Entourée

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 L'ouragan se calme au bout de trois jours.

Du point de sa grotte qu'elle n'a quittée que pour se nourrir de racines et pousses précédemment déterminées comestibles, Lotus voit les rouleaux encore voraces et le ciel limpide. Il est temps pour elle de descendre et retourner à son canot.

Les Loumians sont solides et résistants. La jeune femme sait qu'elle s'en remettra sans séquelle, surtout depuis que la créature l'a aidée.

Elle a eu maintes fois l'occasion d'y repenser, avant de décider une chose : retrouver cet être et engager un processus de communication. Par gestes, peut-être, puis comprendre la façon dont il émet ses sons si particuliers l'hypnotisant. Et contrairement à ce qui se disait dans ses contes d'enfance, ce « Siroi » ne semble pas les utiliser à mauvais escient.

 « Disons que jusqu'à présent ça ne s'est pas retourné contre toi. Il t'a utilisé ou t'a empêché de bouger. Enfin, ce n'est pas un Siroi, bien sûr. Je dois rester prudente. »

 Sur la plage, elle se dirige immédiatement vers le filin inoxydable et le suit à la nage, car la navette étant engorgée d'eau, il lui est à présent impossible de la tirer.

 L'état des dégâts est fait : écoper lui demandera bien une demi-journée. Elle s'y attelle sans tarder et travaille bien tard. À la fin, il ne reste qu'un léger fond qu'elle espère voir disparaître sous la chaleur du soleil.

 Quelque chose retient son attention : des formes se déplacent sous l'eau vers son canot.

Ne serait-ce pas...

Alertée par ce qui pourrait lui arriver avec trois ou plus d'entre eux, au vu des précédentes pertes de conscience liées à leur voix, elle attrape son scaphandre qu'elle règle sur insonorisation complète. Voilà qui devrait faire l'affaire pour le moment. Elle leur parlera par gestes et au moins comprendront-ils (elle l'espère) qu'elle n'est pas une marionnette.

 Les formes se profilent et des têtes sortent de l'eau. Elle reconnaît, à l'écart, le tout premier aux longs cheveux verts et à la peau turquoise. Il semble curieux de cette boule à moitié transparente englobant sa tête et, peut-être aussi, un peu inquiet.

Plus proche, repère-t-elle, un autre homme-poisson aux nattes de nacre et à la peau de sable mouillé l'observe de ses yeux d'ambre clair. Le troisième paraît une femme à la peau d'écume et aux courts cheveux marin. Quant au quatrième, de fine ossature, ses mèches bleu sombre attachées couvrent un corps blanc coquillage. Ils possèdent tous les mêmes traits émaciés, fuselés et le même regard inquisiteur, puissant, quasi sauvage. Lotus se félicite d'avoir pensé à son scaphandre. Pas question de se retrouver à l'eau avec tout ceux-là.

Elle les voit ouvrir leurs lèvres, une fois, puis deux. Enfin, ils cessent et se concertent. En quelques mouvements, les voilà contre la coque du petit navire, aussi la voyageuse recule-t-elle, méfiante.

À sa grande surprise, celui qu'elle connaît le mieux se projette hors de son élément et pose ses bras à l'entrée, s'y maintenant ainsi accoudé. Elle le regarde, sidérée et fascinée. Il essaye clairement de lui parler, mais elle a bien trop peur pour enlever sa protection et s'accroupit, mettant sa main devant elle, paume dressée. Il s'arrête, la contemple un long moment et replonge.

Lotus ne peut s'empêcher de les trouver beaux, réunis là sous la lumière de l'astre qui rebondit à chaque crête. Colorés, vifs, vivants. Elle a envie d'enlever son casque, de se baigner parmi eux et de relâcher un peu toute la tension accumulée depuis des jours. Leurs regards sont indéniablement charismatiques, magnétiques.

 Ses mains se portent au bulbe couvrant son crâne, les yeux rivés sur les leurs, et elle ne remarque pas leur manège discret, une approche lente qui se veut rassurante, ou bien est-ce un mouvement prédateur ?

Libérée de son scaphandre, le remous des vagues éclate à ses tympans, ce bruit de va et vient constant berçant son quotidien. Les créatures n'émettent pas un son, mais se pressent à son annexe, tirant leur corps hors de la mer pour atteindre l'entrée.

La jeune femme remarque qu'ils ont tous des pupilles couleur jade au lieu d'un noir profond, ce qui leur donne un mystère presque effrayant, une rêverie permanente, comme une connexion à l'au-delà.

 Pour la première fois, le premier « Siroi » connu lui sourit. Du moins, c'est ce qu'elle perçoit au travers de cet étirement de lèvres affichant de terribles dents pointues. Les yeux restent fixes et elle se met à trembler, très effrayée. Que lui a-t-il pris d'enlever sa protection crânienne ? Elle ne pourra plus la remettre à temps s'ils décident de chanter.

Prise au piège, l'aventurière se redresse très lentement et approche sa main de l'arme suspendue à sa hanche. Toute petite, elle ne paye pas de mine à premier abord, toutefois, gare aux chocs !

Très clairement malheureusement, le regard des créatures suit son mouvement. Celui qu'elle décide, faute de meilleur moyen mnémotechnique, de nommer « Turquoise » prononce alors quelque chose. Ce n'est pas une mélodie, mais un phrasé et Lotus est soulagée de ne pas perdre le contrôle. Il s'agissait donc bien d'une capacité hypnotique et non de leur langage... du moins, en partie. Qui sait s'ils ne communiquent aussi ainsi ?

 « Je suis désolée, je ne comprends pas », souffle-t-elle, se mordant la lèvre.

 Il la surprend si violemment en bondissant à l'intérieur et posant sa main palmée sur sa joue qu'elle bondit en arrière, le palpitant aux arrêts. A-t-il cru qu'elle était en train de se blesser ? Pourquoi un tel geste ?

Et ce qu'elle redoutait le plus survient : deux notes voilées, déjà lointaines...

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