08 - Poursuite

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18e jour de la saison du soleil 2448

Le sifflement des flèches résonna dans la tête d'Azéna bien trop fréquemment. Pendant un instant, elle prit le temps de relaxer et d'étudier ce qui l'entourait. Les cris des soldats mourants tournèrent son estomac. Une migraine s'empara d'elle. Elle ne pouvait pas se permettre d'être prise au dépourvu. Elle tenta de garder sa concentration, mais sa tête semblait être deux fois sa taille normale. Il y avait trop de bruits, trop de choses qui se passaient en même temps.

- Ça va? demanda Tyrath sur un ton inquiet.

Azéna entendit à peine le drake. Elle n'avait d'yeux que pour ce qui se passait devant elle. Deux soldats combattaient, luttant pour leur vie. Le premier portait l'emblème de Daigorn sur son tabard violet et s'apprêtait à enfoncer une étoile du matin gigantesque dans le crâne de son ennemi, un petit homme habillé pour une danse, mais qui cachait une armure de maille sous son habit chic.

- Sale traître de loup! hurla le soldat de Daigorn. Tu mérites que je t'encule jusqu'à ce que tu pleures pour ta mère.

Dans un craquement d'os pulvérisés et une explosion de rouge, l'arme atteint sa cible. Une goutte de sang tacha le bras d'Azéna. La dragonnière baissa le regard vers le liquide rouge et se surprit de son calme, un calme apeurant.

- Mes excuses, ma Dame, dit le soldat qui s'était approché.

Il sortit un linge de sa poche et essuya le sang.

- J'espère que vous n'êtes pas blessée. J'ai vu ce que vous avez fait pour Dame Rivatha. C'était très brave. Ce maudit paquet d'os m'a tenu occupé et je n'ai pas pu venir à votre aide à temps.

Azéna sourit malgré la situation. Le soldat était un grand homme costaud aux traits durs, mais il avait le cœur et le regard tendre.

- Merci, dit Azéna.

Elle remarqua qu'il ne portait pas d'armure. En fait, il lui rappelait un homme heureux en vacances. La seule chose qui le trahissait était son étoile du matin suspendu à son dos.

- Vous êtes l'un des soldats de mon père?

L'homme hocha de la tête.

- Du plus bas rang, mais bien un soldat. J'étais aux festivités. Mais, ummm...

Il fit une pause avant de se reprendre.

- Pas directement dans le château, mais je n'étais pas loin. Je n'ai jamais fait confiance à ces loups, mais je ne m'attendais pas à ce qu'ils attaquent. J'ai tout de même emporté ma fidèle Èllia.

Il pointa son étoile du matin. La poignée était en forme de femme exquise qui portait une simple robe de paysanne.

- C'est un hommage à ma promise qui est morte en me protégeant d'un Dètmorien il y a quelques années.

- Quel est ton nom? demanda Azéna. Tes yeux me sont familiers.

- Bien vus, ma Dame. Duranh de la famille Litfow est mon nom. Je suis le cousin de Fayne.

Il leva ses yeux du même brun chaleureux que ceux de Fayne.

Azéna sourit alors que les visages heureux de toute famille Litfow se dessina dans ses pensées. Elle les adorait ceux-là. Il fallait qu'elle les visite avant de repartir à l'académie.

- Je m'assurerai que tu seras récompensé pour ton dévouement.

- Azéna, il faut partir, pressa Tyrath. Des soldats approchent et nous devons trouver Turion.

Duranh remarqua enfin le dragon et au son rauque de sa voix, il recula et agrippa la poignée d'Èllia. Ses yeux s'écarquillèrent et sa respiration accéléra.

- Ne t'inquiète pas, dit Azéna en croisant les bras avec fierté. C'est mon compagnon. Il ne va pas-

« Azéna, appela une voix. »

La dragonnière se tut et se laissa emporter par le ton pressant de la voix. Tyrath se rendit compte de son changement soudain d'humeur et grogna.

- Qu'est-ce qui se passe?

Il attendit un instant.

- Azéna! Réponds-moi!

Mais la jeune fille ne réagit pas.

« Va à l'entrée mère sur-le-champ, dit Turion. Un dragonnier noir me détient. »

« Turion, qu'est-ce qui s'est passé? »

Turion lui répondit mais, sa voix était si faible que ses mots se perdaient dans le silence.

« Je ne comprends pas ce que tu me dis. Turion! »

Elle fixa son regard vers l'ouest, vers l'entrée mère, où le combat faisait rage. Les troupes de Dètmor perdaient du terrain et se faisait lentement repousser vers les murs. Il n'y avait aucun signe de Fayne et de Buhrik. Argent, un soldat qu'Azéna ne reconnaissait pas de si loin, Sérus et Bayrne restaient ensemble et se frayaient un chemin au travers des ennemis.

- Pour la dernière fois, que ce passe-t-il? rugit Tyrath.

- Je suis désolée de te quitter si brusquement, Duranh, dit Azéna mais, le devoir m'appelle.

Elle enfourcha Tyrath et le dragon déploya ses ailes sans perdre un instant. Elle se retourna vers lui.

- J'ai localisé Turion.

- Mais, ma Dame, je peux aider à vous protéger, dit Duranh.

- Pas cette-fois, répliqua Azéna. Va aider Seigneur Bayrne.

Elle lui pointa le chemin puis, changea son dialecte pour s'adresser à Tyrath.

- Vole, vas-y.

Tyrath obéit. Il se laissa porter par le vent. Plusieurs soldats les protégeaient des loups voraces qui cherchaient à contenter leur soif de sang. Tous portaient des vêtements occasionnels et une arme improvisée sauf les loups qui étaient évidemment préparés à la trahison planifiée. Un soldat effectua une poussée verticale de son épée qui ne fit que déchirer la tunique de sa cible. Le loup ne fit que sourire. Une cotte de maille l'avait protégé. Il imita son adversaire et, prenant avantage de la distraction, le frappa d'un coup de pieds qui l'envoya par-dessus bord.

Azéna s'enragea à voir une telle mutinerie. Elle tira la corne de Tyrath en leur direction mais, le dragon s'entêta et retint sa voie.

- Non ! rugit-il. Dètmor est en train de perdre malgré leur avantage. Tu dois te concentrer sur Turion. Nous déchirerons son détenteur en lambeaux.

- C'est le dragonnier noir, dit Azéna. C'est lui.

Une ombre ailée bloquait partiellement la lueur de la lune non loin de là. Le regard de Tyrath s'emplit de haine.

- Lui. C'est la même ordure qui nous suivait l'année dernière.

Il bâtit des ailes furieusement. Le dragonnier noir et son dragon restèrent immobiles, dos à Azéna et Tyrath. Il ne les avait pas remarqués.

« Non, dit Turion. Ils se disputent comme des nouveau-nés. C'est le bon moment pour les surprendre. »

Cette-fois, la voix de Turion était claire et vibrait de puissance ce qui faisait du bon sang puisqu'ils étaient à proximité du dragonnier sombre. Azéna s'accrocha à Tyrath alors que le jeune gris atteint une vitesse qui sifflait aux oreilles. Sous eux, les soldats de Dètmor bandèrent leur arc et visèrent. Une volée de flèches perça le ciel et quelques-unes d'entre elles atteignirent leur cible : le dragon noir.

- Ils attaquent leur propre allié? demanda Azéna, confuse.

Le dragon noir se tortilla de douleur et prit de l'altitude. Il fit volte-face et n'eut que le temps de pousser un souffle avant que Tyrath le percuta de toute sa force. Les deux dragons rugirent, grafignèrent et mordirent dans une furie aveugle.

Azéna glissa mais, réussit à s'accroché au piquant de Tyrath avant de tomber. Alors qu'elle s'efforçait pour se hisser sur le dos de son compagnon, elle jeta un coup d'œil au dragonnier. Il portait une armure en plaques ébène et son heaume lui couvrait presque tout le visage. Il faisait trop noir pour discerner les détails du visage mais, un sentiment de familiarité la frappa tout de même.

- Donne-moi la plume. Nous n'avons pas besoin de combattre et de risquer nos vies.

L'étranger hésita. Azéna attendit, mais elle n'avait pas le luxe du temps. Tyrath était entremêlé dans une lutte féroce avec le dragon noir et risquait sa vie à chaque moment qui passait.

- Tue-le ! tonna Tyrath entre deux morsures. N'hésite pas!

Azéna posa la main sur la manche de la dague. C'était Tyrath ou la chance qu'il accepte sa proposition. Sans trop réfléchir, elle choisit la deuxième option. Elle dégaina la dague, se leva et, alors qu'elle trouva l'équilibre, elle fut frappée dans le derrière des jambes. Le coup fut tellement puissant qu'elle perdit le contrôle et tomba.

Tyrath hurla dans un mélange de terreur et de rage. Dans son impulsivité, il lâcha prise du dragon noir et s'élança vers le sol mais, son adversaire le retint en place et enfonça ses griffes dans ses hanches et son dos.

- Non!

Il cria si fort que les soldats montèrent leur regard vers le haut et plusieurs perdirent la vie due à cette erreur.

Azéna tomba de si haut que, pour une fois dans sa vie, elle eut le vertige. Son cœur battait la chamade mais non par excitation mais par peur, la peur de mourir brisé par le poids du monde. Elle ferma les yeux et tenta de manipuler le vent vers le haut dans une tentative désespéré d'atténuée sa chute mais, rien de fonctionna, elle était trop nerveuse pour se concentrer. De plus, elle n'avait pas assez de pouvoir pour effectuer une telle manouvre. Elle leva les yeux et aperçut Tyrath qui se débattait mais, le noir était comme un serpent enroulé autour d'une souris. Elle était assurée qu'elle allait mourir cette-fois. Elle ferma les yeux, incapable d'affronter la réalité.

Elle s'écrasa doucement sur le sol, trop doucement pour que ce soit réel.

- Dans quel pétrin tu t'es encore fourré? dit une voix féminine.

- Eh?

Azéna ouvrit les yeux et par-dessus elle vit la rivière magnifique d'écailles bleu céruléen qu'était la tête de Buhrik et le regard chaleureux mais, critique de Fayne. Réalisant qu'ils l'avaient sauvé, elle serra la patte de Buhrik.

- Tu m'as attrapé.

- Ça va, répliqua Buhrik. Pas besoin de devenir émotive. Grimpe avant que tu ne me casse les deux bras. Je ne suis pas le plus fort.

Il ralentit et laissa Azéna s'installer derrière Fayne sur la selle.

- Prêtes?

- Oui, dit Fayne avec une voix tremblante. Finissons-en au plus vite.

Azéna réalisa en ce moment que Fayne avait bravé sa peur des hauteurs pour venir la sauver. Une chaleur de gratitude lui réchauffa le cœur mais, cela ne durera pas.

- Accrochez-vous, ordonna Buhrik.

Il étendit ses ailes larges et fonça vers le dragon noir qui rugit à la nouvelle menace et relaxa son emprise.

Tyrath en profita pour frapper le noir avec sa queue. Les piquants s'enfoncèrent dans la jambe de la victime qui se tortilla comme un dément dans le vide, permettant à Tyrath de s'échapper.

Buhrik écrasa le bas-ventre du dragon noir d'un coup de tête. L'impact causa du dommage mais, loin de ce que le dragon bleu s'attendait.

« Maudit soit ma force physique de biche. »

Deux mains griffues lui agrippèrent les épaules et le repoussa avec violence. Il tourbillonna dans sa chute et finit par se stabiliser. Lui et le dragon noir soufflèrent. Eau rencontra ombre. Buhrik se concentra et le jet d'eau dévora le nuage d'ombre et projeta le dragon noir vers l'arrière.

- Tyrath, à toi!

- Avec plaisir, répliqua le gris.

Avec la grâce et la vitesse d'un voleur, il se mut derrière le dragon noir, le retint en place à l'aide ses jambes et, avec la délicatesse d'une mère, retira la plume violette du sac accroché à la ceinture du cavalier. Il grogna et sa queue se raidit à l'anticipation de frapper.

- Non, dit Azéna. Inutile de lui pulvériser le dos. Laisse-le partir. Nous avons ce que nous voulons.

Tyrath parut surprit.

- Il est sonné. C'est le temps de se débarrasser de lui. Cette compassion va nous couter chère. Un coup et c'est terminé. Il ne souffrira pas, je te le promets.

Azéna secoua la tête.

- Je ne peux pas faire ça, pas comme ça. S'il te plaît, laisse-les partir. S'ils nous causent du tort à nouveau, nous nous en occuperons.

Le cavalier du dragon noir salua Azéna, un remerciement qu'elle accepta avec joie. Le dragon noir poussa un faible grognement puis, s'agita. Il siffla et claqua des mâchoires, désespéré d'atteindre Tyrath.

- Calme-toi, dit Tyrath.

Il attendit qu'il obéisse et il le poussa férocement. Il s'adressa au cavalier.

- Retourne à ta tanière, loup. Tu es chanceux que ma dragonnière t'accorde la vie. Tu ne la mérite pas à mon avis.

Le dragonnier noir tira sur les rênes de son dragon afin de l'encourager à se calmer. Celui-ci secoua la tête avec mécontentement et se mit en direction vers l'est.

- Dètmor est plus au sud, dit Buhrik. Étrange.

Tyrath renifla avec rage.

- Il cherche probablement juste une cachette en attendant le reste.

Il s'approcha de Buhrik et tendit la plume de Turion qu'il tenait entre deux griffes.

- Sain et sauf.

- Merci, dit Azéna.

Elle rangea la plume dans un sac et sauta du dos de Buhrik à celui de Tyrath. Elle s'accrocha à son pique habituel lorsque Tyrath n'était pas équipé de sa bride.

- Le combat touche à sa fin. Dètmor devrait se rendre bientôt. Je ne sais pas ce qu'ils attendent.

- Humains têtus.

- Patience, dit Buhrik. Ce qui compte, c'est que Nothar ne se fera pas capturée. Ce qui étrange d'ailleurs car, sans vouloir offenser, Dètmor avait plus de force militaire et était plus organisé.

- Nous sommes des dragons, dit Tyrath. Nous aurions pu tous les repousser.

- Vrai, mais nous sommes encore jeunes et loin d'être à notre plein potentiel. L'armée aurait eu raison de nous. Ne laisse pas ta fierté t'aveugler. Maintenant, il nous faut nous concentrer sur notre devoir : celui de sauver des vies.

Il prit le temps de regarder Tyrath dans les yeux; un message qu'Azéna compris: il était trop impulsif et violent.

- Prenons le temps d'observer la situation à contrebas avant de se décider sur une action à prendre.

Quelque chose attira l'attention de Tyrath vers les portes principales de la cité.

- Pas besoin de nous en occuper, ricana-t-il avec moquerie. Les racailles sont vaincues. Par vaincu, je veux dire que le Haut-Roi va s'occuper d'eux.

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