La pluie a cessé le temps qu'elle reprenne conscience, et le ciel vire à l'orange ; un calme étourdissant.

 Du sang macule la pierre sous sa tête.

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Seul lui parvient le ruissellement continu de l'eau au fond de sa grotte, emplissant, d'après la rumeur, un bassin naturel. Alors, très lentement, la jeune femme se redresse. Sous ses yeux une constellation explose. Elle tient bon et penche la tête à ses genoux.

 « État grave. Je dois... récupérer ma trousse d'urgence. Elle était accrochée dans la navette, rien n'a pu s'en échapper d'ailleurs. Et puis, ce n'est pas comme si j'y avais des affaires fragiles. »

 De longues minutes plus tard, Lotus rampe jusqu'à la cuve, passant sous un toit criblé de trous et suintant l'humidité. Le sol est si glissant qu'elle manque plusieurs fois déraper.

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Un murmure de vent souterrain l'intrigue : l'on dirait un chant lointain, grave, mystique. L'écho percute ses tympans alors qu'elle trempe ses mains écorchées dans le bassin d'eau claire. Elle la goûte du bout des lèvres : n'est-ce pas un peu... salé ? Il doit y avoir un tunnel creusant l'île et remontant ici, mais elle ne peut le vérifier sans son scaphandre.

Quelques plantes au long cou, sorte de mousse émeraude, trempent au bord de la cuvette, façonnant un coussin végétal.

 La nuit ne tarde pas et tait ses réflexions. Souhaitant qu'il ne fasse pas trop froid et qu'elle survive une nuit de plus, Lotus rince sa tête et enlève sa combinaison, se retrouvant nue dans le courant d'air ; elle frissonne violemment puis met un pied à l'eau, car une marche est formée et le puits est assez large pour pouvoir s'y poser en toute tranquillité. Attrapant ensuite ses affaires, elle les lave puis les étend où elle peut avant de se laisser aller, la nappe aquatique recouvrant ses épaules. Ses yeux n'aperçoivent plus que le sombre plafond de pierre, gouttant, plic, ploc, et la vague luminosité sourdant de par l'entrée.

 Les voix fantastiques émoussent ses sens jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux, perdue au plus profond d'elle-même.

 Une vibration l'éveille. Quelque chose remonte du bassin, ou bien est-ce seulement le vent passant au travers ? L'inquiétude à nouveau submerge sa conscience, mais son corps est si souffrant qu'il ne peut se mouvoir. Tout son être est raidi.

 « Goln, murmure-t-elle d'une voix rauque, c'est bien ma veine. »

La paralysie, due aux trop nombreuses blessures et à la quantité trop élevée de sang perdu, est un symptôme commun à son peuple. Toutefois, il peut se dépasser, en situation d'urgence.

Lotus fait le vide en son esprit, inspire lentement. Qui sait quel prédateur peut se mouvoir au fond de ce puits d'eau ! Elle ne veut pas terminer en casse-croûte. Ses mains tremblent puis prennent appui contre la roche. Elle redresse la tête à l'instant même où l'onde perturbée indique clairement qu'un être ou qu'une chose la remue, et ce n'est pas que de son fait.

 Enfin, la jeune Loumiane arrive à se recroqueviller sur la mousse abondante au bord de la cuvette, yeux fixés vers les profondeurs. Un scintillement comme un reflet de lumière sur une partie métallique l'interloque : il n'y avait rien par ici ! La lumière parvient si difficilement à l'éclairer qu'elle doute un instant avoir bien vu, mais non, le reflet est toujours là et se meut, grossissant, prenant une tout autre forme...

La créature !

Cette mystérieuse lueur provenait des multiples écailles à sa queue, sa mâchoire et ses pommettes. Pupilles de jade ancien fouillant son âme, la confrontation s'immortalise. Pour une seconde fois. Duel de regards. L'être s'avance et se glisse fluidement à ses côtés, prenant appui sur ses bras. L'eau est suffisante ici pour qu'il s'y sente à l'aise. Aussi, cette place est d'ordinaire son refuge, lorsqu'il souhaite un peu de repos pour l'ensemble de ses cerveaux. Autrement, l'un et l'autre se partagent la tâche de l'alerter en cas d'approche de prédateurs. Même s'il n'en a pas beaucoup, les grèbs aux crocs puissants, plus rapides qu'il ne l'est, quoique moins lestes, ont été à l'origine de bien des morts.

Il n'est guère surpris de trouver l'étrangère en ce bain, l'ayant aperçue remonter la forêt. Il pouvait deviner qu'elle cherchait un abri pour la nuit, mais il doit admettre qu'il est impressionné par son endurance. Ses blessures semblent sévères.

Il émet une note grave, ouvrant à peine ses lèvres turquoise. Le temps se trouble pour la Loumiane et se fige.

 Revenant à ses esprits, la main de l'être, aux doigts palmés, est posée sur sa tête, à l'arrière, exactement à l'endroit de sa plaie. Elle ouvre de grand yeux et tente de se soustraire à cette légère pression. La créature recule instantanément, une lueur qu'elle ne parvient pas à déchiffrer dans les yeux.

 « Que m'as-tu fait ? » laisse-t-elle échapper, se doutant bien qu'il ne peut comprendre pourtant.

Le silence lui répond.

Brusquement, Lotus prend conscience que la douleur à son crâne a disparu. Le sang ne coule plus non plus et la plaie s'est refermée. Elle saisit alors le geste du Siroi et son extraordinaire capacité.

La splendide bien qu'étrange créature s'approche une fois de plus et attrape son poignet blessé. Elle la laisse faire, fascinée, ressentant ses os se réparer dans une curieuse démangeaison. Comment a-t-elle pu remarquer aussi précisément ses faiblesses ? Elle se demande, une demi-seconde, si elle soignera aussi sa hanche déplacée, mais elle s'éloigne et plonge, disparaissant dans les fonds marins.

 « J'avais raison, souffle-t-elle, ça mène bien à la mer... »

Courte et logique réflexion, encore sous le choc de la situation. Les jours à venir s'annoncent bien plus clairs à présent !