41 - Que de loyauté et de trahison

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12e jour de la saison de la mort 2448

Ce matin-là, Serfantor avait annoncé à son équipe de skotar qu'ils allaient pratiquer une dernière fois avant la partie contre Blanchebrise qui allait se passer ce soir et ce, durant leur pause du dîner. Non à sa grande surprise, tous les membres chiâlèrent sur la décision prise à la dernière minute sauf Arièlla et le remplaçant temporaire d'Azéna: Nremyn, l'ami de Beldroth et tout comme la demie-elfe absente, il était un lié à un dragon gris et possédait un caractère fougueux. Par contre, ce dernier était du troisième cycle et était un elfe lunaire de sang pur. Sa tignasse extravagante ainsi que ses yeux d'un bleu brillant n'impressionnaient pas le capitaine. À multiple reprises, le nouveau venu avait lancé des commentaires déplacés qui rendait les deux filles de l'équipe mal à l'aise, particulièrement Restelle qui rougissait à chaque fois. Serfantor avait remarqué qu'Arièlla canalisait sa colère en craquant ses jointures de doigts. Elle avait un tempérament enflammé comme sa mère et elle ne respectait que les plus dignes.

- Tu ne sais toujours pas quand Azéna reviens ? demanda Ragnor.

L'humain de quatrième cycle suivait son supérieur de derrière alors qu'ils se rendaient au terrain de skotar de l'académie.

- Tristement non, avoua l'elfe gris en gardant son attention fixée sur sa destination.

- Il est... comment dire ?

Serfantor savait de qui son coéquipier parlait : Nremyn.

- Énervant, lança sèchement le capitaine.

- Heu... Bah... C'est un peu direct, mais bon... C'est précis.

Ragnor continua de bavasser de skotar, notamment de stratégie qui éviterait à l'équipe de trop dépendre de Nremyn, mais Serfantor ne l'écoutait pas. Il approchait du terrain et une mer de vagues flavescentes avait entrée dans son champ de vision puis, elle avait captivé son attention. Les reflets dorés brillaient sous les rayons denses des jumeaux qui se faisaient hauts et fiers dans le ciel. Le capitaine s'arrêta, rebroussant dans sa mémoire à la recherche des paroles réconfortantes de la dragonne noire qui le connaissait mieux que lui-même.

- Nous avons besoin d'alliés, avait insistée Shalith.

Il détourna le regard de la demie-elfe qui avait le dos tourné à lui. Elle ne l'avait pas encore aperçu et c'était peut-être mieux comme ça le temps qu'il fasse un peu d'ordre dans ses pensées.

- Elle ne me semble pas si mal, résonna la voix de Shalith encore une fois dans son esprit. Donne-lui une chance. Ce n'est pas chaque être en ce monde qui nous souhaite du tort.

Il crispa les mâchoires, canalisant ses émotions mixtes et en un instant, il retrouva son sang-froid.

- Tout va bien capitaine ? demanda Ragnor qui l'attendait à proximité, annonçant la présence de son interlocuteur.

Comme de fait, Arièlla tourna la tête et lui offrit un petit sourire en coin, démontrant son enjouement. Comme d'habitude, jouer au skotar excitait la blonde. C'était une poussée d'adrénaline pour elle, un peu comme Azéna vis-à-vis n'importe quelle situation risquée maintenant qu'il y pensait.

- Oh, dit tout simplement Ragnor.

Le défenseur de skotar lui donna une tape amicale à l'épaule et continua sa route en rigolant le plus subtilement possible sans succès.

- Capitaine, salua Arièlla qui était redevenue sérieuse.

La dragonnière appréciait le respect de l'autorité et techniquement, Serfantor était son aîné en tant qu'apprenti en plus d'être son supérieur sur l'équipe de Sombrelame. Ainsi, elle lui démontrait de la courtoisie, particulièrement en public. Elle agissait beaucoup plus personnellement lorsqu'ils étaient seuls.

- Arièlla, répondit Serfantor avec une légère pointe de gêne.

L'elfe gris n'était toujours pas complètement à l'aise dans son rôle de capitaine. Parfois, il se demandait pourquoi il avait opté pour ce titre. Peut-être était-ce tout simplement par habitude. Il avait été conditionné par sa mère et son peuple pour viser le plus haut possible en tout temps.

Il n'avait plus le choix ; il devait avancer. Ce malgré les souvenirs de la soirée d'hier. Lui et Arièlla avaient encore faillis se faire prendre par Rendar en dehors de leur chambre après le couvre-feu. Cette-fois, Harath les avait sauvés en distrayant le grand mâle rouge en lui faisant des avances. Évidemment, elle fut rapidement rejetée, étant bien trop jeune et inexpérimenté pour lui.

- Comment va Harath ? demanda Serfantor en espérant briser le lourd silence entre eux.

- Oh tu sais, elle est très irritable depuis l'incident, avoua Arièlla. C'était une véritable honte m'a-t-elle dit dans un grognement des plus féroces de surcroît.

La blonde croisa ses doigts derrière son dos et leva le regard vers le ciel. Ses magnifiques yeux azur réagirent à la lumière, reflétant des étoiles semblait-il. Serfantor faillit se perdre dans ce spectacle, mais il se ressaisit rapidement lorsqu'une ombre ailée bloqua les rayons et mit fin à l'effet.

- Te voilà ! rouspéta une voix féminine.

Shalith se posa à sa droite alors qu'Arièlla se trouvait à sa gauche. Le trio se dirigea vers le terrain où le reste de l'équipe les attendait, tous sauf Harath. Immédiatement, le capitaine remarqua que Shalith semblait agitée malgré sa tentative de le dissimuler. Elle était un peu trop enthousiasme à l'idée qu'il se rapproche de la blonde.

- Hé merde, grogna Arièlla. Harath n'est pas là... Elle est sûrement trop hargneuse pour se montrer la gueule. Tête de mule...

- Effectivement, la grosse grincheuse n'a pas fait une apparition, mentionna Shalith. Qu'aurait-il bien pu arriver ? continua-t-elle avec sarcasme.

- Oh ne le mentionne pas devant elle. Elle est sensible à ce sujet.

- Promit.

Serfantor ne put s'empêcher de sourire. Il devait avouer que la dynamique des quatre nouveaux amis lui apportait beaucoup de bonheur. La malice innocente de Shalith, l'irritabilité, mais le bon cœur d'Harath, son propre calme et l'énergie positive d'Arièlla.

- Allez viens qu'on en finisse ! s'exclama la jeune dragonnière rouge en s'élançant à grandes enjambées vers le centre du terrain.

- Un instant ! lança Serfantor qui se mit aussi à courir. Comment vas-tu participer sans Harath ?

- Elle va venir. Il suffit de faire preuve d'un peu de patience. Elle est aisément proie de sa susceptibilité, mais elle ne m'abandonne jamais.

Comme si elle était télépathiquement liée avec la dragonne, elle pointa vers le Nid du Dragon et peu de temps plus tard, la silhouette d'Harath se dessina à l'horizon. Celle-ci poussa un rugissement bestial comme pour donner un avertissement.

Arièlla s'arrêta et se mit en position défensive sous le regard intrigué du reste de son équipe de skotar. Rien ne se produit jusqu'à ce que la dragonne rouge soit à proximité. Cette dernière fendait l'air tellement elle donnait des coups puissants d'ailes pour accélérer son allure. On dirait bien qu'elle se préparait à l'assaut comme si elle planifiait de dévorer la demie-elfe. Cela ne démotiva pas sa dragonnière qui sauta avec détermination, évitant de justesse les crocs meurtriers de son assaillante. Harath tourna la tête, énervée et dans sa distraction, elle changea légèrement son cap et finit par s'écroula lourdement au sol.

- T'es encore trop lente ma vieille, ricana Arièlla.

- Bah on sait qui est dominante entre les deux, murmura Shalith.

Serfantor roula les yeux et se contenta de garder le silence. Étrangement, le comportement d'Arièlla et d'Harath lui rappelait étrangement à Azéna et Tyrath. Il devait avouer qu'il n'avait jamais agi de la sorte avec Shalith. Ce n'était tout simplement pas leur style. Malgré tout, il trouvait ça en quelque sorte adorable.

Pendant ce temps, Harath cracha de la terre rocailleuse et secoua vigoureusement son large cou musclé. Malgré la situation, elle semblait heureuse de voir sa partenaire.

- La prochaine fois, grogna-t-elle avec férocité.

- Allez ! s'exclama Arièlla avec détermination. Il est temps de se pratiquer ! À qui donnerons-nous une bonne raclée ?

Shalith pencha sa tête sur le côté et observa l'interaction de la blonde et sa dragonne.

- Curieux, siffla-t-elle avec amusement. On dirait bien qu'elle essaye d'impressionner quelqu'un.

À ces mots, Serfantor sentit ses joues s'enflammer. Gêné, il ignora tout simplement ce commentaire en espérant qu'il disparaîtrait.

- C'est vrai qu'elle est chahuteuse aujourd'hui, nota Restelle.

- Elle est un peu fofolle, ajouta son dragon, un mâle aux écailles gris ardoise et à la barbichette de piquants blancs.

- Ça va, dit Serfantor. Divisez-vous en deux équipes. Blanchebrise n'aura pas de pitié pour nous.

L'elfe gris retira sa tunique d'uniforme pour révéler un débardeur sombre. Il n'était pas très musclé pour un homme, faute de son sang elfique, mais il était élancé et quand-même assez bien bâtit: le résultat de deux ans intensifs d'entraînement chez les dragonniers, le premier étant principalement théorique.

- Blanchebrise, ricana Restelle avec un sourire aux lèvres. Ils n'étaient que des mauviettes l'an passé.

- Eh bien, je suis désolé de t'annoncer qu'ils ont presque entièrement changer leur équipe. Donc... nous ne savons pas à quoi nous attendre.

Il fit une pause pour examiner l'expression des membres de son équipe. La plupart avaient écarquillés les yeux, signe de choc ou de surprise. Le reste... semblaient plutôt déterminés. Arièlla, Harath et Restelle étaient décidément les plus braves de l'équipe, sans oublier Azéna et Tyrath.

- Presque tous des filles, murmura Serfantor pour lui-même alors qu'il se souvint de la culture elfe grise qui était matriarche.

Soudainement, il se sentit observé. Bien sûr il savait que ses coéquipiers lui portaient attention ce qui était évident, mais il y avait quelque chose de plus qui lui chatouillait l'épine. Du coin de l'oeil, il aperçut Arièlla qui clignait des yeux, fixée sur ses épaules et ses bras. Maintenant qu'il y pensait, il ne portait que très rarement si peu de vêtements puisqu'il était presque constamment en uniforme d'apprenti dragonnier. Aujourd'hui, il avait trop chaud pour jouer avec un tel accoutrement alors, il allait falloir que la blonde s'y fasse.

Pour détendre l'atmosphère, il envoya Arièlla et Harath du côté opposé de lui. Lorsqu'ils pratiquaient, il y avait un gardien, un défenseur et un attaquant pour chaque équipe et ils échangeaient de rôle de temps en temps.

Souvent durant la pratique, l'esprit de Serfantor lui causait de la difficulté à se concentrer. Il n'arrêtait pas de songer à ses problèmes ainsi qu'à son amitié avec Arièlla qui s'approfondissait rapidement, trop rapidement à son goût. Il devint anxieux et reçut la balle élémentaire en plein visage. Heureusement, celle-ci était entourée d'eau et le seul dommage qu'il eut fut celui de l'impact.

- Tout va bien ? demanda gentiment Arièlla qui fit signe à Harath de s'arrêta à la droite de Shalith. Tu me sembles... dans un autre univers.

- J-je vais bien, bégaya-t-il, pris au dépourvu face à l'attention de la dragonnière.

- Hmph, souffla Harath avant de foncer vers les hexagones ennemis.

Un peu plus tard, il faillit recevoir la balle élémentaire derrière le crâne puis, une autre fois dans le ventre. Il n'était même pas assez présent pour engueuler ses coéquipiers lorsqu'ils avaient une performance médiocre. Cette-fois, il songeait à Azéna et à Tyrath qui étaient sûrement quelque part dans le royaume doré d'Elthen. Il se questionnait sur la sécurité de ses deux idiots. Le Sang du Dragon était une bande dangereuse, peut-être aussi dangereuse que sa mère. De plus, la reine planifiait un évènement tragique pour son retour; quelque chose auquel il allait possiblement devoir participer que ce soit d'un camp ou de l'autre. S'il faisait un faux pas, un mauvais choix, il pourrait se retrouver exécuter et Shalith en souffrirait les conséquences aussi. Il ne pouvait pas le concevoir. Il commençait à se sentir maladif; le stresse lui rongeait les muscles et il avait soudainement une envie de vomir naissante.

- Ça suffit pour aujourd'hui, beugla-t-il avant de ne plus avoir l'énergie pour hausser la voix.

Chacun s'immobilisa, obéissant aux ordres de leur supérieur. Tous sauf Nremyn qui continua sa route et lança la balle élémentaire dans l'un des hexagones ennemis.

- Le but ! s'écria-t-il en ignorant son capitaine. Je suis si bon !

- Nremyn ! grogna Serfantor. J'ai dit ça suffit !

Kultin, le partenaire de Restelle, s'approcha de Shalith avec un regard inquiet.

- Quoi ? questionna-t-il doucement. Déjà ?

La dragonne noire claqua les mâchoires fermement à deux reprises ; elle savait ce qui se passait. Elle avait souvent été témoigne des crises d'anxiété de son dragonnier. D'ailleurs, des petits points noirs se dessinèrent un peu partout dans la vision de Serfantor. Il fallait qu'il se repose.

- Oui déjà ! rugit Shalith de tout son âme en accordant à Kultin un regard menaçant.

Elle siffla tel un serpent en colère puis, elle replia les ailes et piqua vers le sol. La situation du prince elfe gris la mettait sur les nerfs.

- Rentrez à l'académie ! ordonna-t-elle avec froideur.

Restelle ramassa la balle élémentaire et suivit le reste de l'équipe vers le fort qui leur était si familier. Durant ce temps, Shalith laissa Serfantor descendre et s'accoter contre un arbre. Elle était si préoccupée qu'elle n'avait pas remarquée la demie-elfe et sa dragonne rouge qui étaient restées derrière. Ces dernières semblaient hésiter de partir. Finalement, Harath fit signe à Arièlla de la suivre.

- On ne devrait pas trainer.

- Mais... Bon tu as sûrement raison, céda Arièlla. Mon comportement devrait faire preuve de plus de politesse.

- Donne-lui un peu d'espace.

Elle passa son aile autour de sa dragonnière et la poussa délicatement vers l'avant pour l'encourager à avancer. Cela prit un moment, mais cette dernière obéit.

Serfantor sentit une vague de tristesse traverser son corps tendu lorsqu'il réalisa que la blonde était sur le point de partir. Il décida sur un coup d'impulsivité de tout lui raconter. Mais avant, il désirait obtenir la bénédiction de Shalith, alors il croisa son regard avec le sien. La dragonne noire cligna lentement des yeux, démontrant son accord.

- Je crois qu'ils sont dignes de confiance, la grosse rancunière incluse.

Encore assez près pour entendre les paroles de Shalith, Harath fit demi-tour et expira un nuage de fumée gris. Elle claqua les mâchoires et secoua la queue.

- Excuse-toi, ordonna Serfantor à la maîtresse des ombres.

- Au moins j'ai attiré leur attention, dit cette dernière en adoptant un ton espiègle.

Elle porta son attention à Harath :

- Je regrette mes mots indiscrets, continua-t-elle avec sincérité.

La dragonne rouge serra les mâchoires et garda le silence, mais elle ne broncha pas ce qui signifiait qu'elle avait accepté les excuses de Shalith.

- Que voulais-tu dire lorsque tu réclamais que moi et Arièlla sommes dignes de confiance ? questionna-t-elle après une longue pause.

Shalith fit quelques pas vers l'arrière comme si elle désirait démontrer que le droit de parole était réservé pour son dragonnier. Ce dernier était maintenant assez calme pour s'expliquer sans problèmes. Son anxiété s'était retirée tranquillement, mais sûrement. À l'aide d'une main, il se leva et se questionna sur la meilleure démarche à suivre pour leur expliquer sa situation de vie.

- J'ai quelque chose à vous avouer... Quelque chose que je n'ais jamais révéler à personne avant. Seules Shalith et ma famille sont au courant. Mais... J'ai -

Sa voix se tordit et les mots refusèrent de sortir. Il était non seulement effrayé de repousser Arièlla et Harath, mais aussi de se faire entendre par un espion envoyé par sa mère ou encore un autre dragonnier. Il sonda les environs et il n'aperçut pas la moindre âme.

- Je vais vérifier, dit Shalith.

La dragonne noire prit son essor et décrit quelques cercles dans le ciel avant de revenir se poser à côté de Serfantor.

- Nous sommes seuls, lui assura-t-elle.

À ce point, les yeux d'Arièlla démontraient un mélange de curiosité et d'inquiétude. Serfantor désirait la rassurer, mais il n'avait que des mauvaises nouvelles à lui annoncer.

- J'ai été envoyé à cette académie dans l'espoir de me lié à un dragon afin de donner accès à une immense source de pouvoir à mon peuple, plus particulièrement ma mère qui est la reine comme tu dois sûrement le savoir.

- Je suis au courant que tu es un prince, informa Arièlla. Enfin, que tu l'étais.

Elle n'ajouta rien d'autre, semblant plongée dans ses pensées. Pour le moment, son expression était neutre ; il était difficile de lire ce qui se passait dans son esprit. De son côté, Harath n'hésita pas à s'exprimer.

- Ça explique pourquoi Katanor est aussi présent, conclut-t-elle en poussant un petit grognement. Vous avez eu une sacrée chance d'avoir été choisi tous les deux par un dragon.

- Une malchance dans cette chance, précisa Shalith dans un sifflement vénéneux. Les buts de la reine des elfes gris ne sont pas positifs.

La maîtresse des ombres commençait déjà à s'énerver; ce sujet testait souvent sa patience.

- Elle nous tient en laisse comme des vulgaires animaux, grogna-t-elle.

- Expliquez-moi plus en détails, requêta Arièlla en s'adressant aux deux victimes. Que désire-t-elle exactement avec un tel pouvoir ?

Shalith renâcla puis, elle pouffa, démontrant son irritation face à cette question. Incapable de contenir ses émotions, elle décida de laisser la parole à son dragonnier.

- Est-ce la guerre ? devina Arièlla.

Les traits faciaux de Serfantor se creusèrent soudainement. Il savait que la plupart des apprentis dragonniers étaient au courant des rumeurs à propos d'une guerre qui soit-disant menaçerait la vie de bien des peuples. En revanche, ils ne croyaient pas en sa sévérité. C'était compréhensible. Les temps semblaient calmes et il n'y avait aucune trace de conflits de leur point de vue. Par contre, Serfantor savait que ce n'était pas faux ; il avait entendu sa mère en parler à plusieurs reprises. Elle s'était entourée d'alliées puissants et préparaient des plans quoiqu'elle ne partageait pas tout avec lui. Souvent, ce qu'il entendait n'était pas destiné à ses oreilles.

- Je ne suis pas au courant des détails, mais ce n'est pas quelque chose à prendre à la légère, dit-il sévèrement. Cette guerre va éventuellement éclater si elle n'est pas déjà entamée.

- Elle planifie avoir toi et Katanor dans ses rangs, conclut la blonde.

- Pff ce n'est rien, dit Harath. Les forces des dragonniers peuvent arrêter deux dragons sans difficultés.

Incapable de contenir sa rage, Shalith poussa un rugissement puis, elle menaça la dragonne rouge en montrant les dents et en balançant sa queue violemment.

- Ne vois-tu pas le problème ? La reine n'est pas idiote. Elle désire conquérir Aerinda au grand complet et les dragonniers ne pourront pas diviser leurs nombres au travers le monde. Elle va nous placer stratégiquement aux endroits les moins protégés et qui pourra nous arrêter si aucun dragon n'est là pour nous abattre ? Nous n'allons pas nous en prendre aux dragonniers ; nous allons nous en prendre aux faibles.

- Une conquête facile et rapide, murmura Arièlla. Ce sera difficile de reprendre le contrôle si beaucoup d'endroits tombent à l'ennemi. Aussi, ça va nous distraire, nous disperser et nous rendre vulnérables.

- Toi tu comprends, complimenta la dragonne noire.

Harath haussa la tête et bomba le torse, trop fière pour admettre qu'elle avait assumer sans réfléchir.

- Ça va, dit Serfantor sur un ton doux. Mais cela ne change pas notre problème.

- Vous ne désirez pas y participer, devina Arièlla avec tristesse.

- Évidemment, grogna Shalith. Mais elle exerce tout-de-même un contrôle sur nous. Elle est cruelle et il faut bien choisir nos mouvements. C'est difficile de se faire des alliés car elle possède des espions autour et dans l'académie. Elle ne nous fait pas confiance. Et il y aussi un autre problème...

- Katanor, souffla le prince avec amertume. Il est corrompu, mais il est tout-de-même mon petit frère.

- Et alors ? questionna Harath.

Shalith secoua sa tête en signe de désaccord.

- N'essaye pas. J'ai déjà essayé ; ils ne pensent pas comme nous. Nous ne sommes pas très proches de notre sang, contraire à eux.

Harath souffla un nuage de fumée épais de ses naseaux.

- C'est irrationnel. Rien n'est plus important que la survie.

- Harath, je t'en prie, supplia Arièlla avec une certaine autorité dans son ton de voix.

- C'est faux ! déclara Shalith avec passion. Il y a deux choses qui importent plus que la survie, Harath. Tu es née gardienne du feu, une partie essentielle de la vie et la mort. Aussi, tu es liée à un un autre être et je suis certaine que tu sais comment on se sent dans cette situation.

La partenaire d'Arièlla hésita, semblant incertaine de ses sentiments.

- J-je...

Elle détourna le visage, évitant le regard des autres. Elle déglutit profondément et continua:

- Shalith a raison... Pardonne mon attitude d'ingrate, Arièlla.

La blonde s'approcha de son interlocutrice, elle prit son museau dans ses deux mains et tourna délicatement sa tête afin de plonger ses yeux dans les siens. À ce moment, elle continua en posant son nez sur celui de la dragonne. À cette attouchement, Harath entrouvrit la gueule puis, elle expira longuement. Son souffle chaud et sec caressa la peau de Serfantor qui resta ému devant un tel spectacle sentimental.

- Tu es ma famille et ce qu'importe ton sang, ta race, ton passé et d'où tu viens, fredonna la demie-elfe.

Une seule et unique larme roula le long de la joue écaillée d'Harath et malgré cela, cette dernière ronronna bruyamment.

Shalith fixa son regard sur le prince. Ce dernier devina ce qu'elle cherchait et sourit. Il lui caressa le front en ignorant la substance gluante qui se colla à sa main. Lorsqu'il porta son attention à nouveau sur Arièlla, il aperçut Harath qui poussait le dos de sa dragonnière à l'aide de son museau comme si elle désirait qu'elle s'approche de lui. Shalith pouffa, signe que quelque chose l'amusait.

« Un instant, songea l'elfe gris. Est-ce que Harath est en train de l'encourager à quelque chose... ? »

Et soudainement, il s'imagina le pire. Les deux dragonnes avaient été d'accord depuis un certain temps sur l'accouplement de leurs dragonniers. Est-ce qu'Arièlla le trouvait de son goût et était-ce pourquoi Harath essayait de l'encourager à l'embrasser ? À cette pensée, le prince sentit ses genoux perdre leur force et il se mit à trembler légèrement. Il avait peut-être dix-sept ans, mais il n'avait aucune expérience avec les femmes et ça le rendait nerveux. Il n'avait pas eut de chance avec Merryn, mais il avait tout-de-même un bon pressentiment avec Arièlla. C'était une bonne personne et elle ne semblait pas effrayée par la possibilité qu'il trahisse les Gardiens d'Aerinda malgré sa situation délicate. Peut-être...

Il était si préoccupé par les pensées qui se déversaient dans son esprit comme un torrent de pluie qu'il sursauta lorsqu'il sentit une peau douce effleurer ses doigts. Arièlla serra sa main avec la sienne et à cet instant, rien d'autre que cela importait. Ses instincts lui indiquaient que cette femme était la voie à suivre qu'importe les conséquences. Il ne pouvait pas suivre sa cruelle de mère, plus jamais. Son cœur battait la chamade et sa respiration était faible, lente et d'une certaine façon, elle était calme. Ça ne faisait aucun sens, mais il appréciait que son corps perdre la raison. Un frisson à la fois chaud et froid lui traversa le dos puis le derrière du crâne. Personne n'existait sauf elle en ce moment.

- A-arièlla, finit-il par dire timidement.

Deux perles bleu pétillant se fixèrent à ses yeux et pendant longtemps, un silence bienheureux régna jusqu'à ce que la dragonnière se décide de passer à l'action.

Elle effleura le bout de ses doigts sur la joue du prince, caressant doucement. La peau de l'elfe gris picota à ce contact et une vague de gêne l'envahit. Ses joues s'enflammèrent instantanément et rougirent considérablement. Incapable de cacher ses émotions, il sentit ses lèvres trembler et son ventre se tordre. Sa bouche était asséchée alors qu'elle était parfaitement normal un instant plus tôt. Arièlla figea pendant un instant comme si elle attendait d'avoir la permission pour continuer.

- M-mhhmmm, murmura Serfantor d'un air penaud.

C'était le seul bruit qui sortit de sa bouche et c'était tout ce qu'Arièlla avait besoin pour savoir quoi faire par la suite. La blonde se pencha et pressa ses lèvres contre les siennes. Une sensation complètement nouvelle prit contrôle du corps du prince: des fourmillements lui traversèrent l'epine puis, s'installèrent dans son ventre pour y rester. Le baiser ne dura pas longtemps. Il était doux, presque éphémère comme un rêve, mais il venait de former la base d'une relation unique que les deux dragonniers n'avaient jamais connus.

Serfantor s'attendait à ce que c'était terminé pour le moment, mais lorsqu'ils se séparèrent, il fut enveloppé par une envie brûlante de se reconnecter à elle. Elle qui était si splendide sous les rayons éblouissants des soleils jumeaux. Elle semblait irradier de joie, un large sourire dessiné sur son visage. Ses joues à elle aussi étaient teintées d'une rougeur flagrante. Était-ce son premier baiser aussi ?

Vraiment, ce n'était pas important.

Il embrassa Arièlla aussi doucement que la première fois et la dragonnière fondit en lui, agrippant le prince sombre par les hanches pour le rapprocher. Cette dernière devint un peu plus agressive et ne brisa pas le contact pendant longtemps. Trop longtemps. Le coeur de Serfantor battait promptement, mais il se n'en rendait même pas compte, complètement intoxiqué par la senteur de vanille et du touché si tendre de sa partenaire. Il put sentir les exhalaisons précipitées du nez de cette dernière sur son visage.

Puis, la demi-elfe se retira lentement. Les deux adolescents se dévisagèrent pendant un moment. Serfantor fut le premier à détourner le regard par politesse et surtout, parce qu'il ne savait plus quoi penser. Arièlla reprit contrôle de ses émotions semblait-il car elle poussa un petit rire joyeux et lui dit:

- Je ne suis pas une ennemie. Je comprends ta situation et je t'assures que je t'aiderai du mieux que je le peux.

- C'est... très apprécié, marmonna maladroitement le prince, toujours pris de sa gêne.

Il réalisa alors que Shalith et Harath avaient été témoignées la scène au complet. Il déglutit et chercha pour les dragonnes en vain. Elles n'étaient plus là.

- Q-quoi ? Depuis quand... ?

Arièlla sonda les environs pour leurs partenaires aussi.

- Elles sont plus polies que je ne le croyais, ricana-t-elle avant de faire quelques pas en direction du dragonnier noir. À propos de ton problème... Nous trouverons une solution ensembles. Je garderai ton secret. Ce n'est pas mien à révéler.

Serfantor était aise de son choix et de la dévotion d'Arièlla. Il s'était enfin trouver quelqu'un en qui se confier à part Shalith. Décidément, cette coquine avait raison. Maintenant, il ne restait plus qu'à espérer que leur relation fleurisse.

✦×✦

Après les cours, Serfantor ne rejoignit pas les autres apprentis pour le festin habituel qui leur était préparé pour le soupé. À la place, il passa à sa chambre pour ranger ses livres et pour se changer. Ce soir-là, il se sentait anxieux malgré l'affection inattendu qu'il avait reçu d'Arièlla cet après-midi car il devait rencontrer Bregkhon ainsi que cette sorcière pour la planification d'embuscade sur Azéna. D'une manière, il éprouvait de la pitié pour Bregkhon. Le pauvre Heaume Noire devait s'être fait torturer et possiblement abusé sexuellement au moins à quelques reprises depuis leur dernière rencontre. Si sa mère préférait cette Seveth à lui, cette dernière devait avoir beaucoup de pouvoir. De plus, elle était en mesure de contrôler son mana ce qui était dangereux. Serfantor leva le regard pour s'observer dans la glace de son unique miroir qui était accroché au mur opposé à son lit simple. Il n'avait aucune cicatrice sur son visage ce qui était presque un miracle à son âge considérant d'où il avait grandi.

- Ce n'est que parce que tu es prince, se dit-il avec froideur.

Il s'équipa de sa tenue de combat, la même qu'il portait lors de son fameux duel contre Azéna. Il n'était pas fier de ces actions, mais il était étonnamment impressionné par son adversaire. Sa victoire le faisait sourire. Il devait avouer qu'elle lui avait donnée une bonne leçon. Il avait grandement besoin de se faire résonner. Il s'était laissé emporter aux désirs de sa vicieuse mère qui tentait si férocement de tordre son esprit.

- Il faut que je m'échappe, murmura-t-il en serrant les rebords de la table de nuit qu'il empoignait.

Il songeait sérieusement à reporter le tout au Haut-Conseil. C'était le seul moyen de ne pas attirer la colère des Gardiens et de rester près d'Arièlla. C'était un grand risque, mais il était entouré de dragons et de guerriers puissants. C'était sûrement l'endroit le plus sécuritaire qu'il puisse choisir pour échapper à la colère de la reine des elfes gris lorsqu'il la trahirait. Quant à Katanor, il tenterait de le convaincre de faire de même.

Il ouvrit sa fenêtre dans un mouvement sec et une brise glaciale lui caressa la nuque. Étrangement, cette sensation de froid le convaincue qu'il était temps de mettre feu à ses liens avec sa mère et ce même s'il devait se débarrasser de sa relation avec son petit frère aussi. Le premier soleil s'était éteint et le deuxième descendait lentement à l'horizon. La silhouette sinistre de la lune commençait à se dessiner au loin. Les jours se faisaient courts et la noirceur était précoce, permettant cette rencontre secrète si tôt. D'ailleurs, il était temps et Shalith arriva au moment précis.

La dragonne s'agrippa solidement à la tour en attendant que son cavalier la monte.

- Tu as pris une décision, dit-elle.

Serfantor ne pouvait rien lui cacher alors, il acquiesça et afficha un air sévère.

- C'est bien, continua-t-elle dans un ronronnement presque excité.

- Après la rencontre, déclara le prince.

- Il était temps.

Durant leur trajet, Shalith resta silencieuse, aux aguets pour n'importe quel signe de danger.

- Alors ces œufs...? J'espère que tu as songé à un abri convenable.

- Q-quoi? questionna Serfantor, confus par la question. Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Bah, c'est pour quand vos œufs ? Err... Devrais-je dire vos bébés ? Progénitures ?

L'elfe sentit ses joues s'enflammer comme si le sang de son corps entier était coincé à ces deux endroits. L'image de lui et d'Arièlla enlacés l'un contre l'autre se forma sans son consentement dans son esprit. Un frisson lui traversa le corps et il se sentit soudainement coupable. Il secoua la tête et chassa ses pensées perverses.

- Sh-Shalith ce n'est pas...

- Ce n'est pas comme cela que les humanoïdes se font la cour, grogna-t-elle. Je sais, je sais. Vous perdez tant de temps ! Je ne comprends tout simplement pas.

Serfantor ne savait honnêtement pas quoi répondre alors, il garda le silence.

Il était tôt donc, le duo n'avaient pas besoin de se préoccuper de passer inaperçu. Le couvre-feu n'était encore en effet et pourtant, lorsqu'il passait près d'un garde ou d'une sentinelle stationnée sur les murailles de la ville ou de l'académie, Serfantor se sentait observé. C'était comme s'il n'était pas censé être là, mais que personne n'en faisait rien à ce sujet.

- C'est suspicieux, dit la dragonne avec méfiance.

- Tu as remarquée toi aussi, souffla le prince.

Serfantor crut apercevoir un dragonnier envoyé un signal à un autre qui était installé sur une autre muraille, plus au loin. Il se mit à sonder ses alentours alors que Shalith se rapprochait du toit où elle atterrissait habituellement.

- Va ailleurs, ordonna-t-il.

- C'est exactement à ce que je pensais, avoua la dragonne. Quelque chose est en mouvement dans la cité et ça m'embête car je ne sais pas quoi.

- Serions-nous attaquez ?

Étant habitué à la civilisation elfe grise, le prince aurait cru qu'il y aurait eu un attentat ou un coup d'état sur la ville ou sur l'un des Grand Maîtres. Ce genre d'événements étaient souvent passé inaperçu jusqu'à qu'il soit trop tard.

- Non. Il y aura beaucoup plus d'agitation, expliqua Shalith. C'est trop calme...

Elle changea de cap et se dissimula derrière une gigantesque taverne, le tout dans une discrétion absolue. Ses larges ailes ne produisaient pas le moindre bruit, exactement lorsqu'elle chassait. Elle n'était peut-être pas la plus rapide, ni la plus féroce, ni la plus forte, mais elle connaissait l'art de la subtilité.

- A moins qu'on nous traque de près ce que je doute, nous devrions être en sécurité, murmura-t-elle. Je repars, mais je te surveillerai sans arrêt.

Elle prit son essor tel une chouette qui s'était fusionner avec son environnement, prête à piquer vers une proie.

De son côté, Serfantor entreprit de prendre la route la moins utilisée pour se rendre à la fameuse forge derrière laquelle il rencontrais occasionnellement son tourmenteur. À mi-chemin, il entendit un craquement à sa droite alors qu'il tourna un coin pour se faufiler dans une autre ruelle. Il s'arrêta dans son élan, dégaina une dague de sa ceinture et se mit en position défensive. Là, devant lui se trouvait un gros rat dégoutant qui reniflait une poubelle. Il était habitué de les voir; ils étaient si communs à Norkux.

Il voulait lancer un juron, mais il se retint, promouvant la subtilité. Son coeur était sauvage et refusait de se calmer ce qui rendait la tâche difficile. Il devait garder son sang-froid, mais pourquoi avait-il tant de difficulté à se sentir en sécurité entouré de ses alliés ?

Il continua son trajet, ralentissant son allure pour s'assurer qu'il ne se fasse pas repérer. En ce moment, il avait l'impression d'être de retour à Norkux. Cette ambiance lourde, sombre, sinistre et particulièrement dangereuse semblait avoir prit contrôle d'Atgoren qui était normalement si paisible et réconfortante. Était-ce que son imagination ?

Un autre rat. Celui-ci était plus petit, plus agile et s'était faufilé entre ses jambes pour rejoindre le premier. Il tourna le regard pour les observer et il lui sembla pour un instant que les rongeurs lui retournaient son attention.

- Je suis en train de perdre la tête, susurra-t-il doucement.

Finalement, il tourna un dernier recoin et il se trouva devant la forge qui était toujours ouverte. L'artisan d'armure était à l'intérieur en train de cogner sur du fer, dur au travail. Il était bien trop préoccupé pour se rendre compte qu'un jeune elfe gris s'était éclipsé derrière sa demeure.

Honnêtement, Serfantor espérait voir Bregkhon et Seveth à ce point, mais il se rendit vite compte qu'il était seul. Ce n'était rien d'alarmant. Bregkhon était parfois légèrement en retard. Il s'adossa contre le mur de la forge et attendit patiemment, une main nerveuse sur sa dague.

Quelques instants plus tard, il entendit le rugissement familier de Shalith. D'après le ton de la dragonne, elle n'était pas en danger. Au contraire, c'était plutôt un avertissement adressé à quelqu'un d'autre.

Sur cette réalisation, Serfantor empoigna son immense bardiche et encore une fois, il se prépara à une éventuelle attaque. Rien ne se produit pendant ce qui parut être une éternité. Ses paumes en sueur, son arme glissa et il dut la réajuster plusieurs fois. Shalith n'aurait pas jouer avec ses sentiments. Il devait se passer quelque chose.

Enfin, quatre silhouettes firent leur apparition et l'entourèrent. Coincé entre les nouveaux venus et le mur, il se rendit vite compte qu'il était au désavantage. Il n'avait aucune issu s'il devait s'échapper.

- Du calme mon garçon, résonna une voix masculine et sévère.

Celui qui avait parlé s'avança et de la noirceur fut révélé le visage familier du Premier Sage Wirus. Immédiatement, le cœur de Serfantor ralentit et il tomba à genoux, laissant glisser sa bardiche d'entre ses doigts. L'arme rebondit légèrement contre les dalles dans un son caverneux. Il était en sécurité. Son anxiété s'effaça soudainement. Qu'importe ce que Shalith désirait lui en avertir, tout allait bien aller à présent.

Il sentit une pression contre chacun de ses bras puis, il fut soulever de force. On essayait sûrement de l'aider.

- Mais... Non...

Il remarqua enfin. L'étreinte était beaucoup trop forte pour que ce soit amical. Les deux dragonniers le tenaient en place. Confus et à la recherche d'une explication, il leva les yeux et devant lui, Wirus tenait un parchemin dont le sceau avait été brisé. Il reconnut l'écriture de sa chère mère immédiatement, mais il était trop sous le choc pour trouver la concentration pour lire la lettre.

- Q-quoi ?

- Rejoins-nous derrière la forge de la ville directement après tes cours le jour du quinzième, pendant la lune noire, récita Wirus avec véhémence. C'est le meilleur moment ; la saison où les ombres et Noktow danse. Ce sera à ce moment que nous obtiendrons cette arme parfaite. Serfantor, mon brave prince au cœur de pierre, tu seras la célébrité de ce plan. Garde ce savoir bien en sécurité, car tu seras exécuté si on le découvre. Viens et accompli ton devoir ! Viens mon chevalier de la noirceur et ensembles, nous conquerrons ce monde, incluant ces sales dragonniers. Nous les abreuverons de leur propre sang ! Signé, la reine des elfes gris ta mère.

À chaque mot, Serfantor son cœur se faire déchirer un peu plus. C'était impossible que sa mère lui écrive une telle lettre. Elle le détestait tellement. Elle ne le complimentait jamais. À moins qu'elle désirait tout ceci.

- Tu es un risque trop grand, lança Wirus. Tu seras donc condamné à mort, Apprenti Diramin.

C'était donc ça... Elle désirait l'éliminer car il l'avait déçu trop de fois. Il était devenu faible et indigne de confiance. Il se questionna alors sur l'état de Bregkhon qui était probablement dans la même situation que lui vis-à-vis de la reine. C'était possiblement ça que la reine voulait dire entre les lignes lorsqu'elle disait à Seveth de faire de lui comme bon lui semblait. À ce moment, elle était déjà décidée. C'était un jeu, une ruse, un poignard dans le dos... L'expertise de la race elfe grise l'aura achevé lui aussi. Et pile au moment où il allait tout avouer au Grand Maître.

- J'allais tout vous dire, avoua-t-il d'une voix brisée par les émotions.

- Clairement et c'est pour cela que tu as mis tout ce temps à le faire, rétorqua Wirus qui ne paraissait pas convaincu du tout.

Serfantor remarqua que la quatrième personne ne s'était pas révélée. Elle était restée dans la pénombre, son capuchon sur la tête comme si quelque chose n'allait pas.

- Elle sait à propos d'Azéna, dit-il avec un peu plus de force qu'avant. Protégez-là lorsqu'elle reviendra de sa mission. Ils l'attendent.

- Tu les as informés, cracha Wirus, complètement dégoûté.

- Non... Ils ont intercepté un message de Maître Ruvior. Elle était en colère que je lui cachais cela.

- Cela ne change pas que tu étais activement participant à ces plans.

Il semblait attendre pour une réplique, mais Serfantor n'avait aucune excuse à donner. Il savait qu'il était supposé reporter ce genre d'information aux dragonniers durant les plus brefs délais. Il les avait tous trahis malgré ces bonnes intentions. Il avait été faible et ainsi, il avait brisé son serment.

- Qu'allez-vous faire de Shalith ?

- Elle va être libéré à l'état sauvage, dit sèchement Wirus. Ce n'est pas à nous d'enlever la vie à un dragon sauf si celui-ci met les nôtres en danger.

- Merci, murmura l'elfe gris.

De tout son être, il espérait que sa compagnonne n'allait pas se laisser dominer par sa souffrance ce qui était peu probable. Il n'allait plus jamais la revoir ni Arièlla. Il était si chagriné que son corps n'avait pas encore réalisé ce qui se passait. Il était engourdi à sa douleur. Il se laissa emporter, les jambes maladroitement déséquilibrées.

Puis, une vague d'émotions l'envahit. Il laissa sa tête pendre vers l'avant, une unique larme roula le long de sa joue et il lutta contre sa mâchoire qui tremblait trop pour le laisser prononcer ces mots avec aise :

- J-je s-s-suis dés-solé.

Il ne savait pas à qui il s'adressait. À vrai dire, ces paroles étaient destinées à plusieurs personnes: aux Gardiens qui lui avaient fait confiance, à Arièlla avec qui il avait partagé une affection profonde et plus particulièrement à Shalith qui vivra le reste de ses jours avec un cœur brisé.

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