Chapitre 20 Une étape reposante ? - Partie 1

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 Les jours suivants s'écoulèrent lentement. Sin fo et Jacob aidaient aux tâches de la maison, tandis que Tabatha passait presque toutes ses journées avec Hank, autant pour lui tenir compagnie que parce qu'elle n'avait aucune envie de rester avec les enfants de son âge. Un matin, environ une semaine après qu'ils soient arrivés en ville, Tabatha descendit chercher de l'eau pour Hank et se retrouva nez à nez avec un jeune garçon aux cheveux frisés. Tabatha était persuadée qu'il allait prendre ses jambes à son cou, comme tous les autres, à qui leurs parents avaient dû dire de la fuir comme une djaevel pustuleuse. Après tout elle s'en moquait. Elle était une princesse, cela ne l'intéressait pas de jouer avec ces idiots. Pourtant, à sa grande surprise, le garçon lui tendit la main et se présenta :

– Bonjour, je suis Maximilien Strauss, mais tu peux m'appeler Maxou. Tout le monde m'appelle Maxou. Toi tu es Tabatha c'est ça ? C'est un joli nom. Je n'ai pas eu le temps de me présenter l'autre soir et depuis il semblerait que tu évites le contact avec les occupants de cette demeure, à part avec tes amis bien sûr.

 Comme Tabatha ne lui répondait pas, il enchaîna :

– Ou peut-être est-ce ta famille ? Le grand homme chauve serait ton père alors ? C'est étrange, tu ne lui ressembles pas du tout. Bien sûr, cela ne veux rien dire. Moi-même je suis le seul à avoir les cheveux frisés dans ma famille.

 Retrouvant l'usage de la parole, Tabatha agita ses deux mains devant le visage du garçon pour le faire taire et lui demanda :

– Stop, ça suffit, tais-toi ! Qui es-tu enfin ?

– Je te l'ai dit, Maximilien Strauss, répondit le garçon un peu surpris. Tu peux m'appeler Maxou, rappela-t-il machinalement.

– Qu'est-ce que tu me veux, demanda Tabatha sur la défensive.

– Te saluer, voilà tout. D'ailleurs, sans vouloir passer pour quelqu'un de faible, mon bras commence à fatiguer, alors si tu pouvais me saluer à ton tour, nous en aurions fini avec les formalités.

 Tabatha baissa les yeux et vit qu'il avait toujours la main tendue. Elle la lui serra avec un sourire. Ce garçon était bien étrange.

– Enchantée Maxou. Moi c'est Tabatha, mais tu le savais déjà.

 Maxou se pencha pour lui faire un baise main. La petite princesse s'en amusa, car il ne le faisait pas vraiment selon les formes. Mais il l'avait fait avec spontanéité, et pas mécaniquement à la manière des gens de la cour quand elle était petite.

– Tout le plaisir est pour moi, répondit-il en se redressant.

– Peux-tu me rendre ma main maintenant ? J'avais quelque chose à faire avant que tu ne me rentres dedans.

– Seigneurs, je n'avais pas réalisé que je t'interrompais dans une activité. Permets-moi de t'assister pour me faire pardonner.

– Ce n'est rien d'important, j'allais chercher de l'eau pour Hank.

– Secourir un ami dans le besoin, quelle noble quête ! Une belle âme se cache derrière ce doux visage.

 Tabatha sentit ses joues s'enflammer.

– Ne te moques pas de moi, dit-elle en le tapant doucement sur l'épaule.

– Jamais je ne pourrais me jouer de la belle qui a su ravir mon cœur.

– Tu vas un peu vite en besogne, nous nous connaissons à peine.

– L'amour ne souffre pas de délai, assura Maxou très sérieusement.

– Cesse de t'exalter et suis-moi, décréta la princesse en levant les yeux au ciel et en le saisissant par la manche.

 Ils passèrent par la cuisine pour récupérer un broc d'eau et des verres, et remontèrent les escaliers jusqu'à la chambre de Hank. Tabatha poussa la porte sans frapper et découvrit Hank de dos, debout devant la fenêtre ouverte.

– Tiens, ça y est enfin. Tu comptes me montrer comment tu t'y es pris pour te mettre le dos dans cet état ? On n'est qu'au premier étage, je crains que ce ne soit pas aussi impressionnant.

– Très drôle. En fait j'en avais assez d'attendre mon eau, alors j'ai décidé de me lever et d'y aller moi-même.

 Le jeune Maxou s'avança vers Hank en tendant la main et lui dit :

– Excusez la demoiselle monsieur. C'est entièrement ma faute si elle a, bien malgré elle, manqué à son engagement. Je l'ai en effet accaparée pour mon seul plaisir, sans réfléchir aux conséquences que cela pourrait entraîner.

 Hank écarquilla les yeux tandis que le garçon parlait, et Tabatha pouffa de rire devant son expression. Il demanda à la princesse :

– C'est qui ton ami ? Il parle bizarrement.

– Il s'appelle Maxou. Il est drôle, n'est-ce pas ? Serre-lui la main, dit-elle avec un mouvement de menton, ou il va encore avoir mal au bras.

– Ah oui, bien sûr. Excuse-moi petit, dit Hank en s'empressant de s’exécuter. Je suis content de te rencontrer, et de savoir que Tabatha a un ami ici.

– J'espère être plus qu'un ami.

– Pardon ?

– Oui, il s'est mis en tête qu'il était amoureux de moi.

 Hank éclata de rire.

– Mon pauvre Maxou, tu ne sais pas à quoi tu t'exposes ! Un conseil Taby, ne parle pas de ça à Jacob.

 Les deux jeunes restèrent encore un peu avec Hank, puis ils le quittèrent afin qu'il puisse se reposer un peu. Une fois les enfants partis, Hank s'allongea avec raideur sur son lit. Il s'était bien remis de ses blessures dans l'ensemble, mais ce n'était pas encore la grande forme. Il poussa un long soupir. Il s'ennuyait ferme dans cette pièce, d'autant qu'on était au milieu de la matinée, et que Sin fo ne viendrait pas le voir avant le déjeuner.

 Moins d'une heure plus tard, la fatigue et l'ennui agissant de concert, Hank s'était assoupi. Il commençait à peine à voir se dessiner le brouillon d'un rêve lorsqu'il fut réveillé en sursaut. Il se passa les mains sur le visage et tourna le regard vers la fenêtre. Sur le rebord extérieur, un moineau prenait le soleil dans l'air frais du matin en chantant gaiement. N'aimant pas être tiré de son sommeil, Hank sentit l'impatience le gagner et hurla :

– Silence !

 À sa grande stupeur, l'oiseau lui obéit et s'arrêta net. Il se retourna et regarda Hank sans bouger, comme s'il attendait de nouvelles instructions. La curiosité piquée au vif, Hank était tout à fait réveillé à présent. Il voulait tenter autre chose. Il pointa l'index vers le pied de son lit et ordonna :

– Viens ici.

 Sans une once d'hésitation, le moineau s'envola à travers la chambre et vint se poser en douceur sur le panneau de bois aux pieds de Hank. Celui-ci n'en crut pas ses yeux. Il tendit la main, et l'oiseau qui était jusque-là immobile s'ébroua, comme s'il sortait d'une transe, et commença à s'éloigner, retrouvant sa crainte instinctive de l'homme. Hank n'eut qu'à lui dire de ne pas avoir peur et d'approcher pour que l'animal sautille sur la couverture jusqu'à son bras sans la moindre appréhension. Hank se frotta la nuque en soufflant :

– C'est dingue ça...

 Au même moment, Sin fo entra dans la pièce en claquant la porte et fit s'enfuir le moineau. Hank se leva d’un bond et courut à la fenêtre pour l'empêcher de partir, mais l'animal avait disparu. Sin fo s'exclama :

– Mon amour tu es debout ! Tu vas mieux alors ?

– Quoi, demanda Hank en tournant furtivement la tête vers sa femme. Ah oui, oui, ça va mieux. Écoute, il m'arrive une chose incroyable.

– C'est vrai que te remettre d'une telle chute en moins de huit jours, c'est un vrai miracle, répondit Sin fo en s'avançant vers lui et en tâtant le bas de son dos.

– Il ne s'agit pas de ça. Je crois que j'ai dressé un oiseau.

– Et cela ne t'as pris que quelques jours ?

– Tu ne comprends pas, j'ai fait ça il y a quelques instants.

– Je ne te suis pas.

– Il suffisait que je lui donne un ordre pour qu'il l'accomplisse, sans que j'ai à faire le moindre effort. C'est comme s'il avait été hypnotisé par ma voix.

– Es-tu sûr de cela ?

– Oui, il paraissait apprivoisé, et l'instant d'après, complètement effarouché.

– Tu veux bien me montrer, demanda Sin fo avec intérêt.

– Si j'arrive à le retrouver.

 Ils s'accoudèrent tous les deux à la fenêtre et scrutèrent le jardin à la recherche du moineau, mais ils ne le virent nulle part. Hank tenta de l'appeler :

– Petit, petit. Allons reviens, ne crains rien. Petit, petit !

 Sin fo pouffa de rire.

– Tu es très mignon quand tu fais cela.

– C'est ça, moque toi, maugréa Hank, ça va me faciliter les choses.

– Je ne dis plus rien, s’excusa la jeune femme en passant le pouce et l’index sur ses lèvres.

 Hank reprit son observation et aperçut du mouvement dans les branches d'un arbre.

– Viens ici, répéta-t-il.

 Un corbeau surgit de sous les branches, vola directement jusqu'à la fenêtre et se percha sur l'épaule du jeune homme.

– Tu as vu ça, demanda-t-il ravi en se tournant vers Sin fo.

 Il s'était attendu à la voir admirative, ou au moins étonnée, mais sûrement pas à voir cette expression de terreur sur son visage.

– Qu'est-ce qui t'arrive, la questionna-t-il inquiet.

– Comment as-tu fait cela ?

– Quoi ?

– Tu as parlé une drôle de langue. Tu as... croassé, éclaircit-elle avec une légère grimace.

– Quoi ? Non, j'ai parlé normalement.

– Je t'assure, c'était véritablement sinistre.

– Je ne m'en suis pas rendu compte.

– Éloigne cette bête, je t'en prie.

– Pourquoi ? Il n'est pas méchant, s'étonna Hank en donnant son doigt à mordiller au corbeau.

 Sin fo se recula d'un pas, ne quittant pas l'animal des yeux, l'effroi toujours visible dans son regard. Hank demanda au corbeau de partir, et celui-ci s'exécuta aussitôt. Sin fo tressaillit en l'entendant émettre à nouveau un croassement.

– Où as-tu appris à parler aux oiseaux ?

– Nulle part. Je n'ai pas l'impression de parler une autre langue. Pourquoi est-ce que cela t'effraie autant ?

 Sin fo déglutit difficilement avant de lui répondre :

– Il y a quelques temps, j'ai fait un horrible cauchemar dans lequel un corbeau devenait fou et tuait Reg'liss. Quand j'ai vu cet oiseau s'élancer vers nous, j'ai vraiment cru qu'il allait nous faire du mal.

– Je croyais que tu ne faisais plus de cauchemars.

– Plus depuis quelques temps, mais cet animal a réveillé cette peur en moi.

 La jeune femme s'était mise à trembler de tout son corps. Son mari la prit dans ses bras.

– Je t'ai déjà dit que rien ne permettait d'affirmer que ton ami était mort.

– Nous ne pouvons pas non plus être surs du contraire. Il faut que je sache Hank. Il faut que nous rejoignions Ts'ing Tao au plus vite.

 Lorsque Tabatha et Jacob les rejoignirent aux alentours de midi pour prendre leur déjeuner avec eux, ils décidèrent de reprendre leur route le surlendemain. Jacob regrettait de quitter cette maison, qui offrait un abri relativement sûr à Tabatha et qui leur permettait de passer du temps avec d'autres personnes. En particulier Falmina, qui était gentille et généreuse, et qui malgré l'âge avait su conserver son charme. Jacob allait avoir beaucoup de mal à la quitter, mais malgré leurs différences et leurs désaccords, Sin fo et Hank étaient devenus ses amis, et il savait que ce serait un crève-cœur pour Tabatha de les voir partir. Ainsi, bien qu'il avait l'impression qu'on lui forçait un peu la main, sa décision était prise. Il était temps pour lui de remettre sa vie entre parenthèses et de reprendre la route.

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