16 - 2 - La mission, révélée.

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La Commandante se décida à tout expliquer, pour de bon, au Capitaine :

– Je peux simplement vous dire que oui, nous pratiquons toutes deux la magie. Pour ce qui est de nos dons, vous avez pu voir que la Générale est télépathe et communique de cette façon. Elle ne parle pas. Moi, je ne suis pas télépathe, enfin pas au même degré que la Générale. Je peux vous parler en pensées, mais je ne peux pas lire, dans vos pensées. Cela fait toute la différence, car si je peux vous parler sans prononcer une seule parole, je ne peux pas entendre votre réponse sans que vous n’ouvriez la bouche. Je me suis répétée mais je voulais m’assurer que votre esprit, aussi vif soit-il, assimilait bien tout. Avez-vous donc bien compris ?

– Voyons voir si je suis aussi, vif, que vous pouvez le penser : La Générale peut lire dans mes pensées et transmettre des messages par pensées, d’où la possibilité d’une conversation. Vous, vous ne pouvez pas lire mes pensées, simplement m’adresser des remarques par la pensée.

– Pensons-en ce que nous en voudrons, mais je pense que vous avez saisi. C’est bien cela, c’est la différence entre les Licornes et moi.

– Les Licornes, dites-vous. Je n’avais pas relevé avant. Y en a-t-il beaucoup ?

– Un nombre certain. Il y a plusieurs pays Licorne ; cela est un peu compliqué. Sur ce sujet je vous demande encore un peu de patience, vous comprendrez lorsque nous serons sur place.

– Je devrai donc venir chez vous ?

– N’interprétez pas mal comme vous savez si bien le faire. Vous ne serez pas chez moi, pas dans ma demeure, mais dans notre contrée.

– Peut-être m’inviterez-vous chez vous.

– Peut-être pas.

– Qu’en sera-t-il de mon équipage ?

– Il ne viendra pas non plus dans ma maison. Et il n’y a même plus cette question du « peut-être » à se poser.

– Je m’en doute bien, ce n’est pas ce que je voulais dire.

– Je m’en doute aussi, mais puisque nous en sommes à tout bien expliquer, autant que tout soit clair. Votre équipage nous accompagnera. Vous nous suivrez avec votre bateau.

– Très bien.

– Rien à redire ?

– Non.

– Alors je continue avec ce que vous avez constaté. Nous pouvons voir dans le noir, je peux faire apparaître la lumière par l’intermédiaire de petites boules de feu et je peux lancer des petits éclairs.


La Commandante s’arrêta net après l’énumération de cette liste. Le Capitaine insista :

– Et quels pouvoirs n’ai-je pas vu ?


La Commandante réfléchit sur ce qu’elle souhaitait dévoiler ou non, puis reprit :

– Disons que je possède également des connaissances en rituels magiques. Mais ne nous attardons pas là-dessus, vous me traiteriez de sorcière.

– J’imagine les sorcières bien différentes, je les vois toutes avec un nez crochu, vieilles, la voix nasillarde, des dents en moins, de grosses verrues, bref, beaucoup moins belles que vous.

La Commandante rougit malgré elle, la Générale s’exaspéra :

– N’arrêterez-vous jamais de me courtiser ?

– Loin de moi cette idée, vous vous méprenez, un compliment ne veut pas de suite dire que vous me plaisez.

– Vos allusions sont pourtant claires. D'ailleurs, ne me l’avez-vous pas, auparavant, clairement dit ?

– De quoi ?

– Que je vous plaisais.

– Tout bien réfléchi, et bien que j’admette volontiers que vous avez du charme, vous êtes encore bien trop intrigante pour que nous fondions une famille. Mon instinct me dit que je dois me méfier de vous et de rester sur mes gardes.

– Nous ne sommes en effet jamais trop prudents. Bon, et si nous en venions au principal ? La Générale étant comme vous la reine de la patience, je vois qu’elle se lasse de nos discussions ; et bien que le bateau soit large elle commence à en avoir assez de ce voyage. Elle aimerait que nous en terminions pour pouvoir rentrer.

– Que me vaut donc l’honneur d’être ici avec vous ? Qu’avez-vous à me proposer ? questionna le Capitaine.

– La Générale vous a choisi comme champion. Cela vous l’avez maintenant bien intégré.

– Oui.

– Capitaine, votre mission, si toutefois vous l’acceptez consiste à cueillir une fleur. Si vous, ou l’un de vos agents, étiez capturés ou tués, le Royaume Licorne nierait avoir eu connaissance de vos agissements. Bonne chance, Capitaine.

– Ma parole, vous avez répété ou quoi ? On croirait le début d’un roman.

– J’avoue avoir un peu travaillé cette scène. J’ai toujours aimé faire cela de façon théâtrale. Cela vous a plu ? interrogea-t-elle tout guillerette.

– Vous tenez bien le truc, ça en jette, déclara-t-il admiratif.

– Oui mais… je ne sais pas… Ne manquerait-il pas un final éclatant ?

– Je sens que vous avez une idée.

– J’aimerais bien ajouter un peu plus de caractère dans la formulation. Quelque chose comme « je disparaîtrai après l’énonciation de ce message » ou « le bateau s’autodétruira dans les dix minutes ». Qu’en dites-vous ?

– Oui, je reconnais que ça aurait donné encore plus de gravité à l’instant. Travaillez encore un peu, je suis sûr que vous tenez une phrase qui peut devenir culte.

– Merci, je vais m’atteler à la tâche.

– Mais avant, revenons-en à ma mission, quelle est-elle ?

– Cueillir une fleur.

– Vous rigolez ?

– Non. Votre mission sera simple. Il vous suffira de vous rendre dans un lieu où nous ne pouvons aller et…

– Pourquoi ne pouvez-vous pas y aller ? l’arrêta-t-elle.

– Parce que nous voulions tellement vous rencontrer, que nous préférons que ce soit vous qui y alliez.

– Vous plaisantez ?

– Oui, et arrêtez de m’interrompre ! Nous ne pouvons nous y rendre de part notre nature. De la magie nous y en empêche. Allez-y pour nous, cueillez cette fleur précise et rapportez la nous. Elle nous est précieuse et utile. Vous voyez, rien de bien sorcier, cela est certainement dans les cordes d’un Capitaine pirate, non ?

– Cueillir une fleur et vous la rapporter. Ma parole, c’est vous me qui demandez de vous courtiser !


La Commandante rigola d’un rire fort, puis reprit son sérieux :

– Oui, en effet, cela prête à la confusion. Alors soit, acceptez-vous de me courtiser ?

– Moi et mes hommes pourrions, j'imagine, très bien nous en sortir. Je ne vois rien de bien compliqué là dedans.

– Nous nous sommes mal compris, votre équipage vous accompagnera mais vous devrez y aller seul.

– Pardonnez-moi, mais pour la mission vous avez mentionné « moi ou l’un de mes agents », non ?


La Commandante souffla :

– Je sais, je sais, au moment de révéler la mission, j'en fais toujours trop. C’était pour la forme. Vous devrez y aller tout seul ! Ils pourront vous encourager et, tant que j’y pense, s’ils le veulent, se faire tuer ou capturer aussi. Notre royaume n’est pas exempt de danger.

– Pour le « Royaume Licorne niera savoir que je suis allé cueillir la fleur », ou un truc comme ça, qu’est-ce que ça voulait dire ?


La Commandante inspira :

– Je reformule, de façon moins romanesque, tant pis : Capitaine, votre mission, que vous allez accepter, est de cueillir une fleur, importante pour nous, vous devrez le faire tout seul, même si votre équipage vous accompagnera jusqu’à notre Royaume, et s’il vous arrive quoi que ce soit… dommage. Ou tant pis, si vous préférez.

– Hum, j’ai quand même la certitude que tout est bien plus compliqué que ce que vous me dites. Pour cueillir une fleur, si particulière soit-elle, je pense que vous n’aviez pas besoin de me juger, de me montrer votre magie, de m’apprendre l’existence des licornes et de faire tout ce tralala. Vous avez dit que c’était un lieu magique, ça m’effraierait presque un peu, je sens qu’il y a des risques. Pourquoi m’arriverait-il quelque chose ?

– Nous ne sommes par exemple jamais à l’abri de nous tordre une cheville. Ne vous tracassez pas, soyez fidèle à ce que vous êtes et il n’y aura pas de danger. Soyez un pirate cruel, sans pitié et je suis certaine que vous réussirez cette mission avec brio. Nous avons fait tout ce tralala, comme vous dites, car c’est une mission vitale pour nous. Elle se doit d’être réussie. Notre gloire, notre honneur, notre survie à long terme et notre expansion en dépendent ! Alors bien entendu, en plus de me courtiser, vous aurez droit une récompense.

– Voilà qui m’intéresse ! Parlons donc de cette récompense, vous auriez dû commencer par là !

– Le temps de votre mission, l’hospitalité pour vous et votre équipage vous sera offerte dans notre monde. Je suis certaine que vos hommes seront ravis de faire plus ample connaissance avec nos femmes. Ensuite, nous réparerons votre bateau, il sera comme neuf. Et surtout, surtout, vos cales vides seront chargées d’une quantité d’or non négligeable. Alors qu’en dites-vous ?


Le Capitaine se tût et fit semblant de réfléchir en se grattant la barbe :

– Ai-je vraiment le choix ? Et si là, tout de suite, je disais non ?

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