03 - Le toit de la vieille Gannia

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18e jour de la saison du soleil 2448

Une adolescente se faufilait vivement d'une rue étroite à la prochaine dans la basse ville de la pacifique citée Nothar. Dans sa main droite pendait un livre protégé d'une couverture en épais cuir brun. Le dos du livre était décoré de complexes symboles elfiques qui scintillaient sous les rayons des soleils qui se mouraient lentement.

La jeune fille accompagnée de deux jeunes garçons, sauta par-dessus un tonneau qui avait été pousser et roulait ainsi dans son chemin avant de cesser sa course effrénée. De son sillage, on pouvait entendre des cliquetis d'armure de plaque ainsi que le bruit de multiples bottes.

- Maudits gardes, grogna-t-elle. Ils n'abandonneront donc jamais. Tout ce mal pour un simple livre emprunté.

- On va les ralentir Zézé, dit Grendel avec un sourire en coin.

Le surnom ludique irrita Azéna. Elle lança un regard noir à son petit frère. Ravon, le plus jeune, pouffa.

- Allez s'y d'abord, rogna Azéna.

Les deux garçons à la chevelure noire débraillée tournèrent un coin, grimpèrent le côté d'une petite maison et se préparèrent pour tendre une embuscade aux gardes.

Azéna vira encore et encore. Désorientée par tous ces virages choisis par l'instinct, elle s'arrêta et balaya l'endroit dépravé de lumière du regard. Un duo de mendiants s'embrassait avec fougue dans un coin sombre. L'homme déchira les vêtements usés et sales de la jeune femme. Elle gémit dans son excitation.

Azéna hésita et jeta un coup d'œil en direction du couple. L'homme portait des vêtements luxueux. Il n'était pas un mendiant du tout. C'était un noble. Heureusement pour lui, Azéna ne le reconnaissait pas; elle l'aurait dénoncé à Bayrne. Une chaîne d'or brillait autour de son cou. Sa puissante main trouva la gorge de la femme et serra. Celle-ci gémit encore, cette fois, plus fort.

Sur le coup, Azéna se prépara à attaquer l'homme, mais elle remarqua le plaisir qui illuminait le regard de la femme.

« Elle n'est pas une victime, réalisa-t-elle. Elle aime ça. »

L'homme finit par la remarqué et lui lança un regard assassin.

- Tu n'as rien vu, grogna-t-il. Ne dis rien aux gardes ni au seigneur. Va-t'en, petite sorcière.

Il lui lança un sac qui résonna de pièces lorsqu'il frappa le sol et monta la paysanne. Subjugué tel un animal conquis par ses pulsions, il se livra à l'acte sexuel et en bava tellement il en fut extasié.

Azéna, a la fois dégoûtée par leur comportement et irritée par les paroles de l'homme, détourna le regard. Il n'avait aucun respect pour elle ni pour la mendiante et il s'en foutait. Azéna déglutit sans trop savoir quoi faire avec le petit sac de monnaie. La prostitution et le sexe en publique étaient illégales à Daigorn.

Le son de bottes lourdes et de cris agressifs lui rappela la situation délicate dans laquelle elle s'était fourrée.

« Merde, songea-t-elle. Gendrel et Ravon ne les ont pas retenus longtemps. »

Elle agrippa le sac, continua son chemin et visualisa sa destination : une vieille maison qui n'avait rien de particulier, mais qui pour elle avait une une grande valeur sentimentale. Elle se fraya un chemin au travers des citoyens en tentant de dissimuler sa présence en gardant la tête baissée.

Elle trouva enfin l'habitation recherchée; celle-ci était à la fin d'une rangée de ses jumelles. Elle s'élança dans la ruelle séparant la première de sa voisine puis, dans son élan, elle sauta. Heureusement pour elle, la maison n'était pas très haute et cela lui permit, du haut d'un tonneau encore solide, de s'agrippa au rebord de la toiture.

- Hé! s'écria un homme dont la voix résonnait depuis la rue principale. Avez-vous aperçu une jeune adolescente à la chevelure argentée passer par ici?

Avec rien que ses mains qui tenaient bon, Azéna jeta un coup d'œil en direction des gardes. Leur capitaine ne cessait de demander la même question à tous les passants. Finalement, l'un d'entre eux pointa en direction d'Azéna.

- Par ici! hurla le capitaine de sa voix à demi exténué.

Le garde à côté de lui grincha les dents et se lança à la poursuite de sa cible.

Azéna s'efforça de hisser son corps, mais elle était trop épuisée. Une douleur aiguë paralysait les muscles de ses bras. Elle lutta pour ne pas lâcher prise.

- Merde, murmura-t-elle en serrant les dents.

Le bruit des bottes métalliques s'approchait rapidement. Azéna ordonna à ses muscles de la soulever et ceux-ci ne firent que redoubler en douleur. Elle gémit en tentant de se concentrer sur sa tâche, puis elle lâcha prise. Elle anticipa la chute, mais celle-ci ne vint pas. Lorsqu'elle leva les yeux, elle aperçut un visage familier aux traits tordus par l'exigence physique que lui demandait de soutenir son amie d'une main.

- Au parfait moment, comme d'habitude! s'exclama la dragonnière grise.

Heureusement, le toit était assez plat pour que Fayne ne glisse pas. La paysanne gémit de douleur et renforcit sa pogne en y ajoutant sa deuxième main. Elle tira.

- Azéna! hurla le capitaine, qui se trouvait maintenant directement sous la rebelle. Descends immédiatement! Donne-moi ce livre. Tu sais qu'il est interdit de montrer à qui n'est pas de ta famille.

- Franchement Kardun, répliqua Azéna, ce n'est qu'un livre d'histoire. Ce n'est rien de bien grave. De plus, elle est la fiancée de Monnnnnsieur l'Honorable Seigneur Parfait.

- Azéna, marmonna Fayne avec légère irritation et une voix tremblante.

La brunette prit une grande respiration, agrippa le bras de son amie et tira jusqu'à que celle-ci soit en mesure de grimper le reste par elle-même.

- Tu peux aller reporter à Bayrne que tu as échoué ta mission de sauvetage, ricana Azéna en haletant.

- S'il te plaît, supplia Kardun. Sois donc un peu coopérative pour une fois.

- Abandonne, Kardun! Je suis certaine que tu as des trucs plus importants a faire.

Azéna prit un moment pour reprendre son souffle, elle se leva, elle prit la main de Fayne et l'entraîna avec elle. Les maisons étaient si proches les unes des autres qu'elles purent sauter d'un toit à l'autre. Ce n'est qu'une fois sur la dernière maison qu'elles s'arrêtèrent. Azéna s'assura que les gardes n'étaient plus en vue.

- Super. Ils ont renoncé à la chasse je crois.

- J'ai horreur des hauteurs, se lamenta Fayne.

- Oh, je t'en prie, répliqua l'archère avec moquerie, nous venions ici tout le temps quand nous n'étions que des enfants. Et... Tu n'avais pas peur.

Fayne grommela. Elle s'accroupie et se tint fermement aux tuiles. Azéna poussa un léger rire puis, se glissa directement derrière son amie. Comme par instinct, elle passa ses bras autour du ventre de la dragonnière bleue avec douceur.

- Ne t'en fait pas, lui assura-t-elle. Je ne te laisserai pas tomber. Au fait, merci de m'avoir aidée. Comment tu savais que j'étais là? Tu étais supposée...

Fayne soupira et détendit son étreinte, laissant Azéna la relever en position assise.

- ... t'attendre sur le toit de la maison de la vieille Gania, termina la brunette, je sais. Tu sais, tu as le don pour te mettre dans les beaux draps et quand j'ai entendu les gardes s'affoler, il fallait que j'aille voir.

La dragonnière grise déposa le livre sur ses jambes en espérant la distraire de son acrophobie.

- C'est mieux, maintenant? demanda-t-elle d'une voix légèrement tremblante qui récupérait toujours de sa course.

- Mhhmm, marmonna Fayne. Ça irait un peu mieux si tu étais Buhrik.

- Dommage qu'ils peuvent juste venir nous rendre visite le soir pour ne pas causer une panique générale.

Elle se glissa un peu plus proche de Fayne. Elle pouvait sentir la chaleur corporelle de son amie qui pénétrait dans sa peau et lui causait une sensation de réconfort. Sa concentration commença à défaillir.

- Alors, il fallait que tu te mettes dans le bordel encore une fois, juste pour un livre? questionna Fayne.

- Mmm? marmonna Azéna en levant soudainement la tête comme si quelque chose l'avait surprise.

Fayne désigna le livre du doigt.

- Oh, dit Azéna. Bah, c'était un petit cadeau pour le festival de la Passion qui se débute aujourd'hui. Tu sais, notre amitié, c'est vraiment solide. Et puis... Arrête de me fixer comme ça... Ce n'était rien. C'est juste quelques gardes à éviter. Rien de bien difficile quand on les connaît aussi bien que moi. De toute façon, les règlements sont créés pour être brisé et je trouve que tu es digne de la confiance de la famille. Tu en fais techniquement partie puisque je te connais depuis que nous étions toutes jeunes. Vraiment, les gardes se font trop de soucis et Bayrne devrait apprendre à relaxer et à tordre ce qui est fait de roc de temps en temps.

- Tu ferais une souveraine très particulière et intéressante, pointa Fayne.

- Peut-être, mais ce n'est pas ma place de gouverner.

- Si tu le dis, murmura Fayne.

Le regard de la jeune herboriste se fixa sur le livre épais. Un sourire de contentement se dessina sur son visage. Avec enthousiasme, elle l'ouvrit et se mit à le feuilleter. Ses yeux brillèrent comme ceux d'un enfant à qui on venait de donner un jouet qu'il attendait avec impatience. Elle balayait les textes et images à une vitesse impressionnante tout en marmonnant de façon incompréhensible.

Azéna sourit et laissa son amie explorer le livre en appréciant le moment. Une tranquillité rare s'empara de son être et elle leva les yeux vers les soleils qui se couchaient avec paresse. Derrière le ciel teinté d'un faible doré, la lune s'éveillait à son tour.

- Savais-tu que Daigorn est le plus jeune royaume, mais que Nothar a été fondée bien avant en tant que sanctuaire pour ceux qui ne désiraient pas se mêler aux divers conflits et guerres? questionna Fayne. C'est le premier dragonnier qui a proposé l'idée et qui a supervisé sa construction.

- Johrien? questionna Azéna.

- Aussi surprenant que cela puisse être, ce n'est pas lui le premier dragonnier, mais Archlan. Johrien n'a pas été choisi par un dragon même si c'est lui qui a établi l'organisation.

Azéna y songea pendant un moment pendant que Fayne continua sa lecture.

- C'est aussi pourquoi le Grand Clocher au centre de Nothar existe, expliqua Fayne. Avant qu'elle ne fût transformée en clocher, Schareilatra, la dragonne d'Archlan, se perchait sur elle afin veiller sur Nothar. Auparavant, le Grand Clocher n'était qu'une simple tour façonnée spécialement pour le confort d'un dragon.

- Comment s'appelait-elle à cette période?

- Le Perchoir de la Gardienne.

Azéna fixa l'ancien, mais solide clocher qui dominait la ville fièrement et l'imagina dans son état original avec Archlan et Schareilatra à son sommet. La dragonne brune était d'une taille titanesque. Son regard serein se transforma en expression d'amusement lorsque son dragonnier lui gratta la nuque avec affection, puis ils disparurent.

- Ce livre est intéressant, avoua-t-elle.

- C'est précisément pour cela que je désirai le lire, répondit Fayne. Tu vois, c'est amusant la lecture parfois.

Azéna ne répliqua pas. Son attention était ailleurs et son regard était perdu dans le vide. Le fait que Nothar avait été fondée par le tout premier dragonnier la fascinait et elle se demandait comment le mode de vie était dans ce temps.

Lorsque les soleils furent presque entièrement couchés, une silhouette gigantesque passa au-dessus d'elle et Fayne. La créature ailée bloqua partiellement les faibles rayons des soleils dans son passage. Il était impossible de distinguer sa couleur, mais sa forme était familière. Dans son sillage, elle ne laissa qu'un faible courant de vent. Les deux jeunes dragonnières suivirent le dragon du regard jusqu'à ce qu'il disparaisse dans la forêt au-delà d'une pleine la séparant de Nothar.

- Je crois que c'était Tyrath, devina Fayne.

- Ça pourrait aussi bien être Buhrik, dit Azéna. Il a l'habitude de passé de temps en temps pour voir si tu vas bien.

- Vrai mais il n'y a que Tyrath qui peut voler avec une telle délicatesse. Il n'émet pas un son lorsqu'il est calme. Il est l'un des maîtres du ciel.

Fayne continua de parcourir le livre avec voracité. Elle mit longtemps avant de laisser échapper une seule parole.

- La citée a déjà été attaquée par une vouivre!

Son enthousiasme fit légèrement sursauter Azéna qui s'était habituée au calme.

- Quoi? Une vouivre?

- C'est un genre de petit dragon aux caractéristiques plus serpentin et qui possède un dard très venimeux au bout de sa queue, expliqua Fayne. Adultes, ils font environs la hauteur d'un grand cheval. Ils sont petits à côté d'un dragon, mais leur venin est l'un des plus puissants: à ne pas sous-estimé. On la modifie souvent pour changer ses propriétés. Elle vaut un bon prix.

- Ah bon. Je ne savais même pas qu'ils existaient.

- Moi non plus. Ce qui est bizarre car j'en sais beaucoup sur la faune. Ils doivent être très méconnus et rares.

- Bonne observation dans tous les cas.

- De toute façon, la vouivre qui a attaquée Nothar était gigantesque; elle était probablement de haut rang. On dit qu'elle n'avait pas de raisonnement et qu'elle agissait comme une bête infligée par la rage. Archlan et Schareilatra l'ont combattu sur le Perchoir de la Gardienne. Les habitants désiraient sa mort afin de s'assurer qu'elle ne revienne pas, mais ils refusèrent et la transportèrent ailleurs.

- Ça ne mentionne pas ce qui est arrivé à la vouivre?

- Tristement, non.

Une chanson résonna dans les oreilles des deux amies et invoqua de la joie dans leur cœur. Elle rappela à Azéna que ce soir, c'était le festival de la Passion durant lequel on fêtait Elysia, Mère de la lumière, de l'euphorie, de la chaleur, de l'amour et de la spiritualité. Partout où l'on croyait en Elysia, on honorait la déesse en se réjouissant de la vie et en s'amusant tout simplement. Les crimes étaient sévèrement punis durant les festivités. On ne tolérait aucune action qui menait à du conflit sous peine d'emprisonnement jusqu'à la fin de l'évènement et ce, peu importe les lois du royaume ou le statut de la personne concernée.

Azéna et Fayne levèrent les yeux en direction du centre-ville et un feu d'artifice monta au ciel pour finalement exploser en million de particules aussi brillantes que les étoiles, éclairant momentanément le paysage de multiples teintes chaudes. Des acclamations retentirent. Les deux jeunes dragonnières sourirent, heureuse du montant d'enjouement qui émanait de l'habituelle tranquille Nothar.

- C'est dommage que Buhrik et Tyrath ne puissent pas être présents, remarqua Fayne avec légère tristesse.

Au centre-ville, un immense feu contrôlé grandissait. Des gens dansaient autour du grand mur de flammes. Les danseurs n'étaient que des petites silhouettes mouvantes du haut du toit. La rebelle ouvrit la bouche, mais avant qu'elle ne puisse répliquer quoi que ce soit, un grognement de frustration l'interrompit.

- On ne peut pas avoir un moment de paix ici? vociféra une voix abîmée par l'âge. Dire que Nothar est reconnue pour sa tranquillité. Pah!

Azéna et Fayne baissèrent les yeux vers le chemin et identifièrent une vieille femme debout sur son balcon endommagé, bâton en bois à la main. Le visage d'Azéna se déforma sous les plis causé par son désagrément soudain.

- Oh... Ce bâton, murmura-t-elle. Tu te souviens de lui?

- Trop bien, répliqua Fayne en ricanant. Et la pauvre folle te courrait après et lorsqu'elle t'attrapait, elle te donnait une fessée en disant que Seigneur Kindirah était négligeant dans sa discipline.

- Elle n'était pas peureuse; osée frapper une dame.

- Je suis heureuse que ça ne m'est jamais arrivé.

- Ouais... Bizarrement, ce n'était jamais de ta faute.

- Je joue bien mon rôle de fille sage, expliqua Fayne avec un sourire empli de fierté.

Azéna roula les yeux puis, en affichant un sourire empoisonné par le désir de vengeance, elle agrippa Fayne par les épaules et la poussa légèrement, juste assez pour déclencher son acrophobie. La dragonnière bleue poussa un cri et par réflexe défensif, elle laissa tomber le livre afin de pouvoir s'accrocher aux tuiles du toit. Le livre passa à un pouce du visage de Gannia avant d'atteindre le sol.

Gannia leva les yeux et fronça les sourcils lorsqu'elle aperçut les deux amies. Sentant le danger, Azéna s'immobilisa. L'herboriste en profita pour vérifier si elle était toujours vivante en se tâtant le corps. Lorsqu'elle déposa sa main sur cœur battant, elle lâcha un soupir de satisfaction.

- Vous deux! s'exclama Gannia en frappant le sol avec le bout de son bâton. Descendez de là tout de suite sinon, j'appelle les gardes.

- Reste calme, c'est un prédateur que l'on connaît bien, chuchota Azéna à Fayne avant de monter la voix. Je ne fierais pas à eux si j'étais vous. Grâce au festival, ils sont probablement trop ivres pour se rappeler de leur devoir.

- C'est ce qu'on verra, rétorqua Gannia.

La vieille se mit en route vers la tour des gardes. Azéna en profita pour soulever le livre avec une brise qu'elle contrôlât avec un peu de discipline. Une fois à nouveau sur les jambes de Fayne, il cessa de bouger. Azéna se ressaisit en inspirant calmement. Gannia n'avait pas avancée très loin. Elle était lente.

Quelques instants plus tard, un jeune homme pressé tourna le coin de rue et faillit la heurter. Il s'arrêta et lui offrit ses excuses. Gannia l'ignora. Tout ce qui l'intéressait, c'était qu'il portait une arme et une légère armure.

- Vous êtes venu me débarrasser de ces deux-là! acclama-t-elle avec triomphe.

- Umm... Pas exact...

Le jeune homme fut interrompu par Gannia qui s'était mise à le pousser avec son bâton en direction de sa maison.

- Ça va, ça va, grommela-t-il en augmentant son allure afin d'éviter les coups de bâton.

Azéna et Fayne observèrent la scène avec ahurissement.

- Elle est complètement folle, dit Azéna.

Fayne hocha de la tête, entièrement en accord avec son amie.

Une fois devant la maison, Sérus se croisa les bras et fixa Azéna et Fayne avec une expression aussi froide que la mort.

- Azéna, dans quoi as-tu traîné Fayne encore? grogna-t-il. Le pauvre capitaine de la garde est venu me chercher en disant que tu as volé un livre de la bibliothèque de notre famille et ce malgré l'opposition de père.

- Relaxe le grand, dit Azéna avec malice.

Gannia abattit le bout de son bâton sur le pied de Sérus. Il glapit tel un chien qui venait d'être piqué par une abeille et se mit à sautiller pour atténuer la douleur. Azéna et Fayne ne purent retenir un rire. Fayne tenta de l'étouffer avec sa main, mais en vain.

- Mais vous êtes folle? rugit Sérus en se redressant. Savez-vous à qui vous vous adressez?

- Je ne suis pas folle, dit Gannia. J'en n'ai assez de vous... des enfants! Vous êtes si irresponsables et dépourvus de respect!

- Le grand héritier de l'aspérule blanche, se moqua Azéna. Où est ta couronne, ô frère?

- Je ne suis pas un roi, grogna Sérus sur le timbre impérieux d'un vrai roi. Je ne le serai jamais puisque père est un seigneur suzerain et non un roi.

- Ouais, c'est dommage que grand-père était un peureux et qu'il a céder Daigorn à Elthen. Tu aurais été un vrai prince si ça n'avait pas été de lui.

- Les sujets de Daigorn prennent toujours père comme leur véritable roi. De toute façon, je vais reconquérir l'indépendance de Daigorn quand je serai seigneur.

Azéna aida Fayne à descendre.

- Attrape-là.

Sérus termina la tâche en attrapant Fayne pour ensuite la déposée au sol. Azéna continua d'une voix teintée de sarcasme:

- Oh, je t'en prie. Indépendance mon cul. Après ça, il y a le Haut-Roi, le roi en qui tu dois ta dévotion. Tu crois vraiment que notre petite armée peut vaincre Elthen, Dètmor, Nëowalds et sans oublier les dragonniers réunis sous une bannière?

- Tu vas m'aider, ordonna-t-il. On va obtenir notre indépendance.

- As-tu oublié? Ma loyauté est avec les Gardiens. Il va falloir que tu gagnes leur faveur si tu veux mon aide. Demande à Gendrel et Ravon. Leur vie est consacrée à la recherche d'ennuis. De toute façon, tu aspires tout simplement le pouvoir. Pourquoi t'aiderai-je?

Alors qu'elle s'apprêta à descendre à son tour, un mouvement dans le coin de son œil attira son attention et elle s'immobilisa. Gannia lança un regard noir en direction de Sérus.

- Vous n'allez pas détruire la prospérité de ce royaume.

- Ce n'est pas votre affaire roturière, grogna Sérus en tentant de garder son sang-froid. Calmez-vous, vous n'avez pas de pouvoir sur cette décision.

- Je ne me calmerai pas! rugit Gannia. Pas tant que vous êtes ici! Partez, jeune canaille!

- Silence, vieille femme!

Avec gêne, Fayne examina le livre et le tapota avec délicatesse afin de le nettoyer de la poussière du chemin rocailleux. Azéna tenta d'ignorer les hurlements de la dispute entre Sérus et la vieille folle ainsi que du vacarme du festival et tenta de se concentrer sur sa recherche. Elle balaya les toits du regard avec attention.

- Azéna, tu serais sage de venir avant que je perdre patience, avertit Sérus.

Un autre mouvement attira l'attention de l'archère. Un individu bougea avec une rapidité étourdissante. Il s'élançait et sautait de toit en toit pour finalement faire halte sur la maison voisine de celle de Gannia. Il faisait trop sombre pour qu'Azéna ne puisse l'identifier.

- Il a quelqu'un là-bas.

- On s'en fout, grogna Sérus. Viens.

Azéna ne bougea pas.

- Mais c'est peut-être un assassin. Ça serait une parfaite occasion. Les gens sont distraits. Les gardes sont ivres. Facile de se faufiler dans la ville.

Sérus monta au toit tandis que Gannia se mit à vociférer que son problème ne faisait qu'empirer.

- Là-bas, dit Azéna en pointant l'individu du doigt.

L'étranger n'avait pas bougé. Encapuchonné, son visage était voilé dans l'obscurité, masquant la plupart de ses traits faciaux.

- Qu'est-ce que c'est? demanda Sérus en plissant les yeux. Je n'y vois rien.

- Je ne sais pas, mais il est trop rapide pour être humain, informa Azéna.

- Tu as de bons yeux si tu peux le voir. Ce pourrait-il que ce soit un elfe?

La silhouette aurait pu être confondue pour un humain. Ce, jusqu'à ce qu'une longue queue tomba de sa cape à capuchon avec laquelle il s'était enveloppé. Il posa son regard sur Azéna et Sérus, puis il frotta son index et son pouce ensemble, ceux-ci munis de longues griffes crochues.

- Décidément, j'avais tort, dit Sérus. Que fait-il?

- C'est encore lui, murmura-t-elle en fronçant les sourcils.

- Tu l'as déjà rencontré?

Azéna hocha de la tête et empoigna son arc avec douceur. Elle évita tout mouvement brusque et malgré sa prudence, la créature détala si rapidement que l'archère n'aperçut qu'une silhouette abstraite se faire avaler par l'ombre.

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