22 - 2- La cabine, espoir.

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Le rire passé, le Capitaine regarda sa montre et constata que le temps défilait…


Bien, bien. Je vois qu’ça n’dort pas et qu’ça suit. Bien, en même temps elle était facile celle-là. Mais bon, faut pas non plus qu’j’m’emporte, faut pas qu’j’en espère trop avec vous, j’vais laisser la barre à c’niveau là, ce s’ra bien, hein ?


Le rire passé, le Capitaine se résolut à reprendre la parole :

– Au fait, dis-moi, tu es là à bavasser, tu jactes, tu m’ennuies, tu me fais m’exciter et le temps passe, non ?

– Exact pour le temps qui passe, dit Second qui hésitait à continuer.

– Mais ? Je sens un mais en approche, dit d’instinct le Capitaine.

– Mais, pour le bavasser et le jacter, si je puis me permettre…

– Et je suis sûr qu’il va se le permettre, compléta le Capitaine.

– Nous sommes deux, finit par dire Second sans attacher la moindre importance au commentaire du Capitaine.

– Tu insinues que c’était un duologue ? demanda le Capitaine qui, soudain, se prit à espérer.

– Plutôt un dialogue, puisque le mot existe déjà autant l’utiliser, annonça Second, coupant ainsi l’élan d’espoir du Capitaine.

– Ce n’est pas vrai ! Mais qu’est-ce que vous avez tous à me les râper, à la fin ?! grogna-t-il.

– À vous les râper ? Noonn… euh… je vois à votre regard que je ne devrais pas chercher à obtenir d’explication.


Effectivement, là, Second a été bien inspiré, car quand on dit qu’ça m’les râpe, ça veut dire qu’ça nous les brise grave, ok ? Voilà, pareil, soyez inspirés.


– Bien, Second, tu vois quand tu veux, tu comprends.

– Est-ce un compliment ?

– Non. J’ai juste l’espoir que tu peux t’améliorer.

– Et comme on dit : "l’espoir fait vivre", proclama Second fier de lui.

– Et comme je dis : "tant que j’ai de l’espoir, tu vis !", prédit le Capitaine avec assurance.

– Alors n’oubliez jamais que "tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir".

– J’ose espérer qu’on ne va pas tourner en rond encore longtemps ?!

– Alors puisque vous parlez, et que vous parliez, de temps…

– Alors comme je parlais de temps, j’espère que tu vas pouvoir me dire ce qui te choque ?! le coupa le Capitaine.

– Euh… oui, mon Capitaine… ce qui est choquant… quelque chose devrait me choquer ?

– Oui ! affirma le Capitaine.

– Ah… laissez-moi réfléchir… je vois !

– Oh, une fulgurance.


Se permettant, encore, de ne pas tenir compte de la remarque du Capitaine, Second continua :

– C’est que la situation, et j’espère que ce n’est pas encore le cas, mais c’est que la situation, à un moment ou à un autre, va commencer à devenir urgente ; et c’est bien pour ça que je vous ai réveillé !

– Oui, oui. Hormis ça ? Rien ? Un petit indice, peut-être ?

– Non ! J’ai bon espoir de ne pas vous faire perdre votre temps, je vais essayer sans.

– Non, on va gagner du temps : tu es ici et moi aussi.

– Est-ce votre indice ?

– Oui !

– Vous ici et moi aussi… réfléchit encore Second. Ça a à voir avec la rime ?

– Ai-je une tête de poète ?!

– Euh… oui… essaya Second.

– Ah ? Sérieux ? Tu trouves ? Moi, poète ? Oui, bon, pourquoi pas, acquiesça le Capitaine qui ne trouva pas cette idée si déplaisante.

– Vous feriez un parfait troubadour, mon Capitaine ! s’extasia alors Second.

– Moi, TROUBADOUR ?! Attention, là, tu me désespères. Reviens en arrière et réfléchis bien, encore encore, à ce que ça insinue, menaça le Capitaine.


Espérant que le Capitaine oublie vite ses paroles, bien que l’imaginant en troubadour avec un chapeau à clochettes et ne pouvant retenir un petit rictus, Second s’empressa de vite reprendre le fil de la discussion initiale :

– Hum… si rien ne me choque… le fait de vous avoir ennuyé ? Vous savoir désespéré, peut-être… Oui, tout ça me choque, je suis outré par moi-même ! Ce n’était pas du tout mon intention ! certifia Second, convaincu, d’un ton se voulant le plus convaincant possible.

– Oh, je te remercie de me le faire savoir, soutint le Capitaine, moqueur, d’un ton se voulant le plus ridicule possible.

– De rien, c’est naturel.


Le Capitaine se mit à tourner la tête à gauche, à droite, et sembla s’interroger, comme si il espérait trouver quelque chose. Second tilta :

– Vous n’êtes pas en train de chercher autour de vous un objet à me lancer en pleine figure ?

Le Capitaine tourna la tête vers Second et ne put retenir un oh de surprise :

– Oh !

– Oh ?

– Oh, oui. Tu viens de remonter sur l’échelle de l’espoir. Continue à me comprendre et tu vivras plus vieux.

– Je saurai vous comprendre, mon Capitaine, promis.

– Permets-moi d’en douter, à ce rythme là tu vivras plus vieux mais tu mourras quand même jeune.

– Merci, mon Capi… Hein ? Non, mais, pourquoi ?! Pourquoi dites-vous cela ?

– Hum… attends je réfléchis, ah non pas besoin : tu es un peu con ! annonça brutalement le Capitaine.


C’est bon, je n’vais pas imager à chaqu' fois. Ça m’a échappé tout à l’heure, vous êtes idiots mais j’vois bien qu’ça vous l’avez r’tenu. Allez, on s’met d’accord et on dit que "con" c’est comme "putain" et c’est comme "salop, salope", ok ? Allez, c’est acquis, on autorise le tout, ce s’ra plus simp’e pour tout l'monde.

Si ça n’fait pas un peu trop ? Mais non ! Pourrait y en avoir beaucoup plus ! Ces trois là s’ront l’minimum pour une avoir une histoire réaliste et plus immersive. Pfff, pour mieux qu’vous rentriez dans l’aventure, bande de… p’tits pirates.


Second, choqué, ouvrit toute grande la bouche sans pouvoir prononcer un mot de plus. Il fixa le Capitaine et, scandalisé, se mit à secouer la tête.

Le traumatisme passé, il changea du tout au tout : son regard se fit sombre, ses sourcils se froncèrent, sa bouche se referma, un rictus haineux prit place au coin de ses lèvres, son nez se plissa, ses poings se serrèrent.

Le Capitaine remarqua, comme tout bon chef, qu’il venait de toucher un point sensible. Pas peu fier de l’avoir poussé à bout, il hésita entre continuer à le tourmenter pour le voir exploser, ou calmer un peu son jeu.


Et bien entendu le Capitaine qu’est-ce qu’il a fait ? Non mais vous êtes infâmes ! Mais pour qui l’prenez-vous ?! Avec de telles pensées mes p’tits pirates, j’peux vous dire qu’vous n’êtes pas prêts d’êt’e capitaine ! Vraiment pas, hein ! Je perds espoir avec vous !


– Du calme Second, du calme. Oh, tout doux, tout doux. À te voir réagir ainsi, l’idée me vient que "con" sera un parfait mot de passe, ce sera notre signal guerrier, ça te va ? décréta-t-il aussi simplement que ça pour apaiser la tension.


Aussitôt, Second se détendit et redevint le brave second, prêt à presque tout pour satisfaire son capitaine :

– On ne pourrait pas trouver autre chose de moins…

– De moins quoi ?! Second, con, con, Second, ça rime, je suis un poète ! Toi-même me l’a dit, allez, adjugé !

– Mais, permettez-moi de penser…

– Un "mais", un "permettez-moi" et un "penser"… hum, je crois qu’on a là un trio infernal, s’apitoya le Capitaine.


Se permettant, encore encore, de ne pas tenir compte de la remarque du Capitaine, Second continua :

– Pourquoi aurait-on besoin d’un signal de passe ?

– Un mot de passe, ou un signal guerrier, pas un signal de passe, ni un mot guerrier… quoique mot guerrier, ce n’est pas mal… bon, bref ! Tu comprendras le moment venu !

– Vous êtes vraiment sûr que con…


Espérant que Second n’en vienne pas encore à s’offusquer, bien que l’imaginant parfaitement con et ne pouvant retenir un hochement de tête affirmatif, le Capitaine s’empressa de vite reprendre le fil de la discussion initiale :

– Donc ne vois-tu rien d’anormal ? Il n’y a pas, en ce moment, un petit quelque chose qui cloche et qui devrait t’inquiéter ?

– Mon his..

– Ne me sors pas que c’est ton histoire qui t’inquiète, hein ? Tu ne vas pas revenir là-dessus ? Rassure-moi, espéra le Capitaine qui préféra prévenir Second avant qu’il ne commette encore l’irréparable.

– Bah… alors… non. Mon Capitaine, qu’est-ce qui devrait me turlupiner ?

– Turlupiner ?

– Oui, turlupiner, vous ne connaissez pas ?

– Je connais pine et je connais turlute, s’amusa le Capitaine.


Quoi ? Oh non... lequel vous échappe ? Turlute, pine, ou turlupiner ? Ah, les trois, trois d’un coup, tiercé gagnant… dans l'ordre.

Laissez-moi chanter pour me détendre : Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir !

Et là j’chante en pensant à vot’e tête ! Qu’est-ce qu’il y a à l’intérieur ?! Le néant, le vide intersidéral ?! Le noir absolu ?! Les ténèbres ?!

Bon, allez, un peu d’culture, turlute c’est… une… turlututute chapeau pointute… voilà ! Toujours avec un chapeau ! Piner aussi, sur la pine ! Si j’vous dis qu’c’est une extension du jeu d’la sodomie, qu’on y joue avec un chapeau et que c’n’est peut-être pas nécessaire de s’refaire toutes les règles, ça vous va ? On dit ça ? Non, on n’dit pas ça… Pfff…

Bon allez hop, je désespère : Une turlute, c’est une pipe ! Ça c’est dit, et ça soulage ! Allez, j’vais même le r’faire : Une TURLUTE, c’est une PIPE ! Et oui, une pipe, vous savez une pipe, on commence par chauffer l’bout et après on la met en bouche et on tire, on aspire, pour en faire venir toute la substance ! Une PIPE, quoi !

Ah... ça fait du bien.

Tout ça pour une pipe ? Bah ouais, tout ça pour une pipe, c’est l’effet qu’ça m’fait, une pipe !

Et une pine ? Pfff… disons qu’c’est l’membre de la pipe, hein, on va dire qu’c’est la partie qu’on met en bouche.

Voilà…. Aahh, j’suis soulagée… encore une mission dico accomplie.

Turlupiner ? Si c’est comme fumer ? Bah non, du coup rien à voir ! Ça veut dire tracasser, tourmenter.


– En fait ça veut dire…

– Mais je sais ce que ça veut dire !

– Bah alors pourquoi vous en étonnez-vous ?

– Parce que c’est un mot un peu hautain, un pirate dit tracasser, tourmenter ! Pas turlupiner ! Surtout pas turlupiner ! Après on s’emporte, faut l’expliquer, ça dérive, ça crie, ça parle de pipe, de turlute, on s’enlise sur la pine, c’est le bordel. On ne dit pas turlupiner.


Voyez, il dit pareil que moi l’Capitaine.

Est-ce que lui il a une turlute ? Oh non… ça m’apprendra… Disons qu’dans ses rêves la Commandante a dû lui en offrir une !


– Bon, j’en ai marre ! s’écria le Capitaine.


Ah, bah ça tombe bien, moi aussi !


– Ce qui devrait te choquer, te tracasser, te tourmenter, et te turlurtepiner tant que tu veux, Second, c’est que tu es ici et moi aussi ! Et il n’y a pas de rime ! Du moins techniquement si, il y en a une mais ce n’est pas le problème ! Si nous sommes là, alors QUI est en train de naviguer ?!

– Ah, c’est là que vous vouliez en venir ? Vous auriez dû me le dire plus tôt, mon Capitaine.

– J’aurais pu, mais j’espérais que… mouais, j’aurais dû, faut que j’arrête avec l’espoir.

– Ne vous en faites pas, je me suis occupé de tout et je pense même savoir où les femmes se dirigent.

– Tu t’es occupé de tout… et tu penses… Il est grand temps que je sorte de cette cabine !

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