces elfes grises savaient leur identité donc, elles étaient préparées pour l'affronter. C'était un piège et Azéna était trop souffrante pour lui venir en aide.

- Appelle pour de l'aide, murmura-t-elle en espérant que son compagnon pouvait l'entendre. S'il-te-plait, ne sois pas idiot.

Elle était maintenant habituée à la cruelle douleur qui parcourait constamment son bras alors elle s'en foutait presque. Encore une fois, elle ne désirait que dormir. Les dernières paroles qu'elle entendit furent celles du jeune dragon:

- Adoratrices de Noktow le malfrat ! Vous êtes assez sottes pour vous laisser mener par lui, vous allez périr par mes crocs !

✦×✦

Un vacarme de rugissements, de chocs de fer et de cris éveilla Azéna d'un trou noir sans activités. Elle secoua sa lourde tête. Étourdie et sa vision brouillée, elle décida de retourner à la douceur du sommeil. Elle ne voulait plus se préoccuper des caprices de son corps.

Ce fut le touché de longs doigts sur sa joue qui déclencha un sentiment de panique. Elle cligna, incapable de discerner la personne qui s'était accroupie devant elle. Par contre, elle pouvait voir les différentes teintes qui décoraient la silhouette floue: beaucoup de beige encadré de noir, un peu de violet et deux points jaunes.

- Cheveux sombres... Des yeux jaunes...?

- Elysia soit louée, murmura l'individu. Je craignais pour ta survie.

Cette voix aussi... Elle était si particulière, si unique. C'était comme un grognement mélangé à un ton humain.

- Argoshin ! s'exclama-t-elle alors qu'elle réalisa qui était devant elle.

- C'est bien moi, répliqua le demi-dragon. À présent, montre-moi ton bras, tu veux ?

Mais la demi-elfe ne désirait pas qu'on la touche, spécialement pas par lui. Elle ne pouvait s'empêcher de se sentir méfiance à son égard. Elle tente de se dégager, mais elle était trop étourdit. Son sens de l'orientation était loufoque. Elle ne comprenait pas où elle était. Elle se sentait comme si on l'avait drogué.

- Comment ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

- Ce sont des questions qui seront répondus plus tard, expliqua Argoshin. Tends-moi ton bras Azéna. C'est une question de vie ou de mort. Allez !

- On dirait Leith, ricana l'archère alors qu'une vague de souvenirs de la vieille dame qui ronchonnait se dessinèrent dans son esprit.

- Qui ? Bref, cela n'a pas d'importance. Je peux sceller la Rampante noircissante, mais tu dois me faire confiance. Je dois premièrement confirmer que le maléfice est bien cela. Montre-moi ton bras. Le temps n'est pas de notre côté.

Le ton pressant du demi-dragon mettait l'archère mal à l'aise. Elle n'était pas en état pour trouver la bonne action à prendre. Sa vision s'éclaircit légèrement, juste assez pour qu'elle puisse distinguer Tyrath qui étaient étendu au sol à quelques lieues d'elle. Il n'était pas mort, mais il était clairement exténué. Devant lui, Sèvia le protégeait d'une elfe grise qui semblait lancer des sortilèges qui distrayait la dragonne grise, sûrement des illusions.

Sous le choc, Azéna réalisa qu'il y avait une bataille qui faisait rage autour d'elle. Ça expliquait le vacarme qui résonnait dans ses oreilles depuis son réveil. Elle tourna la tête et se rendit compte que quelques dragonniers avaient rejoint la lutte et gardait les elfes gris occupés. L'ennemi était environs dix, bien plus qu'elle n'avait aperçu avant de s'endormir. Elle se rendit compte avec horreur qu'ils étaient là pour elle, pour Turion, pour son pouvoir.

Les questions qui tuent étaient: dans quel camp était Argoshin ? Était-il même dans un des deux camps présents ? Était-il indépendant ? Était-il mauvais, neutre ou bon ? Était-ce qu'Azéna pouvait lui faire confiance une fois pour toute ?

Tranquillement, elle semblait retrouver ses esprits et son énergie, mais elle savait que cela n'allait pas durer. La Rampante noircissante semblait lui donner un peu de répit, mais elle revenait toujours en force et à chaque fois, c'était plus agressivement que la fois précédente. Elle ne savait pas quoi faire. Elle aurait voulu que Tyrath l'aide à prendre une décision, mais il était si loin et à court d'énergie. Azéna non plus ne pouvait pas se déplacer, ses muscles étaient toujours engourdis.

- Azéna ! insista Argoshin dont la voix devenait plus un grognement animale qu'humaine. Fait-moi confiance comme ton capitaine l'a fait !

Parlant de Reaginn, si Sèvia était présente, il devait aussi être à proximité. Mais où était-il ? Elle ne le voyait pas. Sèvia était plus rapide que Tyrath, expliquant pourquoi elle aurait pu arriver si peu de temps après lui. Cela voulait aussi dire que le reste de l'escouade n'était pas à Atgoren. Pourquoi Capitaine Ruvior les aurait-il soudainement abandonnés ? Suspicieuse d'être victime de manipulation, son anxiété prit contrôle et elle rétorqua:

- Non je refuse ! Terenas peut s'en occuper ! Reaginn me l'a dit !

Argoshin fronça les sourcils et agrippa fermement le bras noircis de l'adolescente. Azéna hoqueta, incapable de résister, horrifiée à la vue des griffes acérées du demi-dragon. Les yeux larmoyants et se sentant impuissante, elle hurla en espérant qu'un allié lui viendrait en aide.

Soudainement, Argoshin la relâcha et s'écroula, assommé.

Le poids du demi-dragon était plus que ce qu'Azéna avait envisagée. La moitié du corps de son assaillant était sur le sien et son souffle avait été temporairement coupé.

- Oh merde ! jura l'archère qui espérait qu'elle n'avait rien de cassé.

- Apprentie Kindirah allez-vous bien ? demanda son sauveur.

Elle leva le regard et reconnue Maîtresse Valkirel sous son armure. Sa longue chevelure blonde ondulait dans les brises malgré le heaume qui limitait ses mouvements. À première vue, on aurait pu la confondre avec sa fille Arièlla. Elles se ressemblaient tant mis à part les yeux et les oreilles.

Azéna ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sorti. Elle devina que la Rampante devait commencer à s'activer à nouveau. La fatigue commençait déjà à frapper.

- M-mal

- Tu as mal ? devina Nymia. Où ?

Elle s'agenouilla et se mit à examiner la jeune apprentie.

- J'espère que cette créature ne t'a pas blessée, continua-t-elle avec inquiétude.

Azéna fit non de la tête puis, elle souleva la manche de son bras affligé par la malédiction. La révélation laissa la blonde sous le choc. Pendant quelques secondes, cette dernière resta silencieuse, les yeux écarquillés.

- Je ne sais pas si je devrais y toucher, avoua-t-elle. C'est une malédiction, n'est-ce pas ?

Azéna acquiesça et essaya de lui expliquer ce qu'elle désirait:

- T-Tere-n-nas, bégaya-t-elle.

La simple prononciation de ce prénom la laissa épuisée. La Rampante n'avait aucune pitié et son bras se mit à brûler encore une fois. Cette-fois, sa douleur était accompagnée par une démangeaison irrésistible. Elle se mit à gratter, doucement première puis, frénétiquement.

- Arrête ! ordonna Nymia avec sévérité. Arrête tout de suite ! Cela pourrait avoir des répercussions dangereuses.

Désespérée, l'adolescente agrippa le gazon humide pour résister à la tentation. Elle appela Turion du tréfonds de son âme, mais le wyrm ne lui accorda aucune attention. Pourquoi ? Habituellement, lorsqu'elle était en péril, il se manifestait pour l'aider et ce, même si ce n'était qu'un petit peu. Serait-il affecté par la Rampante aussi ? Ça serait le chapeau provenant du dieu de l'ombre.

- T-Terenas ! hurla-t-elle comme un animal coincé dans une cage.

- Honore sa requête ! ordonna Sèvia alors qu'elle donnait un coup de patte à une elfe grise qui fut pulvérisée instantanément. On manque de temps ! Dis-lui que c'est la Rampante noircissante !

Ce fut au tour de Nymia d'acquiescer. Elle jeta un coup d'œil en direction des autres dragonniers qui tentaient de repousser les envahisseurs. Ils étaient pour la plupart accompagnés de leur dragon, mais la magie et la sournoiserie de leurs ennemis étaient surprenantes. Ils étaient sûrement tous des gardes qui étaient sous son aile. Elle était inquiète pour eux. Par contre, ils avaient le dessus et tout semblait bien se passé.

- POUR LA REINE ! POUR LA LIBERTÉ ! lâcha la meneuse des elfes gris, sûrement la dénommée Seveth.

Ce cri de guerre avait énergisé les troupes ennemies. Ils redoublèrent d'efforts, lançant des sortilèges terribles.

- Va ! rugit Sèvia.

Nymia sonda les environs et arrêta son attention sur un dragon rubis et costaud qui venait de se débarrasser d'une mage.

- Tobalt !

Ce dernier répondit à l'appel. Il n'était pas de taille à rivaliser le grandiose Rendar, mais il était tout-de-même splendide. Avec une force monstrueuse provenant de ses larges ailes, il s'envola en évitant de justesse une flèche qui lui avait été tiré d'une arbalète. Mécontent, il balança sa tête sur le côté et cracha une gigantesque boule de feu qui explosa au contact du sol. Le tireur n'était plus qu'un tas de cendres.

- Tobalt, allez ! insista Nymia. On doit emporter Azéna à Terenas.

Le dragon aux écailles rubis se dirigea vers sa dragonnière avec hâte. Il ralentit lorsqu'il fut assez proche et d'une patte, il prit Azéna dans ses bras tandis que Nymia grimpa à califourchon sur son dos.

- Enfermez la créature dans une cellule du Donjon et informez Maître Arahich, ordonna la Gardienne à ses subordonnés. Ne la laissez pas s'échapper !

Azéna inspira profondément afin de se distraire de sa douleur et de sa démangeaison. Une odeur de sulfure envahit ses sens et soudainement, elle réalisa qu'elle était sauve. Elle baissa les yeux et laissa son autre bras pendre en tentant de faire signe à Tyrath que tout allait être correcte. Le drake lui répondit en poussant un rugissement qui dégageait tout son soulagement.

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