Souffrances

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https://www.youtube.com/watch?v=7ahef1TdDFI&t=17s

 La tempête est bien trop violente pour songer à récupérer son annexe ballottant sur le lagon déchaîné.

Se réfugiant à l'intérieur de l'île après quelques minutes de divagation pour cause d'extrême épuisement, Lotus se met en boule aux racines d'un arbre dont les larges palmes sont giflées de coup de vent. La mer gronde, mais ne l'atteint plus. Elle songe à l'être étrange, à leur rencontre plus qu'imprévue et à leur unité face à la colère du ciel.

La pluie ruisselle sur sa combinaison moulante, la délavant peu à peu du sable blond en longs sillons où se perd ses regards ; la douleur a envahi chaque centimètre carré de son corps, l'écrasant d'une insupportable tension. Les acouphènes s'en mêlent, l'étourdissant jusqu'à troubler épisodiquement sa vision d'un voile noir.

 « Ne pas s'évanouir, marmonne-t-elle en boucle, surtout ne pas s'évanouir. »

Il ne faudrait pas que le froid et les blessures aient raison d'elle. Tant d'efforts ne seront pas ruinés ainsi.

Une bourrasque particulièrement féroce soulève une terre inconnue, apportant à son nez une odeur nouvelle, chaude : quelque part au milieu de l'île, vers ce mont qu'elle aperçoit au-dessus des palmiers, pas tout à fait centré, un endroit sec doit s'y trouver encore. Aura-t-elle seulement la force d'y aller ? À cause de sa hanche, ses promenades ont toujours été courtes, et ce n'est pas maintenant qu'elle pourra mieux faire, toutefois, le besoin de chaleur, d'abri est plus qu'urgent.

 La jeune femme clopine après s'être redressée, s'éloignant de la plage. Ses semelles élastiques lui évitent les blessures des cailloux. Elle marche. Longtemps, lentement.

 « Cet être... cet être ressemble tant à un Siroi ! Ces créatures fantastiques dont les contes nous parvenaient de nos ancêtres sur les mers. L'on disait qu'ils se cachaient, ou qu'ils n'existaient pas. Les Siroy aux femelles dites Sirènes ont toujours eu la part belle dans les histoires de mon enfance. Mais c'étaient des histoires à faire peur, pour nous éviter de nous perdre sur les rives par mauvais temps. Mes dères disaient qu'ils avaient un chant qui pouvait hypnotiser quiconque l'entendait et qu'ils attiraient ainsi les Loumians à la noyade. Ah... et qu'ils avaient la possibilité de respirer sous l'eau, d'y vivre et d'y nager sans faiblir. Cela y ressemble tant, oui... » Ainsi songe-t-elle, la logique ayant quitté son esprit. Qu'une créature de conte fantastique se soit retrouvée ici, sur une planète inconnue, ne la chagrine pas plus que cela. En vérité, elle n'a plus l'énergie pour une réflexion posée. Chaque pas est un supplice.

 Le sol monte un peu par ici, forçant ses muscles ; la boue formée l'aspire vers un éternel repos. Levant la tête, elle aperçoit le mont et ses arbres multiples, entend un craquement subit : quelque chose grince, grince si vivement qu'elle se fige, le cœur tambourinant. Puis c'est la dégringolade, un grand CRAASH qui lui fait comprendre qu'un arbre vient de s'effondrer, de se briser sous la puissance de l'ouragan.

Heureusement, il n'est pas à son niveau. Elle regarde les branches au-dessus d'elle avec inquiétude et se hâte.

 Depuis quelques minutes, la pluie l'atteint moins. Les fourrés sont épais, hauts et préservent la terre de l'ondée. Passant une main à sa nuque souffrante, elle la retire rosée de sang, le souffle court.

 « Bulniog. Je crois que je me suis ouverte. »

Encore un pas, deux, trois. Un sentier pentu la mène face à un ensemble de trous creusés à même la colline. Elle s'y engage, car ils ont la taille de trois d'entre elles et sont profonds. Le sol est couvert de cette poudre sèche parvenue à ses narines plus tôt, tourbillonnant en volutes claires emportées au-dehors.

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La Loumiane s'agenouille et vomit. Elle n'a pourtant pas mangé grand-chose, et regrette ce réflexe qui la prive de ses dernières forces.

L'averse, parfois oblique, vient cogner la roche interne qui goutte, sonnant ses larmes minérales. Ce doit être un large espace, derrière elle, car l'écho est bien présent. Mais elle n'ira pas voir plus loin. En effet, la voyageuse perd connaissance bien malgré elle.

 À quelques trois milles de là, glissant au fond de l'océan, le Siroi – de ressemblance – évite la tourmente extérieure. huit mètres plus bas, tout est paisible. Des blocs de roches sont habilement esquivés, garnis d'oursins hérissés ; des coraux immobiles frôlent sa queue de poisson. Un crabe court et cherche à s'enfoncer, attrapé par la créature qui le croque aussitôt de ses dents pointues, affamée. Oui, tout est calme, ici.

Les mésaventures vécues depuis la tombée de cette curieuse boule dure et grise en son milieu l'intriguent néanmoins plus qu'il ne l'a jamais été. Encore plus la vision de cette étrangère au corps lisse et bleu et à la tête rose. Non, décidément, tout cela est anormal. Il s'est exilé depuis long, mais cela ne mérite-t-il pas un rapport à son peuple ? Qui sait quels dangers cachent ces mystères...

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