Chapitre 2

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J'arrive en courant dans une ruelle déserte, silencieuse et peu éclairée. Je n'aime pas trop traîner seule à cette heure, dans les rues de Boston. Même si je connais bien l'endroit où je me trouve, et que je sais que je ne risque rien, je suis une femme seule. Ne l'oublions pas. On ne sait jamais ce qui pourrait arriver.

Mes talons hauts, qui claquent sur le béton, résonnent, rompant le silence pesant qui règne dans cette petite rue. À bout de souffle, je m'arrête. Je me penche en avant puis je pose mes mains sur mes cuisses pour souffler. Je mets quelques secondes à récupérer de ma course depuis la boutique, qui pourtant, n'est qu'à quelques kilomètres d'ici.

Je me doutais que ce n'était pas une bonne idée. J'aurais dû prendre la voiture. Cependant, ça m'apprendra à ne pas vouloir faire de sport. Même si ça m'arrive de temps à autre, je n'en fais pas assez, visiblement.

Je me redresse difficilement avant d'attraper la poignée froide de la porte en fer. Je tire avec force pour l'ouvrir, mais encore une fois, je manque de tomber. Elle pèse une tonne et mes talons de dix centimètres n'arrangent rien.

***

J'entre dans le couloir en essayant de maintenir la porte comme je peux. Je jette un rapide coup d'œil et aperçois quelques visages familiers qui attendent, appuyés contre le mur. Je laisse la porte se refermer toute seule tandis que j'attrape les rebords de ma veste en jean. Je couvre ma poitrine en les rabattant puis je croise les bras fermement pour retenir contre moi.

Il fait toujours autant froid de canard ici. Cette coursive est agréable en été lorsqu'on recherche la fraîcheur, mais en hiver, c'est une vraie glacière. J'ai toujours l'impression que je vais finir congelé sur place.

— Bonsoir, salue-je les lèvres tremblantes.

La fumée qui sort de ma bouche montre que la température ne doit pas dépasser les cinq ou six degrés. Je souris en réponse des signes de tête polis que l'on me renvoie alors que j'atteins l'entrée de la salle. La différence de températures entre les deux pièces se fait vite ressentir lorsque je passe la porte, ce qui m'incite à lâcher immédiatement ma veste. Je regarde en direction des chaises positionnées en forme de cercle au milieu de la grande pièce vide. J'entrevois des visages fidèles, bien sûr, mais aussi des nouveaux qui, sans doute, viennent ici pour la première fois.

Je n'ose même pas imaginer ce qu'ils doivent ressentir. Je sais ce que ça fait. J'y suis passé aussi. Je sais à quel point c'est difficile et éprouvant d'être dans ce genre d'endroit, à s'exprimer, à avouer nos péchés devant les autres. Je me souviens de ma première réunion, j'étais très anxieuse à l'idée d'expliquer ce que qui m'étais arrivé. J'avais peur aussi. Peur de ce que les gens penseraient de moi, mais j'ai vite compris que je n'avais rien à craindre. Les personnes qui se trouvent ici ne vous jugent pas. Nous sommes tous égaux dans cette pièce, peut importe votre métier et votre classe sociale. Tout le monde est dans le même panier.

Je n'ai que quelques mètres à parcourir pour atteindre ma place habituelle. La première chaise près de la porte. Je regarde en direction de Carmen, assise sur la chaise d'à côté, la tête penchée dans son bouquin. Elle est tellement absorbée par ce qu'elle est train de lire, qu'elle ne me remarque pas.

Carmen était déjà là avant que je ne commence à venir ici. Je la trouve particulièrement sympathique. Elle a environ la cinquantaine, toujours extrêmement élégante et bien maquillée. J'aimerais vraiment être comme elle a son âge. C'est grâce à elle si je me suis trouvé tout de suite à ma place. Elle a su trouver les mots pour me rassurer et me mettre à l'aise. Et je dois dire, qu'à force de conversation, une petite complicité à pris place entre nous et j'en suis ravi.

Je fais glisser les lanières de mon sac le long de mon bras avant de les déposer sur le dossier de la chaise. J'enlève ma veste et la plie en scrutant les petits nouveaux qui viennent d'arriver. Je la faufile sur mon sac et je ne manque pas de faire grincer le bois de la chaise, sous le poids de mes fesses, lorsque je m'assois. Je grimace.

— Oh ! Bonsoir Selina. Je ne t'avais pas vu, s'exclame Carmen, surprise.

Je tourne la tête sous cette petite voix stridente, mais tellement adorable. Un large sourire s'affiche sur son visage.

Je ne sais pas pourquoi, mais son sourire me met toujours de bonne humeur.

— Bonsoir Carmen, réponds-je le sourire aux lèvres.

Elle retire ses lunettes d'un geste bref puis referme rapidement son livre avant de se pencher vers moi.

— Alors, ça y est, chuchote-t-elle. La première année est passée, félicitations.

— Merci, souris-je. Dis-moi, tu connais les petits nouveaux ?

— Non. Jamais vu.

Je lui réponds d'un signe de tête tandis qu'elle se redresse sur sa chaise. Je balaie la salle du regard jusqu'à ce que j'aperçoive Jessica, au fond de la pièce, visiblement très intéressée par les documents qu'elle tient dans ses mains.

Jessica est une fille captivante et très attentionnée aux autres. Elle me fascine. Elle s'implique dans son travail de psy et le démontre à chaque fois. J'ai faits sa connaissance ici même. À vrai dire depuis que j'ai commencé les réunions d'aides. Ça fait un an, maintenant. Elle est devenue plus qu'une psychologue pour moi. C'est ma meilleure amie et ma confidente.

Soudain, elle jette un coup d'œil à sa montre puis pose le tas de feuilles, qu'elle tient dans ses mains, sur le petit bureau en bois, en face d'elle. Je la suis du regard au moment où elle décide de rejoindre le groupe.

C'est une fille est assez jolie. Blonde, yeux verts et taille mannequin. Ce que je lui envie d'ailleurs. Sa robe à fleurs, style année soixante, lui va divinement bien. Elle est fan de cette période et toute sa garde-robe n'est que robe à bustier ample, petits escarpins à talon carrée, queue de cheval ou chignon, et maquillage façon Pin-up. Mais ce que je préfère, ce sont ses grosses lunettes noires qui donnent une touche de modernité à ce style atypique. Bon certes, il est complètement décalé avec sa personnalité, mais c'est ce qui fait son charme.

— S'il vous plaît ! On va commencer, si vous voulez bien ! Crie-t-elle en regardant en direction du couloir. Je vous invite à venir vous assoir !

J'observe avec attention, les dernières personnes venant du couloir s'installer tandis que Jessica prend place sur sa chaise.

Il y a très peu de place vide, ce soir. Je dirais que nous sommes une dizaine. Une dizaine d'individus à supporter le même fardeau.

— Très bien, commençons. Je vois qu'il y a pas mal de nouvelles personnes parmi nous, aujourd'hui, donc laissez-moi me présenter. Je suis Jessica Davis, la psychologue qui anime ces réunions. Sachez que nous sommes ici pour parler, pour discuter de votre problème en toute confiance et sans jugement. Donc n'ayez aucune crainte à prendre la parole, nous vous écouterons et essaierons de vous aider au mieux tout au long de votre passage ici. Cela dit et avant de passer à autre chose, poursuit-elle, j'aimerais que nous mettions quelqu'un à l'honneur, ce soir.

Je m'enfonce lentement dans ma chaise et me recroqueville comme je peux, sachant très bien que c'est de moi dont il s'agit.

De toute façon, je m'en doutais un peu. Je ne pouvais pas y échapper. L'idée de devoir prendre encore une fois la parole, me terrifie. Ressasser le passé ne m'enchante guère, mais je n'ai pas le choix, c'est comme ça. Et puis, je suis ici pour ça de toute façon.

— Ashley, sourit-elle en me regardant.

Je lui souris timidement.

— Cela fait maintenant un an aujourd'hui que tu es parmi nous. Alors, j'aimerais te dire que je suis fière de toi. Que nous sommes fiers de toi, fait-elle en montrant l'assemblée d'un geste de la main, pour le travail que tu as accompli jusqu'à présent. Applaudissons-la, s'il vous plaît.

Les applaudissements de l'auditoire m'encouragent à me redresser sur ma chaise. Malgré mon stress, je prends sur moi et leur lance un petit rictus.

— Merci, dis-je d'une voix timide

Je détourne le regard vers Jessica, qui applaudit fermement en souriant. Je lui rends son sourire et lui attrape volontiers la main qu'elle me tend. Je ressens la fierté et l'amitié qu'elle porte à mon égard lorsque ses doigts enveloppent les miens pour les serrer.

Finalement, je suis fière, moi aussi. Toutes ces douleurs et ces angoisses endurées pendant l'année qui vient de s'écouler. Je ne veux plus revivre ça. C'est un combat trop difficile. Je ne souhaite ça à personne, même pas à mon pire ennemi. Mais je sais que je ne suis pas à l'abri de replonger. Personne, dans mon cas, ne l'est.

Jessica me lâche la main pour se redresser.

— Selina, tu veux bien nous parler de ton expérience, s'il te plaît ? Même si je sais que la plupart d'entre vous la connaissent déjà.

Je balaie du regard l'assemblée, qui a les yeux rivés sur moi, et qui attend patiemment que je raconte mon histoire. Je prends sur moi quelques secondes. Je prends une grande inspiration avant de me lancer.

— Bonsoir, je m'appelle Ashley Miller et je suis une ancienne sex addict.

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