Mon île - 12 - Provocation

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Les deux rapières se percutèrent dans un "cling" retentissant.


– J’en étais sûr ! Petite Effrontée ne peut pas me pourfendre. Grande sœur doit l’en empêcher, absolument.


Demoiselle, en position défensive, l’épée en parade au-dessus de la tête de El Capitano, venait ainsi de lui épargner une découpe en tranche.


Oui, sans Demoiselle, l’histoire du premier avril aurait très bien pu s’produire. Mais il n’en est rien, elle vient d’lui sauver la vie en positionnant son épée tel un bouclier.


– Je dois dire que j’admire votre sang-froid, El Capitano, reconnut Demoiselle.

– Ce n’était qu’une petite prise de risque calculée. Et qui confirme ce dont je me doutais, confia-t-il.


Effrontée, en position d’attaque, l’épée en appui sur celle de sa sœur, espérant toujours occire El Capitano, continuait à forcer de tout son poids.


– Vous ne devriez pas douter, El Capitano : tôt ou tard, je vous débiterai en petits morceaux bien sanglants ! promit Effrontée.

– Oh, ce sont là des dires bien méchantes, revanchardes et peu ragoutantes ; une petite fille ne devrait pas parler ainsi. Ne t’a-t-on donc jamais appris les bonnes manières, petite insolente ?

– Il n’y a pas de manières à avoir avec vous !

– Oui, oui… Je trouve si regrettable que ton éducation laisse tant à désirer… Méfie-toi, je pourrais m’en mêler et, tôt ou tard, te fesser les fesses, jeune fille ! la houspilla El Capitano.

– Avise-toi de me toucher et…

– ASSEZ ! Je t’ordonne de te reprendre ! hurla Demoiselle excédée par toute cette discussion.


Il n’en fallait pas autant pour que El Capitano y aille encore de son petit grain de sel :

– Je crois que ta sœur t’a donné un ordre. Allez ouste ! Ouste, ouste, ouste. Retourne donc jouer à la poupée et laisse les grandes personnes se quereller, gamine.

– Argh, bouillonna Effrontée.


D’une franche et sèche impulsion, Demoiselle repoussa l’épée de sa sœur. Effrontée, bien qu’agitée, recula alors. Crispée, elle serra la poignée de sa rapière au point de s’en blanchir les phalanges ; mais, les dents serrées et le regard rivé sur El Capitano, ravala sa rage et finit par abaisser son arme.

À son tour, Demoiselle s’écarta d’un pas. Mais, plutôt que d’orienter son épée vers le sol, elle en piqua la pointe sur la poitrine de El Capitano.

Fils…


Oui, vous vous dites : qu’est-ce qu’il fait, l’Capitaine, depuis tout c’temps ?

Fils, pantois, interdit – par contre premier avril ou pas, toujours complèt’ment à l’ouest – resta sans réaction et, sans vraiment comprendre, attendit de voir la tournure des événements.


El Capitano, toujours provocateur, poussa un son qui se voulait être un rire et s’exclama :

– Si ta sœur ne peut me tuer, toi non plus, tu ne le peux, Demoiselle !

– En êtes-vous si sûr, El Capitano ?

– Alors vas-y, montre-moi ce que tu comptes faire, la brava-t-il, sûr de lui.


Sans provocation aucune, Demoiselle émit un son qui se voulut être un ricanement et expliqua :

– Vous pouvez jouer, tenter votre chance et miser sur votre instinct tant que cela vous chante ; mais ne vous y risquez pas trop. J’affirme qu’un excès de confiance pourrait vous être mortel. Mor-tel, insista-t-elle.


Tous deux se dévisagèrent, un sourire de défiance aux lèvres, chacun attendant la réaction de l’autre.

Fils rompit ce duel silencieux en reprenant la parole :

– Mais… ma parole, Père, veulent-elles te tuer, oui ou non ? Je n’y comprends plus rien, moi.

– Elles le veulent ! lui assura Père.

– C’est effectivement envisageable, attesta Demoiselle.

– Nous le tuerons ! confirma Effrontée.


Fils secoua la tête et poursuivit :

– Effrontée veut te trancher, te faire souffrir et te trucider ; elle aurait pu y arriver, elle aurait même dû, mais voilà que Demoiselle s’interpose et te sauve la vie… pourq…

– Pourrais-je savoir qui lui a demandé un résumé ? le coupa Effrontée sans lui laisser le temps de demander pourquoi.

– Je vous vois bien naïf, jeune Capitaine, dit gentiment Demoiselle.

– Naïf, naïf... soupira Père dépité. Fils, voilà maintenant que tu passes pour un niais ! Un simple d’esprit, un attardé, un demeuré, un…

– C’est bon ! Je crois avoir compris l’idée, le stoppa Fils.

– Non, non, loin de moi l’envie de vouloir vous offenser, intercéda en sa faveur Demoiselle. Je comprends que les choses vous dépassent, et cela est bien normal, car vous ne semblez pas connaître toute l’histoire, le pourquoi nous sommes ici.


Fils la considéra un moment, fit le tri dans ses idées et se rappela ce qu’il savait :

– Si, si. Je crois savoir que vous souhaitez à tout prix vous venger, d’un horrible affront. Même si, entre nous, je crois avoir compris que vous l’avez mérité.

– Et tac, bien dit !

– Il, nous a trahi.

– C’est lui, le traître !

– Elles, m’ont roulé !


Fils soupira à son tour – et oui, j’crois qu’il a encore dû s’couer la tête – sachant très bien que chacun camperait sur ses positions et qu’il était vain de vouloir, en cet instant, jouer un rôle de conciliateur. Il continua donc sur sa lancée :

– Mais je sais aussi que vous souhaitez récupérer votre boîte ; m’est avis que ce doit être pour ça que vous tergiversez sur sa mort.


Très intriguée, Demoiselle reporta alors toute son attention sur lui :

– Notre boîte ? Qu’en savez-vous, mon jeune et beau Capitaine ? – maline, l’a pas oublié d’manier l’art de la flatt’rie.

– Il en sait le nécessaire ! gronda El Capitano en tapant d’un vif plat de la main sur la lame pointée sur lui.


Surprise, le bras de Demoiselle suivit le mouvement et l’épée s’écarta de la poitrine de El Capitano.

Dans son élan, il sauta sur elle et d’un coup d’épaule la plaqua au sol.

Demoiselle tomba sur le dos, le souffle coupé, El Capitano au-dessus d’elle.

Lorsque Effrontée se rendit compte de l’estocade, elle agit, mais avec un temps de retard… Relevant sa rapière, elle s’apprêta ainsi à le piquer au flanc ; mais Fils, lui rapide et instinctif, s’était déjà élancé.

À son tour, il s’attaqua à Effrontée qui eut juste le temps de le voir arriver du coin de l’œil. Il lui porta un magistral coup de pied sauté – façon Bruce Lee ! C'est qui Bruce Lee ?! C'est celui qui a battu Chuck Norris ! Chuck Norris... LE Texas Ranger, voyons ! Pfff, Bruce Lee c'est... mieux que Jackie Chan ! Jackie Chan, celui qui... saute partout, tout l'temps, non ? Pfff.... mais c'est à dev'nir folle ! Bruce Lee c'est... c'est... X-Or, le shérif de l'espace ? Un Power rangers ? Un Avengers, peut-être ?! Ça ça vous parle, hein ?! Harry Potter, alors ? Oui, oui ? Harry Potter ! Euh... en fait c'n'est pas tout fait Harry Potter, mais je n'vais pas faire la difficile : Bruce Lee c'est l'ancêtre d'Harry Potter !

Moralité, mes p'tits pirates, dans la vie, n'hésitez pas à tout comparer à Harry Potter.


Touchée aux côtes, à son tour, Effrontée s’affala au sol.

Père, en comprenant qu’il avait bien fait de miser sur Fils, eut un sourire en coin de satisfaction ; débarrassé d’Effrontée, il eut tout le loisir de s’occuper de Demoiselle : de sa main droite, il lui saisit fermement le poignet pour éviter qu’elle ne retourne sa rapière contre lui. De sa main gauche, il lui comprima la gorge et lui maintint la tête au sol. Ceci fait, il s’assura une bonne assise, à califourchon, et bloqua ses hanches pour l’empêcher de bouger.

De son côté, Fils, toujours obnubilé par Effrontée, certain qu’elle allait se relever d’un bond – façon... non, façon personne – se mit en position de garde, prêt à l’affronter. Il s’aperçut rapidement qu’il n’en serait rien. Sonnée, étourdie par le choc, elle gémissait, là, allongée, les mains sur ses côtes.

Fils la contourna et ramassa la rapière lâchée.


– Il s’en est fallu de peu, Père. Ton attaque n’était pas sans risque, presque un peu désespérée.

– Fils, je savais pouvoir compter sur ta vivacité. Et quelle belle diversion que de leur parler de la boîte, bien vu, Fils, bien vu !

– Euh...

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