13 - La lettre

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23e jour de la saison du soleil 2448

La nuit avant son départ pour Atgoren, une réalité vint le frapper brutalement au visage: un coup de poing ferme. Les réflexes prirent contrôle. En une fraction de seconde, il se retrouva une dague à la main, menaçant son agresseur. Une paire de mains l'immobilisa.

- Ne lutte pas, ordonna la femme qui le tenait.

Serfantor réalisa enfin ce qui se passait. Les gens autour de lui étaient calmes et immobiles. Le stresse baissa soudainement. Il n'était pas attaqué. Mais... il avait bien été frappé au visage.

- Qu'est-ce que vous me voulez? Je me suis bien comporté.

- Comme un petit prince modèle, se moqua la reine. Sauf que tu as oublié de me mentionner à propos de tes petites activités nocturnes.

- De quoi parlez-vous?

Il se tourna vers la Heaume Noire qui le tenait.

- Pouvez-vous me lâcher? Je ne vais pas m'enfuir. De toute façon, je n'aurai pas grand place où courir.

La Heaume Noire lui lança un regard qui tue, mais coopéra. Serfantor attendit alors patiemment pour une réponse de sa mère.

- Je ne sais pas comment tu t'es payé ce luxe, mais ce bordel est ma propriété et une de mes sources de revenus, aboya la reine. Ne joue pas avec mes sources de revenus, jeune insolant.

Enfin, Serfantor réalisa de quoi elle parlait.

- Merryn, murmura-t-il.

Il inspecta nerveusement la chambre et en conclut qu'une évasion serait impossible sans l'aide de Shalith à moins qu'il saute par la fenêtre mais, ça serait probablement un appel à la mort. La porte était surveillée par deux Heaumes Noires, à l'intérieure comme à l'extérieure.

- Je suis désolé, Sa Noirceur. Je n'étais pas au courant que cet établissement était vôtre. Je croyais qu'elle était indépendante.

- Même si elle ne serait pas mienne, tu as commis de grandes actions qui ne sont pas acceptables. Jouer au héros est un jeu dangereux et une action criminelle sans la permission d'une supérieure. Tu le sais, ça. Les mâles sont les propriétés de leurs femelles. Aller à cette académie te fait oublier les lois de ton peuple. Ces dragonniers sont mous, trop différent. Tâche de ne pas oublier qui tu es cette année.

Elle ouvrit la porte.

- Je sais à propos de ta petite pute. Une chance qu'elle n'était pas l'une des plus aimées sinon, tu aurais payé chère. Tout de même, je vais m'en occuper, tu vas voir. Personne ne défie la loi elfe grise.

Serfantor attendit que la reine se calme, mais rien ne l'arrêtait. Sa furie était hors de contrôle. Même les Heaumes Noires semblaient inquiets.

- Et tu crois que le silence est respectable? rugit la reine. Je n'ai qu'à donner l'ordre et ta tête sera sur un plateau à mes pieds. Tu as l'esprit d'une vraie sotte. Retourne à l'académie avant que je ne change d'avis. Tu y seras escorté. Tu ne me laisse pas grand choix.

Elle entreprit enfin de sortir de la chambre.

- Une chance que le maître espion te surveille, enfant.

Elle continua de marmonner et de râler jusqu'à ce qu'elle soit hors de vue, ses Heaumes Noires sur ses talons.

Serfantor se laissa tomber dans son lit. Ses draps de soie ébène en arrière-plan faisaient ressortir sa chevelure argentée et ses yeux gris pâle. Il se demandait si Merryn allait bien, s'il avait eu confiance en la bonne personne. Bien sûr, il était presqu'impossible d'éviter le maître espion de sa mère, il était le meilleur, mais le doute d'une trahison restait encré en lui.

Finalement, il se lassa de ses pensées néfastes et s'habilla. Il attacha sa dague à sa ceinture de cuir et passa sa robe de chambre sur ses épaules, couvrant ses pantalons et son torse. Il ouvrit les fenêtres et inspira une bouffée d'air fraiche. Il sourit. La température était douce. Il contempla le ciel sombre pendant un moment avant de se décider à siffler. Un grognement subtil confirma la présence de Shalith sur le toit.

On cogna à sa porte.

- Laissez-moi, ordonna-t-il sans se soucier de qui il s'agissait.

Une lettre scellée fut glissée sous la porte puis, des pas confirmèrent le départ du messager. Irrité, le prince l'ignora et sauta sur le rebord de la fenêtre.

Au moment où se laissa tomber, une ombre gigantesque passa sous lui, adoucissant sa chute. La dragonne noire battit des ailes avec lenteur mais puissance. Elle prit de l'altitude et se percha au toit de l'un des donjons du grand château obscure. Comme une chouette, elle sonda les environs dans un silence absolu. Elle avait pris l'habitude ici. Lorsqu'elle en eut assez, elle se détendit et donna son attention à son dragonnier. Ses yeux de fer s'arrêtèrent sur l'elfe gris.

- C'est toujours demain matin que nous partons?

Serfantor acquiesça. Shalith renifla avec agacement.

- La reine noire n'a toujours pas changée d'avis? demanda la dragonne.

- Non. Tu dois rester avec Klaal à distance. Guide-le. Nous nous retrouverons à l'académie.

- C'est ridicule, se plaignit-t-elle mais, c'est entendu. Si tu as besoin de moi, je n'arriverai pas à temps. Ces maudits elfes gris ne sont pas dignes de confiance. Ton escorte est corrompue.

- Si nous gardons le calme, tout devrait bien se passer. J'espère juste que Katanor ne fera pas de crise de panique.

- Ce dragonneau est faible. S'il était un dragon, il n'aurait pas survécu.

- S'il aurait été un roturier aussi.

Le visage de l'elfe gris s'assombrit. Il sauta sur le toit, se stabilisa et enfin, s'assit. La ceinture de sa robe de chambre dansait dans le vent chaud.

- J'ai hâte de revoir les soleils.

Il s'accota contre le mur derrière lui.

- On part maintenant, mais j'avais besoin d'un moment avec toi.

Shalith parut surprise, mais heureuse.

- Klaal le sait?

- Non, il faut que tu l'informes. La reine me veut parti le plus rapidement possible. Encore une fois, elle est devenue impatiente et a brusquer tous ses plans.

- Elle fait une chef médiocre.

- Ça fait longtemps que je suis au courant, rigola Serfantor.

- Tu prends un peu d'elle sur ce côté. Parfois.

- Qu'est-ce que tu veux dire? questionna-il en levant un sourcil.

- Ne t'offusque pas. Je trouve tout simplement que parfois, tu prends des décisions irrationnelles. Par exemple, cette histoire de prostituée...

Serfantor rougit et tourna la tête.

- Pah! Je sais qu'elle te plait, mais tu t'es mis dans le pétrin pour elle, continua la dragonne. C'est de rêver, c'est bien d'être idéaliste, mais parfois, il faut tourner au pragmatisme pour survivre.

- J'ai juste voulu faire un bon geste, c'est tout. Elle ne me plait pas.

Shalith émit une espèce de grondement rugueux. Il lui lança un regard qui tue.

- Arrête enfin. Ce n'est pas drôle.

La dragonne le ramena à sa chambre, lui dit au revoir et à contrecœur, partit en direction de la forêt où Klaal se cachait.

Serfantor ferma les fenêtres afin que personne ne l'entende. Le stresse lui tordit les entrailles alors qu'il posa son regard sur la lettre. Elle n'avait pas bougé. Personne n'était venu. Il se rappela le soir où il avait rencontré son contact à propos de Merryn.

- Tu recevras des nouvelles quand nous pourrons nous le permettre, avait dit l'homme encapuchonné.

C'était probablement ces nouvelles. Allaient-elles être bonnes ou mauvaises? Avait-il envoyé Merryn à sa mort? D'une main légèrement tremblante, il emporta la lettre à sa table, alluma une chandelle et déchira le sceau anonyme. L'écriture était rudimentaire et sale, sûrement était-il pressé :

Allié,

Ton contact a été capturé par le Haut-Roi. Nous avons assuré que la mission soit complétée. N'oublie pas, une faveur pour une faveur. Nous avons des agents, nous aussi. Ta loyauté serait encore la faveur ultime, mais si tu n'as pas encore changé d'avis, l'alternative fera l'affaire.

Reste en vie!

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