Chapitre 15 Un retour possible ? - Partie 1

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 Sin fo et Hank se tenaient debout côte à côte sur la plage, le regard fixé sur l'horizon. La veille, ils avaient fait leurs adieux à tous leurs amis. Iaevr leur avait déconseillé de partir, Taepin et sa femme leurs avaient souhaité bonne chance, et Titae avait pleuré. Mais rien ne pouvait ébranler la volonté de Sin fo.

– Tu es sûre de toi sur ce coup-là, demanda Hank alors qu’il sentait son angoisse rouler dans son estomac au même rythme que le ressac de l’océan.

 Sa femme ne lui répondit pas tout de suite. Elle arracha son regard aux vagues pour le diriger lentement vers la jungle et les montagnes. Elle réfléchit un long moment et finit par se tourner vers lui, les sourcils légèrement froncés et se mordillant la lèvre, et lui dit ce simple mot :

– Non.

 Le jeune homme posa une main sur sa joue, l’embrassa tendrement, puis se recula en souriant et conclut :

– C'est bien ce qu'il me semblait. Allons-y alors.

 Ils ramassèrent leurs sacs, les mirent sur leurs épaules, et vérifièrent que leurs armes étaient bien fixées. Quelques temps après leur retour à Zivatanerae, Sin fo avait demandé à Iaevr où elle pouvait se procurer une arme, car les entraînements quotidiens qu'elle pratiquait depuis l'enfance lui manquaient. Le vieux roi lui avait fait forger une magnifique dague sertie d'or et de pierres précieuses. Sin fo l'avait d'abord remercié chaleureusement, puis avec toute la diplomatie dont elle pouvait faire preuve et après d'âpres tractations, elle avait réussi à l'échanger contre une arme plus simple, à la lame recourbée, lui rappelant ainsi son ancien cimeterre. Hank quant à lui s'était vu offrir par les gardes du palais une lance semblable à celles qu'ils utilisaient, et avait passé quelques semaines à se perfectionner à son usage.

 Ils rejoignirent Vaen qui les attendait en retrait, quelques mètres plus loin. Ils grimpèrent sur son dos, Hank devant Sin fo, et l'animal s'envola en projetant un tourbillon de sable. Il volait lentement, en battant paresseusement des ailes. Ni Sin fo ni Hank ne parlaient. Ils regardaient la mer qui ondulait sous leurs pieds, et jetaient de temps en temps un regard en arrière.

 Après une grosse demi-heure de vol, Hank demanda à Vaen de s'immobiliser. Le cheval balançait ses ailes pour se maintenir en vol stationnaire. Hank regarda en arrière, vers la terre qui avait été leur foyer durant quatre années, et jaugea la distance parcourue.

– Si ma mémoire est bonne, on y est.

– Écoute Hank, commença Sin fo en posant sa main sur l'avant-bras de son compagnon, si jamais nous ne nous en sortons pas, je voudrais te dire...

– Pas un mot de plus ! Nous n'allons pas échouer. Ton plan est le meilleur qu'on pouvait avoir, et on s'en sort toujours toi et moi ! Le poids de nos sacs devrait suffire à nous entraîner au fond. Pour la suite, c'est à toi de jouer.

– D'accord, dit-elle avec un sourire peu assuré. Allons-y.

 Hank prit le cou de Vaen dans ses bras.

– Merci pour tout mon ami, dit-il la gorge serrée. J'espère qu'on se reverra un jour.

 Puis, se tournant vers Sin fo :

– Je t'attends en bas, ne tarde pas trop.

 Il passa sa jambe droite par dessus l'encolure de Vaen, puis il plongea tête la première dans les flots écumants.

– Désolée de te laisser derrière, dit-elle en lui caressant la crinière, des larmes au coin des yeux.

 Elle étreignit le cheval à son tour, prit sa respiration et sauta. Son sac la fit couler comme une pierre. Elle s'enfonça dans des eaux de plus en plus froides et sombres. Pour descendre plus rapidement, elle battit des pieds, effrayant au passage les poissons qui nageaient autour d'elle. Parvenue au fond, elle eut un peu de mal à repérer Hank, aussi bien à cause de l'obscurité qui régnait que du sel qui lui brûlait les yeux. Lorsqu'elle le trouva enfin, il lui fit de grands signes en direction du sable au fond. Tendant le pouce pour lui dire qu'elle avait compris, elle tenta d'user de son pouvoir.

 D'interminables secondes s'écoulèrent ainsi, tandis que Hank la regardait et que rien ne se produisait. La jeune femme luttait de tout son être contre l'irrépressible besoin d'oxygène, se concentrant pour sentir la faille dans la densité du sol. Tout à coup, Hank lui toucha l'épaule et porta la main gauche à sa gorge, pour lui faire comprendre qu'il n'avait plus d'air. Il commença à battre des pieds pour remonter vers la surface, mais Sin fo le retint en lui agrippant le poignet. Elle avait senti le flux magique monter en elle, et savait maintenant exactement où creuser.

 Elle tendit la main et un trou béant s'ouvrit sous leurs pieds. L'eau s'engouffra dans ce boyau et ils furent entraînés par le maelström. Pendant de longues secondes, ils furent ballottés par le courant dans l'étroit conduit creusé par Sin fo, puis ils jaillirent à l'air libre. Ils chutèrent dans le vide quelques instants, avant de s'immobiliser, puis de repartir vers la nappe de sable flottant au dessus d'eux. Ils n'eurent que le temps de se protéger la tête avant de heurter violemment la paroi.

 Les deux compagnons se relevèrent, le corps endolori, en pataugeant dans le sable détrempé. Un vertige les saisit au même moment, qui les força à fermer les yeux. Lorsqu'ils les rouvrirent, toute leur perception du monde était inversée. L'océan était maintenant sous leurs pieds, et autour d'eux s'étendait à perte de vue la mer de sable. Ils étaient de retour à Vadkraam.

 Sin fo s'occupa de reboucher le trou par lequel l'océan continuait de s'écouler, puis elle solidifia un petit espace de sable, avant qu'ils ne soient tous deux ensevelis par les sables mouvants. Enfin, ils s'assirent par terre et soufflèrent un moment.

– On revient de loin, haleta Hank en se penchant en arrière et prenant appui sur ses bras. Pourquoi est-ce que tu as mis autant de temps ?

– Le sable ne réagit pas comme la pierre ou la terre, se justifia Sin fo. Il a d'abord fallu que je ressente le flux magique. Faire de la magie, ce n'est pas faire ce qu'on veut n'importe comment. Il s'agit de comprendre le monde qui t'entoure et de le modeler à ta convenance, mais tu ne peux pas créer à partir de rien.

– La magie... Il n'y a pas de quoi s'extasier alors !

– C'est comme tout, il y a des règles à respecter, établit Sin fo en haussant les épaules. Ce serait trop facile sinon, tu ne crois pas ?

– Tu as raison. Et même si c'est contraignant et difficile, je t'envie. C'est un vrai don que tu as.

 La jeune femme considéra son compagnon quelques instants en silence avant de lui dire :

– Tu pourrais peut-être en faire autant.

– Quoi, ouvrir des murs en deux et faire trembler le sol ?

– Pas nécessairement ces choses-là, mais d'autres. Tu as peut-être ton propre pouvoir toi aussi.

– Crois-moi, si j'avais pu faire tomber la foudre d'un simple regard, la tête de Iaevr aurait éclaté comme une courge avant qu'il ne puisse me mettre au trou !

 Sin fo éclata de rire.

– Je ne savais pas que tu avais un si mauvais fond !

 Hank pensa, mal à l'aise, que les os de Reg'liss se trouvaient peut-être juste au dessus d'eux. Par sa faute.

– Tu serais surprise, répondit-il en se composant un sourire carnassier surfait et en fronçant les sourcils de façon grotesque. Plus sérieusement, on ne va pas rester ici trois jours. D'autant que le plus dur reste à faire. Tu te sens d'attaque ?

 Sin fo leva la tête et regarda en l'air pendant un long moment avant de répondre :

– Nous ne le saurons qu'en essayant. Et puis je n'ai pas vraiment le choix, nous ne pouvons plus reculer.

– Je peux faire quelque chose pour t'aider ?

– Me laisser me concentrer. Et ne surtout pas bouger.

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