Chapitre 35 Mortelle Solitude - Partie 2

5 minutes de lecture

 Sin fo tenta de rallumer la torche, sans succès. La graisse s'était consumée trop rapidement, et n'avait pas eu le temps d'enflammer le bois, trop humide après avoir été traîné dans la neige. Sin fo devait trouver une autre solution. Elle commença par essuyer le bois des torches sur sa veste. Cela n'aida pas beaucoup, car sa veste aussi était humide depuis qu'elle s'était jetée dans la neige pour secourir Hank, mais c'était mieux que rien. Elle réfléchit pour trouver un meilleur combustible.

 C'est alors qu'elle se souvint d'une chose que Hank lui avait dit, lorsqu'ils venaient de se rencontrer. Sin fo voyait alors des lopvents pour la première fois, et elle avait voulu tout savoir sur ces étranges créatures. Hank n'était pas un spécialiste, mais il lui avait répété tout ce qu'il savait. L'anecdote la plus intéressante racontait que selon les légendes et les croyances populaires, les lopvents descendraient des dragons des temps anciens. Sin fo avait souvent entendu des histoires sur les dragons, contées par sa grand mère ou les ménestrels lors de fêtes au village, et si l'aspect de ces créatures mythiques différait beaucoup selon les versions, toutes s'accordaient sur un point : les dragons crachaient le feu.

 Peut être était-ce dû à la magie, et cela ne lui serait alors d'aucun secours, mais peut être était-ce dû à une réaction physique. Si tel était le cas, peut être que les lopvents avaient gardé cet attribut de leurs ancêtres en évoluant. Bien sûr, Sin fo ne s'attendait pas à voir son lopvent cracher un torrent de flammes, mais elle se devait d'essayer toutes les possibilités. Elle se demanda comment vérifier qu'elle avait raison, et son regard se posa sur son lopvent. Elle ne voulait pas lui faire de mal juste pour confirmer une théorie hasardeuse.

 Elle se retourna donc sur la dépouille de l'autre lopvent. Elle s'agenouilla à ses côtés et prit sa tête dans ses mains. Elle n'eut aucun mal à récupérer de la salive, car la longue langue violette de l'animal tomba dès qu'elle lui eut ouvert la mâchoire. Elle en badigeonna l'une de ses torches, et actionna son briquet. La flamme produite fut si intense que Sin fo dut éloigner la torche à bout de bras pour ne pas se brûler. Avec une exclamation de joie, elle planta la torche devant Tabatha et Hank.

 Les flammes étaient si chaudes que la neige fondait presque instantanément. Pour plus de sûreté, Sin fo décida d'allumer une deuxième torche. Elle prit beaucoup moins de précautions que la première fois, et enfourna le bois dans la gueule du lopvent. Quand elle mit la deuxième torche en contact avec la première, elle s'embrasa si vite que cela provoqua comme une petite explosion dont Sin fo ressentit le choc jusque dans l'épaule. Elle avait trouvé un merveilleux combustible. Elle ficha la torche dans la neige, de l'autre côté de la litière sommaire sur laquelle Tabatha et Hank étaient installés, afin qu'ils soient enveloppés par la chaleur.

 Maintenant que ses amis n'avaient plus rien à craindre du froid, Sin fo se remit au travail. Le couteau de Hank était une bonne arme, et elle parvint à écailler assez aisément la peau du lopvent. Elle découpa ensuite la chair. Elle n'était pas habituée à ce genre de travail, et les premiers coups laminèrent la chair plus qu'ils ne la découpèrent, mais elle prit rapidement le coup de main, et obtint très vite de belles tranches de viande saignante. Fière de son travail, Sin fo remplit la sacoche de Hank avec ce qu'elle avait coupé. Le tissu s'imbiba rapidement de sang, mais Sin fo n'avait pas le luxe de faire les choses proprement.

 Après avoir pris toute la viande qu'elle pouvait transporter, Sin fo pensa qu'il était temps de partir, et se ravisa. Elle ne savait pas combien de temps ses torches allaient brûler, et avec le temps qu'elle avait perdu, elle n'avait plus que quelques heures avant que la nuit ne tombe. Il fallait donc qu'elle fasse des réserves de combustible, car au beau milieu de terres inhabitées, le feu était son meilleur allié.

 Elle vida sa gourde et celle de Hank par terre, car l'eau n'était plus très fraîche, et remplit celle de Hank de neige bien tassée, qu'elle ramassa là où elle n'avait été ni piétinée, ni souillée par le sang. Elle voulait remplir la sienne avec de la salive de lopvent, mais l'animal mort n'en avait plus dans la gueule. Elle saisit son couteau et l'enfonça d'un coup sec dans la mâchoire de l'animal. Un mince filet de sang roula sur le manche de l'arme et le poignet de Sin fo. La jeune femme n'aimait pas vraiment ce qu'elle s'apprêtait à faire, car elle trouvait cela très violent, mais elle n'avait pas le choix. Tout en maintenant la tête de la bête contre le sol, elle tira la lame vers elle, ouvrant ainsi une large plaie dans la gorge du lopvent. Un liquide blanc translucide s'en échappa, et Sin fo tenta d'en récupérer le maximum dans sa gourde sans en mettre partout. Une fois cette opération achevée, Sin fo posa une dernière fois les yeux sur le lopvent et lui adressa une ultime prière de remerciement avant de s'en éloigner.

 Elle rangea toutes ses affaires dans ses sacoches, fixa celles-ci sur le dos de son lopvent, et resserra les sangles de sa selle. Elle entreprit ensuite de hisser Hank sur le dos de l'animal. Elle eut beaucoup de mal à le soulever. Sin fo était forte, compte tenu de sa taille et de sa corpulence, mais son mari pesait un certain poids, et surtout elle craignait d'aggraver ses blessures en le déplaçant d'une mauvaise manière.

 Bien qu'inconscient, Hank grogna plusieurs fois quand elle le tira par les bras, qu'elle le hissa tant bien que mal sur ses épaules et qu'elle fit basculer ses jambes de chaque côté de la selle. Dans son état, Hank ne pouvait pas se maintenir assis par lui-même. Sin fo glissa donc sa sacoche entre son dos et la selle pour le caler, elle lui serra les sangles aussi fort qu'elle le put autour de ses jambes, et elle lui attacha même les mains sur le pommeau de la selle. Ainsi harnaché, Sin fo était presque sûre qu'il ne tomberait pas. Elle le lâcha et recula d'un pas, tout en gardant les bras levés devant elle, pour apprécier le résultat et s'assurer que tout était bien sûr. Hank glissa dangereusement. Elle se précipita en avant, mais toutes les sangles le retinrent avant qu'il ne bascule. Il était simplement plié en avant, le dos voûté et la tête pendante sur ses épaules. Cela n'était certainement pas très confortable, mais c'était le mieux que Sin fo puisse faire.

 Les selles des lopvents n'étaient pas faites pour s'appuyer en arrière, car quand l'animal était lancé à pleine vitesse, l'idéal pour le cavalier était de se plaquer en avant contre le cou de sa monture, afin de ne pas être déséquilibré par la force du vent. Sin fo n'avait pas l'intention de faire voler le lopvent, mais de toute façon, il valait mieux pour Hank d'être courbé en avant qu'en arrière, cela risquait moins d'empirer ses contusions. Sûre que son mari ne risquait pas de tomber, Sin fo se mit enfin en route.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire William BAUDIN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0