Chapitre 30 Le rêve d'une vie - Partie 2

5 minutes de lecture

 L'homme, d'une soixantaine d'années, les cheveux clairsemés et la carrure imposante, la regarda d'un air sévère en lui disant :

- Je croyais que tu avais perdu cette mauvaise habitude.

 Puis ses sourcils se relevèrent et ses yeux exprimèrent du soulagement quand il continua :

- Je suis si heureux de te voir en bonne santé. Ne me refais plus jamais une peur pareille.

 Il l'attrapa par l'épaule et la serra contre lui. Sous le choc, Sin fo parvint à avaler sa brioche et à articuler tant bien que mal :

- Papa ! Mais enfin que fais-tu ici ?

- Je suis venu voir comment tu allais bien sûr. J'ai accouru dès que la petite Mabel m'a prévenu.

- Non, c'est impossible, dit Sin fo en se dégageant de son étreinte. Tu ne peux pas être ici.

- Et pourquoi cela ? C'est encore ma maison, et je refuse de la laisser à ce jeune homme qui t'a blessée.

- Un jeune homme ? Hank ?

- Non, ce n'est pas comme cela qu'il s'appelle. C'est le neveu de Krabs, tu sais celui qui nous fournit en légumes. Il a dit être ton ami, mais je ne l'ai pas laissé entrer.

- Le neveu de... Reg'liss est ici, demanda Sin fo en comprenant.

- Non, je t'ai dit que je ne voulais pas de lui chez moi. Tu es sure que tu es remise ?

- Non, je ne me sens pas très bien. J'ai l'impression de devenir folle.

- Tu as été blessée à la tête, il est possible que tu aies les idées embrouillées. Mais tu ne devrais pas garder de cicatrice.

 Sin fo n'écoutait déjà plus son père. Elle tâta son front et sentit une entaille sur sa peau. Elle avait dû faire une mauvaise chute. Sin fo était déjà persuadée d'avoir une hallucination. Il était impossible que son père soit ici avec elle. C'étaient probablement tous ces souvenirs de son enfance qui lui avaient fait espérer revoir son père. Des larmes lui embuèrent les yeux. Elle contourna son père et sortit en courant de la cuisine. Elle entendit la voix de son père qui criait son nom, mais elle ne se retourna pas. Cette voix était dans sa tête. Il fallait qu'elle sorte de cette maison. Elle devait retrouver Hank.

 Elle traversa le couloir et passa la porte qui donnait sur la cour. Elle fut stoppée net par le vent glacial qui soufflait, lui rappelant qu'elle n'était toujours vêtue que d'une robe de chambre. Elle observa la cour avant de rentrer, et se demanda comment la neige avait pu fondre avec le froid qu'il faisait. Elle retourna dans sa chambre. Elle ouvrit les portes de l'armoire en grand et se regarda dans le miroir qui était accroché à la porte de droite. Elle ne l'avait pas fait quand elle s'était réveillée, car elle ne cherchait que de quoi se vêtir, mais elle voulait voir de plus près la blessure sur son front.

 Ce qu'elle vit alors lui coupa le souffle. Le reflet dans la glace n'était pas le sien. En réalité, le miroir lui renvoyait l'image de son visage tel qu'il était lorsqu'elle était adolescente. Sin fo leva les mains devant son visage, et la jeune femme dans le reflet fit de même. Sin fo se passa les mains sur les joues, souleva les cheveux qui tombaient sur son front, et se rapprocha du miroir pour regarder le fond de ses yeux. C'était bien son reflet qu'elle avait en face d'elle, mais il ne portait pas les traces des huit années qui venaient de s'écouler. Sa peau était plus lisse, les fines rides sur son front avaient disparu, et les plis au coin de ses yeux s'étaient estompés. Même son teint, qui était devenu un peu plus halé après avoir vécu dans la vallée des revanis, avait retrouvé la pâleur de son enfance.

 En repensant aux revanis, Sin fo se pencha en avant pour regarder son visage de plus près. Lorsqu'elle avait fui la vallée avec Hank, ils avaient passé plusieurs jours sur les sommets, et le froid lui avait provoqué des engelures qui lui avaient laissé de petites marques sur le nez. Elle en avait été longtemps gênée, et elle tentait souvent de les camoufler avec du maquillage, bien que Hank lui ait assuré à maintes reprises qu'il trouvait cela mignon. Pourtant, en cet instant, elle aurait donné tout ce qu'elle avait simplement pour revoir ces petites marques. Des larmes roulèrent sur les joues de Sin fo. Toutes ces changements, c'était comme si ses souvenirs avaient été effacés.

 Quelques minutes plus tard, son père entra dans la chambre et la trouva en pleurs, agenouillée devant son armoire. Il s'approcha doucement, comme s'il craignait qu'elle ne s’enfuie à nouveau s'il faisait trop de bruit. Il s'agenouilla à ses côtés, la prit dans ses bras et lui tapota maladroitement l'épaule. Il n'avait jamais été très à l'aise lorsqu'il voyait sa fille pleurer. Sin fo se détacha de lui et s'essuya le visage avant de lui demander :

- Comment se fait-il que tu sois ici ?

- Cela fait deux fois que tu me poses cette question. En quoi est-ce tellement surprenant ? Où veux-tu que je sois, si ce n'est chez moi ?

- Alors c'est moi qui ne suis pas à ma place...

- Que dis-tu ?

- En quelle année sommes-nous ?

- Rassure-toi, l'hiver n'est pas passé, tu n'as été inconsciente que quelques jours.

- Réponds à ma question, je t'en prie.

- Mais... En 2917 bien sûr.

- En... Mais comment suis-je arrivée ici, dit Sin fo à voix basse en se passant une main sur le front. Et pourquoi suis-je ainsi ?

- C'est probablement le coup que tu as reçu sur la tête qui t'a un peu chamboulé l'esprit. Tu devrais te recoucher, je vais aller chercher le docteur, pour qu'il examine ta blessure.

- Non, le docteur ne pourra pas m'aider. J'ai seulement besoin de prendre l'air.

 Hogarth regarda sa fille en fronçant les sourcils. Sin fo connaissait bien ce regard. Son père le faisait chaque fois qu'il la soupçonnait de lui mentir ou de lui cacher quelque chose. Sin fo avait vraiment l'impression d'être redevenue une enfant. Heureusement, avec les années, elle avait appris à mentir convenablement.

- J'ai eu un petit moment de mélancolie, mais cela va mieux, je t'assure. Je serais de retour pour le dîner, ne t'en fais pas. Demande à Mabel de me préparer une assiette.

 Hogarth réfléchit une seconde, puis il lui répondit en souriant :

- D'accord, mais couvre-toi avant de sortir. Je ne tiens pas à ce que tous les garçons du quartier te voient dans cette tenue. En particulier cette fripouille de Lui Jen, il a une très mauvaise réputation.

- Promis, je me tiendrais loin de lui.

 Son père l'embrassa sur le front et quitta la chambre. Sin fo s'habilla en souriant. Si son père savait le genre de personnes qu'elle avait côtoyées, il s'arracherait les cheveux. Enfin, elle connaissait tout de même un membre de la famille royale, ce n'était pas rien. Sin fo perdit son sourire. Elle ne savait toujours pas ce qui était arrivé à Tabatha. Elle enfila un manteau et sortit rapidement.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire William BAUDIN ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0