23. Fuite.

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Devant les ruines de la taverne de l'Ours Endormi, s'était agglutiné un petit troupeau de "vautours", avides de ragots, de sang et de sensationnel qui mettraient un peu de piment dans leur vie pathétique. Bien évidemment en aucune façon ces badauds n'étaient là pour secourir les victimes encore ensevelies sous les décombres. Ils voulaient juste goûter et se nourrir de leur malheur pour le recracher sous forme d'une jouissance malsaine. Le bâtiment était éventré et s'était répandu au pieds des voyeurs. Kjeld, le visage tuméfié, arpentait les débris à la recherche de survivants et d'Acilla. De ci delà des cadavres jonchaient le sol mais aucune trace de la mère de Selenn.


***


Pour qui ne connaissait pas la ville de Stannarg, celle-ci pouvait se muer en piège. Les rues, venelles, ruelles et impasses formaient un véritable labyrinthe dans lequel certains demeuraient prisonniers jusqu'à ce que la mort les délivrent. On les appelait les errants. La légende racontait que la Cité des Larmes se nourrissait de leur tristesse et de leur mélancolie pour les déverser dans les fontaines de Stannarg. 

Au milieu de ce dédale, une jeune femme fuyait. Selenn voulait s'éloigner le plus possible de Kjeld et de sa mère. Le poison de leurs paroles lui était insupportable. Plus personne ne se mettrait en travers de sa route. Auxane lui montrerait la voie et un jour sa petite sœur lui serait rendue.


***


Kjeld inspectait minutieusement chaque parcelle de la taverne quand il découvrit son ami, Metgos le propriétaire des lieux, mort. La gorge serrée, il s'assit sur le sol et toucha le front du tavernier. Il entendit alors un faible gémissement. Il se retourna et vit Acilla. étendue, une jambe coincée sous une poutrelle. Il parvint à la dégager facilement. La blessure était sérieuse, l'os était visible parmi les chairs à vif. 

- J'ai très mal Kjeld. 

Elle tremblait.

- Je ne vais te mentir Acilla, ta jambe est en très mauvais état. Surtout ne bouge pas.

Kjeld apposa sa main sur la plaie.

Rapidement une chaleur apaisante envahit Acilla. La douleur endormie, elle retrouva ses esprits.

- Où est ma fille?

- Disparue, lui répondit le mage d'une voix dépitée.

Acilla s'affola.

- Il faut la retrouver!

- Merci Acilla, je sais ce que j'ai à faire.

Une pointe d'agacement était perceptible dans la voix de Kjeld. Ce n'était pas contre la pauvre Acilla. C'était contre lui. Il avait échoué. Les conséquences de sa débâcle suivraient rapidement.

- Elle va faire des dégâts.

- Oui je sais. Tout est de ma faute. Je vais m'occuper d'elle après vous avoir transporté en lieux sûrs.

Le mage s'agenouilla.

- Mettez vos bras autour de mon cou. Je vais vous porter. Il faut soigner votre jambe.

Kjeld sortit des ruines, la neige avait cessé de chuter. Les badauds s'étaient dispersés, l'heure du dîner était proche et surtout "Ils" étaient déjà là. On les appelait "Les "Brûleurs". A Stannarg tout mort était incinéré sur place sans funérailles. Les "Brûleurs" étaient des mages déchus. La plupart étaient des criminels embauché par la ville pour exécuter un travail que personne ne voulait faire.  

- Des jours sombres nous attendent Acilla.

Elle ne répondit pas. Elle savait qu'elle venait de perdre sa fille une deuxième fois. Intérieurement, dans les bras de Kjeld, elle faisait ses adieux à Selenn.  


***


Poussée par une force inconnue Selenn était sortie de la ville sans encombre. A chaque intersection, elle savait exactement quelle direction prendre. Auxane l'avait guidé, elle la sentait à ses côtés. 

Selenn s'arrêta brusquement, face à elle la forêt des Larmes étendait ses bras d'écorce. Jamais elle n'avait vu autant d'arbres réunis au même endroit. Partagée entre l'émerveillement et l'intimidation, Elle ne put refréner des larmes. C'était si beau. A cet instant une partie d'elle-même remerciait Kjeld. Sans lui elle n'aurait peut-être jamais connu ni la neige, ni la forêt. Comme elle l'avait déjà dit elle-même, du mauvais parfois naissait le bon. Elle pensa à son père, mort pour qu'elle se réveille enfin et qu'elle retrouve sa petite sœur.  Selenn s'éternisa, la nuit s'était installée et quelques flocons virevoltaient autour d'elle. Elle ne sentait pas le froid. Son corps était brûlant mais elle n'était pas malade. Il s'adaptait. Encore un pouvoir qu'elle se découvrait.

Selenn sourit et pénétra dans le lacis de branches ancestrales.


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