Brad#10 - Malfaisante - Partie 3/3

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L’aperçu est furtif car déjà un vertige saisit Louise. Les voilà, Hlìn et elle, témoins d’un passé plus lointain. La future madame Marteau a tout au plus douze ans. Elle est assise à côté d’un homme sombre, avec une posture réservée. Le seul autre élément clairement défini de la scène est un adolescent de quelques années son ainé, blond, à la carrure bien développée. Il tournoie au milieu de la scène. Il va de bras en bras. Toutes les jeunes filles, aux visages effacés, rient à gorge déployées et aucune ne se refuse à cette danse échevelée. Visiblement, elle voudrait les rejoindre. La main de son père s’abat sur sa cuisse au premier mouvement qu’elle fait pour se lever.

Nouveau vertige, la fille a autour de quinze ans. Le jeune homme, dont Louise a compris qu’il est son propre père, est appuyé contre un arbre et lui compte fleurette, observant avec un plaisir à peine déguisé la silhouette gironde. Une voix tonne et la jeune fille se hâte avec une moue craintive. Le jeune homme pousse la porte du bar.

La saison change. La jeune femme s’éloigne du village en fête en tenant le père de Louise par la main. Il lui murmure à l’oreille. « Tu es magnifique. Bientôt, je demanderai ta main à ton père. Je serai le plus chanceux des hommes. Laisse-moi caresser ta peau ce soir. » « Il ne faut pas » « Allons, tu m’as toi-même avoué que tu n’es plus vierge ». La jeune femme tressaille. « Laisse-moi remplacer tes mauvais souvenirs par notre amour. Je te ferai découvrir ce qu’est le plaisir ». La jeune femme acquiesce.

Autre soirée. Le couple se querelle. L’homme a visiblement bu quelques verres.

  • Tu m’avais dit que tu demanderai bientôt ma main. Pourquoi m’évites-tu depuis trois semaines ?, demande la jeune femme d'un ton peiné.
  • Tu m’as dit que tu ne voulais plus le faire, répond-il sans émotion
  • Et du coup, tu ne me regardes plus. Ne m’adresse plus la parole. Je ne compte plus pour toi ?
  • Mais non. Que vas-tu imaginer ? Je vais m’en occuper. Cette semaine. On passe un petit moment ensemble avant ? ».

Et la jeune femme éprise cède avec joie.

Autre scène. La jeune femme, le visage tuméfié, sanglote. Un homme hurle : « Enceinte ! Tu es enceinte ! Comme ta mère, tu n’as pu attendre le mariage, hein ?! Tu croyais quoi ? Que j’éduquerai un nouveau bâtard. Je ne peux pas faire d'enfant et vous croyez que je vais nourrir le résultat de vos turpitudes ! Ah mais non ma fille. Puisque je ne t’ai point satisfait, je vais te trouver un mari à la mesure de ta décadence. »

La jeune femme épie son ancien amoureux. Il discute avec une femme très pâle, aux immenses cheveux bruns. Deux solides gaillards sortent du bar. Ils aperçoivent l'espionne et la suivent quand elle repart. Dès qu’elle sort du village, ils commencent à lui crier des piques « T’aurai pas grossi George. C’est pour ça que Simon préfère la nouvelle ? Il a bien raison. Et t’as pas perdu de temps pour le remplacer en plus. Parais que tu te maries avec le Caron. Punaise, son dernier fils a deux ans de moins que toi. Bah ! C’est pas étonnant hein ! Simon nous a dit que tu aimais ça les vieux. T'es vraiment une vicelarde.» La jeune femme se met à courir sous les rires puis trébuche et s'effondre en larmes.

Jour de mariage. Un témoin chacun uniquement. Pour elle, c’est son père. Son mari a un visage âpre et sa grande connivence avec son père l’inquiète. Le soir des noces est là. Son mari lui arrache sa tenue de nuit sans façon et la prend à même le sol en lui bâillonnant la bouche. Il jouit à deux reprises avant de la relâcher. Elle passe le reste de la nuit aux toilettes, en sang. Elle a perdu le bébé.

La vision vole en éclat. La Déesse observe Louise avec surprise.

— Le voyage n’était pas fini, affirme-t-elle.

— Ce voyage n’a aucune importance. Elle a fini par se débarrasser de son mari et épouser le fils d’un propriétaire terrien. Cela a fait d’elle une femme respectée et exécrable. Fin. Son histoire familiale et le fait de s'être librement offerte à mon père hors mariage ne justifient absolument pas ce qu’elle a fait subir à ma mère puis à moi. Je peux la tuer maintenant ?

Hlìn hausse les épaules et tend la main derrière son dos. Elle la ressort munie d’une lance courte. Une rune se répète tout le long du manche et la lame scintille.

— C’est ta décision, observe la Viking. Permet moi néanmoins de te transmettre l’arme que mérite ton sang. Ne la tue pas avec le pouvoir offert par Moloch. Utilise ce qui te revient de droit. Ainsi tu ne tomberas pas entre ses mains.

Louise n’hésite pas. Sa rancœur et cette arme se parlent. Elles se reconnaissent. Elle l’empoigne et transperce le corps de la femme endormie.

Aussitôt Moloch apparait, un grand sourire aux lèvres.

« Louise, Louise, je savais que tu saurais saisir la chance que je t’ai offerte, clame-t-il.

— Tu te trompes Moloch, rétorque Hlìn glaciale.

A ce moment, le mur de la chambre disparait et un immense loup se jette sur Moloch. Le Prince du pays des Larmes se retrouve plaqué au sol comme un vulgaire voleur. Un froid vif s’insinue dans la pièce. Du vide dont a surgit le loup, émerge une vision cauchemardesque. Une femme dont une part du corps est bien vivant et qui serait belle si la deuxième moitié n’était pas en état de décomposition avancée. De sa main à la chair pendante, elle caresse la tête du loup.

— Bien Fenrir. Très bien. Cette chose est à sa place. Elle a essayé de prendre ce qui ne lui appartient pas.

Louise est tétanisée. Hlìn salue la nouvelle venue.

— Déesse Hel, je te remercie d’avoir fait le voyage. Le dernier sang de Tyr réintègre J’aurais aimé que la jeune femme choisisse la vie.

Hel n’adresse pas un regard à la Déesse de la Consolation. Le regard rivé sur la meurtrière, elle tend sa main de chair à Louise :

« Enfant de Tyr, rejoins moi. Tu as pris une vie sans gloire et sans raison. Ta place est à Niflheim. Tu t’y sentiras chez toi puisque les ténèbres t’habitent déjà. »

Hel, Déesse des Morts et des neuf Mondes Infernaux se met à rire et à ce son terrible, le cœur de Louise cesse de battre.

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