05 - L'âge adulte

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18e jour de la saison du soleil 2448

La lune était brillante et illuminait Nothar de ses mille feux dorés. Tyrath avait avait survolé la paisible ville jusqu'au château, où il laissa Azéna et repartit avant que les invités ne l'aperçoivent.

Azéna ne pensait qu'aux marques dans la pierre du Grand Clocher. Les trois ensembles de marques étaient formés des griffes de Schareilatra et des griffes et de la queue de la vouivre. Un jour, elle pourrait devenir la protectrice d'une citée ou d'une région. Elle s'imagina entrain de combattre une vouivre avec Tyrath et sourit.

Lorsqu'elle arriva à la salle commune, son passage fut bloqué par son père qui s'était levé du sofa pour aller à sa rencontre.

- Où étais-tu donc passé? rugit-il.

Son visage était rouge de colère; ses veines étaient si saillantes qu'on pouvait y diserner son battement de cœur.

- Va te changer. Tu ressembles à une paysanne. Monte à ta chambre et enfile quelque chose digne d'une femme de noble naissance. Ne me fait pas te le répéter.

Azéna, ébranlée par la fureur de son père, accorda un bref regard désolé à Fayne et fit demi-tour. Elle se sentait mal pour son amie car, elle était une paysanne. Elle détestait quand son père les comparait à des salauds. Fayne lui sourit faiblement, mais chaleureusement, comme si elle essayait de s'assurer Azéna que tout allait bien.

Lorsqu'Azéna montait les escaliers, elle put entendre son père envoyer les servantes à ses trousses pour l'aider à choisir un habit.

- Allez l'aider. Elle ne sait pas la définition d'une tenue convenable.

Azéna ravala une boule de rage coincée dans sa gorge et attendit les servantes.

Le jeune serviteur vint avertir Bayrne de l'arrivé de ses invités. Le seigneur menaça les servantes de leur couper un doigt si elles ne se dépêchaient pas. Les femmes terrifiées se ruèrent en haut. Ryah rattrapa Azéna la première.

- Dépêchez-vous, ma Dame. Il ne faudrait pas que vous faisiez patienter vos invités trop longtemps.

Les servantes avaient repris une allure calme de chien docile comme si aucune menace n'avait été lancée. Azéna se contenta du silence et les suivit dans sa chambre. Là, elles sortirent trois robes d'occasion : une rose, une violette et une blanche. Azéna détestait les robes. Elle devait toujours sacrifier son confort pour le plaisir d'autrui lorsqu'elle en portait une. Elle les observa une à une en prenant son temps.

- Prenez la rose, dit Ryah. C'est la féminité, les hommes aiment cela.

- Je conseillerai la violette, dit Serfie. Elle est foncée et mettra la pâleur de vos yeux et de vos cheveux en valeur.

- Vous vous rappelez des mots de ma mère, dit Azéna.

Elle poussa un long soupire et hocha de la tête.

- Qui sont ses invités d'honneurs? questionna-t-elle pendant que les deux servantes lui enfilaient sa robe. Je n'ai jamais vu Bayrne dans un tel délire pour des étrangers.

Les servantes se jetèrent des regards incertains puis, Ryah, la blonde, lui répondit:

- Ce ne sont que des rumeurs ma Dame, mais j'ai entendu dire que le Loup Rouge allait rendre visite au royaume.

- Dètmor ?! s'exclama Serfie, la brunette à la tignasse frisée. Je croyais que c'était la famille royale d'Elthen qui venait.

- Tu as mal entendus. Tu es toujours si perdue.

Alors que les deux filles plaisantaient à ce propos, Azéna fixait le miroir devant elle et sentit la méfiance en elle grandir. Elle repensa aux rumeurs de l'an passé à propos de la supposée grande guerre et son estomac se tordit. Elle commençait à craindre qu'elles ne se réalisent bientôt.

Ryah lui peigna les cheveux alors que Serfie lui enfila des chaussures aussi inconfortables que sa robe. Azéna se demandait comment on pouvait trouver de tels accoutrements attirants. Elle ressemblait à une poupée aussi faussée que de la peau en porcelaine. Frustrée, lorsque vint le temps du maquillage, elle repoussa les servantes et se dirigea vers la salle commune.

Serfie se dépêcha de la suivre en tenant le bas de sa robe pour ne pas tomber.

- Mais, il manque votre maquillage!

- Laisse le maquillage tombé, dit Azéna en tentant de descendre les escaliers sans s'estropier. De toute façon, ça pique et je ne le supporte pas. Puis, nous manquons de temps.

- Mais, le seigneur...

- Je vais m'occuper de lui ! coupa sèchement la dragonnière

Azéna grogna des injures incompréhensibles tout le long du chemin. Elle ne pouvait pas marcher sans regarder le sol; chaque pas était chancelant. Chaque fois qu'elle faillit tomber, Serfie tenta de l'aider à se redresser, mais elle lui lança un regard noir et la découragea.

- Merdique de souliers de poupée, se lamenta-t-elle. J'aurai dû devenir guerrière, mais non, j'étais forcée à suivre les traces de la noblesse. Mais, qu'est-ce qu'ils en savent ces-

Elle était si concentrée dans sa démarche qu'elle n'aperçue pas le serviteur qui l'attendait à l'entrée de la salle commune. Le jeune garçon resta bouche-bée à la vue d'Azéna et n'eut pas les réflexes d'éviter la dame lorsqu'elle trébucha. Les deux jeunes adolescents furent renversés au sol. Azéna atterrit sur lui de façon gênante et par réflexe, elle lui donna un coup de poing au visage, roula vers la droite et se retrouva accroupie devant deux jambes solides. Elle leva la tête et aperçut son un homme à l'épaisse barbe noire en collier: son père.

Les bras croisés, Bayrne attendait avec impatience que sa fille adoptive ne réagisse, mais celle-ci n'afficha qu'un sourire embêté. Bayrne croqua violemment dans un biscuit et son visage devint violacé. Il fit signe à Azéna de se lever. L'adolescente obéit avec agacement.

- Rentre là-dedans, siffla Bayrne en pointant la salle commune.

En dedans, une poignée de gens ainsi qu'un plateau de biscuits les attendaient. Azéna ne reconnaissait pas les nouveaux visages, mais il était évident qu'ils provenaient de Dètmor. Ils possédaient un physique typique du royaume des Terres Sanglantes: leur peau était naturellement bronzée et leur corps était plus costaud.

Un malaise s'installa lorsqu'Azéna croisa le regard d'une jeune femme un peu plus âgée qu'elle. Celle-ci avait un corps puissant, mais le teint pâle. Ses cheveux roux étaient coiffés en crête iroquoise dont les côtés étaient tout-de-même quelques pouces de longs. Son accoutrement avait une allure à la fois féminine et féroce. Le tatouage de l'insigne de Dètmor, une tête de loup rouge, situé sur son omoplate droite était complètement visible.

Azéna tenta de l'ignorer, mais sa curiosité était plus forte qu'elle. Elle se mit à inspecter ses yeux d'ambre. Ils étaient pleins de détermination, mais illuminé par une teinte de cruauté. La Dètmorienne jeta un regard curieux en sa direction. Elle sourit en coin, un sourire sadique et inquiétant qui ne survécu qu'un instant avant que la demoiselle ne retourne à son humeur sérieuse. Azéna sentit un frisson glacé lui chatouiller la colonne vertébrale, comme si son corps l'avertissait d'un danger imminent qui provenait de cette femme.

- Assit-toi ici, ordonna Bayrne.

Il désigna le sofa qui était maintenant occupé par ses parents adoptifs et un jeune homme qu'elle ne reconnaissait pas. Azéna obéit. Elle s'assit à côté de sa mère et du jeune homme. La paume de ses mains était moite et son cœur battait rapidement. Son malaise ne faisait que s'agrandir. Elle pouvait sentir le regard de la mystérieuse femme lui percer l'esprit.

- Azéna, chuchota Rivatha. Je sais que c'est une situation délicate, mais tout va bien se passer. Tu verras.

Azéna voulait lui dire à quel point elle sentait que quelque chose ne tournait pas rond, mais elle ne savait pas comment de façon discrète. Elle lui lança un regard inquiet et celle-ci lui sourit chaleureusement en retour. Désespérée, elle se tourna vers Argent. Sa soeur aînée était assise sur un autre sofa accompagné de ses frères, de ses sœurs et de Fayne. Leurs yeux se croisèrent et Azéna comprit immédiatement la signification de son expression facile, son fameux regard compréhensif. Quelque chose ne tourne définitivement pas rond. Ravon, maintenant âgé de treize ans, paraissait combler. Ses grands yeux bleus inspiraient méfait.

« Qu'est-ce qui se passe qui amuse Ravon à ce point? se demanda Azéna. »

Argent donna un coup de coude à son petit frère. Ravon fit la moue et se retourna vers la fenêtre, croisant les bras.

- Écoute bien les présentations, conseilla Rivatha. C'est ton devoir de mémoriser de chaque nom.

Le silence s'installa. Le plus grand des Dètmoriens prit la parole.

- C'est bon de vous revoir mes chers frères Daigorniens. Pour les nouveaux visages, je me présente. Je suis Morath Suranz, roi de Dètmor.

Azéna voyait la ressemblance entre Morath et la jeune femme. Il portait les mêmes yeux d'ambre, la même teinte de peau et la même taille. Par contre, Morath était plus frêle que sa fille, même qu'il était dangereusement maigrichon, et avait les cheveux châtains.

- Voici ma reine, Rose Suranz ainsi que mes enfants-

Il s'interrompit et fixa Rose brièvement.

Pendant un instant, Azéna crû apercevoir un changement radical de couleur des yeux du Roi Rouge. C'était si rapide qu'elle le déni en premier lieu, mais sa vision de l'avait jamais trompée auparavant. Elle avait confiance en son corps: les yeux de Morath étaient devenus rouge sang.

- Voici ma fille aînée, Kiatrane, continua Morath. C'est elle qui est destinée au trône après ma mort, mais elle laisse volontairement son héritage à Zamir. Elle deviendra Première Conseillère lors de la mort du courant ainsi que Générale de mon armée lorsqu'elle aura terminé son entraînement.

Il désigna la jeune femme qui rendait Azéna mal à l'aise. Kiatrane sourit fièrement et fit une légère révérence.

- Ne t'occupe pas d'elle, chuchota le jeune homme assied à côté d'Azéna.

Azéna sursauta. Elle avait complètement oublié le garçon. Celui-ci lui sourit amicalement.

- Enfin, voici mon fils le prince Zamir de Dètmor, termina Morath.

Zamir déposa sa main sur celle d'Azéna.

- Ça va? Tu sembles perturbée.

Azéna, offusquée par le geste un peu trop amical à son goût, retira sa main et ne répondit pas à sa question. Zamir resta serein comme si son geste ne l'affecta nullement.

Bayrne présenta ses enfants et Fayne comme étant la future femme de son fils aîné, expliquant sa présence à cet évènement. Au même moment, Ryah s'arrêta dans le cadre de la porte.

- Le soupé de minuit est servi, annonça-t-elle.

Elle se retira après avoir reçu la permission de Bayrne. La famille Kindirah ainsi que Fayne suivirent la famille Suranz jusqu'à la salle a dîné. Durant tout le trajet, Azéna fixa Kiatrane avec un mélange de curiosité et de méfiance. À table, elle se sentit loin, trop loin du foyer près duquel elle s'assoyait habituellement. Elle avait dû donner sa place à Rose qui disait avoir besoin de chaleur corporel.

« Cupide reine, songea Azéna. Tes bracelets d'or rouge ne te suffissent pas? Ils doivent bien valeur une fortune à eux seuls. »

- Change de place avec moi, lui dit Rivatha.

Azéna sentit ses muscles se raidir en sachant qu'elle allait se rapprocher de Zamir. Elle prononça ses prochains mots avec une rapidité inconfortable, comme si elle essayait d'oublier ce moment:

- Pourquoi? Je suis très bien où je suis.

Rivatha lui fit signe de venir s'assoir à sa place. Ne désirant pas se battre, Azéna céda. Elle se retrouva à côté de son père et de Zamir.

Tout au long de la préparation au soupé, les deux familles discutèrent de politiques, de royauté et de coutumes. Azéna ne s'en préoccupait pas beaucoup; elle était bien trop occupée à surveiller Kiatrane et à ignorer Zamir. Le prince à la voix charmeur tentait de l'intéressé dans ses histoires. Le malaise d'Azéna ne cessait de s'accentuer. Quelque chose n'allait pas, elle le sentait dans ses tripes. Sans savoir pourquoi, elle se mit à douter pour la sécurité de Turion.

- Père, puis-je m'absenter pour quelques minutes? demanda-t-elle à Bayrne.

Azéna espérait qu'avec un peu de politesse et de bonnes manières, elle pourrait s'attirer la faveur du seigneur grognon.

- C'est une urgence? répondit-il. Le soupé va bientôt débuter.

- J'en n'ai bien peur.

Il grogna dans sa barbe et acquiesça.

- Merci, dit Azéna.

- Ne prend pas longtemps, ordonna-t-il.

Elle se dépêcha au deuxième étage jusqu'à sa chambre à coucher. Elle s'avança vers sa table de nuit où elle avait laissé la plume violette. Elle n'y trouva aucune trace de l'objet. Sur le coup, elle se mit à paniquer. Elle renversa ses couvertures au sol et tâta son lit. Elle fouilla tous les recoins de sa chambre et causa un vacarme terrible.

Finalement, elle ne trouva rien, même après avoir virée sa chambre à l'envers. Elle sentit une brise fraiche et remarqua que sa fenêtre était grande ouverte.

« Je l'avais fermé, se rappelle-t-elle. »

Désespérée, elle chercha Tyrath depuis sa fenêtre. Le dragon gris était aussi porté disparu. Même Buhrik s'était bien caché ce soir-là. Habituellement, il ne s'éloignait jamais trop de Fayne. Azéna se concentra sur son compagnon ailé et tenta de toucher son esprit avec le sien en vain. Elle essaya encore et encore jusqu'à ce qu'on cogne doucement à sa porte.

Une faible voix retentit du couloir:

- Votre père requête votre présence à la table.

Azéna ferma les yeux et médita sur sa frustration un moment avant de répliquer:

- Qu'il attende. Ma présence n'est pas si importante à l'évènement.

- Malheureusement, elle l'est, répliqua Ryah. Il insiste. Son ton de voix s'est élevé au mot immédiatement.

La pauvre servante avait les yeux grands ouverts et sa respiration était légèrement irrégulière. Son corps était aussi recroquevillé sur lui-même. Elle était apeurée.

« Ce maudit homme impatient, songea Azéna. Je ne peux pas le laisser punir Ryah en cause de moi. »

Elle grogna et abandonna sa recherche. Elle frappa le cadre de la fenêtre dans une tentative d'évacuer sa rage et claqua la porte derrière elle. Ryah l'escorta jusqu'à la salle a dîné.

- Va chercher le repas, dit Bayrne à Ryah.

Il lança un regard noir en direction d'Azéna. La jeune fille l'ignora, trop occupée à songer à ses propres problèmes. Alors que le repas fut servi, Morath se leva et ouvrit les bras chaleureusement comme pour inviter tout chacun à lui.

- Chères frères et sœurs, bon festival de la Passion. Aujourd'hui, nous sommes réunis ici pour un évènement spécial concernant mon fils Zamir, et la fille de Bayrne, Dame Azéna.

En entendant son nom, Azéna leva la tête en direction du frêle roi.

- Zamir a été promit à la belle Azéna, annonça Morath avec fierté. Nos royaumes seront enfin unis.

Une acclamation retentit au travers de la pièce. Tout le monde applaudit sauf Azéna, les yeux écarquillés, et Zamir qui regardait fièrement sa future reine.

- Quoi? dit finalement Azéna, clignant des yeux avec confusion.

- Mes félicitations, dit Fayne avec un sourire jaune. Tu vas régner sur le royaume de Dètmor.

Le silence régna alors que la réaction d'Azéna fut attendue avec impatience. Tous ces yeux rivés vers elle la rendait dingue.

- Non, dit Azéna. J'ai déjà des plans pour mon future.

Maroth vint poser une main sur l'épaule d'Azéna.

- Quels sont-ils, jeune dame? Peut-être pourrons-nous accommoder ces plans avec tes fiançailles.

- Je suis désolée Sa Majesté de Dètmor, répondit-elle avec du venin dans sa voix, mais je ne suis pas amoureuse de votre fils. Je suis destinée à être une dragonnière, pas une reine.

Des soupirs choqués emplirent la place. Maroth resta impassable et Bayrne devint rouge de colère. Il se leva, mais Rivatha interrompit son mouvement en déposant sa main sur la sienne.

- Ainsi est la vie, jeune fille, expliqua Maroth. Vous êtes d'âge adulte à présent. Vos rêves de dragonnière s'arrêtent ici. Je vous juge digne de mon fils. Vous ferrez une excellente souveraine; une reine entraînée par le courage et par un poing fermé.

Il lui ébouriffa les cheveux doucement et retourna s'asseoir.

- La cérémonie sera à Draghones pour noter la fin des festivités de la saison du soleil, soit dans huit jours. Nous partons à l'aube. Ceci dit, je m'attends à ce que les choses entre vous deux soient chaudes durant la cérémonie de fermeture du festival de la Passion.

Il lança un clin d'œil à son fils qui rougit.

Première, Azéna ne ressentit qu'un vide en elle. Puis, un instant plus tard, une vague de rage se nicha dans son esprit. Instinctivement, elle planta sa fourchette dans la table et grinça ses dents. Zamir tenta de la calmer en lui flattant la joue, mais elle le repoussa.

- Je ne t'appartiens pas, siffla-t-elle tout bas. C'est bien compris?

Elle n'osa même pas le regarder. Elle ne se souciait pas à quoi il pouvait ressembler ni de ce qu'il pourrait faire pour gagner son affection non plus. La seule chose qui lui importait était de retrouver Turion et elle était coincée à cette rencontre inutile. Elle sentait sa colère l'alimenter comme un volcan en éruption. Elle fermait et ouvrait son poing à multiples reprises. Zamir déposa sa main sur son poing.

Un instant passa et la fourchette d'Azéna faillit empaler la main du prince imprudent, manquant sa cible d'un centimètre. Azéna le foudroya du regard; un regard hargneux qui perçait l'âme. Elle en avait eu assez. Elle lâcha prise de sa fourchette qui resta en place, et se leva.

- Qu'est-ce que c'est que cette menace? demanda Rose.

- J'ai dit non, grogna Azéna à la reine de Dètmor. Personne ne décidera de mon destin pour moi.

- Azéna, dit Rivatha. S'il te plaît, calme-toi.

Azéna, le regard sévère, tourna son attention sur sa mère adoptive.

- Parle.

- Vien avec moi dans la salle commune, dit Rivatha.

Azéna fronça les sourcils et suivit sa mère adoptive. Rivatha ferma les portes derrière elle et invita sa fille à s'asseoir avec elle sur le sofa.

- Qu'est-ce qu'il y a? demanda Azéna avec irritation.

- J'aimerai tout simplement savoir ce qui se passe dans ta tête, dit Rivatha. J'ai essayé de te trouver hier soir, mais tu étais absente.

- Arrête de tourner autour du pot. Pourquoi avez-vous accepté de me fiancer à Zamir? Bayrne veut se débarrasser de moi, c'est ça?

Rivatha effleura les cheveux de sa fille avec douceur et sourit.

- Tu sais, les choses sont plus compliquées que tu ne le crois. Un mariage de convenance est une tradition ancestrale, mais dans ce cas, il se trouve que ce soit nécessaire pour le bien de Daigorn. J'aimerai te garder près de moi, crois-moi.

- Tu vas me garder près de toi, dit Azéna. Je n'irai pas me pavaner devant le prince Zamir.

- Si le mariage n'a pas lieux, ce sera un affront et Dètmor pourrait mal prendre la chose. Tu sais, Daigorn n'est pas préparé pour aller en guerre.

Azéna grogna. Je lui dirais bien de marier Argent à un roi tout puissant mais, je sais qu'elle ne désire pas se marier non plus. Tria est bien trop jeune et c'est elle qui aurait sautée sur l'occasion. La vie est mal faite parfois.

- Alors, c'est une bonne chose que je ne devienne pas la reine d'un tel royaume. Quelle mentalité idiote ils ont là-bas.

Elle fit une pause et repensa à Turion. Son visage s'assombrit.

- Quelque chose ne va pas de toute façon.

- Que veux-tu dire? demanda Rivatha. Explique-moi ce qui ce passe, ma fille.

Azéna déglutit.

- Depuis l'arrivée de la famille Suranz, j'ai un mauvais pressentiment.

Rivatha ouvrit la bouche, mais sa fille lui coupa la parole.

- Je sais, ce n'est pas assez pour les accuser de quoi que ce soit. J'ai été voir dans ma chambre à coucher avant le soupé et un de mes biens n'était plus là. Je dois retrouver cet objet. C'est important.

- Je tiendrais compte de ton avertissement, répliqua Rivatha. Par contre, je ne peux pas t'aider en ce qui concerne cet objet. Pas maintenant. J'espère que tu comprends. Peux-tu me faire un service?

Azéna acquiesça et attendit que sa mère continue.

- Peux-tu donner une chance au prince Zamir?

- Qu'est-ce que tu veux dire par là? questionna la dragonnière.

- Passe la soirée avec lui. Apprend à le connaitre un peu. Demain matin, si tu ne veux toujours pas de lui, je tenterai d'annuler le mariage. Est-ce une proposition juste?

Azéna détestait cette situation, mais elle savait que sa mère adoptive tentait du mieux qu'elle le pouvait pour alléger son fardeau. Elle avala sa frustration et hocha de la tête. Cette décision fit sourire Rivatha. Un simple sourire de la part de sa mère savait calmer la furie d'Azéna. Les deux se levèrent et retournèrent à la salle à diner.

- Pourquoi Daigorn a-t-il besoin de Dètmor? questionna Azéna à Rivatha avant qu'elles n'arrivent à destination.

- Garde le silence, dit Rivatha. Nous avons besoin de ressources militaire et très probablement de protection dans un futur proche.

Azéna n'était pas surprise de cette nouvelle.

- Une guerre se prépare.

Rivatha lui lança un regard désolée et remit son masque de dame. Azéna s'assit. Zamir n'osa pas la regarder dans les yeux. Il agita ses doigts entrecroisés nerveusement.

Durant le reste du soupé de minuit, Azéna tenta d'apprendre à connaître Zamir du mieux qu'elle le put. Rivatha lui envoyait des sourires d'encouragement. C'était très difficile pour Azéna, ces histoires de garçons. Elle ne savait pas comment s'y prendre et y était constamment mal à l'aise.

Après le dessert, le groupe alla boire un coup dans l'enceinte du château, à la lueur de la pleine lune. Par contre, Azéna avait d'autres plans pour elle et le prince. Elle s'efforça pour être à son meilleur comportement.

- Voulez-vous m'accompagner sur le Gand Balcon?

Zamir la fixa bouche-bée, incertain de s'il avait bien compris.

- Umm... Certainement.

Azéna s'efforça de sourire et l'entraîna par la main jusqu'au quatrième étage. Le Grand Balcon se trouvait en face du jardin royal. La pleine lune illuminait le balcon. Une fraiche brise fit danser les cheveux d'Azéna.

Zamir l'observa avec intensité.

- Votre chevelure...

Azéna leva un sourcil confus.

- Non, assura Zamir. Elle est magnifique. Je voulais simplement dire que la lueur de la lune la fait briller d'une teinte dorée par-dessus l'argentée. On dirait un œuvre d'art.

- Oh, dit Azéna. Oui. Lorsque la lune est forte, son halo fait souvent cet effet. C'est étrange mais, j'aime bien ça.

- Mais, vous êtes une fille étrange. Umm, une dame, devrais-je dire. Ça vous va bien.

Azéna n'avait jamais vraiment prit le temps de bien observer Zamir. Le prince était le portrait craché de son père. La seule différence était l'âge et les yeux. Il avait hérité des yeux émeraude de sa mère. Tu n'es pas si mal, se dit-elle. Malgré tout, elle ne se sentait pas à l'aise d'avoir plus qu'une amitié avec le jeune homme. Elle ne se voyait pas passé le reste de sa vie avec lui. Il fallait qu'elle lui dise. Le roi allait peut-être être plus clément si c'était son fils qui lui expliquait la situation. Elle se mit à murmurer ses pensées.

- Pardon? dit Zamir.

- Oh, ne te préoccupe pas de moi, dit Azéna. Je me parle à moi-même.

- Étrange demoiselle, en effet.

Les deux adolescents gloussèrent.

- Mais, quelque chose ne va pas, dit Zamir.

- Comment le sais-tu?

- Ça se voit dans vos yeux.

Un silence lourd pesa sur Azéna alors que Zamir attendit avec patience.

- Tu es perspicace, dit-elle enfin.

- Il y a quelqu'un d'autre dans votre cœur.

- Non, répondit Azéna, surprise.

Zamir sourit et hocha de la tête mais, on pouvait aisément voir qu'il ne croyait pas Azéna.

- Si vous le dites.

- En toute vérité, ce n'est pas ça le problème. C'est que je n'ai pas envie de me marier et de devenir une reine. Je n'ai pas choisi de porter l'héritage noble de Daigorn.

- Je comprends votre lutte car, je le partage le même. Votre détermination est inspirante.

- Merci.

- J'en parlerai à mon père. Entretemps, amusons-nous.

Zamir sortit une bouteille transparente de son sac. Le bouchon était en forme de tête de loup rouge.

- Ayez l'opportunité, chère dame du royaume de la paix, de goûter au fameux vin du Loup Rouge.

Il versa le liquide de teinte rubis dans un verre chic et l'offrit à Azéna. Celle-ci accepta le cadeau avec joie. Alors que Zamir s'en versait pour lui, elle prit une gorgée.

- C'est délicieux.

- Personne ne peut y résister, ricana Zamir.

Azéna profita de la traite et délecta le parfum du vin de Dètmor pendant quelques heures. Elle et Zamir perdirent rapidement leur sobriété. Ivre, Azéna fixa une silhouette ailée au loin et sourit. Tyrath la surveillait à présent.

- Qu'est-ce que c'est? questionna Zamir en pointant le dragon. On dirait une chauve-souris, mais c'est beaucoup trop gros pour en être une.

- C'est mon compagnon, répondit Azéna.

- Vraiment?

Azéna hocha de la tête, affirmant ses suppositions. À cette réaction, il parut à la fois surpris et impressionné.

- Il vient vers nous et il m'a l'air pressé...

Soudainement, Azéna ressentit un malaise profond, exactement comme lorsqu'elle se faisait sonder par la grande sœur de Zamir.

- Il est presque paniqué, termina Azéna pour lui.

Des sons de battements d'ailes amplifièrent rapidement en puissance dans le silence de la nuit.

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