Chapitre 2 Et le temps passa - Partie 2

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 Fort de cet exploit, Hank passa ensuite le plus clair de son temps sur l'eau. Cependant, la créature qu'il avait tuée semblait être au sommet de la chaîne alimentaire du lac d'Incuna, et bien qu'il y ait eu après ce jour une profusion de poissons, aucun n'égalait la taille et la force de la créature. Hank chercha donc bien vite un autre moyen d'occuper ses journées.

 Il se lança dans la construction de plusieurs bateaux, qui servirent un temps à la pêche, puis les habitants d'Incuna les utilisèrent pour rejoindre le centre du lac. Cela faisait plusieurs mois que l'île était sortie des flots, et elle était recouverte d'une végétation basse mais dense. En effet, Sin fo avait remonté une gigantesque colonne de pierre pour fabriquer l'île, mais celle-ci avait charrié du fond du lac un limon incroyablement fertile. De nombreux oiseaux avaient nidifié sur l'île, car la végétation avait attiré des nuées d’insectes, et il n'y avait aucun prédateur. Sin fo et ses amis tentèrent de les chasser, mais seuls les talents de Hank parvinrent à les déloger. Il fallut ensuite nettoyer toute la surface de l'île avant de pouvoir y construire quoi que ce soit. Ils commencèrent par allumer des feux aux quatre coins de l'île et s'arrangèrent pour qu'ils se propagent très vite. Ils quittèrent l'île et laissèrent le feu accomplir sa tâche. En quelques heures, toute l'île s'embrasa. L'incendie dura toute la nuit, éclairant Incuna comme en plein jour, puis au petit matin, la colonne de fumée se mêlant aux nuages descendant de la montagne, une forte pluie éteignit les flammes en quelques heures. Sin fo, Hank et leurs amis reprirent leurs barques et retournèrent sur l'île, où il ne restait plus qu'une boue collante, mélange de terre et de cendre mouillée. Ils étaient venus avec des pelles et chargèrent cette boue dans leurs bateaux pour la ramener sur les rives et s'en servir comme engrais.

 L'opération de nettoyage dura presque deux semaines, mais au bout du compte, ils réussirent à débarrasser l'île de toute la boue qui la souillait. Sin fo usa de son pouvoir pour aplanir la surface de l'île, puis ils entamèrent tous ensemble la construction de leur ville. Ils démontèrent leurs maisons de bois pour récupérer les poutres et traversèrent le lac jusqu'à la rive nord. Alors que la rive sud était couverte de végétation, la rive nord, au pied de la montagne, était plus rocailleuse. Ils ouvrirent une petite carrière dont ils dégagèrent des pierres suffisamment grosses pour que Sin fo puisse les transformer en briques. Ils construisirent des maisons de briques et de bois, et dès que les murs étaient montés, Sin fo se chargeait de souder les pierres entre elles afin que les maisons ne tombent jamais. Ils construisirent une bâtisse un peu plus grande que les autres au centre de l'île, dans laquelle ils se réunissaient lorsqu'ils devaient prendre des décisions pour le groupe.

 Lorsque les hembras revinrent à la fin de l'automne, ils furent surpris de voir à quelle vitesse le village avait été construit. Ils s'installèrent aux abords de la forêt et y passèrent l'hiver, s'occupant des récoltes et aidant les habitants de Ts'ing Tao - ils avaient définitivement adopté ce nom pour leur ville - à construire plus de bateaux, et des pontons tout autour de l'île et des rives du lac afin de faciliter les allées et venues sur le lac. Comme l'année précédente, les hembras quittèrent Incuna à la fin de l'hiver, et les humains restèrent de nouveau seuls sur l'île.

 Quelques semaines après leur départ, Sin fo sentit qu'un grand nombre de personnes approchaient d'Incuna. Elle en fit part à Hank, qui s'étonna que les hembras redescendent déjà vers le sud, mais elle le détrompa aussitôt :

- Ce ne sont pas des hembras. De plus, ils arrivent par le sud.

- Des humains ? À moins que ce ne soient des djaevels, s'alarma soudain Hank.

- Je l'ignore, avoua-t-elle en se mordillant la lèvre. Je n'ai jamais eu l'occasion de sonder l'esprit d'un djaevel, je ne sais pas s'ils sont semblables à ceux des humains ou pas.

- Il faudrait envoyer un éclaireur.

- C'est trop dangereux, objecta Sin fo. Imagine qu'il s'agisse vraiment de djaevels.

- Je ne pensais pas y aller à pied, répondit Hank avec un sourire.

 Il siffla brièvement et son corbeau apparut presque immédiatement. Hank pouvait se faire obéir de presque tous les oiseaux, mais celui-ci passait beaucoup de temps avec le jeune homme, et avait besoin de peu de mots pour comprendre ses intentions. Lorsqu'ils étaient seuls, Hank parlait le langage des oiseaux avec Notsi, mais il savait que cela mettait sa femme mal à l'aise, aussi avait-il appris au corbeau à comprendre la langue des hommes.

 Il lui expliqua la situation en quelques mots, puis le corbeau partit à tire d'aile et disparut en quelques secondes. Sin fo essaya de le suivre en pensée, mais son esprit était trop occupé par le groupe qui approchait pour pouvoir se concentrer. Après environ cinq minutes, le corbeau revint se poser sur l'épaule de Hank et lui fit son rapport. Sin fo attendit fébrilement la fin de leur échange et demanda :

- Alors ?

- Il dit que ce sont des humains, comme nous. Ils sont plusieurs, au moins aussi nombreux que notre groupe.

- Des humains ? En est-il sûr ?

- Je sais à quoi tu penses. Je lui ai demandé s'ils étaient vivants ou morts, mais il n'a pas compris où je voulais en venir. Pour lui les vivants marchent et les morts ne bougent plus.

- Il ne peut pas nous dire s'il s'agit d'humains normaux ou de djaevels, s’étonna Sin fo.

- Attends une seconde. Je réessaie.

 Hank produisit quelques croassements et claquements de bouche qui firent frissonner sa compagne, et l’oiseau s’agita avant de pousser un long cri rauque et de s’envoler.

- Il est vexé que je ne le croie pas. Il n’a jamais vu de djaevels. Pour lui, des humains ce sont des humains, point.

- Nous ne sommes pas plus avancés, résuma Sin fo en faisant la moue.

- Qu'est-ce qu'on fait ?

- En premier lieu, nous prévenons les autres. Nous ne pourrons pas nous défendre seuls.

- On ne va pas se comporter comme avec les hembras il y a un an et demi, n'est-ce pas ? Dis-toi que ces gens ne nous veulent pas forcément de mal.

- Je ferais ce qu'il faut pour défendre Ts'ing Tao, répondit résolument la jeune femme.

- Seulement défendre ?

- J'ai retenu la leçon ne t'en fais pas. Allons avertir tout le monde.

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