Chapitre 29 Le jour d'après - Partie 1

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Hank flottait dans une sensation de douce chaleur. Une délicieuse torpeur engourdissait son corps et ses sens. Il n'entendait que le souffle du vent. Il ouvrit les yeux et fut aveuglé par une lumière éblouissante. Puis, petit à petit, la lumière s'estompa. Dans le même temps, une odeur âcre s'insinua lentement dans les narines de Hank, et divers bruits vinrent s'ajouter à la respiration du vent. Après quelques secondes de confusion, Hank s'aperçut qu'il était allongé dans un lit, une couverture remontée jusqu'au menton, et qu'il contemplait le plafond blanc d'une chambre. Il tourna la tête et vit que la lumière vive n'était que celle des soleils qui rentrait par la fenêtre ouverte. Hank voulut inspirer une grande bouffée d'air frais, mais il ressentit comme une décharge électrique. Il gémit en portant ses mains à son nez et constata que le haut de son visage était tuméfié. Il tentait de se rappeler ce qui lui était arrivé lorsque quelqu'un entra dans la pièce. Hank mit quelques secondes à reconnaître Indesit, qui était maintenant près du lit, et versait le contenu d'une carafe dans une bassine posée sur la table de chevet. Elle en répandit la moitié à côté quand Hank lui demanda :

- Où est-ce que je suis ?

- Hank ! Par tous les dieux, je n'avais pas vu que tu étais réveillé. Tu es chez moi.

- Comment suis-je arrivé là ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Tu ne te souviens de rien ?

Hank fronça les sourcils, et son nez endolori le piqua à nouveau. Il émit un petit gémissement avant de répondre :

- Je crois... Il y avait des djaevels, c'est ça ? Et aussi... Un homme. J'étais...

Hank se redressa d'un bond et agrippa Indesit par le col.

- J'étais seul avec eux ! Vous m'avez laissé seul ! Vous...

Hank lâcha Indesit et porta la main à son front. La jeune femme le poussa lentement contre les oreillers.

- Ne force pas trop, tu es encore très faible.

Hank laissa glisser ses doigts de son front à son œil bouffi.

- Qu'est-ce qui s'est passé bon sang ?

- Cet homme, avec les djaevels, il a essayé de te tuer, mais il semble qu'il en ait été incapable.

- Qu'est-ce que tu racontes ? J'étais complètement à sa merci.

- Je ne sais pas quoi te dire, je n'ai pas tout vu depuis l'auberge. Nous en avons beaucoup parlé avec les autres, je ne fais que te répéter ce qui a été dit.

- Tout le monde est resté à regarder, et personne n'est venu m'aider ?

Devant le regard de Hank, Indesit balbutia quelques mots avant de baisser les yeux. Elle n'était évidemment pas fière d'avoir abandonné son ami, et le fait que personne n'ait bougé ne rendait pas la chose plus glorieuse.

- Hank, je suis désolée, je...

- Raconte-moi.

- Très bien. Apparemment, l'homme a tenté de t'étrangler, mais il a soudain poussé un cri et t'a lâché, comme si ta peau lui brûlait les mains. Il a voulu serrer plus fort, puis il s'est relevé à toute vitesse. Il marmonnait en se tenant la tête dans les mains. Je crois qu'il entendait des voix. Il est tombé à genoux, a dit encore quelques mots, et il a semblé aller mieux. Il s'est relevé, s'est épongé le front et a ordonné aux djaevels de partir. Personne n'y croyait, mais ils se sont tous dirigés vers le pont, comme s'ils nous avaient totalement oubliés.

- Et l'homme ?

- Il t'a regardé quelques instants, t'a envoyé un coup de pied au visage, et il t'a laissé là.

- Je ne comprends pas. Il m'a dit qu'il allait me tuer. Pourquoi m'a-t-il épargné ?

- Je ne sais pas. Peut-être espérait-il que tu meures de froid. Tu étais frigorifié quand nous t'avons récupéré.

- Je suis resté longtemps dans la neige ?

- Jusqu'à ce que les soleils se lèvent. Nous pensions que tu étais... Je n'ose pas y penser. S'il t'était arrivé quelque chose, je...

- Où est Sin fo, l'interrompit Hank.

- Je ne sais pas.

Hank s'était de nouveau redressé. Indesit voulut le rallonger, mais il repoussa sa main.

- Il faut que je la trouve.

- Pourquoi ? Ce n'est pas elle qui a pris soin de toi. Elle n'est pas venue te chercher quand tu avais besoin d'elle.

- Elle était dehors. Je dois... Elle était dehors, répéta Hank.

Il porta une nouvelle fois la main à son front. Il était brûlant de fièvre et était pris de vertige. Indesit trempa un linge dans la bassine, s'assit à côté de lui et lui épongea le front.

- Tu n'as pas besoin de Sin fo. Je m'occuperais de toi.

- Que veux-tu dire ?

Pour toute réponse, Indesit se pencha en avant et embrassa Hank. Celui-ci posa ses mains sur ses épaules et la repoussa brusquement.

- Mais enfin qu'est-ce que tu fais ?

- Je t'aime Hank. Je t'ai aimé depuis le jour où tu m'as sauvé la vie.

- Sin fo est ma femme !

Indesit fit mine de ne pas l'avoir entendu et posa sa main sur le genou de Hank. Le jeune homme sortit de sous la couverture et se leva rapidement. Indesit l'attrapa par le poignet alors qu'il s'éloignait.

- Si Sin fo tient tant à toi, pourquoi n'était-elle pas avec toi hier soir ? Cette garce ne te mérite pas !

Hank dégagea son poignet et gifla Indesit. Il sortit de la chambre en laissant la jeune femme en pleurs agenouillée au sol. Il descendit les escaliers aussi vite que ses jambes chancelantes le lui permirent, traversa le rez-de-chaussée vide et claqua la porte d'entrée en sortant. Là, il eut un mouvement de recul instinctif dû à la forte odeur de charnier qui lui souleva le cœur. Les relents de chair en décomposition de la veille se mêlaient à ceux de chair calcinée. En effet, l'incendie brûlait toujours, et les habitants de Ts'ing Tao étaient occupés à y jeter les corps des djaevels qu'ils avaient éliminés. Hank se pencha en avant et vomit. Il resta quelques instants ainsi, la main sur le mur pour se soutenir, à respirer lentement pour s'habituer à l'odeur, puis il cracha, s'essuya la bouche d'un revers de manche et reprit son chemin. Il passa devant les quelques maisons qui le séparaient de l'auberge en marchant lentement, en trébuchant parfois, et en s'arrêtant souvent. La tête lui tournait toujours, et il était transi de froid, car Indesit l'avait presque entièrement déshabillé avant de le mettre au lit. C'est pourquoi Roussel resta sans voix lorsqu'il le vit entrer dans l'auberge, en caleçon et chemise. Hank fit quelques pas en direction de l'aubergiste, ouvrit la bouche, et s'effondra avant d'avoir pu lui parler.

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