Chapitre 52 La loi du plus fort - Partie 2

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 Mais une désillusion attendait Jacob.

- Non ? Comment ça non ? Nous étions d'accord !

- Je suis désolé mais c'est impossible, lui répondit le fermier qui se tenait dans l'encadrement de sa porte, leur interdisant ainsi l'accès à sa maison.

- Nous avions un accord, insista Jacob.

- Je ne peux pas vous les donner.

- Est-ce que vous vous rendez compte des risques que nous avons pris ? Il y avait des dizaines de djaevels, et nous vous en avons débarrassé. Comme convenu, répéta-t-il en haussant le ton.

- Je comprends bien ce que vous dites, mais en y réfléchissant, vous ne l'avez pas fait que pour moi. Vous en avez profité aussi.

- Mais qu'est-ce que vous racontez ?

- Ces djaevels que vous avez tués, ils étaient sur votre route de toute façon, continua le fermier en croisant les bras. Vous les auriez sûrement éliminés même si je ne vous avais rien demandé.

 Jacob resta consterné devant une telle mauvaise foi. Bruggar quant à lui n'était pas décidé à rester aussi passif. Il s'avança vers le fermier en faisant craquer les articulations de ses poings.

- Je commence à perdre patience. Et vous n'avez pas envie de me voir perdre patience. Vous savez ce qui arrive à ceux qui ne respectent pas un contrat passé avec un satyre ?

- Écoutez, tout d'abord nous n'avons passé aucun contrat formel, tenta de se justifier le fermier. Et même si c'était le cas, qui m'obligerait à remplir ma part ? Il n'y a plus ni lois ni armée pour m'y forcer.

- Vous seriez surpris d'apprendre à quel point des soldats sont proches d'ici, intervint Halbarad avec un petit sourire.

- Non il a raison, répondit Bruggar à son ami. Il n'y a plus de lois. Chacun est libre de faire ce qu'il veut.

 Le satyre tira une dague de la sacoche qu'il portait en bandoulière et en menaça le fermier.

- Et si je vous faisais remonter ça de la taille jusqu'à la gorge pour vous forcer à respecter votre parole ? Qui m'empêcherait de prendre ce qui nous revient de droit ?

- Moi je vous en empêcherais, répondit Jacob en tirant son épée du fourreau.

- Ne t'avise pas de me menacer paladin, dit Bruggar la mâchoire serrée.

- Jacob je vous en prie, rengainez votre arme, demanda Halbarad qui avait la main sur sa propre garde.

- Lui d'abord.

 Bruggar bouscula le fermier contre sa porte et avança sa dague vers son estomac. Jacob fit un pas en avant, mais sa lame vint tinter sur celle de Halbarad, qu'il avait tirée pour protéger son ami.

- Je ne vous laisserais pas faire ça, cria Jacob.

- Il nous a promis des chevaux si on le débarrassait des djaevels. Je ne repartirais pas d'ici sans eux, assura le satyre.

- Ça suffit arrêtez tous, leur ordonna Hank.

 Il leur fit un signe de tête vers la porte, qui s'était ouverte pour laisser apparaître un petit garçon qui s'accrocha à la jambe de son père.

- Je vous en prie, les implora presque le fermier. J'ai une famille. Je dois les nourrir et les protéger. Sans mes chevaux, je ne pourrais plus travailler mes champs. Et si les djaevels reviennent et que nous devons fuir ? J'aurais besoin de mes chevaux pour les mettre à l'abri.

- Ce n'est pas notre problème, répondit Bruggar, mais en baissant néanmoins sa dague. Vous devez respecter votre engagement.

- Écoutez, vu le nombre de djaevels que nous avons tués, intervint Hank, vous ne devriez pas avoir de problèmes pendant un bon moment. Et vous ne pouvez pas mener plus d'un cheval à la fois pour vos travaux de toute façon.

- Je ne sais pas. Je ne peux pas…

- Il va falloir nous donner quelque chose si vous ne voulez pas que les choses dégénèrent, insista Hank en se faisant plus pressant. Nous avons aussi nos problèmes, et nous avons besoin de ces chevaux.

- Je peux vous en céder deux, proposa le fermier. C'est ma dernière offre.

- Nous étions d'accords pour quatre, s'emporta Bruggar.

- Deux ne nous permettrons pas d'aller jusqu'au bout de notre voyage, ajouta Halbarad sur un ton plus posé.

- Nous prenons les deux, dit simplement Jacob.

 Le satyre se tourna vivement vers lui, mais le paladin l'interrompit avant qu'il ouvre la bouche :

- Nous ne prendrons pas ces bêtes de force. Nous nous contenterons de ce que cet homme voudra bien nous céder.

 Bruggar poussa une nouvelle fois le fermier en grognant, mais s'éloigna malgré tout en rengainant sa dague. Halbarad le suivit après avoir jeté un regard légèrement défiant à l'égard de Jacob. Ce dernier attendit quelques instants qu'ils soient à bonne distance, puis rengaina son arme à son tour en poussant un soupir de soulagement. Il fit un signe de tête au fermier, qui lui désigna son écurie sur sa gauche et lui demanda de l'accompagner. Hank retint Jacob un peu en retrait afin de lui parler sans être entendu par le fermier.

- Vous avez bien réagi, lui assura-t-il.

- Vraiment ? Vu votre passivité, je vous aurais cru du côté de Bruggar.

- Je ne suis du côté de personne, répliqua Hank. Mais je pense que vous aviez raison.

- Pourquoi n'êtes-vous pas intervenu pour m'aider ?

- Si j'avais contrecarré Bruggar, les choses auraient sûrement dégénéré. Il ne m'aurait jamais écouté. J'ai jugé plus prudent de vous laisser régler ça. Mais je ne crois pas que Bruggar serait allé jusqu'au bout de sa menace. Il voulait juste faire peur à cet homme pour obtenir ce qu'il voulait.

- J'espère que vous avez raison, sinon nous ne tarderons pas à avoir un problème. Nous ne devons pas oublier que nous sommes du bon côté de la loi.

 Hank partit dans un fou rire.

- La loi Jacob ? Vous avez entendu cet homme tout à l'heure. Il n'y a plus personne pour la faire respecter. Il n'y a plus de loi.

- Mais il existe toujours des valeurs. Ce sont elles qui nous définissent.

- Quelles valeurs reste-t-il dans un monde où les humains s'entre-dévorent ?

 Un peu plus tard, les deux hommes rejoignirent Bruggar et Halbarad avec les chevaux. Les deux amis étaient occupés à nettoyer leurs armes et leurs vêtements à une rivière et ils ne levèrent même pas les yeux vers eux. Après quelques instants d'un silence glacial, Bruggar regarda finalement Jacob avec une colère féroce au fond des yeux. Aucun des deux ne comptait s'excuser, et ils le savaient très bien tous les deux.

 C'est pourquoi le satyre se redressa sans un mot, rassembla ses affaires et les cala sur la selle du cheval le plus proche de lui. Il en arracha les rênes des mains de Jacob et grimpa sur son dos. Halbarad jeta son sac sur l'épaule et sauta avec aisance derrière lui. Une légère tape sur la croupe de l'animal le fit partir au petit trot.

- Bon je crois que nous venons de décider comment nous nous partagerons les chevaux, dit Jacob sur un ton résigné.

- Estimez-vous heureux, répondit Hank avec un sourire. Ils auraient pu exiger les deux chevaux et nous forcer à marcher.

 Tout en lui rendant son sourire, Jacob se mit en selle et lui tendit la main pour l'aider à monter.

- Vous croyez que ces bêtes pourront nous porter jusqu'à Castelroi, s'inquiéta Hank.

- Nous ne pourrons pas les pousser, c'est certain, mais nous irons toujours plus vite qu'à pied. Et qui sait, peut-être en trouverons-nous d'autres en chemin.

- Sinon je serais obligé de voler celui de Bruggar pendant son sommeil, plaisanta Hank.

- Attention, vous savez le sort qui est réservé aux voleurs, renchérit le paladin.

- Je ferais bien de vous rendre la bourse que je viens de décrocher de votre ceinture dans ce cas, répondit Hank.

 Avec un petit rire, Jacob talonna sa monture et s'élança pour la suite de leur périple.

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