Chapitre 35 Mortelle solitude - Partie 3

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 La première étape serait sans doute la plus difficile, car elle allait devoir grimper jusqu'à la cime de la montagne. Le chemin ne serait pas très long, car ils s'étaient écrasés non loin du sommet, mais Sin fo ne savait pas comment Tabatha allait se comporter, ni si elle allait pouvoir grimper jusqu'en haut. Sin fo aurait pu la faire s'asseoir avec Hank, mais tant que la petite princesse pourrait avancer par elle-même, elle préférait économiser les forces du lopvent.

 Elle fit donc se lever son amie et lui demanda de la suivre. Tabatha leva la tête vers elle et, comme une enfant, lui tendit la main. Sin fo la serra dans la sienne, prit les rennes du lopvent dans l'autre main, et entama son ascension. Grâce à ses pattes puissantes, le lopvent avançait sans problème dans la neige épaisse. Sin fo l'aurait volontiers fait passer devant elle afin qu'il dégage un passage, mais les lopvents étant des animaux disciplinés par nature, ils refusent de marcher autrement qu'en suivant leur maître. S'il n'avait pas eu Sin fo sous les yeux, le lopvent aurait tenté de s'envoler, emportant Hank avec lui, et Sin fo n'aurait pas pu le suivre.

 Elle dut donc se résoudre à marcher en tête, traînant l'animal docile derrière elle, et Tabatha qui avançait en titubant, mais sans la ralentir vraiment. Sans en être vraiment sûre, Sin fo pensait reconnaître le paysage. Bien sûr, elle n'était venue sur cette montagne qu'une fois, plus de trois ans auparavant, et la neige modifiait le panorama, mais elle revoyait dans sa mémoire ce promontoire rocheux sur sa gauche, ainsi que cette crevasse sur sa droite. En levant la tête, elle vit qu'elle était presque au sommet. Elle parcourut les derniers mètres pliée en deux, avançant à moitié debout et à moitié en s'aidant de ses mains. La pente n'était pas très raide, mais la neige compliquait les choses et rendait les pierres dessous glissantes.

 Juste avant d'atteindre le sommet, Sin fo se trouva face à une paroi verticale, un véritable mur dressé sur son chemin. Pour continuer, elle allait devoir escalader. Cela n'était pas un problème, elle l'avait souvent fait, et elle était devenue assez douée. Pas autant que Hank - bien qu'elle soit plus agile - mais lui semblait plus à l'aise sur les façades des maisons que sur les parois des montagnes. Peut être tenait-il cette habitude de son passé... douteux. Sin fo s'imagina un instant son mari escalader des murs et s'introduire par des fenêtres à la faveur de la nuit pour cambrioler des honnêtes gens. Bien qu'elle trouve à cette image un petit côté grisant et romantique, elle la chassa très vite de ses pensées. Elle préférait continuer à considérer Hank comme il avait toujours été avec elle : un homme bon et intègre, prêt à tout risquer pour ses amis, et un mari exemplaire.

 Le problème allait être de faire grimper Tabatha. Elle avançait quand on lui demandait, mais Sin fo doutait que son amie puisse se hisser au dessus de la paroi. Elle tenta néanmoins de le lui demander, mais la petite princesse resta immobile à la regarder par dessous ses mèches de cheveux tombantes. Sin fo se contenta donc de la placer juste au pied de la paroi rocheuse. Elle fit ensuite s'avancer le lopvent, sur qui elle prit appui pour accéder plus facilement à la corniche. Les pieds bien campés sur la croupe de l'animal, elle bondit en avant et s'accrocha à la corniche. Le bord recouvert de neige lui glissa sous les bras, mais elle parvint à s'agripper avant de basculer en arrière. Prenant appui avec ses pieds sur la paroi rocheuse, elle se hissa sur le plateau à la force des bras.

 Sans perdre de temps, elle se retourna et se pencha au dessus de la corniche. Tabatha et le lopvent étaient toujours là, bien sûr. Quand elle réapparut au dessus d'eux, le lopvent leva la tête vers elle intrigué, mais Tabatha n'esquissa pas le moindre geste. Pourtant c'était son attention à elle que Sin fo aurait voulu attirer en premier. Elle dut appeler son amie plusieurs fois avant qu'elle ne lève la tête dans sa direction.

 Allongée sur le sol gelé, les bras tendus vers le bas, Sin fo essayait de faire comprendre à Tabatha qu'il fallait qu'elle lui donne les mains. La petite princesse comprit enfin, et lentement leva les mains au dessus de sa tête. Sin fo s'aplatit au maximum pour se rapprocher de son amie et parvint à saisir ses poignets après plusieurs essais. Serrant ses doigts autour des bras de Tabatha de toutes ses forces pour être sûre de ne pas la lâcher, elle plia ses bras pour la soulever. Tabatha était petite et menue, mais Sin fo eut néanmoins beaucoup de mal à la remonter, car elle n'avait presque pas de prises dans la position où elle se trouvait, et Tabatha ne fit aucun effort pour l'aider. Elle se laissa tirer par les bras, sans se plaindre, mais sans chercher à prendre appui avec ses jambes sur la paroi pour soulager Sin fo, ni même à s'agripper à la corniche pour ne pas glisser.

 Quand elle l'eut entièrement hissée à ses côtés, Sin fo roula sur le dos et resta étendue les bras en croix pour reprendre son souffle. Après un instant, elle demanda à Tabatha de rester à ses côtés, bien que la petite princesse n'ait pas esquissé le moindre geste. Sin fo savait qu'elle n'obtiendrait aucune réponse, mais cela la rassurait de lui parler. Elle voulait croire que son amie était toujours consciente à un certain niveau, et surtout le fait de parler l'empêchait de penser qu'elle était seule au milieu de nulle part. Sin fo ne put pas se reposer très longtemps, car après seulement quelques secondes, le lopvent commença à pousser de longs cris stridents pour montrer son impatience.

- C'est bon, c'est bon, cria Sin fo exaspérée.

 Elle se releva et se pencha par dessus la corniche. En la voyant, le lopvent lâcha un petit cri de joie.

- Tu ne pouvais pas te passer de moi trente secondes ? Animal stupide ! Allez, grimpe, dit-elle avec un soupir.

 Il n'en fallut pas plus au lopvent. Il déploya ses ailes d'un coup sec et s'envola dans les airs pour venir se poser lourdement aux côtés de Sin fo. Tout en frappant le sol de sa patte, le lopvent allongea le cou et frotta sa tête contre celle de Sin fo. Celle-ci le repoussa avec ses deux mains lorsqu'il tenta de lui lécher le visage avec sa longue langue visqueuse.

- C'est bon, c'est bon, arrête, ordonna Sin fo en riant. Tu es bien mignon, mais si je voulais un animal de compagnie, je choisirais plutôt un chien ou un chat. Enfin, quelque chose de plus petit, et surtout de moins collant.

 Le lopvent pencha sa tête sur le côté, comme s'il essayait de comprendre.

- Ne te triture pas l'esprit, ce ne sont que les divagations d'une femme qui parle toute seule. D'ailleurs si nous ne nous remettons pas vite en route, je risque de n'avoir plus personne à qui parler.

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