Brad#13 - Retrouvailles

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La ligne des sourcils et le menton étaient les siens. La certitude lui avait tordu les boyaux. Il n’avait pas eu le temps de la détailler d’avantage. C’était elle.

Il était revenu chaque jour de la semaine sur le parking du Super U. Elle était repassée le vendredi. Pantalon en toile et chemisier noir à manches longues, elle était plutôt classe. Il l’avait suivie dans les rayons. Kiri, petits suisses, bonbons. La douleur et la rage s’étaient disputées son cerveau lorsqu’il avait compris. Les courses d’une famille. Elle avait refondé une famille. Elle était loin de l’épave de ses souvenirs. Il lui avait rincé le visage plein de vomi, avait volé pour elle, avait… Et elle se baladait, peinard, comme une princesse. Il s’aperçut dans un miroir antivol : Hirsute, le short et le t-shirt défraichis. Pas une tenue pour faire bonne impression. La rencontre attendrait.

Il la suivit à dix bornes du magasin, vers un lotissement à la lisière de la ville : petite maison avec jardinet pour madame. Maintenant qu’il l’avait logée, il pouvait rentrer chez lui et se préparer. Il prit une longue douche, regardant avec dégoût l’eau qui ruisselait sur ces cicatrices et sa marque de propriété. Sa psy lui avait proposé de prendre rendez-vous pour effacer « son marquage pour bestiaux » comme il l’appelait, pour l’aider à se ré-humaniser. Il n’avait pas pu. Il avait arrêté la thérapie, encore. Comprendre n’était pas effacer. Aucun psy ne le comprenait jamais.

Trois jours, il patienta dans sa voiture, changeant de rue pour ne pas être repéré par des voisins trop curieux. Il voulait un moment parfait. Il se coupa une fois en se rasant face au rétro. Il y vit un signe : c’était le bon jour. Il sonna à la porte à 14h30 le samedi. Son compagnon venait de quitter le domicile, avec une jolie petite fille au dos muni d’ailes de papillon, avec un gros cadeau dans les mains. Elle ouvrit en disant :

« Tu as oublié quelque chose ? Ah ! Pardon. Bonjour.

— Bonjour.

Elle le regarda tandis que, lui, la scrutait intensément.

— Euh, vous avez besoin de quelque chose ? Hésita-t-elle

— Ah, maman, j’aurai eu besoin de tellement, déclara-t-il.

Elle blêmit et une lueur de compréhension traversa son regard. Elle fit un pas en arrière, il fit un pas en avant, bloquant la fermeture de la porte.

— Qui, qui êtes-vous ?

— Allons, tu avais beau être shootée quasi non-stop, tu ne reconnais pas ton fils ?

Elle recula, tandis que l’inconnu entrait chez elle, refermait calmement la porte et la toisait froidement. Devant son silence, il poursuivit :

— Rappelles toi : un petit garçon de cinq ans qui veillait sur sa maman junkie et qui l’aimait plus que tout.

Elle tendit la main, en secouant la tête.

__ Ulysse ? Tu étais réel ? Non, ce n’est pas possible.

L’homme saisit son poignet, la tira vers lui, la renifla, puis la repoussa et lui assena une violente gifle.

—Tu ne sens plus pareil. Alors, tu m’as pris pour un personnage imaginaire ? Tellement plus facile. Tu te souviens maintenant ? Tu veux que je te parle de ma réalité ? Celle où ta mère te laisse à des trafiquants de gosses pour s’offrir sa dose ? Elle devait être bonne car tu n’es jamais revenu me chercher. J’ai longtemps espéré. J’ai tant à partager avec toi. Viens donc me faire un câlin, maman.

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