23 - L'ombre de deux voleurs

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35e jour de la saison de la faux 2448

Clouée à son lit dans l'infirmerie, Azéna en profita pour passer du temps avec Tyrath. Le jeune drake argenté s'était perché près de la fenêtre de sa dragonnière. Cette-dernière l'informa de sa situation et du sceau. À plusieurs reprises, elle se questionna sur l'état de Turion. Le majestueux wyrm violet n'avait pas donné de signe de vie depuis qu'elle avait perdu le contrôle de son corps. Elle avait tenté d'entre en contact avec lui en vain. Même Tyrath semblait songeur à ce sujet.

- Qu'est-qui va m'arriver? marmonna-t-elle sans réaliser que Tyrath pouvait l'entendre.

- Je ne peux pas répondre à cette question, commenta le dragon gris, mais je vais faire de mon mieux pour te supporter.

Quand le ciel commençait à se faire sombre, Azéna conclut qu'il était temps de révéler son plan à son compagnon.

- Écoute bien, dit-elle tout bas. Tu sais, cette histoire de livre...

Tyrath eut ce qu'elle put interpréter comme un sourire:

- Tu y vas ce soir n'est-ce pas?

- Oui, répondit-elle avec enthousiasme. Je crois que ça va bien se passer avec Serfantor.

- Quand exactement ?

- On sera au Nid au crépuscule. Les maîtres ne sont pas souvent dans la tour durant ce temps. La plupart sont partis manger ou à la maison via un portail magique.

- Alors, c'est pour bientôt.

Azéna sursauta lorsqu'elle entendit des pas approchés d'eux. Elle se tourna et aperçut Leith qui faisait sa ronde. Celle-ci appliqua une herbe sur l'épaule blessé d'un apprenti à côté d'elle. Elle était trop proche et n'osa pas en dire plus à Tyrath. Elle lui fit signe d'être patient.

Quelques minutes plus tard vint son tour.

- Comment tu te sens? questionna la guérisseuse.

- En pleine forme, répondit Azéna.

La jeune demi-elfe s'efforça pour paraître enthousiaste malgré que ses dires n'étaient pas des mensonges. Un grand sourire étira ses lèvres.

Leith haussa un sourcil et mis les mains sur ses hanches.

- Tu en as marre d'être ici, pas vrai?

Azéna n'osa pas répondre. Elle se sentit prise au piège. Un oui pourrait offenser la vielle dame et un non serait évidemment un mensonge. Elle débattit avec elle-même la meilleure réponse sous la pression des grands yeux de la guérisseuse.

- Ummm... Hé bien, marmonna-t-elle. Vous savez...

- Ça va, ricana Leith. Tu peux partir. Le Grand Maître m'avait mentionné qu'une journée serait amplement et les vingt-quatre heures est pratiquement écoulées.

- C'est super ça!

Elle se tourna vers Tyrath et examina la fenêtre. Elle paraissait juste assez grande pour la laisser passer. Elle se leva, s'assura qu'elle avait un bon équilibre sur le lit grinçant sous son poids et passa une jambe.

- Prends au moins ton repas, ronchonna Leith.

Apparemment, la guérisseuse avait prévu une escapade. Elle tendit une pomme en direction de sa patiente.

Azéna aurait préféré un bon morceau de viande, mais elle ne se plaignit pas. Elle croqua la pomme de sorte à ce qu'elle tienne entre ses dents, remercia Leith d'un signe de tête et grimpa sur Tyrath.

- Mange ta pomme, ordonna la vielle dame avec un sourire moqueur aux lèvres. Tu as besoin de forces. Toute cette histoire de sceau a épuisé ton corps. Ce n'est pas comme un petit rhume de saison.

Azéna s'installa confortablement, empoigna la pomme, libérant sa bouche et hurla alors que Tyrath décolla:

- Ne t'inquiète pas! Je sais !! Si j'ai des doutes, je reviendrais.

Leith la fixa sévèrement. Azéna soupira et prit une bouchée de sa pomme dans une tentative de se libérée de cette situation. Que ça ait fonctionnée ou pas, Tyrath prit son essor et fila vers le ciel. Azéna faillit avaler tout rond, se redressa, salua la vieille femme et s'accrocha à un piquant.

Une fois au Nid du Dragon, le duo attendit que Serfantor arrive.

- Rappelle-moi comment vous allez vous y prendre pour vous faufiler dans la tour des maîtres sans vous faire prendre? demanda Tyrath avec un brin de sarcasme.

- Serfantor s'y connais, répliqua Azéna nonchalamment. Grâce à sa manipulation de l'ombre, tu te souviens?

- Tu lui fais confiance à ce point? grogna le jeune dragon.

- Arrête donc. Nous...

- Ce n'est pas cela. C'est juste que...

- Jaloux hé? répliqua Azéna en levant un sourcil. Ouais, tu es encore jaloux.

- Non. Cesse de m'interrompre!

- Ah! Trop tard, dit-elle en pointant vers une silhouette. Il est là. Ne t'inquiète pas, gros navet.

Les rayons des soleils mourants balayèrent les ombres du visage du nouveau venu. Tyrath ouvrit la gueule un instant, décida contre son idée, pouffa et resta derrière à observer, la queue remuant avec frustration. Azéna, ignorant son compagnon, fit signe à Serfantor d'approcher. L'elfe gris paraissait enthousiaste à sa façon. Un sourire machiavélique lui donnait un pétillant d'énergie.

- Prête? demanda-t-il.

- Je commence à t'apprécier de plus en plus, avoua Azéna. Bon, allons y.

Le sourire de la dragonnière s'évanouit alors que son estomac se noua légèrement, lui rappelant les dangers de cette mission. Malgré sa nervosité, elle se mit en route vers l'entrée principale de l'académie.

- Bonne chance, brave guerrière, dit Tyrath à moitié moqueur.

- Ne t'inquiète pas, répliqua Azéna pleine de confiance malgré qu'elle avait reconnue l'angoisse dans la voix du dragon.

Amusé par sa réaction, Tyrath secoua la tête et disparut dans la caverne en forme de demi-lune qui se trouvait derrière lui.

En chemin, Azéna et Serfantor discutèrent de leur plan d'action. C'était presque l'heure et les apprentis se dirigeraient vers leur tour respective comme une horde de fourmis obéissantes qui ne se souciaient de rien.

Comme prévus, lorsqu'ils arrivèrent à la porte menant à la Tour Mère, ils attendirent quelques minutes et entendirent les pas de Nymia et d'Eldarytzan qui approchaient.

- Reste loin des sources de lumière, chuchota Serfantor. C'est sérieux, tu vas te faire prendre si ça arrive. Je ne peux pas faire de miracles en te masquant avec mon ombre.

- T'en fais pas, le rassura Azéna. Je ne ferai pas de faux pas. Allez, va s'y avant qu'il ne soit trop tard.

Serfantor soupira, clairement pas convaincu par les dires de sa compagnonne, et tourna les talons. Il tourna le coin et disparut dans un autre couloir.

Azéna était nerveuse. Allait-il tout simplement partir ou était-il réellement entrain de se préparer? Le plan était simple: Serfantor devait trouver un endroit tranquille à proximité qui le laisserait se concentrer sur la manipulation de l'ombre. Les secondes parurent comme des heures. À chaque instant, le cœur d'Azéna palpitait et lui rappela comment dangereuse la situation était. Elle risquait son éducation.

« Mais qu'est-ce qu'il attend? »

Ses yeux fixèrent la poignée de la porte. Elle se refusait le luxe de cligner. Son anxiété porta fruit lorsque les bruits de pas retentirent à nouveau. Par réflexe, elle se colla au mur dans un coin sombre.

Alors que la poignée tourna, elle se sentit étrangement suivit. Elle jeta un coup d'œil autour d'elle et se rendit compte qu'une couverture d'ombre s'adaptait à son corps, la rendant presque complètement camouflée.

- Tu es certaine que tu as entendu quelque chose? questionna Eldarytzan alors qu'il ouvrit la porte.

L'elfe laissa son amoureuse passée et sourit. Nymia paraissait énervée. Ses pas étaient rapides et ses gestes étaient agressifs. Elle vérifia tout les recoins et failli bousculer Azéna dans sa fouille. La jeune demie-elfe dut retenir son souffle pendant un instant tellement elle était proche. Finalement, après avoir fait tomber une petite table solitaire dans le coin opposée d'où était cachée Azéna, elle grincha ses dents et se résigna.

- Pourquoi ne rentrons-nous pas chez nous? proposa Eldarytzan. Est-ce que ça te tente?

- Que je suis maladroite, marmonna Nymia alors qu'elle se pencha.

Eldarytzan l'aida à remettre la table en place et attendit qu'elle se mette en route pour laisser la porte se refermer derrière lui.

Les deux maitres regardaient vers l'avant. C'était ce moment qu'Azéna attendait. Elle s'élança, roula passée la porte encore entrouverte et fut brusquement stoppé dans sa démarche. Son cœur s'arrêta. Malgré l'ombre qui la camouflait et son mouvoir silencieux, héritage de son sang elfique, elle avait échoué. Une série d'excuses défila dans son esprit alors qu'elle se retourna, préparée à plaider pour sa défense.

Personne.

Il n'y avait personne. Seulement la porte était là. Soudainement, elle se sentit légère. Elle pouvait respirer. Mais, qu'est-ce qui l'avait retenue? Elle prit le temps d'observer son entourage et aperçu un pan de sa tenue qui était restée coincée entre la porte et le mur. Elle tira le tissu avec force.

- Espèce de merdique de porte ! se défoula-t-elle.

Finalement, elle put se libérer. Personne n'était présent dans la Tour Mère, mais ce n'était surement pas pour longtemps. Cette tour était bien plus grande que celles des apprentis. Il y avait tant d'espace, tant de différents endroits. Azéna explora les multiples pièces en faisant bien attention d'éviter les sources de lumières. Après quelques minutes, elle trouva enfin la bibliothèque qui était près de l'entrée. Elle l'avait complètement manquée lors de sa première ronde.

Une présence intimidante envahit soudainement son esprit. Immédiatement, elle se sentit écrasée et elle se sentit perdre le contrôle d'une partie de son corps.

« Dépêches-toi, avisa Turion. »

L'archère lâcha un hoquet et laissa tomber un livre qu'elle lisait lorsque le dragon la contacta. Elle mit la main sur son cœur pour s'assurer qu'il était bien intact. Elle songea à le gronder, mais changea d'avis :

« Arrête de... Grrr... Laisse tomber. »

Il était déjà parti, laissant Azéna seule avec ses pensées. Cette-fois, sa présence avait été éphémère, ne la laissant lutter qu'un instant.

Avec le sentiment que son cœur allait sortir de sa poitrine, elle remit le livre en place. De toute façon, il n'y avait rien d'intéressant dans celui-là. Elle en sortit trois autres. Rien de satisfaisant. Stressée, elle oublia leurs emplacements originaux et due deviner. Dans cette erreur, elle trouva un gros bouquin à la couverture qui menaçait de tomber en poussière au moindre touché. Même le dos était dans un sale état ; on pouvait voir les pages entres les fissures. Elle se décida à jeter un coup d'œil. Immédiatement, elle se retrouva à la page 395 qui était tellement usée qu'elle devina qu'on l'avait beaucoup étudié. Elle balaya le texte des yeux et trouva le mot-clé qu'elle cherchait : « Sombrelame ». Elle était trop curieuse pour attendre et débuta une lecture :

« Lors de sa création, le skotar n'était pas bien planifier. Ce sport n'était qu'une idée en l'air pour tenter de motiver les dragonniers et les dragons à développer leurs coordinations et leurs esprits d'équipes dans une situation sécuritaire. Le but ultime étant la préparation aux vraies missions et aux combats. »

Blah blah blah... Azéna sauta quelques lignes.

« L'équipe de Sombrelame fut nommée ainsi pour honorer le dragonnier Bemril Sombrelame pour sa bravoure. Celui-ci est surnommé l'idéaliste en raison... »

Une voix caverneuse interrompit sa concentration :

« Bon, c'est assez. Maintenant, file ! ordonna Turion. »

Azéna sentit encore une fois son corps se paralyser partiellement.

- Arrête! réussit-elle à se lamenter. Ma tête...

Liberté soudaine. La présence du wyrm disparut, retirée dans un coin de son subconscient.

L'apprentie ravala sa curiosité et fourra le livre sous son bras. En chemin, elle crut entendre un murmure qui provenait de derrière elle, mais elle ne rencontra personne. Finalement, elle n'eut aucune difficulté à sortir de la Tour Mère. Par contre, entre temps, l'ombre que Serfantor contrôlait se faisait très mince et finit par disparaitre.

Une fois de retour à la cachette de Serfantor, elle retrouva l'elfe gris en sueur assis et accoté contre le mur. Il était complètement épuisé.

- Ça va ? demanda Azéna.

- Tu en as mis du temps, reprocha Serfantor. J'ai failli faire une attaque de cœur sous le stresse ainsi que de m'évanouir à essayer de maintenir ce maudit flux d'ombre. Je m'étonne d'avoir pu le tenir si longtemps.

Azéna haussa les épaules avec un sourire innocent.

- Sérieusement ? continua l'elfe gris en zieutant la récompense de cette mission. Tu n'essayes même pas de le cacher. N'as-tu pas songé à une façon de le cacher après être sortie de là ? Tu es désespérante.

- Je suppose... que non ? répliqua-t-elle.

- Tu ferais une elfe grise morte très jeune, se moqua-t-il.

- Bon ça va, ça va. Tsss... Pas de blague à propos de la culture de ton peuple dément. Allez, on part.

- Je n'apprécies pas ma culture non plus, avoua-t-il.

- Oh, je ne voulais pas...

- Ce n'est rien, coupa-t-il avec douceur. Donne-moi le livre. Je vais me charger de le dissimuler.

Azéna resta un peu surprise face au changement soudain de ton de l'elfe gris. Il était si doux et soudainement, si autoritaire. Enfin bref, elle lui glissa l'objet en question et observa.

Serfantor se concentra et l'enveloppa d'ombre puis, il le tint contre sa tunique ébène ce qui le camoufla presque complètement. Au moins, il serait facilement négligeable du regard des autres.

- Nous devrions nous dépêcher, conseilla-t-il. Je vais t'escorter jusqu'à ta tour afin d'assurer la dissimulation du livre.

Ils traversèrent l'académie d'un pas légèrement accéléré. Azéna s'inquiétait qu'ils puissent paraître suspect et fit signe à son compagnon de relaxer.

- T'es pas discret, siffla-t-elle entre les dents. On dirait un voleur qui est nerveux de se faire prendre.

Un apprenti plus âgé leva un sourcil en jetant un coup d'oeil vers leur direction. Azéna le salua d'un mouvement maladroit en passant. Elle réalisa rapidement qu'elle empirait sûrement la situation en agissant de la sorte.

- Idiote, murmura-t-elle pour elle-même.

Elle se sentait impatiente de retrouver son sanctuaire. Elle aurait voulu qu'ils puissent courir et disparaître à cet instant. Ils paraissent devant un groupe d'apprenti de troisième année. Lythrana et Nymfrein, attentifs à leur habitude, les remarquèrent.

- Hé Azéna, s'écria Lythrana.

- Toujours aussi énergétique, répliqua Azéna sans arrêter.

- Jase un peu avec nous. Ça fait longtemps qu'on s'est pas vu. Qu'est-ce qui se passe dans ta vie dernièrement? Tu t'es fait un nouvel ami à ce que je vois.

Ce n'est que lorsque la jumelle fit un clin d'oeil que Azéna réalisa qu'elle faisait référence à Serfantor comme amoureux potentiel. La demie-elfe sentit ses joues s'enflammer et elle se mit à balancer les bras en signe de protestation.

- Ne-non. Ce n'est pas ça du tout.

Serfantor lui agrippa le bras et la tira vers lui pour qu'elle continue sa marche.

- Laisse tomber et viens, murmura-t-il.

- Tu n'aides pas la situation, reprocha Azéna. Ils vont penser que nous formons un couple. Ce n'est pas amusant.

L'elfe gris roula les yeux, ignorant les lamentations de la jeune dragonnière.

- Tu me remercieras plus tard, trancha-t-il.

Lythrana laissa échapper un petit rire et la salua. Azéna passa le reste de leur trajet à essayer d'oublier cet embarras. Tout le long, l'elfe gris arbora un air bête et son comportement étaient à la limite grossier. Il ne faisait que la pousser pour qu'elle se concentre sur leur tâche et parfois, il la traitait de têtue et de difficile.

- Ce que tu peux être désagréable parfois, commenta-t-elle après quelques querelles. Tu sais que c'était vraiment embarrassant ce que tu as fait plus tôt.

Cette fois, Serfantor préféra ne pas riposter. C'était inutile de se battre à ce point. Il voulait probablement en finir avec toute cette histoire.

Une fois à la Tour de la Motivation, Serfantor lui remit le livre et retourna à son dortoir en silence.

- Quel culot parfois celui-là, marmonna-t-elle en se traînant les pieds jusqu'aux escaliers menant à la salle commune des apprentis de deuxième cycle. Arf... Bon, à la lecture...

En haut, la salle commune était calme. Il y avait quelques apprentis qui discutaient entre eux. Azéna aperçut Fayne et Teriondil qui étaient installés sur le tapis devant le foyer. Ils étaient tellement absorbés dans leurs études qu'ils ne remarquèrent pas la jeune demie-elfe s'approcher.

- J'ai le livre, annonça-t-elle sur un ton hyper joyeux.

L'elfe sylvain sursauta tandis qu'Azéna se fraya une place entre les deux.

- Vraiment? demanda Fayne, les yeux pétillants d'intérêt. Ou est-il? Oh, non. Laisse tomber. Allons en haut.

Elle se leva dans un bond puis, elle hésita lorsqu'elle réalisa que Teriondil était un homme.

- Oh merde, lança-t-elle. On ne peut pas. Teri est un...

Elle se tut lorsqu'elle remarqua que tous les autres occupants de la salle la fixaient.

- C'est bon Fayne, dit Azéna en gloussant légèrement. On peut faire une exception. Personne ne dira rien, n'est-ce pas?

Les autres apprentis haussèrent les épaules pour la plupart; le reste semblaient s'en foutre.

- Problème réglé, annonça Azéna avec fierté.

Elle laissa Fayne et Teriondil passer devant elle respectueusement et les suivis jusqu'à sa chambre. Puisqu'elle était la dernière à entrer, elle ferma la porte derrière elle et s'assit sur le bord de son lit en face de Fayne qui était sur le sien.

- Tu peux t'asseoir, dit Azéna au pauvre elfe sylvain qui semblait en plein désarroi.

Elle fit une pause pour observer son ami qui ne bougea pas d'un poil. Il ne faisait que chercher du regard. Azéna retint un soupir.

- Tu peux t'installer sur mon lit, reprit-elle en espérant que cette fois, il se sentirait assez à l'aise pour prendre sa suggestion.

Finalement, Teriondil s'assit calmement sur le plancher entre les deux lits. Sur le coup, Azéna se demanda si l'elfe sylvain l'avait même entendu. Souvent, ce n'était pas clair.

- Mais je rêve, murmura-t-elle.

Fayne la darda d'un regard accusateur. La demie-elfe se racla la gorge et présenta le livre à ses deux camarades ce qui eut l'effet désirée de distraire Fayne de la situation. La brunette souleva le vieux livre avec douceur comme si c'était un trésor. Elle l'ouvrit et toute son être s'illumina instantanément.

- Je vais trouver l'information, déclara-t-elle avec détermination. Ce ne sera pas bien long.

- Je n'en doute pas, répondit Azéna en souriant.

Aussi patiemment qu'elle le put, celle-ci attendit en observant son amie feuilleter les pages à une vitesse hallucinante et en jetant des coups d'oeils en direction de l'elfe sylvain qui était entrain de siroter un thé suspicieux.

Quelques minutes passèrent et Fayne s'arrêta sur un passage. La tension risquait de tuer Azéna; elle voulait en savoir plus.

- Allez accouche, laissa-t-elle échapper.

Elle posa une main sur sa bouche, priant que son amie ne l'est pas entendue.

« Merdiqueee, songea-t-elle. Moi et ma grande gueule. »

- Oh..., dit Teriondil sur un ton si doux qu'Azéna n'était pas certaine de si elle avait vraiment entendu sa voix. Quel désastre... Je n'ai plus de thé. Je crois que j'ai été un peu gourmand.

Il poussa un petit rire gêné et s'essuya la bouche avec un petit linge qu'il gardait dans ses poches.

- Oh mais je rêve! s'exclama Azéna alors qu'elle se rendit compte que personne ne l'écoutait.

Les yeux petits et le regard absent, Teriondil posa sa tasse vide sur la table de nuit d'Azéna et s'écroula dos contre le mur. Puisqu'il était un elfe et qu'il était léger, l'impact fut assez minime. On aurait dit une souris qui venait de s'effondrer après un gros repas.

- Dans quel bordel suis-je? se demanda Azéna, abasourdie par le comportement étrange ces deux amis.

- Dans quel bordel tu es? répéta Fayne complètement hystérique. Laisse tomber ça. J'ai trouvée ce qu'on cherche!

Azéna se rapprocha de Fayne en effectuant une sorte de petit bond excité tandis que l'elfe sylvain fit de grands efforts pour se concentrer sur ce que l'intellectuelle allait leur dire.

- Allez, allez, raconte, insista Azéna.

- L'équipe de Sombrelame a été nommée ainsi en l'honneur de la bravoure de Bemril Sombrelame l'idéaliste, récita Fayne. Il reçoit ce surnom en raison de ses tentatives d'amener le monde à une prospérité idéale. Il était l'apprenti du Commandant en second de l'Académie d'Isriss: Lyrik Mellen et sa dragonne bleue Ûrenda.

- Donc, le Commandant en second d'Isriss lui-même? demanda Azéna qui s'avançait encore plus près d'elle.

- C'est ça.... Le deuxième plus puissant dragonnier de l'académie à cette époque.

La brunette fit une pause et fixa la demie-elfe avec stupéfaction.

- Tu sais que te rapprocher de moi ne va rien te donner de plus, pas vrai? se moqua-t-elle gentiment.

- Oh désolé, dit Azéna qui sentit ses joues rosirent.

Elle s'installa plus confortablement sur son lit et s'enroula dans une couverture protective en tentant de cacher sa honte.

- À cette époque, continua Fayne, chaque apprenti n'avait qu'un seul maître et apprenait tout de cet unique individu. L'aspiration de Bemril était de devenir le prochain grand maître. Il visait toujours le plus haut possible, accroissant ses buts de jours en jours et plusieurs de ses camarades finirent par arrêter de le prendre au sérieux, croyant qu'il ne se rendrait jamais où il le désirait.

Le sourire ambitieux d'Azéna prit un tournant sombre.

- Mais, raconta Fayne avec un soudain en train dans sa voix, son maître ne perdit jamais espoir en lui. Il l'entraîna, lui et son dragon noir Zangak, et ensembles, avec leurs dragons, ils se poussèrent à leurs limites à chaque jour. Éventuellement, ils devinrent des égaux, mais ils demeurèrent partenaire d'entraînement puisqu'ils formèrent une si bonne équipe. Les ambitions de Bemril prirent racines dans le cœur de son maître et ils devinrent extrêmement puissant et reconnus au travers d'Aerinda pour leurs exploits. Ils apprirent à fusionner leur éléments ensembles et reçurent le surnom souffleurs de brume ébène. Cette brume ébène semait la terreur partout où elle était nécessaire.

- Intéressant, nota Teriondil qui adorait les éléments. Si le dragon bleu produit des particules de glace et qu'il la malaxa à de l'ombre, cela produirait un nuage ébène qui glaçerait le plus chaud des corps.

- Wouaaahh, dit Azéna. Fayne, tu devrais essayer avec un dragon noir.

Fayne ignora l'idée de son amie et continua son récit:

- Quoi qu'il en soit, Bemril surpassa son maître et gagna la confiance de ses pairs. Ses rêves avançaient lentement, mais sûrement. Le triste jour où Grand Maître Isriss perdit la vie, l'aspiration et le dévouement acharné de Bemril lui dénicha le titre de grand maître de l'académie d'Isriss. Il promit de faire honneur à Isriss et d'aider son trésor, l'académie et ses camarades, à accomplir une splendide croissance vers le meilleur. Exactement comme il avait promis, il devint un dragonnier exceptionnel. Malgré que les dragons noirs n'étaient pas très bien vus, Zangak travailla à changer cela tandis que Bemril mit en place un nouveau système de missions qui avait pour but de mieux préparer les apprentis dragonniers aux conditions ardues de leurs quêtes. Ce système avait comme règlement de ne jamais assigner de mission aux apprentis sous leur troisième année d'entraînement et que lors de ces missions, un guérisseur était obligatoire dans chaque équipe pour augmenter la chance de survie de l'équipe et de réussite de la quête.

Il avait des grands plans pour ses camarades. Une fois le système avait une fondation solide, il mit ces plans en marche. Il effectua des centaines de quêtes et de missions humanitaires qui changea la vie de biens des gens dans la misère. Si aucun dragonnier n'était capable de compléter un but, il se rendait en personne à l'endroit désigné et s'engageait à accomplir ce but. Rares étaient les échecs.

Après quelques années, ces actions changèrent le monde, les gens défavorisés, les roturiers et ceux-ci devinrent demandant envers leurs supérieurs puisqu'ils connaissent mieux. Ces derniers n'appréciaient pas ce genre d'attitude et dérivèrent éventuellement leur attention sur Bemril et ses camarades.

Fayne continua sa lecture en silence et hésita de continuer.

- Le légendaire Idéaliste et son Commandant en second, son propre maître Lyrik, et leurs dragons furent assassinés dans leur sommeil. Les seigneurs responsables n'ont jamais été trouvés, mais cet événement a provoqué une rancune amère chez les dragonniers d'Isriss qui ne semble pas s'éteindre.

Elle s'arrêta pour jeter un coup d'oeil en direction de son amie. Elle était consciente de la sensibilité d'Azéna face au sujet d'injustice commis par les individus avec des hauts privilèges tels que les seigneurs.

- Ça va? questionna-t-elle en posant une main sur l'épaule de son amie en espérant la réconforter un peu.

- M'ouais..., répliqua Azéna mollement perdue dans ses songes.

Fayne ne parut pas convaincu, mais elle respecta la décision d'Azéna et retourna à sa lecture en silence. Elle devait avoir jugé que la demie-elfe en avait assez entendue. Teriondil aussi semblait consumer par ses pensées. Il observait le ciel illuminé par les étoiles et respirait lentement comme s'il méditait profondément.

De son côté, la demi-elfe remémorait ses souvenirs avec la forgeronne elfe Melanh'tash. Elle lui avait posé des questions qu'elle n'avait pas prise au sérieux à ce moment.

- C'est tout? Avait demandée Mel avec un semblant de déception dans sa voix. Rien de plus? Hé bien... Faut bien que je creuse ton appétit un peu. Qu'est-ce que tu comptes faire avec cette éducation et surtout, ce pouvoir?

Le privilège d'avoir une éducation et le pouvoir d'un dragonnier était rare; c'était un cadeau précieux. Bemril avait compris cela dès le début. Azéna se trouvait stupide de ne pas avoir fait plus attention à ces détails importants qui étaient maintenant si évidents. Cette situation s'appliquait encore plus à Azéna en cause de sa condition spéciale: elle possédait deux éléments, deux dragons donc, plus de pouvoir et de potentiel. Ce n'était pas la réponse dont elle cherchait originalement, mais ça lui avait ouvert l'esprit à des meilleurs buts.

« Crotte, je suis une idiote, songea la demi-elfe. J'ai beaucoup de choses à lesquelles je dois songer plus profondément. »

Soudainement, une question encore plus importante piqua sa curiosité: qu'est-ce que tout cela signifiait par rapport aux rebelles qui avait adopté le nom de ce personnage célèbre pour leur groupe? Elle n'osa pas déranger Fayne et Teriondil. De toute façon, elle n'avait pas envie de discuter. Elle décida de leur en parler demain.

D'une manière ou d'autre autre, elle ne pouvait pas abandonner Yuzia et Umah. Elle n'était pas nécessairement proche d'eux, mais Fayne aimait bien Umah pour une raison qu'elle ne comprenait pas et finalement, ils étaient ses camarades.

- Même ce crétin Serfantor l'est, murmura-t-elle pour elle-même en souriant en coin.

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