Brad#26 - Une brèche dans la réalité

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NDLA

Voici le point de départ de ce texte : https://www.scribay.com/text/1009945730/adieu-la-tranquillite

***

— Vous ne devriez pas ouvrir cette porte, me retint l’enfant. Tant qu’on n’ouvre pas, il est possible qu’il disparaisse.

— Qui ?

— Je ne sais pas trop. Mais ma mère m’a toujours dit que les fées ne peuvent exister sinon les vampires et les méchantes sorcières le feront aussi. Et mon Polo s’est transformé en une Ariel.

Je tentais de rendre logique la situation improbable. Une bourrasque me frigorifia.

« Procédons avec méthode » me dis-je. J’appuyais sur la télécommande murale et le volet se referma bloquant le vent d’octobre.

— Et voilà ! M’exclamais-je, fière de moi.

— L’autre est reparti aussi, me sourit en retour le jeune garçon.

— Je reviens dans cinq minutes.

Je revins vêtue d’un épais jogging et d’une polaire défraichie. Le contact étrange de la sirène sur ma peau m’avait congelée. Le gamin étant également trempé, je lui ramenais également un plaid, faute de vêtements à sa taille.

Un brusque salto de la sirène me ramena au réel irrationnel de la situation.

— Peux-tu m’expliquer tout ça ? Demandais-je en écartant les bras.

— Je peux essayer. Je suis ce que les adultes appellent un geek. Je lis beaucoup de littératures imaginaires, regarde des séries SF ou zombiesques, lis tous les mangas que je trouve et je code aussi un peu.

— Code ?

— Oui, j’écris du code informatique. Je bidouille des applis.

— Okay, okay, tu as une adolescence bien remplie. Peux-tu aller à l’essentiel s’il te plait ? Quelque chose comme un motif pour être dans mon salon, avec une sirène sexy et flippante à la fois, et en ayant explosé ma fenêtre.

— Je suis désolé pour la fenêtre. Une erreur bête. J’ai mis OpenRT sans %.

Le vide absolu dans mon regard dût l’alerter.

— Si j’avais mis %, la poussée sur la poignée aurait été pondérée. Je crois. Je débute en magie informatique.

Je me giflais vertement. Ma tête valsa à gauche. Bigre ! Ça faisait rudement mal.

Le gamin se rencogna au fond du canapé et marmonna en regardant discrètement sur son téléphone.

— Qu’est-ce que tu dis ? Demandais-je en apaisant la chaleur de ma joue avec mes mains toujours glacées malgré la polaire.

— Euh, rien, rien, je vérifiais si j’avais correctement tapé ma requête pour aboutir chez vous.

« Procédons avec méthode », tentais-je encore de me convaincre. « Ceci n’est pas un rêve. La douleur en est la preuve. »

— Je ne comprends actuellement rien de ce que tu dis. Je te propose de passer à la cuisine et que tu reprennes doucement depuis le début. Allez, viens !

Je jetais un œil à la petite sirène. Elle ne pouvait pas nous accompagner. Je posais la main sur la porte de la cuisine quand un grand barouf se fit entendre à l’intérieur. Le gosse se plaqua contre le mur au moment où j’ouvrais tout de même la porte.

La scène était burlesque et onirique. Le trop plein d’émotions monta au cerveau et j’éclatais d’un rire tonitruant. Le garçon me poussa pour voir l’origine de se rire et me rejoignit en se tenant les côtes. Une licorne rose pâle avait réussi à introduire sa tête dans la cuisine et grignotait les pommes de mon panier à fruit. Nous mîmes plusieurs minutes à redescendre de ce nuage bidonnant.

Devant un chocolat chaud et des cookies, Alphonse m’expliqua tant bien que mal qu’il avait créé une appli pour exaucer ses vœux et que tout avait mal tourné. Il l’avait fini vers 3h du mat’, puis, grillé par sa mère, était parti se coucher. Là, il avait rêvé et tout avait dérapé. Son poisson rouge Polo avait été remplacé par une sirène, probablement parce qu’il avait regardé un replay avec sa mère : une vieille série avec trois sorcières.

— Phoebe, l’une des sorcières, s’est changé en sirène dans un épisode et elle était trop trop bonne ! Belle, je veux dire… J’ai un peu pensé à elle avant de dormir, admit-il en rosissant de jolie manière.

J’hésitais à l’interrompre pour lui parler de respect des femmes etcetera, seulement je voulais comprendre. Je m’abstins, temporairement et lui fis signe de poursuivre. Il m’expliqua que pour retrouver Polo, son poisson, il avait utilisé à nouveau son appli trois fois. Une pour comprendre. Une autre pour trouver la solution. La dernière pour atterrir au bon endroit.

Il m’expliqua, très penaud, qu’il avait déchiré la réalité et que l’imaginaire pouvait désormais s’y infiltrer. La solution était de refermer cette brèche.

« Et voilà, pourquoi je suis ici. Vous savez inventer des histoires et là, il faut en inventer une rapidement, avant que quelque chose de terrible ne s’introduise dans la réalité » bredouilla-t-il. « Je crois que la licorne est lié à ma deuxième utilisation de l’appli. Ma petite sœur est fan de Mia et moi, un dessin animé avec des licornes justement. J’en ai vu un bout hier au petit déj’.»

Le café tempêtait dans mes veines. Une vague de compréhension écrasa mon cerveau. Je me penchais vers lui et le pressais :

— Dis-moi tout ce que tu as regardé entre la licorne et ton coucher STP ? En lien avec l’imaginaire bien sûr. Et en m’expliquant le sujet en une phrase.

— L’attaque des titans, des géants qui mangent les humains. Tokyo Goulh, des goules qui mangent des humains. J’ai aussi joué à un jeu de zombies. Ah oui, en ce moment je lis Entretien avec un vampire, pour le collège.

Je m’adossais à ma chaise, chassant d’une main la licorne qui quémandait une caresse, les méninges turbinant furieusement. Alphonse finit par me tapoter la main, comme un vieil homme qui voudrait rassurer une petite fille. Que j’étais au fond de moi en pensant que la troisième utilisation de l’appli allait prochainement se manifester et qu’elle serait forcément…Terrifiante, au bas mot.

« Madame, euh, Symph’, tout va bien se passer. Mon appli a dit que vous étiez la solution. Il faut juste remettre tout le monde à sa place, récupérer mon poisson, refermer la déchirure de la réalité. C’est facile pour vous. Dites-moi où se trouve vos feuilles et un crayon. »

Le visage livide, je tendis la main en direction du tiroir dont il sortit quelques feuilles blanches et un Bic bleu. Il posa le tout devant moi et me regarda avec une confiance absolue.

— N’oublierai tu pas un petit quelque chose ? Dis-je, la voix enrouée. Je n’ai…

Il jeta au sol son téléphone portable et sauta dessus à pieds joints. Le craquement de l’appareil résonna étrangement. La luminosité sembla brusquement baisser.

— Oui, oui, je sais. Il fallait détruire l’application. Elle était dans mon téléphone, sans copie sur le Cloud. On est bon. A vous ! Je vais attendre avec la sirène pour que vous puissiez vous concentrer.

Il quitta la pièce à grand pas confiants. La licorne hennit soudain et quitta ma fenêtre. Des bruits venaient du dehors. Un rire sinistre retentit non loin. Je pris une profonde inspiration et traçait ces quelques lignes :

« Heureusement, tout ceci n’était qu’un conte car jamais personne au monde ne créa ou crééra une telle application. Alphonse se réveilla en sursaut et risqua un œil vers l’aquarium pour y trouver son ami Polo, qui le fixait drôlement. La journée s’annonçait superbe. Il irait probablement faire du skate avec un ami.»

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