Chapitre 4 Un serviteur dévoué - Partie 4

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 Kundall se stoppa une nouvelle fois au milieu d'un couloir. Pourquoi ce souvenir lui serrait-il ainsi la gorge ? C'est ce jour qu'il avait obtenu sa vengeance sur le destin. L'homme qui était responsable de sa vie misérable était mort, alors que lui avait survécu. Après le combat, l'homme en armure s'était aperçu de sa présence et lui avait demandé s'il voulait dire une dernière parole avant de mourir, mais Kundall lui avait proposé ses services, en précisant qu'il avait dessiné un plan la veille pour permettre aux hommes du sorcier de se repérer dans le château. Le maître des djaevels avait réfléchi un instant, puis lui avait ordonné de lui faire visiter les lieux.

 C'est ainsi que le vieux Kundall avait gardé sa place au palais. Il travaillait toujours comme majordome, il avait simplement changé de maître. Ce dernier était moins compréhensif et plus violent que le roi Albus, et il était arrivé plusieurs fois à Kundall d'avoir à subir sa mauvaise humeur, mais le vieil homme se sentait enfin à sa place. Après la mort du couple royal, le sorcier s'était rendu compte de la disparition de leur fille. Tous ses hommes avaient fouillé le château de fond en comble, en s'aidant de l'odorat de quelques djaevels, mais la petite Tabatha n'était nulle part. Kundall avait alors réalisé que l'ami d'enfance du roi, Jacob, ne faisait pas non plus partie des victimes. Il s'était rappelé des jeunes années du roi et s'était rendu aux écuries. Après une rapide vérification, il avait eu la certitude que quelqu'un avait emprunté le passage secret qui y menait. Il avait alors informé son nouveau maître que la princesse s'était probablement enfuie avec l'aide d'un paladin.

 Le sorcier était rentré dans un rage folle et avait tout détruit dans la pièce. Kundall n'avait évité d'être écrasé sous un meuble que de justesse avant de prendre la fuite. Un peu plus tard, son maître l'avait convoqué pour lui ordonner de retrouver la trace de la princesse. Pour que sa victoire soit complète, il fallait que toute la famille royale périsse. Kundall avait constitué une petite troupe d'espions, qu'il avait envoyée en ville afin de récolter des informations parmi les survivants. Ils étaient revenus bredouilles, car personne en ville n'avait vu la princesse, ou tout le monde refusait d'en parler. Le sorcier avait alors lâché ses djaevels dans Orinkunin, et en une nuit, il ne restait plus que quelques centaines de survivants dans la capitale. Puis les créatures étaient parties dans toutes les directions, afin d'envahir le royaume tout entier. Pendant deux ans, la princesse et son paladin affrontèrent à plusieurs reprises les djaevels, mais ils disparaissaient toujours avant que le sorcier puisse envoyer plus de créatures. Chaque nouvel échec augmentait la colère du sorcier, ainsi que son obsession de retrouver la petite Tabatha.

 Trois ans auparavant, Kundall avait retrouvé sa trace, dans une petite ville au nord du royaume. Il semblait qu'elle et Jacob étaient accompagnés de deux personnes supplémentaires, un homme et une femme. Ils avaient causé de nombreuses pertes aux djaevels sur place, et avaient disparu une nouvelle fois. Ce jour-là, Kundall avait redouté la réaction de son maître, mais ce dernier était resté étrangement calme. Il avait écouté le rapport de Kundall en silence, puis avait hoché la tête et l'avait congédié sans même menacer de le foudroyer sur place, comme il avait l'habitude de le faire. Mais son maître avait eu tort de rester serein, car après cela, la princesse avait complètement disparu. Depuis trois ans, ils n'avaient pas réussi à retrouver sa trace.

 Jusqu'à aujourd'hui.

 Kundall frappa à la porte, et rentra dans ce qui avait été le cabinet du roi. La pièce avait bien changé depuis que le sorcier en avait pris possession. De nombreux meubles avaient été fracassés, les rideaux étaient élimés, et les murs abîmés en plusieurs endroits. Les fenêtres aux carreaux brisés avaient été bardées de planches, et le lustre en cristal qui pendait autrefois au plafond était maintenant répandu aux quatre coins de la pièce. Le nouveau maître des lieux avait également lacéré les portraits des rois de jadis. Kundall avait un jour entendu dire qu'une maison reflétait la personnalité de son propriétaire. Il avait d'abord pensé que c'était des âneries, mais il devait reconnaître que cette pièce correspondait parfaitement au caractère sombre et violent de son maître. Lorsque Kundall rentra dans le cabinet, son maître n'était pas seul. Il se tenait au centre de la pièce, le bras tendu, et en face de lui, un homme flottait à quelques centimètres du sol et se tenait la gorge avec les deux mains. Le sorcier ferma la main, et le cou de l'homme craqua. Sa bouche se tordit dans un cri silencieux, et sa tête bascula en avant. Le sorcier lâcha son étreinte et le corps sans vie s'effondra comme un pantin grotesque.

– Je vais encore devoir nettoyer derrière vous, soupira Kundall.

– Préfères-tu que j'appelle quelqu'un d'autre pour me débarrasser des deux corps qui m'encombrent ?

– Je ne vous jugeais pas monseigneur. Qu'avait-il fait ?

– C'est plutôt ce qu'il n'avait pas fait. Lorsque je donne un ordre, j'entends qu'on le respecte.

– Le fait que je sois toujours vivant veut-il dire que j'ai toujours rempli vos attentes ?

– Au contraire, tu m'as déçu bien souvent. Mais j'aime ton esprit perfide.

– Vous avez bien fait de me faire confiance, j'apporte de très bonnes nouvelles. Je l'ai retrouvée ! Elle se cache dans un petit village tout au nord. Elle est sortie du royaume, c'est pourquoi mes espions ont mis tant de temps à la localiser.

– Je n'ai que faire de tes justifications, le rembarra le sorcier d'un ton cassant.

 Il fit le tour de son bureau et se laissa tomber lourdement dans son fauteuil. Il prit appui du bras droit sur l'accoudoir et se passa la main sur la joue.

– Le nord... J'aurais du y penser plus tôt, dit-il d'un air absent.

– Pourquoi ?

– Ta malveillance et ta lâcheté font de toi un larbin parfait, mais ce n'est pas l'intelligence qui t'étouffe, rétorqua le sorcier en se redressant. Si elle voulait m'échapper, il fallait qu'elle s'éloigne le plus possible d'ici. Et le fait de quitter le royaume lui permettait de sortir de mon champ de vision. Je n'ai que faire des terres gelées du nord et des sauvages qui y vivent. Je dois reconnaître que c'était astucieux de sa part. Mais elle n'aura fait que retarder l'inévitable. Préviens mes hommes, je veux qu'ils partent sur l'heure. Et dis-leur de ne pas s'inquiéter, je vais leur fournir suffisamment de djaevels pour fouiller la région de fond en comble.

– Que ferez-vous de ce village ?

– Qu'ils tuent tout le monde.

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