XII

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Contrairement aux autres prisonniers qui fêtaient cette libération comme une victoire (ils me tapotaient les épaules en passant à côté de moi pour me remercier), en oubliant ce petit détail qui était qu’il fallait encore quitter le sous-sol pour être vraiment libre, Adonis, resta dans la cellule (je me tenais juste devant la porte de celle-ci que je venais d’ouvrir) et laissa exploser sa colère. Il m’avait fait mine de me rater en essayant de me frapper et la peur était le sentiment qu’il voulait m’inculper, mais c’était peine perdu ; mon visage inexpressif — qui n’avait rien à envier à celui d’un cadavre, d’un pâle d’un blanc terne qui aurait fait rougir de jalousie n’importe quel mort et qui aurait enlevé l’envie de discuter au plus grand parleur — fixait le sien qui, dans sa plus grande expressivité, transmettait des sentiments qui m’étaient impossible d’expliquer leurs sources.

Pendant qu’il m’insultait par tous les noms possibles, je décelais le début de larmes le long de ses gros yeux. Dans de telles moments, le plus simple était de ne rien faire afin de pas accentuer sa colère. J’attendais qu’il me dise tout, j’attendais alors qu’il continuait à frapper dans le vide, comme s’il lui était impossible de me toucher parce que j’étais protégé par une barrière invisible qu’il s’était lui-même créer pour m’éviter. Au bout d’un moment, il s’écroula à terre : cette personne qui, par sa taille, était un géant qui dégageait courage, force et fierté, n’était rien d’autre qu’un vulgaire humain, faible comme n’importe quel autre de son espèce. Je me dirigeai vers lui et je lui mis une main sur son épaule en lui soufflant ces quelques mots à son oreille qui m’était accessible : « Tu vas pouvoir recommencer une nouvelle vie, maintenant. Tu es libre ! ». Le réconforter, voilà ce que je voulais faire, mais ces quelques mots eurent l’effet inverse. Il essaya de me repousser d’un geste rapide de sa main (j’avais eu tout juste le temps de reculer avant qu’il me touche) et barbouilla :

—Je voulais mourir, mais il fallait que tu me sauves !

Entre ces mots, des anciens détenus venaient me « protéger » d’Adonis. Ils croyaient qu’il en avait après ma personne et voulaient me protéger, moi, qui était leur sauveur. Mais je mis mon bras pour leur barrer la route et je leur expliquai que je maîtrisais la situation. Je leur demandai de partir d’ici et d’aller recommencer une nouvelle vie, qu’ils étaient de nouveau libres. Et ils s’exécutèrent en m’obéissant comme si j’étais devenu le chef le temps d’un instant. Je pus me reconcentrer sur Adonis, pour qui la vie lui était impossible à continuer.

Cocasse était le terme qui convenait parfaitement à ce qui se passait : Adonis ne voulait plus vivre et je m’efforçais de vivre pour sauver Adonis, mais s’il voulait mourir et qu’il y parvenait, à quoi bon continuer de vivre ? Mais ça ne servait à rien de penser à ça ici et maintenant. Ce lieu va disparaître dans peu de temps. « S’il souhaitais vraiment mourir, il n’avait qu’à rester ici », c’était ce que je lui avais dit. Et adviendra ce qu’il voudra, j’aurais fait tout ce que je pouvais pour le ramener, mais si sa volonté était de mettre fin à son existence, alors inutile d’essayer de le convaincre.

Les femmes, menaient par Roula, posèrent les explosifs. Cela prenait du temps car il fallait être minutieux afin de ne pas les faire exploser lors de la pose. Pendant qu’elles s’occupaient des explosifs, je laissai Adonis seul et je rejoignis Haris (il s’était réveillé à la suite de sa défaite) qui s’était assis à côté du cadavre de Sakis. J’avais décidé de ne pas parler afin de ne pas le déranger. Je les observais pendant quelques minutes et je partis à l’étage au-dessus. Comme prévu, il y avait plusieurs gardes qui avaient étaient assommés par les trois hommes restés à cet étage. Je leur expliquais ce qu’ils savaient déjà : l’opération avait été un succès au sous-sol. Je ne leur appris rien parce que plusieurs anciens détenus courraient vers la sortie. Comme je n’avais plus rien à faire ici, je décidai d’aller voir l’Arène en elle-même et de regarder la Reine.

Je marchais dans le couloir qui menait dehors en faisant en sorte que les anciens prisonniers m’évitent quand ils passaient. Quand j’arrivais à la sortie du couloir, je regarde à ma droite dans la rue et je n’y voyais personne, ils devaient tous être déjà dans l’Arène.

J’entendis faiblement une voix masculine. C’était le seul bruit présent. Alors, je me pressais dans les tribunes et quand j’y étais, je fus subjugué par l’édifice. Lorsque j’étais devant celui-ci, je le trouvais déjà grand, mais une fois dedans, c’était gigantesque. Tous les habitants de la ville s’y trouvaient, c’était impressionnant. L’endroit où devait se battre les prisonniers était un vaste cercle qui était plus large que notre Église. Et la voix qui m’avait attiré, c’était celle d’un soldat, reconnaissable parmi mille avec ses habits rouge écarlate. Malheureusement, de là où j’étais, je ne parvenais pas à discerner son visage, mais si je devais lui donner un âge, je dirais qu’il aurait dans vingt-cinq ans. Un autre soldat semblait lui dire quelque chose, mais il ne s’en préoccupait pas parce qu’il avait fait un geste de la main comme quand on dit : « Laissez donc faire, ce n’est pas grave ». J’écoutais, comme tous les autres, son discours :

—Habitants de Décapole, la reine ne viendra pas. Moi, Rex, descendant des fondateur de notre pays Priscus, général de l’armée, je suis votre nouveau roi ! — il fît une pause pendant laquelle les spectateurs commentaient ce qu’il venait de dire ; on entendait des « Qu’est-donc arrivé à notre reine ? », des « Gloire au nouveau roi » ou des « Il est sérieux ? », puis, pour faire taire la foule, il leva son bras en l’air, ouvrit sa paume et la ferma aussitôt et l’Arène se tut — Cela peut être déconcertant pour vous, mais c’est pourtant la vérité. La reine, que vous preniez pour une souveraine légitime, n’était rien d’autre qu’une usurpatrice, rien de plus qu’une bâtarde ! — il insista sur ce dernier mot avec véhémence et qui provoqua une vague d’indignation dans l’Arène — Quant’ à moi, je suis le fils de Sergius, le dernier vrai roi légitime. Et comme on m’avait privé le droit de régner, je viens reprendre mon trône ! — il avait une nouvelle fois insistait sur ce dernier mot ; quand il avait terminé sa phrase, de nombreuses personnes s’étaient mises à genoux, priant le Phénix car dans la Bible, la venue du nouveau roi apporterait la fin du monde — Mais n’ayez crainte, mon très cher peuple adoré, la fin du monde n’arrivera pas. Bien au contraire, je vais créer un pays comme le voulait mes ancêtres : un pays prospère, libre et égalitaire. J’annulerai le titre des comptes et des ducs. De quels droits des hommes seraient-ils supérieurs à d’autres ? Aucun ! Et ce système où les soldats ont tous les droits et la religion contrôlent tout, je la supprimerai aussi ! Seuls les gens qui commettront des vraies crimes mériteront d’être emprisonné, ne pas être croyant, payer des impôts à ne plus pouvoir vivre, ou encore voler des vivres parce qu’on est pauvre à ne plus pouvoir manger à sa fin, tout ça n’existera plus ! Venez, aidez-moi à bâtir ce monde, disait-il en tendant la main, pour vous, pour vos enfants, pour Priscus ! — la foule se levait et l’applaudissait, certains s’entrelaçaient et d’autres pleuraient — Et la première chose que je vais faire, sous vos yeux, c’est de mettre fin à l’Arène et l’incarcération injuste des prisonniers ! — une nouvelle fois, cette affirmation provoquera l’admiration chez tous et une nouvelle vague d’applaudissements — Soldat, amener les prisonniers qu’on leur rende leur liberté.

Puis, il eut un blanc. Des soldats avaient accouru vers lui, certainement pour lui expliquer la situation. Quant’ à moi, je ne savais plus où j’en étais. J’avais tué des soldats qui ne faisaient que leur boulot et maintenant, j’apprends que tout cela était inutile. Et Sakis, il était mort pour rien. Putain de vie. Tout en pleurant, je me levai et je frappai le mur. J’y mettais toute ma force jusqu’à en saigner. Mais Haris m’arrêta et essaya de me calmer :

—Ainsi soit-il, c’est bête, mais nous ne pouvions pas le prédire. — Je voulais lui répondre, mais il ne me laissa pas faire — Viens, il faut se mettre à l’abri, ils ont fini de poser les explosifs, l’Arène va bientôt être rayer de la carte.

C’était à devenir chauve en s’arrachant les cheveux, ils ne comptaient tout de même pas faire exploser l’Arène et tuer des milliers d’innocents après ce que le roi venait d’annoncer ? Ils avaient perdu la tête. J’essayais de le convaincre rapidement, mais il ne voulait pas m’écouter et quitta les gradins. Je ne savais pas s’il fallait que j’aille essayer de les convaincre d’annuler l’explosion ou si je devais essayer de faire sortir le plus de gens possible, en partant du principe qu’ils ne se résoudront pas à arrêter leur plan. Comme je devais prendre très vite une décision, je choisis la deuxième option. Alors, je hurlais à tous :

—Il faut quitter l’Arène le plus vite possible, ils vont le faire exploser !

Les seules réponses, que j’obtins, furent des « qu’est-ce qu’il raconte » ou des « ça veut dire quoi exploser ? ». Voyant que ce ne serait pas comme ça que je pourrais les sauver, je décidais d’aller au centre de l’Arène et expliquais la situation au roi, lui dispose de l’autorité pour faire évacuer les spectateurs. Je descendis tout en bas des gradins et je sautai pour atterrir sur la terre où aurait dû se battre les prisonniers. Je courais aussi vite que mes jambes me le permettaient afin de rejoindre le roi. Mais j’entendis sa voix qui m’ordonna de m’arrêter, ceux qui ne m’atteint pas : je devais lui parler. Et deux soldats me barrèrent la route, alors que le roi était juste là, tout proche de moi. Je levai les deux mains en l’air et je dis :

—Mon roi, l’Arène va exploser dans très peu de temps, et… — je reprenais mon souffle difficilement, la course et mes combats m’avaient fatigué — tous les gens vont mourir… vous aussi, tous le monde doit partir !

Le roi s’introduisit entre les deux soldats et les écarta assez violement. Et, bien que je pouvais énoncer aisément ce que je voyais, je ne pus m’exprimer pendant quelques temps, à croire qu’on m’avait coupé la langue. Je m’étais demandé si je ne rêvais pas, si tout cela n’était qu’invention de mon esprit, mais non, tout était réel, aussi clair que l’eau d’une rivière, oui, le roi qui se tenait devant moi (et qui était légèrement plus grand), me ressemblait trait pour trait. Tous deux, nous avions ce long nez fin que je n’avais vu chez personne et qui n’étais posséder que par moi.

Le roi, qui bien qu’il soit un homme de mon âge était très charismatique et sa carrure imposait un respect, me dévisageait comme le ferait une personne qui s’apprêterait à acquérir un esclave, l’examinant dans les moindre détails afin de lui trouver un quelconque défaut à la marchandise qu’il voudrait acheter. Incompréhension et surpris, voilà comment je pouvais définir nos états. Il me demanda qui j’étais, mais j’esquivais sa question en lui expliquant la situation et qu’il fallait s’enfuir. Des frissons traversèrent tout mon corps et provoquèrent de la peur pour cet homme lorsqu’il me répondit :

—Mon but est d’anéantir l’humanité. Alors, si ces cloportes meurent maintenant, eh bien qu’il en soit ainsi. Je ne pleurerai pas leurs morts. Au contraire, ça me facilitera la vie.

Je ne savais quoi répondre à ça contrairement au soldat qui était à ma gauche qui semblait extrêmement énervé. Emplis de rage, il pourfendit le roi avec sa lance, ce qui, pour un être normalement constitué, provoquerait une douleur énorme (pouvant même entraîner une mort), mais Rex saisit la lance qui traversait son ventre tout en rigolant — c’était une moquerie comme s’il signifiait que ce que le soldat lui avait fait l’avait chatouillé.

Avec délicatesse et avec une touche de tendresse, il retira la lance qui était en lui. Il avait un trou en lui, mais cela ne semblait ne rien lui faire. Tous les trois et tout le stade comprenions que l’homme qui était juste là n’était pas ordinaire et de plus en plus de gens et moi également comprenions que ce qui était écrit dans la Bible était peut-être vrai : c’était un surhomme venu apporté destruction dans le monde. Nous, les trois personnes qui étions autour de lui, tombions par terre et nous voyions devant nous un miracle : le trou se refermait jusqu’à ne plus être ce qu’il était. Alors, il nous dit :

—Si l’Arène exploserait, je sais que je ne crains rien. Tant que j’ai la volonté d’accomplir ma tâche, je me régénérais et je vivrais !

Incroyable, c’était ce que je pensais de lui. J’étais absorbé par cet homme en tout point. Étrange parce qu’il souhaitait exterminer l’humanité, mais à ce moment-là, je ne voyais pas en lui un criminel, ni un démon, mais juste un homme semblable un soleil qui éclaircira le monde en tuant le monde. Je voulais l’aider, lui prêtait main forte car ce qu’il venait de dire m’avait touché au plus profond de moi. Depuis que ma famille est morte, je ne pensais qu’à libérer Adonis et maintenant qu’il voulait mourir, je n’avais plus rien à accomplir et, tout comme il l’avait dit et ce que pensais également, le monde n’était rien d’autre que haine et malheurs. Alors, si pour préserver de tous ces sentiments les générations futurs, il fallait exterminer l’humanité, aidons le seul homme capable de le faire : Rex, le roi, mon roi.

Mais participer avec lui à cet extermination, ne serait-ce pas une trahison ? Où seraient les sourires dans un massacre de masses ? Nulle part. Qu’est-ce que je devais faire ? Le suivre ou l’arrêter ? Collaborer ou le tuer ? Je ne pensais pas que j’aboutirais à une réponse rapidement, mais tout d’un coup : Boom. Finalement, l’explosion tant redouté et qui avais quitté mon esprit se produisit. Je perdis rapidement connaissance.

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