VII

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Je voyais également tous les regards des villageois qui se braquèrent sur moi. J’avais l’impression d’être entouré de murs, insensibles et froids, qui regardaient sans émotion disparaître l’un des leurs comme l’on détruit un murs d’une maison : les trois autres ne sont que spectateurs. Je serrai mon poing fort et je le frappai contre ma paume de mon autre main. Sans dire un mot, je repartis chez moi, le regard baissé ; le relevé aurait signifié voir le visage de nombreuses personnes que je ne voulais plus voir. Pas après pas, accélérant à chacun, je rentrais le plus vite possible, évitant le nain et d’autres personnes. Tellement que j’avais ouvert la porte avec violence que cette dernière se désolidarisa du mur et finit sur le sol. Mais ce n’était qu’un détail à mes yeux, je faisais comme si rien ne s’était passé et j’allais retrouver la dernière chose qui me rester : ma sœur.

Comme à l’habitude, je lui parlais à voix haute, même si je n’ai jamais de réponse, je me disais qu’elle devait tout de même m’entendre. Alors que je cherchais désespérément un soutien, elle me répondit. J’entendis sa douce voix. Telle une déesse ou plutôt un ange, rien qu’avec ses quelques mots qu’elle me soupira, je m’apaisai. J’oubliai ainsi tous mes problèmes, mon esprit n’était focalisé que sur Hécube, ma sœur adorée. Des larmes de joies coulaient sur mes joues, cela faisait tellement longtemps que je ne l’avais pas entendu. Elle avait juste dit : « Ales, reste avec moi », mais c’était amplement suffisant. Je l’ai pris dans mes bras et j’essayais de la serrer sans lui faire du mal. Je suis resté avec elle jusqu’à la tombée de la nuit. Oui, la dernière chose qui me reste, c’était elle, mais comme on le savait tous, et moi le premier, rien n’était éternel, tout était éphémère, surtout la vie.

Malheureusement, après trois ans de combat, ma sœur perdit la bataille. C’était arrivé quatre mois après qu’Adonis fut emmené par les soldats. Elle était partie pendant son sommeil, certainement après un beau rêve puisque quand je me suis réveillé, elle souriait, mais elle inerte. Je n’avais pas pleuré, son seul sourire m’interdisait d’être triste. J’étais resté toute la journée à l’observer, lui faisant des adieux et la remerciant. Je l’avais enterré dans l’intimité, à l’abri des gens malveillants qui habitaient mon village. Afin, je disais « mon village », mais je ne considérerais plus ses habitants comme digne d’habitait Samarie. Une fois que je l’avais enterrée comme le voulait notre tradition, je suis parti m’asseoir sur une chaise et je regardais pendant toute la nuit le feu de la cheminée brulé les quelques buches que j’ai coupées. Je réfléchissais à tout et à rien. D’obscures pensées me traverser la tête : me suicider, mourir, être tué… A quoi bon vivre ? Être seul, n’était-il pas la chose le plus difficile à supporter ? A présent, je le pensais.

Je me remémorai mes quelques bons souvenirs de mon enfance. Ces images du passé défilaient dans ma tête ; je souriais, c’était la bonne époque, j’étais heureux avec ma sœur et mes parents. Mais cette époque était révolue. Dans cette maison, l’héritage de mes parents, il n’y avait plus que le bruit des braises qui calcinaient. Je me levai et je saisis un couteau extrêmement tranchant. Je le pointai vers mon cœur, je n’avais qu’un geste à faire et je rejoignis les miens. Je tremblai, j’hésitai, mais je fermai mes yeux afin de tenter me convaincre d’effectuer le dernier geste. Oui, se sera ma preuve d’amour envers ma sœur : j’aurais toujours tout fait pour être avec elle. Si cette vie humaine ne voulait pas d’elle, certainement que la vie dans l’au-delà voudra d’elle. Allez Alès, vas-y, tue-toi. Le couteau s’était rapproché de mon cœur, mais je n’avais pas le courage de me suicider. Etais-je un lâche, ou juste un homme qui ne voulait pas mourir ? Oh, et puis merde, ça ne servait à rien de discutailler, un coup rapide et tout serait finit, toutes mes douleurs disparaitront. Alors, je pris le couteau à deux mains et je me préparai à le faire, mais au dernier au moment, je sentis une présence, un appui sur mon épaule. Je me retournai aussitôt, lâchant le couteau par la même occasion, je voyais à travers la pénombre mon père. Mon pauvre géniteur, qui était décédé, se tenait debout et me regardait. Je me frottai les yeux pour être sûr de ce je voyais, mais c’était bel et bien réel. Mais je l’avais mourir juste devant moi et nous l’avions enterré, il n’y avait aucune chance qu’il soit vivant. Je voulais dire plein de choses, mais je ne faisais que de bégayer. Alors, il ramassa le couteau et s’exclama :

—Heureusement que je t’ai arrêté, tu as failli faire une grosse bêtise.

Et il le posa sur la table. Je rigolais à moitié, mais à ce moment-là, je ne ressentais que de la honte. Mon père, en chair et en os, m’avait regardé m’essayer de me suicider. Qu’est-ce que j’étais bête. Je ne méritais plus d’être considéré comme un homme. Oui, ce que j’étais, c’était un moins que rien. Et finalement, j’éclata en sanglot. Revoir mon père, qui souriait jusqu’aux oreilles, m’avait rappelé la « promesse » que je lui avais fait : faire en sorte que personne ne soit plus jamais malheureux. J’avais échoué avec ma mère et Hécube, mais je pouvais encore améliorer le sort de dizaines de personnes. Mais surtout, je me suis rappelé ses dernières paroles : « J’espère que tu vivras longtemps ». Où diable avais-je la tête pour avoir oublier ça. Mes jambes, qui tremblaient énormément, cédèrent et me firent tomber à genoux, mais mon père me releva et me pris dans ses bras en me glissant ses quelques mots que lui seul avait le secret pour me réconforter : « Ne t’en fait pas, Alès, tu n’as qu’a vivre et je serais le plus heureux des pères ». Je séchai mes larmes et je lui disais que je ferais tout pour l’honorer.

Il me demanda d’aller chercher la clé qui était dans ma chambre. Je ne savais pas pourquoi il voulait que je lui emmène mais je m’exécutai sans broncher. Elle était sur ma table de chevet. Elle était toujours près de moi et le plus souvent, quand je sortais de la maison, je la prenais avec moi. Quand je la portais avec moi, c’était comme si j’étais une autre personne. Quand je demandais quelque chose, on faisait ce que je demandais sans poser de questions. Même si on m’avait interdit de l’avoir avec moi quand je sortais de chez moi, il m’arrivait assez souvent de la prendre tout de même. Je revenais dans la salle à manger où se trouvait mon père et je lui montrais la clé. Il sembla détourner le regard vers la fenêtre qui était derrière moi puis me fixa droit dans les yeux et m’informa :

—Cette clé est l’héritage des premiers habitants de notre planète, les fondateurs de ce monde. Garde-la toujours avec toi, elle te guidera. Et souviens-toi de ça : tu es l’héritier de la volonté d’Alexandre, celle de défendre les humains. Ne l’oublie pas, Alès, mon fils.

Je ne comprenais pas le sens de ses paroles, je n’étais même pas sûr d’être éveillé, ou je l’étais mais je devenais fou. Moi, le fils d’un vulgaire fermier, j’étais « l’héritier de la volonté » d’un certain Alexandre. Oui, je devais devenir barje. Mais je n’avais pas le temps de réaliser ce qu’il me venait de me dire que mon père sorti de la maison en insistant une dernière fois à quel point il m’aimait et que je devrais sourire plus souvent. Puis, il ferma la porte derrière lui. Je voulais le rejoindre parce que je ne comprenais pas pourquoi est-ce qu’il partait comme ça, mais quand j’ouvrit la porte, il n’était pas là. J’avais beau regardé à droite, à gauche, mais il s’était volatilisé. Non, ça devait être une hallucination, mais comment expliquer le fait qu’il m’avait touché ou encore le couteau qui était par terre et qu’il avait ramassé ? Je parti me coucher, l’esprit ailleurs, tentant de trouver une explication rationnelle à ceci, mais en vain…

Le lendemain matin, allongé dans mon lit, je fixais ma clé. Je ne sais pas ce que je cherchais exactement, mais je n’avais plus rien à faire. Alors oui, j’avais le champs, mais je n’avais aucune envie d’y aller pour travailler. Finalement, je restais dans le lit jusqu’à que l’astre soit au zénith puis j’allais faire une ballade dans la forêt. Je parti m’allongé sous un arbre jusqu’à que la nuit tombait, puis je rentrais. Je réitérais ce planning pendant plusieurs semaines. Bien évidemment, je n’allais plus à l’Église, hors de question d’y mettre ne serait-ce qu’un seul orteil.

La vie était bien triste seul, le seul son du silence sifflotait dans la maison. Les journées étaient longues et dénuées de sens : je n’avais aucun but précis. Certes, aider les autres et fin aux malheurs des uns étaient une cause noble et possible, mais je n’avais pas les épaules, ni la prétention pour le faire. Et pour ce qui était de cette « volonté », je n’y prêtais même pas attention. Mais plus jours avançaient, plus je me disais que ne rien faire était stupide, qu’il fallait voir à plus long terme. Certes, je ne saurai dire ce que le futur me réservait, mais il me fallait continuer à avancer. J’ai alors rapidement réfléchi à ce que je pourrai faire et la seule réponse pertinente que je trouvais, fût celle d’aller délivrer Adonis. Mais j’étais trop faible pour le sauver, à l’état actuel, le capitaine Thémis me battrait sans difficulté. Alors, je me décidai à sérieusement m’entraîner. Je fixai la date de la fin de la récolte (au moment où j’avais dit ça, on était au début du printemps) pour partir reconquérir Adonis. Pendant la journée, je n’utilisai aucun animal pour m’aider, je faisais tout à sueur de mon front. Puis, après le champs, je musclai mon corps à l’aide de tronc de bois que je portai. Très vite, il y avait quelque chose que j’avais compris : c’est qu’en ce bas monde, la seule chose qui m’appartient vraiment, c’est mon corps que je forge tous les jours.

En quelques mois, j’étais devenu un homme puissant, rivalisant avec la force d’un géant. Par un matin pluvieux d’automne, je pris ma clé, quelques provisions et un cheval et je partis pour Décapole. C’était là que devait être Adonis. C’était la plus grande ville des environs. En deux journées, j’arrivai à la ville à la tombée de la nuit. Je décidai de rester à l’écart de la ville et je dormi à l’extérieur des remparts. Le lendemain, j’irai chercher des informations.

Je fus réveillé par les rayons lumineux du matin. A peine le temps de s’éveiller que je me dirigeai vers la ville. Je redécouvrais cette ville, la dernière fois que j’y étais allé, c’était il y a plusieurs années. J’avais accompagné mon père qui vendait sa récolte. Naturellement, j’allai vers le marché, c’était le seul endroit que je connaissais encore. J’y entendais toute sorte de ragot, tous plus farfelu les uns que les autres. Mais un seul revenait sans cesse : la reine se serait fait tuer par un jeune général lors d’un coup d’Etat. N’étant pas quelque chose qui me préoccupé, je bousculai plusieurs personnes et je leur demandais s’ils savaient où se trouvait la prison. Une gentille vieille dame m’accompagna. Elle me fît même le tour de la ville. Je savais qu’on disait que plus on vieilli, plus on devient enclin à aider autrui, mais tout de même. A la fin de sa visite, elle termina par la prison et me demanda de l’argent. Je regardai ma bourse : je n’avais que trois pauvres pièces d’or. De bonté, je lui en donna une. Elle me remercia en me baisant mes pieds, mais je l’aidai aussitôt à se relever. Ce n’étaient pas des manières pour une personne de cet âge. En me remerciant une nouvelle fois, elle parti proposant ses services à un nouvel voyageur. J’observai la prison. J’étais devant l’entrée. Sans réfléchir, j’entrai, bien décidé à reprendre Adonis.

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