Brad #9 - Malfaisante - Partie 2

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Soudain l'air se distend entre Moloch et l'âme prête à cueillir. Puis se solidifie sous la forme d'une grande femme, blonde, nattée et étrangement vêtue.

« Moloch, salue-t-elle de la tête, cette âme n'entrera pas dans le cercle de vos Enfers.

— Hum, marmonne-t-il un rictus méprisant aux lèvres, laquelle de ce fatras de déesses oubliées es-tu donc? Blonde, nattée, musclée et dépourvue de charme : Une Nordique, n'est-ce pas?

— Je suis Hlìn, Déesse de la consolation, suivante de Frigg, reine des Ases, déclame une voix rauque et glaciale. Et vous n'êtes qu'une vague dans une mare comparée à la puissance d'un vrai Dieu.

— Je suis un prince des Enfers ! , s’emporte le démon.

— J'ai protégé le grand Odin de son fils renégat Loki. Vous n'êtes rien, réaffirme froidement l’apparition.

— Cessons cette énumération de nos hauts faits. Cette âme s'est engagée sur la voie d'un pacte avec moi. Et son ardeur me plait.

— Son ardeur lui vient de ses ancêtres vikings. Elle est de la lignée de Tyr, Dieu du ciel et de la guerre.

— Alléchant. C'est donc de là que vient son regard enflammé par l'idée de la vengeance et du meurtre.

Il se lèche ostensiblement les lèvres. Hlìn lève la main et le ciel se couvre instantanément de nuées sombres. L'écho d'un orage retentit.

— Allons, allons, déesse d'antan. Ne nous querellons point. De nos jours, le libre arbitre des hommes existe. Je te propose un jeu, se réjouit-il. Puisque je l'ai quelque peu influencée, je vais lui offrir les moyens de la vengeance. Et toi, tu pourras essayer de la convaincre que l’assouvir est une mauvaise idée. Nous verrons bien ce que l'enfant divin décidera.

Il éclate de rire et disparait en laissant une odeur de soufre pendant que Louise s'écroule au sol, secouée de spasmes.

**

A son réveil, une main fraiche caresse la joue de Louise. Elle décide de garder les yeux fermés, encore un peu.

« Enfant, feindre le sommeil ne t’apportera qu’un soulagement de courte durée, à toi qui envisages d’offrir ton âme en pâture à mille souffrances pour l’éternité » murmure une voix rauque.

Louise se relève lentement et détaille la créature qui l’a consolé comme une mère. Elle comprend que cette femme est autre : sa peau irradie une lumière blonde et son corps dégage une puissance légèrement effrayante. Pourtant son regard est apaisant, droit, dénué de pitié ou de mesquinerie. Un regard que Louise a rarement l'occasion de croiser.

« Je suis Hlìn, Déesse de la consolation et je suis venue à toi pour t'éviter de sombrer dans les Enfers du Dieu qui se prétend unique. Là n’est pas ta place. Ton sang est fort et précieux. Une de tes ancêtres a été fécondée par Tyr, le Dieu du ciel et de la guerre pour les peuples vikings. »

Louise, encore engourdie, ne comprend pas vraiment en quoi tout cela la concerne. Tenter d’y réfléchir la ramène un peu plus tôt devant l’église et elle sent une brutale colère l’envahir. Pour l'extérioriser, elle ne peut que frapper le sol de son poing. La terre se fragmente sous l’impact et une pluie de poussières retombe. Un cratère de quarante centimètres s’est formé. Louise, sidérée, regarde sa main sans égratignure.

— Qu’est-ce qui…

— Moloch t’a donné les moyens de te venger de ton passé. Je suis venue m’assurer que tu ne tomberas pas dans sa vision de l’Enfer et te proposer un avenir.

Un sourire mauvais s’affiche sur le visage de la jeune femme.

— Je t’accompagne, affirme Hlìn.

Sachant que refuser est inutile, Louise exige :

— Tu n’interviendras pas.

— Non. Lorsque tu auras pris une ferme décision, je te laisserai la mener à son terme. Je vais même te montrer comment utiliser les pouvoirs de ton sang pour approcher ta victime. A une condition…

— Elle n’est pas une victime, s’insurge Louise. Elle est un bourreau. Celui de ma mère d’abord. Elle s’est assuré qu’elle soit traitée toute sa vie en étrangère, alors qu’elle a vécu trente ans dans ce village. A cause d’elle, j’ai toujours été montrée du doigt, entourée de murmures malveillants.

— Souhaites-tu entendre ma condition ?

— Tu es une Déesse. Qui puis-je ? Tu vas me l’imposer quoi qu’il arrive, grommèle Louise.

— Exact.

La Viking se tait.

— Je t’écoute, soupire Louise.

— Tu devras revivre les souvenirs marquants de la vie que tu souhaites écourter.

— Quelle chance ! Maugréé la jeune femme.

Une fois devant la forge, Louise se tourne vers sa gardienne et lui demande « Eveille mon sang si tu ne veux pas que je démolisse sa maison à mains nues ».

Hlìn la prend avec douceur dans ses bras. Louise tente de s’extraire de l’accolade, sans succès. Les bras de la Déesse sont durs et froids comme du marbre. Soudain, elle a chaud, très chaud. Sa peau la brûle, ses entrailles bouillonnent. Puis Hlìn la relâche et rien ne semble avoir changé.

« Et maintenant ?

— Décides que tu veux être au pied de son lit, lui enjoint la Déesse.

Louise ferme les yeux et visualise le visage bouffi, les cheveux gris reposant sur l’oreiller. Une légère nausée la saisit. L’odeur a changé. Une odeur lourde de respirations nocturnes. Elle ouvre les yeux pour découvrir à portée de mains le visage honni, couvert d’un bonnet de nuit. Aussitôt, elle lève le poing et l’abat sur madame Marteau. Son bras passe à travers le corps sans créer le moindre mouvement d’air.

Elle sent la présence d’Hlìn derrière elle.

— Misérable ! Que m’as-tu fait ? S’indigne-t-elle.

— J’ai posé une condition, rappelle-toi. Je n’allais pas te laisser occire ta victime avant d’avoir rempli ta part du contrat.

Louise trépigne comme un enfant en colère puis s’apaise. Elle coule un regard acéré vers Hlìn et réclame :

— Soit. Finissons-en.

La seconde d’après, elle se retrouve devant une jeune femme en larmes, avec en arrière-plan deux vigoureux paysans qui ricanent comme après un mauvais coup.

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