20. Colère

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La neige s'était emparée de Stannarg et la nuit ne tarderait pas à envahir les rues, ruelles et venelles de la capitale des Terres Sauvages. La cité avait souffert des nombreuses guerres et conflits mais elle était toujours debout, orgueilleuse, inébranlable en partie grâce à sa gardienne, la forêt des Larmes. Les habitants de Stannarg étaient à l'image de leur ville, fiers, bourrus et prêts à tout pour défendre leur foyer. Les rois n'avaient plus droit d'entrée ici, Le dernier avait été pendu. La ville était divisée en quartier qui avait chacun un chef élu par les habitants. Une réunion par semaine avait lieu au château devenu symbole et vestige d'un pouvoir dont personne ne voulait plus. Il ne servait qu'aux assemblées. Personne n'y habitait et en dehors de la salle principale, toutes les ailes du château avait été condamné. Un système qui fonctionnait plutôt bien et qui permettait une vie relativement sereine loin mais pas totalement à l'écart des querelles royalistes. La paix courait depuis de nombreuses décennies et la taverne de l'Ours Endormi pouvait continuer, tranquillement, de servir le meilleur ragoût de la ville.

Une fumée grisâtre s'échappait en volutes odorants de sa grosse cheminée. 

Mère et fille étaient toujours enlacées, inséparables.

- Mais que fais tu ici? Interrogea enfin Selenn, les yeux embués de larmes.

Les deux femmes se ressemblaient comme des sœurs. Les mêmes cheveux longs bruns raides, les mêmes yeux noirs en forme d'amande, la même bouche fine. Seules ces petites lignes ondulées, signes inévitables de l'ouvrage du temps, trahissaient leur différence d'âge. 

- Ton nouvel ami est venu me voir. Sa mère jeta un œil à Kjeld.

- Il n'est pas mon ami maman. Il m'a séquestré pendant plusieurs jours.

- Je sais.

Selenn s'écarta de sa mère brusquement.

- Tu savais?

- Oui, Kjeld m'a tout raconté.

- Tu as l'air de trouver ça normal? Le visage de la jeune femme exprimait un mélange de surprise et de dégoût.

- Il t'a soigné ma chérie et il nous a permis de nous retrouver. Acilla tendit la main vers sa fille qui recula pour se mettre hors de portée.

- Il m'a soigné en me torturant et...Sa voix tremblait, elle ne termina pas sa phrase. 

- Tu étais droguée Selenn! Acilla éleva la voix. Ce Faux Dieu t'a fait tourner la tête. Te rends tu compte de ce que nous avons enduré par ta faute.

- Ce n'est pas un faux Dieu! Selenn essaya de se calmer. Je sais maman que c'est difficile à comprendre. Mais c'était un mal pour un bien. 

- Un mal pour un bien? Tu es sérieuse Selenn?! Ton père! Elle fit une pause pour prononcer les mots difficiles qui venaient. Mon mari est mort Selenn! C'est un bien pour toi? Acilla enrageait intérieurement. 

- Oui je le pense! Auxane nous a fait subir toutes ces épreuves pour nous tester.

Acilla leva les bras, son bouillonnement intérieur influait malgré elle sur sa gestuelle. 

- C'est pas possible un tel aveuglement! Selenn! Reprends toi! Auxane est un imposteur! Il n'existe pas!

Selenn secoua la tête. Sa mère était contre elle. Elle l'avait toujours été depuis la mort de sa petite sœur.

- Non, non, non! Il m'a aidé!

- Il t'a juste aidé à fuir tes souffrances quand Mina est morte et je peux le comprendre, elle tenta de ramener un semblant de calme et de douceur dans sa voix, mais maintenant Selenn nous sommes ensemble. Surmontons tout ça avec ton petit frère.

C'était encore un stratagème pour la manipuler. Elle n'avait jamais eu de frère.

- Elle n'est pas morte. La colère de Selenn apparaissait petit à petit sur son visage.  Auxane m'aide à la retrouver. Il m'a montré la mort de papa pour que je sorte de ma léthargie. Il fallait qu'il meurt.

Acilla secoua la tête non plus de colère mais de désespoir. Selenn reprit.

- Secoue la tête autant que tu veux! C'était écrit! Auxane m'a montré la voie pour que je me réveille et puis papa est dans un monde meilleur.

- Non Selenn. C'est moi. Sentant que les événements lui échappaient, Kjeld prononça ces quelques mots très doucement. Il plongea son regard dans les yeux de la jeune femme et sut qu'il l'avait perdue.

La jeune femme regarda Kjeld, interloquée.

- Non c'est impossible! C'est Auxane qui... 

- Je t'assure que non. Ce que tu as vu, tu l'as vu avec mes yeux. J'y étais. Ton père a été tué par Lodith, une tueuse sans pitié. Ta vision c'était moi. Je t'ai fait voir tout ça. Voilà la vérité.

-Tu es une langue de serpent Kjeld!

Le monde de Selenn s'écroulait une deuxième fois après son réveil dans la tour blanche. Kjeld était décidément très fort pour déstabiliser les gens. Elle ne se laisserait pas manipuler comme une marionnette.

- Je ne vous crois pas. Je le sais depuis le début. Maman tu t'es laissée abuser. Auxane me guide toujours vers ma petite soeur.

- Elle est morte!

- Non! on ne l'a jamais retrouvé. Je sais qu'elle est vivante!

- Tu sais très bien ce qui arrive pendant les jours de Trioms. Personne n'en revient! Mais tu as encore un frère Selenn!

Elle ignora encore cette allusion à ce frère imaginaire.

- Auxane me guide. Auxane est grand. Auxane sait tout.

Acilla et Kjeld se regardèrent prenant soudain conscience qu'ils étaient en danger.

Acilla dépitée et résignée s'adressa à sa fille 

- Tu t'es perdue. Je pensais que tu avais changé mais je ne peux plus rien pour toi. 

- C'est moi mère, elle prononça ce mot avec dédain, qui ne peux plus rien pour toi. 

- Selenn il faut que tu nous écoutes. Kjeld s'était levé, les mains devant lui, en signe d'apaisement.

Selenn le pointa du doigt d'un geste vif.

- Toi! Ferme-là!!! Les yeux de la jeune femme rayonnait de fureur. Tout est de ta faute!

- Calme toi Selenn. Respire. Il y a des innocents ici. Tu pourrais les tuer. Tu ne contrôles pas encore tes pouvoirs.

- Non Kjeld! Ne t'inquiètes pas. Je ne tuerais pas d'innocents car personne n'est innocent. Auxane me l'a appris.

Kjeld se tourna vers Acilla. Son visage reflétait la peur.

- Fuyez.

- Mais non reste maman! Vois ce qu'est devenu ta fille! Les yeux de Selenn brûlait d'une haine qu'elle ne pouvait contenir. Il fallait qu'elle sorte. Le trop plein la faisait souffrir, à présent la souffrance c'était elle qui allait la prodiguer.

Elle hurla et l'auberge fut balayée.


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