XIII

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Note : la chambre dans laquelle est Alès était vide dès son arrivée, il n’y avait pas deux personnes qui sont mortes juste avant.

Pendant tous les moments auxquels j’étais avec elle, je me sentais bien et j’oubliais ce qui me tracassais lorsque j’étais seul. Aussi fou que cela puisse paraître, je pensais que je tombais amoureux d’elle. Je n’osais rien lui avouer car je ne voulais qu’elle vive toute son existence auprès d’un mutilé. Je comprenais ce que vivais ma sœur avec moi. Pourtant, cette femme que je voyais la majorité de mon temps, je ne la connaissais pas vraiment. Elle refusait de répondre à mes questions lorsque celles-ci portaient sur elle-même. Et à la fin de ma vie, bien que ma mémoire fut elle encore bonne, son visage ne me revenait pas. Quand je l’imagine, je ne vois qu’une silhouette noire et un visage obscurci, la seule chose que je me souviens d’elle était sa voix. Parce qu’un jour, contrairement aux autres jours, elle vint de bonne et me réveilla (d’habitude, j’étais toujours réveillé lorsqu’elle pénétrait dans la chambre), puis me dit :

—Roza, c’est mon nom. Adieu Alès, je te remercie pour tout et…

Elle s’enfuit aussi vite qu’elle est arrivée. J’avais à peine le temps de réaliser que je ne connaissais pas son prénom que, dans un dernier élan pour la ramener, je lui hurlai :

—Reste avec moi, je t’aime !

Mais c’était inutile, elle était déjà loin. Je tentai de la rejoindre en descendant du lit et en rampant au sol. J’étais pathétique à voir, mais cela ne m’arrêta pas. J’avais mal, mon corps — dont j’étais si fier — était dans en piteux état. Je n’avais aucune force : j’étais resté cloitrer dans ce lit pendant tout ce temps sans faire d’exercice. Je frappais et frappais le sol pour laisser exprimer toute ma rage. Qu’avais-je fait pour mériter ça ? Alors, deux idées me traversèrent l’esprit. La première, c’était la haine envers ce monde parce qu’il existait, envers Rosa qui m’avait abandonné, envers le roi n’était qu’un exterminateur, envers le Phénix pour tout — ou rien s’il n’était pas réel — ce qu’il faisait, envers mes parents pour m’avoir engendré, pour ma sœur qui… Non, elle était la seule que j’aimais. Je serais prêt à tout pour la revoir, mais c’était trop tard, elle s’était envolée dans un autre monde.

La deuxième idée rejoignait ce que je venais de penser : mourir être uni avec elle. Mais ce serait, dans un sens, la trahir. Et cette foutue promesse que j’avais fait à mon père, elle était impossible à réaliser. Je chuchotais ces quelques mots alors que quelques larmes coulaient le long de mon visage et qui finissaient sur le sol que je regardais : « Pardonne-moi, papa, je ne suis qu’un incapable ». Et à ces mots, j’entendis : « Tu es dans un sale état, Alès, tu as besoin d’aide ? ». Je relevai ma tête et je redécouvris cet être que je détestais : ce même petit démon que j’avais déjà rencontré lorsque j’étais chez moi. Je fus surpris pendant quelques secondes qu’il profita pour m’informer :

—Maintenant que tu es des nôtres, je dois te dire deux trois choses — il se rapprocha de la table qui était en face de mon lit. D’ailleurs, je ne sais pas pourquoi il t’accepté parmi nous, mais, en vrai, je m’en fiche — J’étais partagé entre incompréhension et surprise : il me parlait comme si j’étais son camarade et comme si c’était naturel. Prends ça — il avait saisi ma clé qui était en vue sur la table et me l’avait lancé ; je l’avais attrapé difficilement car il m’avait surpris. Pff, je vais vraiment faire ça, dit-il en tenant sa tête avec sa main gauche. Bon, cette clé est un catalyseur qui te permets de faire plein de trucs. Tu peux contrôler tous les êtres inférieurs comme moi en donnant des ordres. Tu peux aussi…

Il s’arrêta parce qu’une autre personne avait entré dans la pièce. C’était un homme qui semblait jeune, mais qui paraissait vieux à cause d’un importante barbe noire. Et tout comme moi, il avait un long nez fin. Il n’avait également plus de cheveux. Il était très grand, beaucoup plus que moi qui n’était pas petit. Rien que par son apparence et sa carrure, cet homme imposait énormément. Tellement que je ne pouvais pas le regarder dans les yeux sans détourner mon regard l’instant d’après. Le démon semblait très hésitant, pourtant, après quelques secondes de réflexion, il s’agenouillât en guise de respect envers cet homme et le questionna en bafouillant :

—Que… Que faîtes-vous ici, maître Vivus ? Mon roi ne m’a pas…

—Tais-toi ! Dit autoritairement cet homme. Alès, déclara-t-il en se tournant vers moi, il faut que tu te battes. Pour ton… —il marqua un temps d’arrêt avant de continuer —, pour ta sœur et pour le monde. Tu ne veux pas que Rex détruise le monde ? — Non, disais-je avec ma tête car je ne pouvais dire aucun mot —. Bien, je vais te dire comment tu vas faire. Tu as dû entendre parler d’une nation qui existait derrière les montagnes ? — J’acquiesçai une nouvelle fois —. Tu y trouveras le Phénix. Vous deux, vous pourrez l’arrêter.

Attendez une seconde, il m’avait demandé de collaborer avec le Phénix, l’être que je détestais le plus, celui qui étais à l’origine du malheur de ma sœur. J’aurais la possibilité de le voir et de le tuer. Je n’étais pas obligé de suivre à la lettre ce que m’avais dit cet homme. Libre à moi d’agir à ma guise. Mais, alors que ce serait stupide de se faire des idées de rencontrer le Phénix, de le tuer et tout, je ressentis une étrange sensation en moi, comme une énorme force qui parcourait tous les recoins de mon corps. J’étais en transe, je ne voulais plus que tuer cet être abject. Ma bouche lança : « Je le massacrerais » inconsciemment et Vivus, bien qu’il voulait le cacher et ne pas me le faire voir, sourit, puis dit : « Je compte sur toi ». Il quitta la salle et tout devint noir comme si la lumière disparaissait et je m’évanouis.

Réveillé, je me retrouvais dans ce champ de ruine recouvert de gravas. C’était le même endroit où j’étais avec Rex, pourtant, bien que plusieurs mois s’étaient passés, j’avais la même scène de désolation où se jouait une pièce affligeante où tous les acteurs mouraient en plein spectacle. La surprise fut totale lorsque la pierre qui, naguère, écrasée par tout son poids mes jambes, n’était plus ; à sa place, mes deux jambes étaient bel et bien présentes en chair et en os. J’étais déboussolé : je n’arrivais plus à discerner le réel de l’irréel. Où étais-je lorsque j’étais dans la chambre avec Roza ? Et Vivus et le démon, c’était quoi aussi ? La seule dont j’étais sûr, c’était que j’étais vivant et que je devais le rester le plus longtemps possible. Mais pas le temps de plus réfléchir, j’entendis plusieurs personnes agonisants dans tous les sens : c’étaient des rescapés de l’explosion. J’allai tenter de les secourir, mais c’était inutile, la plupart des gens étaient dans un piteux état et avaient des parties du corps en moins. Dans un dernier moment de solidarité et conformément à la croyance de ses personnes, je récitai une prière, puis je les expédiai dans un autre monde, sans douleur et sans peine.

Cette douloureuse tâche effectuer, je cherchais dans les décombres des possibles cadavres de personnes que je connaissais, mais le tas de débris était trop grand pour être déblayer par un seul homme. Je quittai ce lieux désolent pour prendre du recul et contempler le massacre effectuer par le groupe, ainsi que par moi qui ai totalement contribué. Remplis de sang, mes mains étaient et elles resteraient à jamais sur ma conscience. Quand on arrivait à Décapole, la première chose qu’on voyait était l’Arène ; maintenant qu’elle n’était plus, ainsi que la majorité de ces habitants, la ville était fantomatique.

En attendant de me diriger de l’autre côté des montagnes, je me rendis dans la base du groupe. Ils devaient très certainement s’y trouver, s’il avait survécu. Je marchais dans les ruelles dénué de toute présence (ce qui contrastait avec ce que j’avais connu de cette ville) et comme seul compagnon le silence. Lorsque j’arrivais devant la bâtisse, j’appréhendais ce qui aller se passer ; un terrible sentiment de peur s’installa et je me préparais à n’y trouver personne. Ma crainte se trouva fondait parce que, lorsque j’entrai, je ne trouvai aucune âme vivante ; il n’y avait qu’une lettre qui était posée sur une table juste en face de l’entrée, la même où nous avions rigolé, mangé et bu. Pourquoi ! Hurlais-je. Ils avaient tout le temps pour s’enfuir et partir loin de l’explosion. Qu’est-ce qu’y s’était passé. Je déferlai ma colère dans la table qui se retrouva sans dessus dessous. Des larmes d’incompréhension s’écoulaient comme un fleuve dans la mer : tout ceux pour qui j’éprouvais ne serait qu’un peu de considération, se retrouvait systématiquement mort comme s’y j’emmenais la douleur et le malheur partout où j’allais.

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